La séance est ouverte à onze heures.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s actuellement en cours d’examen.
Cette liste a été publiée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (projet n° 610, texte de la commission n° 662, rapport n° 661).
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.
Titre IV
Favoriser l’emploi
Chapitre Ier
Améliorer l’accès au droit des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises et favoriser l’embauche
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre IV, à l’article 30.
I. – L’article L. 1233-3 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 1233-3.– Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
« 1° À des difficultés économiques caractérisées par l’évolution significative de plusieurs indicateurs tels qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation, une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation ;
« Les difficultés économiques sont réelles et sérieuses lorsque les encours des commandes ou le chiffre d’affaires de l’entreprise baissent d’au moins 30 % pendant deux trimestres consécutifs en comparaison avec la même période de l’année précédente.
« 2° À une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, en raison notamment de la perte d’un marché représentant au moins 30 % des commandes ou du chiffre d’affaires de l’entreprise ;
« 3° À des mutations technologiques ;
« 4° À une ordonnance du juge commissaire sur le fondement de l’article L. 631-17 du code de commerce, à un jugement arrêtant le plan sur le fondement des articles L. 631-19 et L. 631-22 du même code ou à un jugement de liquidation judiciaire ;
« 5° À la cessation d’activité de l’entreprise.
« Un décret en Conseil d’État fixe la liste des indicateurs mentionnés au 1° du présent article, le niveau et la durée de leur baisse significative qui varie selon les spécificités de l’entreprise et du secteur d’activité, ainsi que les situations justifiant une réorganisation de l’entreprise mentionnée au 2°.
« La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.
« Si l’entreprise appartient à un groupe, l’appréciation des difficultés économiques, des mutations technologiques ou de la nécessité d’assurer la sauvegarde de sa compétitivité s’effectue au niveau des entreprises du groupe, exerçant dans le même secteur d’activité et implantées sur le territoire national.
« Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l’exclusion de la rupture conventionnelle mentionnée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l’une des causes énoncées aux 1° à 5°.
II. – À la première phrase de l’article L. 1235-7 du même code, le mot : « douze » est remplacé par le mot : « six ».
III. – L’article L. 1235-7-1 du même code est ainsi modifié :
a) Au début, la mention : « I » est ajoutée ;
b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Si le litige porte sur l’existence d’une cause réelle et sérieuse d’un licenciement prononcé dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, le juge statue dans un délai de six mois. Si, à l’issue de ce délai, il ne s’est pas prononcé ou en cas d’appel, le litige est porté devant la Cour d’appel territorialement compétente qui statue dans un délai de trois mois. Si, à l’issue de ce délai, elle ne s’est pas prononcée ou en cas de pourvoi en cassation, le litige est porté devant la Cour de cassation qui peut statuer au fond lorsque l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie. »
IV. – Après le premier alinéa de l’article L. 1235-9 du même code, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« À la demande de l’une des parties, ou de sa propre initiative, le juge peut inviter toute personne indépendante, dont la compétence ou les connaissances sont de nature à l’éclairer utilement sur la solution à donner au recours, à produire des observations pour apprécier le caractère réel et sérieux des éléments mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 1233-3.
« Cet avis est rendu dans un délai fixé par le juge et qui ne peut être supérieur à deux mois. »
Cet article propose une nouvelle définition du motif économique et bouleverse considérablement les principes législatifs et jurisprudentiels qui l’encadrent. En bref, ce texte assouplit, une fois de plus, la notion de difficultés économiques justifiant le licenciement économique, même si la version initiale, qui prévoyait une définition du motif économique différente d’une branche à l’autre, a été abandonnée.
Les motifs avancés pour justifier cette facilitation sont la relance de l’emploi et la lutte contre le chômage, alors que, depuis trente ans, des assouplissements considérables ont été apportés pour faciliter les licenciements. Assouplissements qui, comme le rappelle justement Rachel Saada dans une analyse des coups de boutoir apportés au code du travail, n’ont eu aucun impact sur le chômage dans notre pays !
Cet article porte le risque que des sociétés qui ont un projet de restructuration jouent sur des artifices comptables, des flux financiers entre entités du groupe pour entrer dans le champ de cette nouvelle définition et justifier les licenciements.
Par ailleurs, quand une société appartenant à un groupe procède à un licenciement économique, le Gouvernement, d'ailleurs en accord avec la majorité de la commission des affaires sociales, prévoit que ces difficultés économiques ne soient plus appréciées au niveau mondial – principe pourtant dégagé par la jurisprudence – mais au seul niveau de la France. On voit bien la facilitation permise pour licencier ! Un groupe pourra fermer une entreprise en France alors qu’il dégage des profits dans les autres pays pour la même activité.
De plus, non seulement cet article enferme la marge de manœuvre du juge dans des intervalles de temps strictement encadrés, mais il limite aussi son rôle au contrôle de l’absence de fraude. Pourtant, comme le soulignent de nombreux avocats, jamais la jurisprudence n’a conditionné la baisse des commandes, du chiffre d’affaires et des pertes d’exploitation à une condition de durée aussi courte, soit deux trimestres consécutifs.
Madame la ministre, quelle entreprise ne connaît jamais de baisse de son chiffre d’affaires annuel, de résultat semestriel négatif, de baisse de commandes ? En pratique, cela signifierait qu’une entreprise dont les commandes baisseraient pendant deux trimestres consécutifs pourrait licencier ses salariés pour motif économique quand bien même son chiffre d’affaires serait toujours élevé.
Nous nous situons dans une tout autre logique, celle qui est partagée par les manifestants mobilisés depuis des mois contre ce projet de loi. Il faudrait plutôt défendre l’examen en amont de la réalité du motif de licenciement par le juge judiciaire en procédure accélérée, le renforcement du rôle des instances représentatives du personnel, un droit de veto du comité d’entreprise sur les suppressions d’emplois. Tels ne sont pas les choix opérés.
Vous l’aurez compris, nous sommes en désaccord complet avec cet article 30.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 24 rectifié bis est présenté par Mme Lienemann, MM. Durain, Godefroy, Cabanel, Gorce et Montaugé, Mme Ghali et MM. Courteau et Masseret.
L'amendement n° 56 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 921 rectifié est présenté par Mme Malherbe, MM. Amiel, Bertrand et Guérini, Mme Jouve et M. Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l'amendement n° 24 rectifié bis.
Les auteurs de cet amendement souhaitent exprimer les plus grandes craintes quant aux objectifs de cet article. Je rappelle d'ailleurs que les personnes interrogées dans le cadre du débat public pour connaître leur opinion sur le projet de loi soulignent l’importance de deux facteurs : le taux de majoration des heures supplémentaires, dont nous avons débattu la semaine dernière, et la crainte de plus grandes facilités données en cas de licenciement économique.
L’article que nous examinons met sur la table le principe d’un remplacement de l’appréciation du juge par des critères d’application quasi automatiques, ce qui nous pose problème. Nous avons également des réserves sur la nature de ces critères, qui nous paraîtraient pouvoir être interprétés assez librement, de façon parfois extensive et favorable aux seuls employeurs. En effet, la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, qui peut être orchestrée et pas simplement subie, les pertes d’exploitation, qu’on peut, là aussi, présenter de façon avantageuse, et la trésorerie constituent des données insuffisantes. Le regard d’un juge ne nous semble donc pas superflu.
Nous ne sommes pas davantage favorables à l’introduction d’une différenciation entre les entreprises en fonction de leur nombre de salariés, qui pourrait créer un effet de seuil redoutable, lequel risque, à terme, d’être contre-productif.
Nos dernières réserves concernent le périmètre d’appréciation des difficultés économiques. Cela a été dit à l’instant, la commission des affaires sociales du Sénat a rétabli le périmètre d’appréciation des difficultés économiques, limité au secteur d’activité commun aux entreprises implantées sur le territoire national du groupe auquel elles appartiennent. Il ne peut être accepté de faire peser sur le seul salarié la charge d’une telle preuve. Surtout, il nous semble légitime de considérer qu’un groupe florissant à l’international a des obligations à l’égard des salariés de la filiale française en difficulté.
Maintenir cette limitation du périmètre d’application des difficultés économiques au territoire national nous semble pouvoir, à terme, constituer une incitation pour les groupes étrangers à licencier dans leurs filiales françaises.
C’est pour l’ensemble de ces raisons que nous demandons la suppression de cet article.
La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l'amendement n° 56.
La jurisprudence admet depuis longtemps la possibilité de licencier pour des motifs liés à la réorganisation de l’entreprise. Il est également possible pour les juges de vérifier les difficultés économiques, mais le contrôle de la cause réelle et sérieuse s’opère au cas par cas. Les juges s’appuient sur des « baisses importantes de chiffres d’affaires plusieurs années de suite », des « difficultés économiques caractérisées par d’importantes pertes financières », et non sur des critères aussi restrictifs que ceux qui sont déclinés dans cet article.
Le système de liste de critères en matière de licenciement pose problème puisque, contrairement à la libre appréciation des difficultés économiques « importantes » par le juge, la liste, telle qu’elle est posée ici, la limite nécessairement.
Nous pensons que le juge doit pouvoir apprécier la cause réelle et sérieuse d’un licenciement économique au cas par cas en fonction du droit et de la jurisprudence en vigueur et que tout ce qui le contraint va à l’encontre des droits des salariés. Nous montrerons d’ailleurs que les possibilités de détournement des critères qui sont ici posés permettront à un groupe rentable de licencier pour le seul bénéfice des actionnaires.
Concernant le périmètre des licenciements économiques, c’est le monde à l’envers ! Comme l’ont fait valoir Pascal Lokiec et Dominique Méda dans un article de Mediapart : « Ce qui doit absolument être évité, c’est le jeu auquel se livrent les entreprises transnationales qui mettent les territoires nationaux en compétition les uns avec les autres et souhaitent bénéficier de la plus grande liberté pour quitter un pays et aller s’installer dans un autre où les coûts du travail et la législation sont plus intéressants. On sait qu’il est très facile d’organiser le déclin d’une filiale. Regarder ce qui s’est passé avec Goodyear ou Continental… »
En réduisant le périmètre d’appréciation du licenciement économique, on accepte cette idée délétère selon laquelle le droit du travail serait un frein à l’investissement étranger en France. Avec le rétrécissement du périmètre et des conditions du motif économique du licenciement, un groupe florissant pourra licencier les salariés de sa filiale française en invoquant une baisse de commandes ou du chiffre d’affaires de sa filiale française. C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle est parvenu Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière. Il écrit au sujet de cet article 30 : « Le licenciement économique pose le problème du périmètre national ou international, car une des entreprises sait mettre un établissement en difficulté par des prix de transfert, des fonds propres… »
Voilà en effet une réalité vécue couramment sur nos territoires. Cela est inacceptable ! Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour présenter l'amendement n° 921 rectifié.
