Cet article propose une nouvelle définition du motif économique et bouleverse considérablement les principes législatifs et jurisprudentiels qui l’encadrent. En bref, ce texte assouplit, une fois de plus, la notion de difficultés économiques justifiant le licenciement économique, même si la version initiale, qui prévoyait une définition du motif économique différente d’une branche à l’autre, a été abandonnée.
Les motifs avancés pour justifier cette facilitation sont la relance de l’emploi et la lutte contre le chômage, alors que, depuis trente ans, des assouplissements considérables ont été apportés pour faciliter les licenciements. Assouplissements qui, comme le rappelle justement Rachel Saada dans une analyse des coups de boutoir apportés au code du travail, n’ont eu aucun impact sur le chômage dans notre pays !
Cet article porte le risque que des sociétés qui ont un projet de restructuration jouent sur des artifices comptables, des flux financiers entre entités du groupe pour entrer dans le champ de cette nouvelle définition et justifier les licenciements.
Par ailleurs, quand une société appartenant à un groupe procède à un licenciement économique, le Gouvernement, d'ailleurs en accord avec la majorité de la commission des affaires sociales, prévoit que ces difficultés économiques ne soient plus appréciées au niveau mondial – principe pourtant dégagé par la jurisprudence – mais au seul niveau de la France. On voit bien la facilitation permise pour licencier ! Un groupe pourra fermer une entreprise en France alors qu’il dégage des profits dans les autres pays pour la même activité.
De plus, non seulement cet article enferme la marge de manœuvre du juge dans des intervalles de temps strictement encadrés, mais il limite aussi son rôle au contrôle de l’absence de fraude. Pourtant, comme le soulignent de nombreux avocats, jamais la jurisprudence n’a conditionné la baisse des commandes, du chiffre d’affaires et des pertes d’exploitation à une condition de durée aussi courte, soit deux trimestres consécutifs.
Madame la ministre, quelle entreprise ne connaît jamais de baisse de son chiffre d’affaires annuel, de résultat semestriel négatif, de baisse de commandes ? En pratique, cela signifierait qu’une entreprise dont les commandes baisseraient pendant deux trimestres consécutifs pourrait licencier ses salariés pour motif économique quand bien même son chiffre d’affaires serait toujours élevé.
Nous nous situons dans une tout autre logique, celle qui est partagée par les manifestants mobilisés depuis des mois contre ce projet de loi. Il faudrait plutôt défendre l’examen en amont de la réalité du motif de licenciement par le juge judiciaire en procédure accélérée, le renforcement du rôle des instances représentatives du personnel, un droit de veto du comité d’entreprise sur les suppressions d’emplois. Tels ne sont pas les choix opérés.
Vous l’aurez compris, nous sommes en désaccord complet avec cet article 30.