Si cet amendement est identique aux deux précédents, les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de l’article ne sont pas les mêmes que celles qui viennent d’être exposées.
Aux termes de la rédaction de l’article 30, les difficultés économiques sont caractérisées soit par une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires pendant plusieurs trimestres consécutifs en comparaison avec la même période de l’année précédente, soit par des pertes d’exploitation pendant plusieurs mois, soit par une importante dégradation de la trésorerie, soit par tout élément de nature à justifier de ces difficultés.
Ces critères sont soumis à interprétation – c’est là le problème – et peuvent donc laisser place à des abus. Ainsi, l’appréciation du critère des « pertes d’exploitation » s’effectue au regard du seul résultat d’exploitation, sans prise en compte des amortissements et immobilisations.
En ce qui concerne le critère de la trésorerie, il est possible pour une société d’organiser une mauvaise trésorerie passagère, par exemple en concentrant ses dépenses sur une courte période. On le sait, il n’y a pas que des bons élèves, il y en a parfois de mauvais !
Devant de telles incertitudes, dangereuses pour les salariés – autant que pour les chefs d’entreprise –, il est préférable de supprimer cet article.
L’article 30 est important puisque le licenciement des salariés pour motif économique et la situation des entreprises en difficulté sont des sujets qui ne peuvent être traités à la légère.
Nous partageons avec le Gouvernement – et sans doute avec beaucoup d’entre vous, mes chers collègues – le même objectif : permettre aux entreprises d’être plus réactives lorsqu’elles sont confrontées à des difficultés. Plus elles réagissent vite, plus les mesures de redressement peuvent être mises en place rapidement, ce qui peut éventuellement éviter des licenciements plus massifs par la suite, voire la disparition de l’entreprise. Nous sommes donc tout à fait sensibles à la philosophie générale du texte. Nous divergeons toutefois sur sa rédaction. Je dois dire que, parmi les arguments développés pour demander sa suppression – telle n’est pas la position de la commission des affaires sociales du Sénat –, il en est un certain nombre qui sont tout à fait recevables.
Madame la ministre, vous avez fait un texte de présentation attractif. J’ai même trouvé dans les milieux patronaux quelques responsables – pas tous ! – qui le trouvaient plus séduisant, à première vue, que celui que nous avons élaboré. Pour notre part, nous avons fait le choix de mettre au point un texte plus sécurisé sur le plan juridique, ce qui supposait de revenir sur votre définition totalement erronée de l’entreprise en difficulté.
Lorsque vous utilisez le mot « soit » dans le texte initial – soit une diminution de la rentabilité, soit une baisse du chiffre d’affaires, soit des difficultés de trésorerie –, vous vous appuyez sur un seul critère. Or aucun de l’un de ces indicateurs, pris isolément, ne peut caractériser une entreprise en difficulté. La jurisprudence risque de se servir des nombreuses incertitudes de la loi pour contester les mesures prises dans le cadre du licenciement pour motif économique.
Vous nous avez dit hier soir, et je vous crois, vouloir faire des choses simples pour substituer aux ruptures conventionnelles, que les entreprises choisissent souvent par facilité, les licenciements économiques, plus intéressants pour les personnes licenciées, notamment parce qu’ils comportent un dispositif d’accompagnement. Si je comprends bien votre raisonnement, on ne peut pas prévoir un processus dépourvu d’un socle dont la définition est juridiquement sécurisée.
De plus, votre rédaction ne fait aucune référence à l’importance. En effet, une baisse significative de rentabilité, cela ne veut rien dire !
Monsieur le rapporteur, vous avez dépassé le temps qui vous était imparti.
Je donne l’avis de la commission sur trois amendements, madame la présidente.
Je vous fais remarquer qu’ils sont identiques. Vous ne pouvez donc pas multiplier votre temps de parole par trois.
J’aurais préféré faire un raisonnement global, mais je poursuivrai tout à l’heure.
J’ai tout à fait conscience de la charge symbolique, voire anxiogène qui entoure la question du licenciement économique. Je vais donc vous expliquer pourquoi nous avons souhaité faire figurer un article sur les licenciements économiques dans la loi Travail.
Le point de départ de la démarche, c’est le constat qu’il existe un flou juridique. On le sait, neuf embauches sur dix ont lieu en CDD. L’âge moyen d’un jeune pour obtenir son premier CDI est passé de vingt-deux à vingt-sept ans !
Dans les TPE, les chefs d’entreprise recourent beaucoup plus à la procédure de la rupture conventionnelle pour mettre fin à un CDI – à hauteur de 20 % – qu’au licenciement économique, qui représente 5 % des inscriptions à Pôle emploi. Beaucoup plus largement utilisé par les entreprises de plus de trois cents salariés, le licenciement économique ne l’est pas du tout par les petites entreprises.
Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur Watrin, nous ne facilitons pas les licenciements. Les critères que nous avons retenus dans le projet de loi sont tirés de la jurisprudence. C’est vrai pour les baisses des commandes ou du chiffre d’affaires, comme de la dégradation de la trésorerie. Nous cherchons simplement à offrir des repères clairs aux plus petites entreprises, pour les aider à faire reconnaître leurs difficultés économiques et à pouvoir engager une procédure de licenciement économique.
Ne nous méprenons pas, les chefs d’entreprise ne songent pas à se débarrasser de leurs salariés. Ils savent les difficultés à retrouver des compétences et le coût d’un licenciement.
Nous ne souhaitons pas non plus – nous en sommes ici tous d’accord – que des salariés soient licenciés. Seulement, lorsqu’un salarié perd son emploi, il faut savoir qu’il est beaucoup mieux protégé à la suite d’une procédure de licenciement économique qu’après une rupture sauvage. Nous avons eu ce débat hier soir en constatant l’augmentation parfois abusive du nombre de ruptures conventionnelles.
Les statistiques le montrent, dans les TPE, où les licenciements pour motif personnel font beaucoup plus l’objet de contentieux, les ruptures conventionnelles interviennent à hauteur de 20 %. En 2015, le nombre de ruptures conventionnelles homologuées s’est élevé à 360 000. La rupture conventionnelle est justifiée par la perte d’un client ou la baisse du carnet de commandes, même s’il est clair qu’il y a parfois des abus.
Dans le cadre d’un licenciement économique, je le répète, le salarié est beaucoup mieux protégé, car il perçoit des indemnités – indemnités légales, auxquelles s’ajoutent éventuellement les indemnités conventionnelles et l’indemnité de chômage –, mais il est également accompagné. L’article 11 nous a donné l’occasion d’évoquer l’ensemble des procédures mises en œuvre dans le cadre d’un licenciement pour motif économique. Le contrat de sécurisation professionnelle, par exemple, améliore nettement les chances du salarié de retrouver un emploi. Il pourra aussi percevoir 92 % de son salaire la première année. C’est donc également au regard de la situation du salarié que nous avons souhaité mettre en place cet article.
Le texte du Gouvernement diffère de celui de la commission, notamment parce que nous refusons qu’il soit porté atteinte au droit de recours du salarié en ramenant le délai de prescription de douze à six mois.
Par ailleurs, après les concertations que j’ai menées et après le passage du texte à l’Assemblée nationale, le Gouvernement est revenu au périmètre actuel – le périmètre mondial, et non plus le périmètre national – pour l’appréciation de la situation économique de l’entreprise.
Autre divergence avec la commission : nous ne partageons pas l’idée de fixer par décret la liste des indicateurs des difficultés économiques et leur intensité justifiant le licenciement secteur d’activité par secteur d’activité. De telles mesures déboucheraient sur une bureaucratisation aussi complexe qu’inefficace.
La volonté du Gouvernement est de codifier la jurisprudence et d’offrir des repères clairs, notamment aux petites entreprises. Les propositions initiales du Gouvernement pour apprécier la durée des difficultés de l’entreprise, qui variaient de deux à quatre trimestres, ont été modifiées par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.
Le Gouvernement souhaite favoriser le recrutement en CDI et poser des règles claires et simples. Pour lui, l’ajustement de chacune des situations relève non du décret, mais du juge. Vouloir tout régenter par la loi conduira selon nous à une impasse. Telles sont les raisons pour lesquelles nous préférons en rester à la rédaction issue de l’Assemblée nationale.
S’agissant de ces amendements de suppression, l’avis est défavorable.
Le groupe socialiste et républicain, dans sa grande majorité, ne votera pas les amendements de suppression.
Tout d’abord, il nous paraît important que le texte poursuive sa route. Jusqu’à présent, la chambre sociale de la Cour de cassation a fait le droit. Elle n’en a pas été seulement l’interprète, parce que le législateur, comme l’exécutif, n’a pas saisi l’opportunité que la démocratie lui donne depuis Montesquieu. Nous voulons donc fixer le cadre qui permet à la jurisprudence de se déterminer. Mme la ministre vient d’ailleurs d’exposer la rédaction qui avait été proposée par le Gouvernement après l’intervention de nos collègues députés socialistes.
Ensuite, nous voulons avoir un débat droite-gauche, car nous n’avons pas la même approche. En modifiant les critères, vous donnez une plus grande latitude aux chefs d’entreprise pour licencier. Or, nous, nous voulons encadrer leur décision. La jurisprudence se détermine à partir d’un faisceau de critères concordants. Nous voulons le lui donner.
Il est tout à fait normal de ne pas être d’accord sur les critères sur lesquels se fonde la décision de licenciement économique, mais nous voulons avoir ce débat.
Vous avez également modifié le périmètre d’appréciation des difficultés économiques, en renonçant au périmètre mondial. C’est également une différence entre nous.
Avec ce débat, nous voulons montrer qu’il y a deux manières de faire : la nôtre, du côté gauche de l’hémicycle, et la vôtre, du côté droit de l’hémicycle !
Je rends hommage à Mme Bricq, dont je partage totalement la conviction : le législateur doit faire son travail pour éviter que la chambre sociale de la Cour de cassation ne se substitue à notre travail collectif. Je suis également d’accord avec elle lorsqu’elle dit que nous ne sommes pas du même avis. Il y a une droite et il y a une gauche. Il y a des communistes. Je n’en fais pas partie !
Je défends le texte de la commission, parce qu’il est tout à fait pertinent. Je défends en particulier l’alinéa 11, car je refuse d’étendre l’analyse de la situation économique d’une entreprise à la totalité du groupe, mondial ou européen ou plurinational, auquel elle appartient. Si nous suivions le parti communiste dans l’idée d’étendre l’analyse des difficultés à la totalité d’un groupe, nous perdrions la perspective d’accueillir dans notre pays des investissements industriels étrangers, qui se sentiraient alors captifs de décisions prises à l’échelon national et relatives au fonctionnement de leur groupe dont la dimension est mondiale. Or les investissements industriels étrangers représentent en France 20 % à 25 % de l’ensemble de l’emploi industriel. Il serait criminel – je pèse mes mots ! – de se priver de cette ressource.
De plus, imaginez notre réaction si, demain, une entreprise industrielle française de taille mondiale – il y en a heureusement beaucoup – se voyait imposer par un autre pays des règles qui pénaliseraient les salariés français. Nous serions dans une situation extraordinairement curieuse et que nous trouverions inacceptable.
Nous nous rejoignons en général sur toutes les travées de cet hémicycle pour nous inquiéter de la dérive des États-Unis, qui veulent imposer leur droit au monde entier. Pouvons-nous prétendre imposer notre droit social, alors que nous n’avons pas obtenu la clause sociale ? J’en ai, hélas, été le témoin lorsque j’étais ministre du commerce et que je participais en 1994 à Marrakech à la création de l’Organisation mondiale du commerce.
Je renvoie les sénateurs du groupe CRC à la formule : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » Que les syndicats fassent leur travail, ce qui est parfaitement normal. Nous, nous avons à défendre l’emploi en France !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.
Nous avons bien compris qu’il existait des nuances entre la rédaction proposée par la commission des affaires sociales et le texte du Gouvernement. Néanmoins, on peut constater que la même matrice les inspire et que, sur les points fondamentaux, ils ont la même démarche, y compris quant au périmètre retenu. Leur orientation est donc à peu près la même : la logique profonde de cet article reste bien de flexibiliser les licenciements et ainsi de les sécuriser pour les employeurs, même quand ces licenciements n’ont pas une réelle cause économique.
Madame la ministre, vous avez parlé de flou juridique. Celui-ci est toujours présent, par définition, du fait de l’existence de diverses jurisprudences. Pour autant, à l’évidence, nous vivons sur nos territoires depuis dix ans la disparition de centaines de milliers d’emplois industriels.
Je peux vous en citer des exemples dans mon département. Ainsi, à Calais, la biscuiterie du groupe Danone a été rayée de la carte, parce que la logique financière a voulu que l’on casse cette usine : le taux de rentabilité de la branche biscuit était en effet inférieur à celui de la branche laitière. De même, là où j’habite, dans les environs d’Hénin-Beaumont, 3 000 emplois industriels directs ou indirects ont été rayés de la carte, sans qu’il existe une cause économique réelle et sérieuse à ces licenciements ; que ce soit à Metaleurop, à Sublistatic ou à Samsonite, à chaque fois, c’était une décision financière !
Or vous n’attaquez pas ce problème dans ce texte, madame la ministre, bien au contraire. Les critères que vous proposez vont faciliter et sécuriser ces licenciements, puisque les juges ne pourront évaluer que l’intensité de ces critères et n’auront qu’un pouvoir limité de contrôle. Je pense pour ma part, contrairement à notre collègue Longuet, que notre industrie en pâtira. Les questions réelles qui se posent sur nos territoires ne trouvent pas de réponse dans ce texte ; au contraire, elles risquent d’être aggravées.
Madame la ministre, je ne voudrais pas être désagréable en ce jeudi matin, mais je trouve que votre argumentaire est de type spécieux.
Vous présentez les ruptures conventionnelles comme des ruptures sauvages. Êtes-vous pour ou contre les ruptures conventionnelles ? Pour ma part, j’y suis favorable ; si j’admets que certaines sont sauvages, je ne généraliserai pas ce jugement comme vous le faites afin de les dévaloriser. Certes, comme vous le dites, il y a des abus. Néanmoins, et c’est là que je trouve votre analyse spécieuse, vous affirmez également que les employeurs utilisent souvent la rupture conventionnelle parce que l’entreprise rencontre un problème économique. Alors, est-ce un abus ou bien une réalité économique ? Vous mélangez astucieusement les deux situations pour expliquer qu’il vaut mieux un licenciement économique qu’une rupture conventionnelle.
Quant au salarié, une rupture conventionnelle lui donne droit au statut de chômeur et à une indemnité ; celle-ci peut même s’avérer plus importante dans le cadre d’un accord avec l’employeur. Pour une petite entreprise, il est souvent plus facile pour se séparer d’un salarié d’utiliser la rupture conventionnelle, même quand le motif est économique. En effet, l’employeur peut alors s’entendre avec le salarié et élaborer un programme de concert avec lui ; cela paraît plus facile que de se lancer dans une démarche de licenciement économique dont l’employeur ne voit pas le bout.
Vous affirmez, madame la ministre, que le licenciement économique, du point de vue du salarié, est meilleur que la rupture conventionnelle simplement parce que le salarié est accompagné après le licenciement, …
… et ce en dépit de toutes les incertitudes qu’on rencontre dans le suivi de justice. Vous auriez tout de même pu être un peu plus précise : c’est pourquoi je dis que votre analyse est, sinon spécieuse, du moins très peu claire.
En réalité, vous ne faites pas ça pour les salariés ; c’est pour les entreprises !
Cet assouplissement des règles du licenciement économique ne s’adresse pas non plus aux petites entreprises, d’ailleurs.
Ce qui déplaît au MEDEF, ce sont les actions en justice qui traînent. Vous voulez donc les condenser pour les rendre plus rapides. Vous avez le droit de penser que c’est pour l’entreprise ; en revanche, ne dites pas que c’est pour le salarié !
Il est une évidence pour tout le monde, du moins je l’espère au sein de cette assemblée : tout licenciement est un drame ! C’est un drame social, économique, humain et psychologique. Certes, les indemnités chômage apportent une sécurité financière pour la vie quotidienne. Cela ne règle pas pour autant le problème psychologique et le problème social. Toute personne qui est licenciée le vit comme une dégradation, comme une attaque contre sa personne.
Selon moi, il faut renforcer la sécurité pour rétablir une garantie de l’emploi ; c’est ainsi que l’employé ou l’ouvrier se sentira partie intégrante de son entreprise. Les entreprises rencontrent aujourd’hui un problème important dans la disparition de la culture d’entreprise que l’on a connue. En effet, très souvent, les patrons viennent et passent ; quant aux ouvriers, en l’absence de garantie de l’emploi, ils ne peuvent pas s’intégrer. Jadis, quand cette garantie existait, on avait chez nous une expression : « les ouvriers se sentent plus patrons que le patron ». Ils avaient alors l’amour de l’entreprise. Mais pour qu’il y ait amour, il faut de la durée : quand vous ne donnez pas la garantie de la durée, vous ne pouvez pas demander l’amour de l’entreprise.
Dès lors, madame la ministre, monsieur le rapporteur, comme le disait notre ami Desessard, il faut renforcer la garantie offerte aux ouvriers dans l’entreprise si l’on veut qu’ils soient sereins et puissent lui apporter plus de force et de compétitivité ; celle-ci, source de pérennité, repose sur la sécurité de l’emploi !
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe CRC.
Ce débat est très important. Doit-on instaurer un cadre prédéfini qui rende le travail du juge très simple ou bien le juge doit-il pouvoir vérifier lui-même si les difficultés économiques sont ou non structurelles ?
En prenant connaissance des dossiers, un juge peut parfois découvrir que ces difficultés structurelles sont organisées par l’entreprise elle-même. Comme je l’ai dit lors de l’examen de l’article 2, j’ai observé une société externaliser complètement sa production en Chine, puis expliquer à ses salariés en France qu’il était nécessaire de recourir au chômage partiel, avant de licencier.
Il est essentiel que, sur une telle question, on puisse d’abord faire la différence entre les PME et les grands groupes. En effet, on voit aujourd’hui de grands groupes se saisir d’articles du code du travail et en transformer complètement le sens pour arriver à leurs fins ; je pense ainsi aux externalisations qui seront permises par l’article 41 de ce texte. Il ne faut donc pas faire d’angélisme.
Notre collègue Longuet nous invitait à prendre garde si nous voulions que les investisseurs étrangers viennent en France. Selon lui, il faudrait juger non pas le groupe tout entier mais uniquement l’entreprise. Je pense pour ma part que, quand on investit en France, c’est pour profiter de l’une des meilleures productivités du monde et des savoir-faire exceptionnels présents dans notre pays. On ne choisit pas un pays parce qu’on pourrait y licencier comme on veut : autrement, il n’y a que l’embarras du choix !
Nous devons avoir un vrai débat intellectuel et politique sur ces questions, faute de quoi, si vous me permettez l’expression, tout fout le camp ! On aura des débats à n’en plus finir et on n’arrivera à rien.
Quoi qu’il en soit, l’appréciation par le juge de l’existence de difficultés structurelles demeure à mes yeux un élément fondamental.
Applaudissements sur quelques travées du groupe CRC. – M. Jérôme Durain applaudit également.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
Plusieurs orateurs, tels Dominique Watrin et Gérard Longuet, ont cité certains cas, que nous connaissons malheureusement tous, où nous nous sommes battus en vain pour maintenir des établissements chez nous. Ces cas sont, hélas, nombreux, notamment dans ma région des Hauts-de-France. Je dirai même que ces combats dépassent les clivages politiques : que nous soyons de droite ou de gauche, nous nous battons pour sauvegarder l’emploi.
Il est aussi des cas où nous avons réussi dans nos efforts. Je citerai ainsi, dans ma région, le cas d’une filiale du groupe Rhodia, que nous avons pu sauver grâce au concours du ministre du travail d’alors, Gérard Larcher. Nous avons effectivement un pouvoir d’influence sur le périmètre national. En revanche, dès qu’on sort de ce périmètre, bernique ! Vous pouvez toujours essayer de faire du juridisme sur les causes du licenciement, cela ne servira à rien : la réalité nous rattrape toujours !
Souvent, c’est le marché qui est en cause : certaines entreprises sont sur un marché où l’on produit trop. Parfois, c’est la compétitivité. Je me réjouis d’ailleurs que celle de la France soit aujourd’hui bien meilleure ;…
… j’en ai encore eu des exemples récemment. Cela permet à des entreprises industrielles étrangères de venir s’implanter chez nous.
Voilà ce qui est en cause ! Il ne sert donc à rien de faire du juridisme et de mettre dans la loi tous les critères que vous voudrez si l’on ne peut pas les appliquer. Le juge, malheureusement démuni, n’est pas en mesure de faire le tri de tous ces critères. Il faut donc lui laisser son pouvoir d’appréciation.
Le groupe UDI-UC votera contre la suppression de cet article, qui me paraît nécessaire pour préserver le maximum d’emplois en France.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.
Je voudrais tout d’abord dire à M. Desessard que j’assume cet article qui, en fixant des règles claires, est bon, non seulement pour les petites entreprises, mais aussi pour les salariés.
La rupture conventionnelle est un bon dispositif, qui a été voulu par les partenaires sociaux. Pour autant, dans la pratique, on peut constater des abus. En vérité, la règle n’est pas claire aujourd’hui pour une petite entreprise qui n’a pas à sa disposition une armée d’experts juridiques. C’est pourquoi les petites entreprises, craignant les incertitudes liées au licenciement pour motif économique, préfèrent choisir cette voie. Les grands groupes, eux, peuvent invoquer la sauvegarde de la compétitivité.
Je souhaite réaffirmer ici qu’il faut que les motifs invoqués pour les licenciements prononcés soient les motifs réels. Là est le vrai sujet ! Ce n’est pas le cas aujourd’hui, mais ce le sera demain s’il existe des règles claires.
Cet article permettra en outre de renforcer la situation du salarié. Comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, j’estime qu’il faut éviter les licenciements ; j’ai moi aussi bien en tête la charge symbolique et anxiogène qui entoure la question des licenciements.
Les délocalisations entraînent en moyenne le licenciement de 8 000 personnes par an ; à l’inverse, 30 000 emplois sont créés chaque année par des investisseurs étrangers. Nous faisons bien évidemment tout pour éviter ces 8 000 pertes d’emploi. Cependant, quand le salarié perd son emploi, il est mieux protégé dans le cadre d’une procédure de licenciement pour motif économique : pardonnez-moi, monsieur Desessard, mais l’accompagnement qu’il reçoit n’est pas accessoire ! J’ai pu constater, lors de mes visites dans les services de Pôle emploi, que les contrats de sécurisation professionnelle permettent un retour à l’emploi beaucoup plus rapide. En conséquence, oui, ces dispositions protègent également le salarié !
Je voudrais également répondre à M. Longuet au sujet du périmètre. Je comprends bien sûr votre argument, monsieur le sénateur, concernant l’appréciation des difficultés économiques au sein des groupes. Sachez que j’assume la position initiale du Gouvernement, qui avait choisi de s’aligner sur les autres pays européens en retenant le périmètre national. Nous avions cependant assorti ce choix d’une règle visant à éviter les baisses artificiellement orchestrées de chiffre d’affaires et renforcé le pouvoir du juge en la matière.
Cet article est fait pour les petites entreprises et non pour les grands groupes. Or de multiples inquiétudes nous ont été exprimées par les parlementaires et les partenaires sociaux, notamment les syndicats, selon lesquels la responsabilité sociale des grands groupes implique une solidarité entre les entreprises qui les composent. Nous avons pris ces inquiétudes en compte. Cela montre que nous sommes ouverts à la concertation et que nous entendons réformer dans le dialogue. Voilà pourquoi nous avons retiré cette proposition pour revenir, dans le texte soumis à l’Assemblée nationale, au périmètre en vigueur aujourd’hui. Cela ne nuira en rien aux PME, qui constituent la principale cible de ces mesures de clarification.
Par ailleurs, cet article entend clarifier la notion de « difficultés économiques ». Voilà pourquoi il s’adresse aux TPE et aux PME, et non pas aux grands groupes. Ce sont bien les petites entreprises en effet qui ont besoin de sécurité juridique. Or elles ne savent pas, à l’heure actuelle, comment sont caractérisées dans la loi les difficultés économiques, et cela entraîne une appréhension de leur part. Par conséquent, elles choisissent plutôt le licenciement pour motif personnel ou la rupture conventionnelle.
Nous évoquions hier comment le service public pourrait aider les PME sur toute question relative au droit du travail. Ces entreprises n’ont ni un grand service de ressources humaines ni une armée d’experts juridiques pour les aider. Par conséquent, quand elles font des erreurs, elles le payent cher. Elles ont donc peu recours au licenciement économique. Les grands groupes, eux, ont plutôt recours au critère de sauvegarde de la compétitivité. Ainsi, le motif de difficultés économiques est invoqué par 59 % des entreprises de cinquante à trois cents salariés concernées par un plan de sauvegarde de l’emploi ; cette proportion tombe à un tiers environ pour les entreprises de plus de trois cents salariés ; enfin, les toutes petites entreprises invoquent ce motif extrêmement rarement. On voit bien là pourquoi une petite entreprise aura recours aux CDD et aux ruptures conventionnelles : elle ne sait pas, si elle perd un client ou une commande, comment mettre en œuvre le licenciement économique.
L’enjeu de cet article est donc de fixer une règle claire s’agissant des difficultés économiques. Voilà la question qui nous est posée à toutes et à tous. Cette règle claire est importante. Il ne s’agit pas de contourner le rôle du juge. Plusieurs d’entre vous semblent s’en inquiéter ; j’entends bien évidemment ce souci légitime. Le juge est en effet nécessaire : il est indispensable qu’il exerce un contrôle sur les motifs de licenciement invoqués par l’employeur.
Je veux donc vous rassurer sur ce point : le pouvoir d’appréciation du juge demeure entier ; il continuera d’apprécier l’existence ou non de difficultés économiques, ainsi que la validité des arguments avancés en matière de recherche de compétitivité ou de mutations technologiques. Il s’agit là d’un point extrêmement important quand on parle des grands groupes, qui choisissent souvent le critère de sauvegarde de la compétitivité. Si le juge estime que les critères ne sont pas remplis, le licenciement sera jugé sans cause réelle et sérieuse. Fixer une règle de droit claire, ce n’est pas limiter le pouvoir du juge !
Je vais essayer de poursuivre le raisonnement que j’avais entamé précédemment au sujet des désaccords qui existent entre le Gouvernement et la commission quant à la rédaction de cet article.
Vous raisonnez, madame la ministre, comme s’il était facile de définir une entreprise en difficulté. Or, comme Mme Bricq l’a indiqué – c’est consacré par la jurisprudence –, cette notion de « difficulté » repose sur un « faisceau d’indices ». Votre rédaction initiale ne faisait pas appel à cette notion ; elle faisait reposer l’appréciation des difficultés sur « au moins l’un des indicateurs ». Un seul indicateur aurait donc suffi. Cela peut certes être le cas si la variation d’amplitude de cet indicateur est suffisante. Néanmoins, une telle rédaction est quelque peu « vendeuse » pour les entreprises, qui peuvent en conclure qu’il suffit qu’un indicateur soit relativement significatif pour pouvoir licencier. Certes, l’immense majorité des chefs d’entreprise ne raisonnera pas ainsi, mais certains, indélicats, pourront se lancer dans ce genre de processus, ce qui n’est bon ni pour les entreprises ni pour les salariés.
Nous souhaitons donc que cette définition, à défaut d’être excessivement précise, ce qui est impossible, soit la plus objective et la plus sûre possible dans son approche. C’est ainsi que nous éviterons le plus de contentieux. Cet aspect de sécurité doit, j’en suis convaincu, primer sur l’attractivité de la mesure.
Je ne sais comment évoluera le texte par la suite. Nous renvoyons le détail des critères à un décret en Conseil d’État, parce que d’autres peuvent être inclus sans nécessairement dicter au juge l’importance qu’il doit leur accorder. Ainsi, la notation par la Banque de France est un critère intéressant, puisque l’analyse de la situation de l’entreprise aura déjà été faite, sur le plan financier, par cette institution. Bien d’autres éléments de ce type peuvent encore être pris en compte. L’important est de conserver la notion de « faisceau d’indices », qui laisse au juge sa liberté d’appréciation.
Nous avons par ailleurs prévu dans notre rédaction de faciliter le recours à une expertise. En effet, un juge n’a pas une connaissance universelle : en fonction du secteur d’activité et du rythme économique de l’entreprise, beaucoup de juges n’ont pas nécessairement la compétence économique souhaitable. L’ouverture vers une expertise donne à mon avis une sécurité supplémentaire : l’entreprise ou le salarié savent qu’ils pourront y faire appel, ce qui peut décourager l’engagement d’une procédure insuffisamment fondée. J’ai tenu à introduire cet élément de sécurité supplémentaire.
Nous sommes face à un sujet douloureux. Toute fermeture d’entreprise, toute suppression d’emploi est un drame pour les familles et pour les territoires concernés, qui perdent de l’activité, des recettes fiscales et, souvent, voient leur tissu social s’appauvrir. Je représente un département qui a malheureusement connu beaucoup de situations de ce type, du fait notamment de la restructuration de l’industrie sucrière : des usines qui fonctionnaient bien et gagnaient de l’argent ont néanmoins fermé dans ce secteur. On peut également citer des pertes d’activité dans des secteurs pourtant en pointe dans le monde, tels que la chaudronnerie.
Je ne voterai pas pour autant ces amendements de suppression de l’article 30. Selon moi, ce texte a le mérite d’inscrire dans la loi des règles et, surtout, de contribuer à éviter, dans des situations difficiles, le face-à-face entre l’employeur et le salarié. Or la pire des situations, celle où le salarié est le moins protégé, c’est bien lorsqu’il se trouve seul face à son employeur. Cet article, dont l’objectif est de réduire le nombre de ruptures conventionnelles, concourt à ce que ces situations soient les moins nombreuses possible.
Je ferai encore deux remarques sur l’évolution de cet article depuis le dépôt du projet de loi à l’Assemblée nationale.
Premièrement, l’architecture initialement prévue, qui était classique, a été très largement simplifiée. Certaines dispositions relèvent maintenant exclusivement de la loi et non plus des négociations entre partenaires sociaux.
Deuxièmement, sur le sujet du périmètre, après l’adoption de plusieurs amendements à l’Assemblée nationale, nous en sommes revenus à une appréciation internationale des difficultés économiques, c’est-à-dire à la situation en vigueur et à la jurisprudence de la Cour de cassation.
Ces différents éléments font que, tout en comprenant les démarches et les argumentations de leurs auteurs, je ne voterai pas les amendements de suppression.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 24 rectifié bis, 56 et 921 rectifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 372 :
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 725, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 1233-3 est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, le mot : « notamment » est remplacé par les mots : « à une cessation d’activité ou » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’employeur doit justifier de manière précise l’ensemble des mesures prises afin de limiter la suppression d’emplois. » ;
3° Au second alinéa, les mots : « à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, » sont supprimés.
2° L’article L. 1233-2 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Est réputé dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d’emploi sous quelque forme que ce soit, décidé par un employeur dont l’entreprise a constitué des réserves ou réalisé un résultat net ou un résultat d’exploitation positifs au cours des deux derniers exercices comptables.
« Est également dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d’emploi sous quelque forme que ce soit, décidé par un employeur dont l’entreprise a, au cours des deux derniers exercices comptables, distribué des dividendes ou des stocks options ou des actions gratuites ou procédé à une opération de rachat d’actions. » ;
3° L’article L. 1235-14 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1235 -14. – Lorsque le juge constate que le licenciement pour motif économique ou les suppressions d’emploi sont dépourvus de cause réelle et sérieuse, il ordonne le remboursement du montant de la réduction de cotisations sociales patronales mentionnée à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale dont a bénéficié l’entreprise pour les salariés concernés par le licenciement ou la suppression d’emploi envisagés.
« Dès lors que le juge prononce la nullité du licenciement pour motif économique ou de la suppression d’emploi, l’employeur perd le bénéfice des dispositifs prévus aux articles 244 quater B et 244 quater C du code général des impôts si son entreprise en est déjà bénéficiaire, ou l’opportunité d’en bénéficier, pour une période ne pouvant excéder cinq ans. Le juge peut également condamner l’employeur à rembourser tout ou partie du montant dont son entreprise a bénéficié au titre de ces dispositifs. »
4° L’article L. 1235-10 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1235 -10. – Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciements dont le motif doit être conforme aux dispositions de l’article L. 1233-3 concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des salariés prévu à l’article L. 1233-61 et s’intégrant au plan de sauvegarde de l’emploi n’est pas présenté par l’employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés.
« La réalité et le sérieux du motif économique sont appréciés au niveau de l’entreprise ou, de l’unité économique et sociale ou du groupe.
« La validité du plan de sauvegarde de l’emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l’entreprise ou l’unité économique et sociale ou le groupe.
« Le respect des obligations en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ainsi que la nécessité d’informer le plus en amont possible les représentants du personnel doivent être également pris en compte.
« La nullité du licenciement peut être prononcée par le juge dès lors que l’information et la consultation ne revêtent pas un caractère loyal et sincère ou lorsqu’elles ne comprennent pas un effet utile lié à la consultation.
« Le premier alinéa n’est pas applicable aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaires. » ;
5° Après le mot : « à », la fin de l’intitulé du paragraphe 2 de la sous-section 1 de la section 4 du chapitre III du titre III du livre II de la première partie est ainsi rédigée : « plusieurs refus » ;
6° Le début de l’article L. 1233-25 est ainsi rédigé :
« Art. L 1233 -25. – Lorsque plusieurs salariés ont … (le reste sans changement). » ;
7° L’article L. 1222-8, L. 2323-61 et les articles L. 1237-11 à 1237-16 sont abrogés ;
8° Au premier alinéa de l’article L. 1231-1, les mots : «, ou d’un commun accord, » sont supprimés.
La parole est à Mme Annie David.
Je rappelle que nous examinons l’article 30, qui concerne le licenciement économique, et non la rupture conventionnelle…
Cet amendement, qui vise à réécrire complètement cet article, a pour objet de renforcer l’équilibre et la justice de notre modèle social, lequel, je vous le rappelle, mes chers collègues, a historiquement été construit tant par les luttes nationales que par les luttes européennes.
Clairement, nous ne souhaitons pas mettre à mal un équilibre nécessaire entre deux principes constitutionnellement garantis : d’une part, le droit pour chacun d’obtenir un emploi et de le conserver et, d’autre part, le droit d’entreprendre. Obtenir un emploi n’est en effet pas une chance, madame la ministre, mais bien un droit. Vous avez dit que les mesures d’accompagnement du plan de sauvegarde de l’emploi donnaient une chance au salarié de retrouver un emploi : non, c’est un droit !
Soyons lucides, mes chers collègues : toutes les mesures censées régler la question des licenciements abusifs proposées au fil des décennies n’ont absolument pas atténué le phénomène. Plusieurs d’entre vous l’ont rappelé : il y a eu les Molex, les Goodyear, les Aubade, les Lu… Les plans sociaux se sont succédé.
Notre groupe s’attendait à ce que nous soyons unanimes quant à la nécessité de lutter contre les licenciements boursiers. Notre collègue Catherine Deroche était d’ailleurs parvenue à faire l’union droite-gauche en déclarant que, « bien évidemment, il faut dénoncer les licenciements qui seraient imposés par des entrepreneurs à la recherche de leur seul profit et qui ne seraient pas justifiés par des questions économiques ».
Notre amendement tend donc à redéfinir le licenciement économique pour le réduire à trois critères : la cessation d’activité ; les difficultés économiques avérées, et non anticipées, comme c’est actuellement le cas ; les mutations technologiques. N’oublions pas en effet, et vous l’avez d’ailleurs dit, madame la ministre, que 90 % des licenciements économiques reposent sur la sauvegarde de la compétitivité. DCNS a ainsi réussi à créer une crise économique artificielle en faisant une provision pour risques et charges, puis a engagé un plan social touchant près de 2 000 personnes !
Avec cet amendement, comme avec l’ensemble de nos amendements, nous souhaitons donc sécuriser la situation des salariés tout en respectant la liberté constitutionnelle d’entreprendre.
Vous avez parlé, madame la ministre, de charge anxiogène, mais allez discuter avec des salariés ! Je vous ai parlé hier d’Arjowiggins et d’autres entreprises…
Mon temps de parole est écoulé, mais j’aurai l’occasion de vous en reparler.
Il est, bien entendu, défavorable.
Mme David a à nouveau exposé une approche du licenciement économique dont on peut comprendre certains ressorts sur le plan humain, mais je reste persuadé que l’entreprise doit, lorsqu’elle a des difficultés, pouvoir licencier le plus rapidement et le plus simplement possible, ce que le dispositif gouvernemental ne permet pas non plus. En procédant très rapidement à deux ou trois licenciements, elle peut en éviter dix ou quinze à l’échéance de trois à six mois. La simplicité est donc nécessaire.
À cet égard, la notion de durée qui figure dans le texte d’origine n’a pas de sens, car la durée dépend du cycle économique de l’entreprise. Une grande entreprise qui construit des paquebots peut rester deux ans sans commandes et avoir néanmoins un très bon plan de charge. Pour une entreprise qui vend au détail, la commande est en revanche pour ainsi dire quotidienne. La distinction qui a été introduite entre les entreprises ayant des difficultés pendant deux, trois ou quatre trimestres n’a donc, je le répète, pas de sens.
Le secteur d’activité et un faisceau de critères, parmi lesquels l’amplitude des difficultés, doivent être pris en considération. C'est pourquoi nous avons inscrit dans le texte deux exemples, la perte de 30 % du chiffre d’affaires ou de l’encours des commandes ou d’un marché représentant 30 % du chiffre d’affaires, qui servent à baliser ce que sont des difficultés réelles et immédiates.
Il faut apprécier les choses de manière pragmatique et ne pas évacuer la réalité, car c’est celle-ci qui doit être retenue, comptable et financière de l’entreprise, c'est-à-dire, par exemple, ne pas prendre uniquement en compte une diminution apparente de la rentabilité ou une période sans chiffre d’affaires, car ce n’est pas grave si suffisamment de commandes ont été accumulées.
Ces éléments concrets près desquels il convient de rester ne peuvent pas être définis par la loi. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons un décret.
Il est également défavorable, même si, comme nous tous ici, j’ai bien conscience que l’objectif est la préservation de l’emploi, objectif que nous partageons tous.
Un licenciement économique est prononcé pour des motifs non inhérents à la personne du salarié et est supposé fondé sur une cause réelle et sérieuse. C’est aujourd'hui la principale garantie contre les licenciements boursiers. D’ailleurs, le rôle de l’administration en matière d’homologation des PSE est une garantie à la fois pour l’employeur et pour les salariés.
Vous proposez, madame David, de modifier les articles relatifs au licenciement économique tels qu’ils résultent de la loi du 14 juin 2013 qui a transposé l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013. Vous supprimez également le recours à la rupture conventionnelle en même temps que l’ANI de 2008. Vous proposez donc de revenir sur des règles négociées avec les partenaires sociaux, sur lesquelles je n’entends pas revenir. Je pense que la suppression de ces deux importants ANI serait un signal très négatif en direction des mêmes partenaires sociaux.
Je le redis, l’homologation de l’administration est une garantie essentielle pour lutter contre les licenciements boursiers. Elle fait partie de l’édifice qui a été ainsi construit et sur lequel vous voulez aujourd'hui revenir, mais je ne crois pas que ce soit en rigidifiant à l’excès des règles pourtant négociées par les partenaires sociaux que l’on favorisera l’emploi.
J’ai entendu que, sur le plan humain, notre amendement se comprenait, mais ce n’est pas seulement sur ce plan, monsieur le rapporteur, que cet amendement est fondé ! C’est aussi sur celui de la préservation de l’emploi, à laquelle, Mme la ministre le disait, nous sommes tous attachés. Cependant, nous prenons des chemins parfois très éloignés pour assurer cette préservation de l’emploi.
Je voudrais vous parler d’entreprises de mon département où l’administration aurait dû normalement, comme vous le dites, madame la ministre, permettre qu’il n’y ait pas de licenciements économiques parce qu’elles avaient elles-mêmes organisé leur faillite.
L’entreprise Sober a été rachetée par un fonds de pension américain et intégrée dans un autre groupe de prothèses médicales. Eh bien, le site de cette entreprise, qui était à la pointe de la fabrication, a été pillé ! Les stocks ont été sciemment vidés pour être envoyés dans un autre pays et les salariés se sont retrouvés licenciés le jour même. L’administration n’a pas eu le temps de faire quoi que ce soit, car tout le monde a été mis devant le fait accompli.
Je vous ai parlé d’Arjowiggins, entreprise florissante de papeterie qui, elle aussi, a été pillée.
Chaque fois, on ne laisse que des friches industrielles dans nos territoires ruraux, où les emplois sont déjà assez rares, et les élus doivent se débrouiller avec ça !
Je peux vous parler aussi de l’entreprise Ecopla, qui a connu le même sort que Sober : de petit bout en petit bout, cette filiale de Pechiney Rhenalu a été pillée par le propriétaire sino-australien actuel. Il restait encore quatre-vingts salariés sur le site de cette entreprise, qui était le seul fabricant en France de plats en aluminium. On a tous mangé un jour un cake Brossard par exemple…
Eh bien, la barquette en aluminium venait du département de l’Isère, venait de Saint-Vincent-de-Mercuze, venait d’Ecopla ! Cette entreprise, pareillement que Sober, pareillement qu’Arjowiggins, pareillement que Vencorex sur la plateforme chimique du Pont-de-Claix, vient d’être pillée par un entrepreneur peu scrupuleux, car, oui, il y a des entrepreneurs vertueux, mais il y a aussi des entrepreneurs peu scrupuleux. Pour le coup, il s’agit d’un entrepreneur qui se soucie très peu de la préservation de l’emploi, qui va prendre les machines et les amener en Italie, en n’en ayant rien à faire de ce qu’il va advenir du site qu’il laisse derrière lui.
Il y a donc non seulement de l’humanité dans cet amendement, mais aussi la volonté de préserver l’emploi dans nos territoires.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
M. Jean Desessard. Pour ne pas laisser le monopole des exemples au groupe CRC, je vais moi aussi en citer un !
Sourires.
J’avais posé une question orale à propos de la faillite organisée d’une entreprise d’étiquetage de la Sarthe, que son patron avait rachetée pour tuer la concurrence. Ce dernier s’était arrangé pour faire des achats surdimensionnés et sans rapport avec l’activité de l’entreprise, de sorte que celle-ci, qui avait jusque-là une gestion saine, a eu un déficit qui l’a conduite à la faillite. Évidemment, les salariés ont été licenciés.
Je n’ai pas eu de réponse et, la seule fois que cette question est réapparue, c’est dans Complément d’enquête, émission dont les journalistes ont découvert que ce patron voyou utilisait les paradis fiscaux pour placer ses bénéfices… Tout va de pair !
M. Jean Desessard. Voilà comment on organise une faillite voulue pour tuer la concurrence, alors que c’était une entreprise saine qui assurait l’étiquetage pour plusieurs sociétés de la Sarthe et à proximité !
Applaudissements sur quelques travées du groupe CRC.
Je voterai contre cet amendement.
Je voudrais répondre à Mme David : oui, trouver un emploi est un droit, mais c’est aussi une chance !
Exclamations sur les travées du groupe CRC.
Ce matin, à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, nous avons reçu la présidente du Secours catholique qui expliquait que, en effet, certains salariés gagnaient en dessous du seuil de pauvreté, parce qu’ils avaient des emplois assez contraints, des temps partiels, de longue distance à parcourir, mais qu’ils faisaient tout pour garder leur travail.
La majorité sénatoriale souhaite préserver les emplois, mais elle souhaite aussi s’adapter au monde qui change. Nous ne sommes pas sur une île déserte : nous devons favoriser les entreprises pour qu’elles puissent répondre aux besoins de demain et créer les métiers qui n’existent pas aujourd'hui.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.
Je veux apporter une précision sur le critère de sauvegarde de la compétitivité, qui est en effet beaucoup utilisé, notamment par les grands groupes.
La sauvegarde de la compétitivité, dans le texte du Gouvernement, ne concerne ni les licenciements boursiers ni l’ajustement systématique par l’emploi. Ce n’est que la reprise d’une jurisprudence constante depuis 1995.
Dans ce cadre, il ne suffit pas d’invoquer un motif lié à la sauvegarde de la compétitivité pour licencier : il faut que la marche de l’entreprise à moyen terme soit vraiment en danger et qu’il apparaisse clairement que le licenciement économique va permettre de préserver des emplois plus tard, éléments que le juge – c’est important – contrôle strictement.
Il en ira exactement de même demain avec le texte du Gouvernement : nous ne faisons que codifier la jurisprudence de 1995.
Quant au texte proposé par la commission, il permet de licencier plus facilement sur la base du critère de sauvegarde de compétitivité, car, si l’entreprise perd 30 % des commandes ou d’un marché, c’est bon, elle peut procéder à un licenciement économique, ce qui n’est pas le cas avec le texte du Gouvernement.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisie de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 726, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 12
Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :
I. – L’article L. 1233-3 du code du travail est ainsi modifié :
a) Après le mot : « consécutives », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « à une cessation d’activité ou à des difficultés économiques qui n’ont pu être surmontées par la réduction des coûts autres que salariaux ou, à des mutations technologiques indispensables à la pérennité de l’entreprise, et dès lors que l’entreprise n’a pas recours au travail intérimaire ou à la sous-traitance pour exécuter des travaux qui pourraient l’être par le ou les salariés dont le poste est supprimé. » ;
b) Après le premier alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« L’entreprise devra avoir cherché par tous moyens adaptés à sa situation d’éviter un licenciement pour motif économique, de sorte que le licenciement pour motif économique constitue le dernier recours pour assurer sa pérennité.
« L’appréciation des difficultés économiques ou des mutations technologiques s’effectue au niveau de l’entreprise si cette dernière n’appartient pas à un groupe.
« Lorsque l’entreprise appartient à un groupe, l’appréciation des difficultés économiques ou des mutations technologiques s’apprécie au niveau du secteur d’activité du groupe.
« Les situations visées au premier alinéa qui seraient artificiellement créées ainsi que celles résultant d’une attitude frauduleuse de la part de l’employeur, ne peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. »
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
Dans la continuité de notre amendement précédent, qui encadre les licenciements abusifs, nous vous proposons une nouvelle rédaction des motifs du licenciement économique.
Si, pour les entreprises, le licenciement se résume souvent à agir sur les coûts de production, les marges et la préservation des dividendes, pour les salariés, c’est la mise en cause de leur vie et de celle de leur famille. Le chômage tue. Le rapport du Conseil économique, social et environnemental est sans appel : près de 20 000 décès par an font suite à une perte d’emploi. Dès lors, il est impératif que le licenciement économique soit envisagé comme le recours ultime pour assurer la survie de l’entreprise.
Voilà pourquoi il faut des critères limitatifs et strictement encadrés du licenciement économique : la cessation d’activité, les difficultés économiques ou des mutations technologiques. De plus, chacun de ces motifs doit être clairement explicité : il faut que les difficultés économiques conduisent « à une cessation d’activité ou qu’elles n’aient pu être surmontées par la réduction des coûts autres que salariaux ». De même « les mutations technologiques doivent être indispensables à la pérennité de l’entreprise ».
Enfin, les motifs ne peuvent être réels et sérieux que si l’entreprise n’a pas recours au travail intérimaire ou à la sous-traitance pour exécuter des travaux qui pourraient l’être par le ou les salariés dont le poste est supprimé.
Sanofi, Heuliez, Molex, Goodyear… La liste est loin d'être d’exhaustive, et Annie David et Jean Desessard ont cité d’autres exemples d’entreprises qui ont fait le choix de la réduction de la masse salariale, de fermetures de site non pas pour suivre une politique industrielle, mais pour répondre à une logique purement financière.
C’est un peu le pouvoir financier et la loi du marché qui décident ainsi de l’avenir de nos territoires ! Mes chers collègues, il n’est plus possible de voir nos capacités de production disparaître de ces derniers.
L'amendement n° 877, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
consécutives notamment :
par les mots :
caractérisées par l’ensemble des éléments de nature à justifier de ces difficultés.
II. – Alinéas 3 à 8
Supprimer ces alinéas.
III. – Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean Desessard.
Le projet de loi revient sur la qualification du licenciement pour motif économique.
La commission des affaires sociales a retenu comme critère la baisse de 30 % pendant deux trimestres consécutifs des encours des commandes ou du chiffre d’affaires de l’entreprise. Cette baisse est éventuellement constatée par comparaison avec la même période de l’année précédente.
Le même raisonnement est proposé pour la perte d’un marché représentant 30 % des commandes ou du chiffre d’affaires de l’entreprise.
Ces éléments sont trop réducteurs. En effet, la situation économique ne peut se limiter à la seule appréciation du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation, de marché ou de trésorerie. Le chiffre d’affaires, par exemple, constitue parfois un critère inopérant : une entreprise dont le chiffre d’affaires baisse peut parfaitement enregistrer une progression de son bénéfice.
Face à ce constat, nous préférons poser un principe générique de difficultés économiques. Ce principe permettra au juge d’apprécier la réalité des difficultés en tenant compte à la fois de la taille, de l’organisation et de la situation sur le marché de l’entreprise concernée.
Accroître le pouvoir d’appréciation du juge présente un autre avantage : éviter une présentation artificielle des comptes dans l’hypothèse où l’entreprise appartient à un groupe. En effet, il est malheureusement courant que des entreprises ou des groupes transfèrent artificiellement des pertes sur nos entreprises nationales pour justifier des licenciements économiques auxquels ils veulent procéder dans un cadre légal.
L'amendement n° 728, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 4
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« 1° À des difficultés économiques qui n’ont pu être surmontées par la réduction des coûts autre que salariaux ;
La parole est à Mme Annie David.
Chacun l’aura compris, il s’agit d’un amendement de repli, qui va dans le sens des amendements que viennent de défendre Michel Le Scouarnec et Jean Desessard.
Nous voulons revenir sur la définition et donc l’élargissement du champ du licenciement économique, car, avec la définition qui nous est proposée, les difficultés économiques seraient définies par la seule baisse des commandes ou du chiffre d’affaires. Or, on l’a dit, une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires peut être organisée lorsqu’une entreprise veut fermer un site, comme, hélas, nous en avons les uns et les autres de multiples exemples dans nos départements.
Face à ces faillites organisées, je le répète, l’administration ne peut rien faire puisqu’elle se retrouve devant le fait accompli face à une déclaration de liquidation judiciaire.
Après la déclaration de liquidation judiciaire qui est tombée vendredi dernier, le juge-commissaire a en plus décidé de retenir non pas la proposition des salariés, qui avaient pourtant monté un vrai projet de société coopérative de production pour reprendre l’activité et la relancer avec le matériel à l’intérieur du site, mais celle d’un acheteur italien qui va juste prendre les machines pour les amener en Italie afin d’éviter toute concurrence – cette entreprise était le leader européen – et laisser sur place des salariés qui ont pourtant le savoir-faire et la compétence.
Parce que l’Italien met 1, 2 million d’euros sur la table, somme qui va permettre de rembourser les créanciers, le juge-commissaire choisit de ne pas défendre l’emploi et d’abandonner un site sur un territoire où, malheureusement, comme dans beaucoup d’autres départements, l’emploi est déjà bien malmené.
Nous avons vécu plusieurs fermetures d’usine ces dernières années, par exemple dans les secteurs de la papeterie et de la chimie. Aussi, madame la ministre, si vous entendez vraiment préserver l’emploi, ce n’est pas avec cet article 30 tel qu’il est rédigé que vous y parviendrez.
L'amendement n° 384 rectifié bis, présenté par MM. Marie, Néri, Labazée et Cabanel, Mme Lienemann, MM. Gorce, Madrelle, Durain et Anziani, Mme Tocqueville et M. Masseret, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 1° À des difficultés économiques suffisamment importantes et durables ;
II. – Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
III. – Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 2° À une réorganisation de l’entreprise justifiée par une anticipation raisonnable des difficultés économiques à venir, dès lors que la réorganisation envisagée a pour objectif la pérennité de l’entreprise et des emplois ;
IV. – Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
V. – Après l’alinéa 8
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« L’entreprise doit avoir cherché par tous moyens adaptés à sa situation à éviter un licenciement pour motif économique par les dispositifs cités aux articles L. 5122-1 et L. 5125-1, de sorte que le licenciement pour motif économique constitue le dernier recours pour assurer sa pérennité.
« Les situations mentionnées aux 1° et 2°, artificiellement créées afin de procéder à des suppressions d’emplois ainsi que celles résultant d’une attitude frauduleuse de la part de l’employeur, ne peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. »
VI. – Alinéas 9 à 20
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Georges Labazée.
Les entreprises réellement en difficulté peuvent, en l’état actuel du droit, licencier des salariés. S’il y a contestation, les juges examinent la situation des entreprises au cas par cas.
Or la rédaction de cet article, que ce soit avec la consécration d’indicateurs inappropriés ou la prise en compte d’un périmètre inadapté puisque réduit au seul territoire national, facilitera les licenciements boursiers. Elle aboutit également à une restriction du champ d’appréciation des difficultés économiques par le juge, qu’elle empêche ainsi de contrôler le sérieux du motif invoqué par l’entreprise.
Aujourd'hui, le juge ne se contente pas de constater une baisse du chiffre d’affaires ou des commandes pour apprécier les difficultés économiques. Il vérifie si ces difficultés sont réelles et ne résulte pas d’un comportement intentionnel ou frauduleux de la part de l’employeur.
Cet amendement a pour objet de renforcer les critères du motif économique de licenciement et de garantir leur libre évaluation par le juge. Il prévoit également de permettre au juge d’apprécier la réalité des difficultés au niveau du groupe et non du seul territoire national.
L'amendement n° 727, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Il s’agit d’un amendement de repli.
L’article 30, nous l’avons dit et répété, et pas seulement sur les travées du groupe CRC, inscrit dans la loi la possibilité pour un employeur de licencier afin de permettre de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise. Bien que ce motif soit prévu par la jurisprudence de la Cour de cassation, les termes de « sauvegarde de la compétitivité » laissent de grandes marges de manœuvre aux employeurs pour supprimer des emplois en dehors de toute difficulté économique. Mme la ministre a essayé de nous rassurer en disant que la notion de sauvegarde de la compétitivité telle que la conçoit le Gouvernement était encadrée, mais elle n’y est pas vraiment parvenue !
Comme de nombreux juristes, nous ne souscrivons en effet pas à l’idée selon laquelle les obstacles juridiques au licenciement économique et les risques judiciaires auxquels les employeurs s’exposeraient seraient, aujourd'hui encore et y compris avec ce projet de loi, trop importants. Les législations successives ont déjà permis de nombreux assouplissements des modalités et des formes de rupture des contrats de travail, nous les avons déjà évoqués.
Les exemples que nous avons donnés dans cet hémicycle sont criants, frappants, parlants, et je ne crois donc pas nécessaire d’ajouter d’autres arguments pour défendre cet amendement.
L'amendement n° 894 rectifié, présenté par MM. Collombat, Amiel, Bertrand et Guérini et Mmes Jouve et Malherbe, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Hermeline Malherbe.
L’examen des amendements de suppression de l’article 30 dans son ensemble comme la présentation de ces amendements portant sur différents alinéas montrent que cet article suscite – c’est le moins que l’on puisse dire – des interrogations.
Quant aux exemples cités, ils renvoient à une réalité humainement difficile à supporter pour ceux qui la vivent, et je partage l’émotion qu’a exprimée Mme David. Ces situations existent et, dès lors, notre mission de parlementaire est de prendre du recul et de voir quelles sont nos marges de manœuvre pour mieux encadrer les procédures tout en laissant aux entrepreneurs la possibilité d’avoir de l’ambition et de favoriser l’emploi.
Je veux cependant dire aussi qu’il est faux qu’un licenciement soit toujours difficilement vécu. J’ai fait du reclassement pendant quinze ans. Il y a bien sûr des salariés qui vivent mal leur licenciement, parce qu’il y a des situations très difficiles, et je l’ai moi-même vécu familialement. Pour autant, le licenciement est parfois vécu comme un redémarrage ou une chance de faire autre chose. On ne peut donc pas généraliser sur le plan humain.
Notre rôle à nous est en tout cas de faire tout ce qui est possible pour que la personne puisse mieux rebondir, quelles que soient les circonstances dans lesquelles intervient le licenciement.
S'agissant de mon amendement, la suppression de l’alinéa 11 permettrait de revenir au texte qui nous est parvenu de l’Assemblée nationale, lequel précise clairement qu’il faut avoir une vision à l’échelle internationale et non pas seulement à l’échelle nationale, car on voit bien que notre législation peut sinon être utilisée à mauvais escient.
L'amendement n° 874, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Remplacer les mots :
des entreprises du groupe, exerçant dans le même secteur d'activité et implantés sur le territoire national
par les mots :
du groupe
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
S’agissant du licenciement pour motifs économiques, un des points cruciaux réside dans le niveau d’appréciation des difficultés économiques et de la réorganisation.
Le présent projet de loi prévoit que, lorsque l’entreprise appartient à un groupe, ces éléments s’apprécient au niveau des entreprises du groupe exerçant dans le même secteur d’activité et implantées sur le territoire national. Autrement dit, ne sont pas prises en compte les entreprises du groupe implantées à l’étranger.
La commission tourne le dos à la jurisprudence de la Cour de cassation, laquelle a souvent affirmé qu’il fallait tenir compte des résultats du secteur d’activité à l’étranger.
Ce niveau d’appréciation des difficultés favorise une présentation artificielle des comptes ou des commandes. Le groupe ou les entreprises du groupe peuvent transférer artificiellement des pertes sur une entreprise. C’est ce qui s’est passé à Metaleurop avec le groupe de l’actionnaire Glencore, qui a plombé délibérément le site nordiste. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre à l’époque, venu sur le terrain, choqué de cette manœuvre, avait même utilisé l’expression « patron voyou ».
En 2003, le journal Libération titrait : « Patrons “voyous” mais pas hors la loi ». Les avocats de Glencore ont rétorqué que, si le gouvernement n’était pas satisfait des lois, il n’avait qu’à les changer.
Il faut donc fixer un périmètre international pour éviter les jeux de comptabilité. Dans le cas de Metaleurop, on a même assisté à un jeu de matières polluées : certaines ont été acheminées sur le site français pour alléger des pollutions des sites étrangers.
Nous voici au pied du mur avec un choix éthique à faire en mémoire de tous les salariés de Metaleurop, qui, hélas ! ne se sont pas retrouvés dans la configuration favorable qu’a judicieusement évoquée notre collègue Malherbe. Certains licenciements ont une issue heureuse. Malheureusement, dans un territoire en désindustrialisation comme le nôtre, ce ne fut pas le cas.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC. – MM. Martial Bourquin et Alain Néri applaudissent également.
L'amendement n° 875, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Supprimer les mots :
et implantées sur le territoire national
La parole est à M. Jean Desessard.
Il s’agit d’un amendement de repli.
J’en profite pour préciser à mon collègue sénateur de la Meuse qu’il existe des capitaux extérieurs prédateurs, qui rachètent une entreprise, parce qu’ils jugent l’actif intéressant, pour ensuite procéder à des licenciements et vendre à la découpe ! Certains n’ont même pour seul objectif que de réaliser une plus-value financière et non de poursuivre l’activité de l’entreprise. Tous les capitaux extérieurs ne sont pas nécessairement bons à accueillir.
Par ailleurs, depuis plusieurs années, j’entends dans cet hémicycle que la France a perdu son attractivité aux yeux des entreprises extérieures. À chaque fois, c’est démenti : nous sommes l’un des pays qui attirent le plus les capitaux extérieurs.
M. Jean Desessard. Bien sûr ! Et pourquoi ? Non pas pour les salaires qui seraient bas, mais pour les infrastructures, pour un certain art de vivre…
Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.
Je savais que cela allait vous faire réagir ! Le fait de vivre mieux et autrement et d’avoir une qualité de vie est un facteur d’attractivité. Ne vous en déplaise !
Les paysages, le patrimoine, la culture et un certain art de vivre, tout cela y contribue, au même titre que les infrastructures ou un bon niveau de formation.
M. Jean Desessard. Les capitaux étrangers qui veulent investir et faire de l’économie en France ne recherchent pas les plus bas salaires. Ils sont attirés par d’autres critères que vous délaissez et, à vouloir la rentabilité à tout prix, nous risquons de rendre notre pays moins attractif.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
L'amendement n° 904 rectifié, présenté par MM. Requier, Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mme Laborde et MM. Mézard et Vall, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 876, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'employeur doit, avant de procéder à tout licenciement pour motif économique résultant d'une suppression d'emploi, envisager toutes les pistes à sa disposition pour maintenir l'emploi en proposant de modifier un élément essentiel du contrat de travail, notamment la réduction du temps de travail ou le chômage partiel.
La parole est à M. Jean Desessard.
Eh oui ! Je n’ai pas toujours fait sénateur, mes chers collègues : j’ai bossé !
Quand on est sénateur, on bosse différemment, on bosse tard le soir – on n’a pas d’horaires d’ailleurs !
Tout le monde a insisté sur le caractère dramatique des licenciements économiques. Cet amendement vise à ce que le licenciement pour motif économique constitue le dernier recours. En d’autres termes, l’employeur doit justifier avoir envisagé toutes les options avant de licencier. Les dispositifs de réduction du temps de travail ou de chômage partiel peuvent permettre de conserver les emplois pendant les périodes de difficultés économiques que traverse l'entreprise.
L'amendement n° 732, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. – À la première phrase de l’article L. 1235-7 du même code, les mots : « douze mois » sont remplacés par les mots : « cinq ans ».
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
La loi relative à la sécurisation de l’emploi a réduit les délais de prescription en matière prud’homale. Le délai de cinq ans a été ramené à deux ans ou à trois ans selon l’objet de l’action. Pour l’action en contestation de licenciement pour motif économique, il est de douze mois. Dans la pratique, lorsqu’un salarié licencié pour motif économique cherche à faire reconnaître les heures supplémentaires effectuées mais non payées, le délai de prescription empêche les inspecteurs de procéder aux vérifications requises.
Alors que, en matière d’heures supplémentaires, il est possible de décompter les heures supplémentaires sur trois ans, l’inspection du travail est dans l’incapacité d’opérer le décompte des heures supplémentaires sur une période de douze mois. En d’autres termes, le délai de contrôle de l’inspection du travail et le délai de prescription aux prud’hommes ne sont pas les mêmes : voilà qui illustre bien l’incohérence de ces dispositions !
En réalité, cette mesure ne vise qu’à sécuriser les employeurs, tout en privant les salariés de leur droit à l’action en justice. Elle se justifie d’autant moins que les actions en justice contre les licenciements économiques représentent une infime partie du contentieux prud’homal.
Il est donc proposé de porter le délai de prescription à cinq ans, comme le prévoit le droit commun, pour permettre aux salariés estimant avoir été licenciés abusivement de contester cette décision devant le juge prud’homal.
Je répondrai aux arguments généraux qui ont été avancés.
La perte d’un marché qui représente 30 % de l’activité d’une entreprise ou une baisse de 30 % du chiffre d’affaires sont des facteurs qui contredisent les propos que j’ai tenus sur le caractère forcément multifactoriel des difficultés que rencontre une entreprise. L’ampleur de cette baisse l’explique : peu d’entreprises, quelle que soit leur taille, sortent indemnes de ce type de soubresaut, qui est suffisant pour entraîner une dégradation de l’ensemble des autres indicateurs à très court terme, quasiment dans l’immédiat et pas six ou huit mois plus tard. L’entreprise doit donc pouvoir réagir et s’adapter le plus rapidement possible pour assurer sa survie. C’est cette rapidité qui peut permettre de sauvegarder des emplois.
J’en viens aux mesures d’appréciation plus favorables pour les TPE et les PME. Je ne sais pas si l’on peut parler de conflit d’intérêts me concernant, étant moi-même dirigeant d’une PME – je le précise pour que ce soit clair.
On peut accorder aux TPE et aux PME des avantages particuliers en termes de délais, de souplesse, de taux d’imposition ; les TPE et les PME bénéficient d’ailleurs d’un taux d’imposition minoré jusqu’à un certain chiffre d’affaires. Reste que l’on ne peut pas appliquer ce raisonnement pour apprécier des difficultés économiques, sauf à accepter d’avoir une définition à géométrie variable de ce qu’est une entreprise en difficulté ou de ce que sont des difficultés d’entreprise. L’analyse ne peut être différente selon que l’entreprise compte quarante-cinq salariés ou cinquante-cinq ! C’est un critère objectif, extérieur à l’entreprise.
Je suis très favorable au fait de donner des avantages particuliers aux TPE et aux PME. En revanche, prévoir une définition différente des difficultés des entreprises est une erreur manifeste d’appréciation sur le plan de l’analyse comptable et financière. Ce critère ne peut être retenu et présente selon moi des risques en matière de constitutionnalité.
Le périmètre national retenu dans le texte de la commission a suscité bien des critiques. Certains ont suggéré un périmètre européen, voire mondial. Dans l’absolu, on souhaiterait tous que le périmètre mondial soit retenu. De manière réaliste, à moyen terme, on souhaiterait que ce soit le périmètre européen. Ce sera peut-être possible dès que l’intégration économique et sociale sera un peu plus avancée au sein de l’Europe et de la zone euro.
Aujourd’hui, ce qui compte, c’est l’attractivité du territoire. Si nous fixons un périmètre qui n’est pas celui des pays avec lesquels nous sommes en concurrence pour accueillir des investissements étrangers, nous nous pénalisons sûrement. Je pense d’ailleurs que les conséquences en termes d’emploi sont pis qu’en essayant à tout prix de mettre des barrières pour empêcher des licenciements financiers ou des délocalisations.
Les groupes qui procèdent à des licenciements financiers, à des licenciements boursiers, à des délocalisations, parviendront toujours à quitter le territoire d’une manière ou d’une autre, que vous le vouliez ou non, que vous fixiez des règles sévères ou non. Ils paieront ou ne paieront pas, mais ne resteront pas s’ils ne le veulent pas.
Ne pénalisons pas l’attractivité du territoire par des mesures de préservation qui sont relativement illusoires. Ce n’est pas un concept moral, encore moins un concept économique. C’est uniquement un concept de compétitivité pour notre territoire qui nous a amenés à retenir le périmètre national.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 726 pour les raisons expliquées précédemment ; je n’y reviens pas.
L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 877 : aux termes d’un arrêt de la Cour de cassation de 1994, le juge peut déjà sanctionner les fraudes et les difficultés artificiellement créées. L’adoption de cet amendement ne changerait donc rien : dans ce domaine, le contrôle du juge restera entier, et les entreprises ne pourront pas plus tricher.
L’amendement n° 728 tend à définir les difficultés économiques comme étant celles qui n’ont pu être surmontées par la réduction des coûts autres que salariaux. Dans une décision de 2001, le Conseil constitutionnel a censuré l’expression « les difficultés économiques qui n’ont pu être surmontées », car le juge ne doit pas se substituer à l’employeur dans les choix de gestion. Une loi de janvier 2002 a donc modifié les motifs de licenciement économique en adoptant la définition suivante : « des difficultés économiques sérieuses n’ayant pu être surmontées par tout autre moyen ». La disposition prévue dans cet amendement est donc inconstitutionnelle depuis cette jurisprudence. C’est pourquoi le Gouvernement y est défavorable.
Je comprends tout à fait le sens de l’amendement n° 384 rectifié bis, mais les critères que vous voulez supprimer, monsieur Labazée, relèvent d’une jurisprudence constante. La baisse du chiffre d’affaires a été dégagée par la jurisprudence en 1983, la baisse des commandes en 1986 et la sauvegarde de la compétitivité en 1995. Il est admis qu’à eux seuls ces critères peuvent caractériser une difficulté économique.
Par ailleurs, imposer que l’employeur ait d’abord recours à l’activité partielle ou à un accord de maintien dans l’emploi serait inconstitutionnel.
Je préfère que les bonnes décisions soient prises à temps par le dialogue social pour éviter les licenciements. C’est tout le débat que nous avons eu lors de l’examen de l’article 11.
Regardons ce qui s’est passé en Allemagne. Depuis 2013, en matière d’activité partielle, des améliorations ont eu lieu dans notre pays. J’ai tout à fait conscience que c’est tardif au regard de la crise de 2008, mais heureusement que nous avons réagi ! L’Allemagne y est parvenue grâce aux accords collectifs. Pour le dire vite, l’Allemagne a fait de la flexibilité interne, alors que la France a choisi une flexibilité externe et a licencié massivement pour répondre à la crise de 2008.
La flexibilité interne est possible par le dialogue social. L’Allemagne a eu recours au chômage partiel de façon assez importante pendant la crise de 2008 ; cette décision a été assez rapide. Elle a en outre choisi d’accentuer la formation des salariés, ce qui fait que, lorsque l’activité économique a repris, elle n’avait pas perdu les compétences.
Je le répète, c’est par le dialogue social que cela a été rendu possible. L’article 11 du projet de loi permet de prendre les bonnes décisions à temps par le dialogue social. Je rappelle que, avant de licencier pour motif économique, l’employeur doit mettre en œuvre toutes les mesures possibles de reclassement et le juge contrôle.
L’argument selon lequel l’employeur peut tirer profit d’une difficulté passagère pour se séparer d’un collaborateur en particulier et le remplacer ne tient pas. Lors d’un licenciement économique, le choix du salarié qui est licencié ne peut être arbitraire. L’employeur doit respecter les critères qui sont fixés par la loi ou la convention collective : ancienneté, charges familiales, aptitude à retrouver un emploi…
Par ailleurs, le salarié licencié bénéficie pendant un an d’une priorité de réembauche dans l’entreprise. L’employeur est donc tenu de lui proposer l’ensemble des mesures, sous peine de sanctions.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Pour les auteurs de l’amendement n° 727, l’expression « réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité » est trop floue et il faut s’en tenir à la jurisprudence de la Cour de cassation. C’est justement ce que nous faisons en codifiant dans cet article la jurisprudence de la Cour de cassation de 1995. Cet article autorise donc les réorganisations nécessaires, mais celles-ci ne peuvent constituer une cause économique justifiant un licenciement que si elles sont effectuées pour sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement émet en revanche un avis favorable sur l’amendement n° 894 rectifié, qui vise à revenir au périmètre international. Je le rappelle, c’est le fruit des négociations qui a permis de faire évoluer le texte. De ce point de vue, je tiens à l’équilibre trouvé à l’Assemblée nationale.
Le Gouvernement émet également un avis favorable sur l’amendement n° 874, comme sur l’amendement n° 875, qui tend à supprimer la précision selon laquelle l’appréciation du motif économique s’effectue sur un périmètre national.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 876. En effet, le code du travail prévoit déjà un certain nombre d’obligations en matière de licenciement. Ainsi, avant d’envisager un licenciement économique, l’employeur doit faire tous les efforts de formation et d’adaptation et chercher à reclasser chaque salarié au sein de l’entreprise ou du groupe. La loi maintient ces obligations, avec un contrôle attentif du juge.
Enfin, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 732. Il souhaite le maintien du délai de douze mois, qui est issu de la concertation avec les partenaires sociaux, dans le cadre de l’accord national interprofessionnel de 2013.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote sur l’amendement n° 877.
Mon explication de vote ne porte pas spécifiquement sur cet amendement. Je veux simplement dire à M. le rapporteur que je ne peux pas laisser sous-entendre que le groupe CRC serait insensible à la situation des très petites entreprises, voire des petites et moyennes entreprises. Ce serait triturer la vérité. On peut partager l’idée que des mesures de divers ordres sont à prendre dans différents domaines en faveur des TPE et des PME ; pour autant, faut-il considérer qu’il faudrait accorder à ces entreprises des souplesses supplémentaires qui pourraient se retourner contre les salariés ? Je ne le pense pas.
Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué l’impôt sur les sociétés. Il y a là tout de même une grande injustice ! Alors que le taux facial est le même pour tout le monde, les grands groupes capitalistes paient un taux réel de 8 %, contre 28 % pour les petites et moyennes entreprises. Dans ce domaine, il y a des choses à faire. Il est possible de baisser le taux facial de l’impôt sur les sociétés des petits entrepreneurs, dès lors que l’on oblige les grands groupes à payer ce qu’ils doivent.
J’en viens à l’attractivité de notre territoire, qui a été excellemment décrite par l’un de nos collègues. Si les grandes entreprises et les grands groupes investissent sur notre territoire, ce n’est certainement pas en raison du niveau des salaires ou parce que le code du travail ne serait pas assez protecteur. Ils y trouvent bien d’autres intérêts. Il nous faut donc valoriser nos qualités, la qualification professionnelle, la productivité de nos salariés, l’inventivité, la créativité de nos petites entreprises.
Sur mon initiative, la délégation sénatoriale aux entreprises s’est rendue dans l’Arrageois. Elle a visité des entreprises de communication qui travaillent ensemble. Au lieu de laisser les petites entreprises se faire concurrence, il faudrait favoriser la coopération.
Au-delà de ces pistes, je souhaitais insister sur le fait que nous sommes, nous aussi, pour le développement des petites et moyennes entreprises.
La délégation aux entreprises, présidée par Élisabeth Lamure, a visité quelque trois cents entreprises. Pour s’épanouir, celles-ci ont besoin de stabilité, de vision et d’expérimenter pour savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Toutes nous ont dit : « Laissez-nous travailler, faites-nous confiance ! »
On a pris tout à l’heure l’exemple de ce que l’on pourrait appeler des brebis galeuses. Dans tous les secteurs d’activité – en politique aussi –, il y en a. Ce n’est pas pour cela qu’il faut généraliser. Les chefs d’entreprise sont là pour préserver et développer l’emploi : ils n’ont aucune raison d’organiser la chute de leur entreprise.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.
Le code de la route ou les sanctions pour infractions routières, c’est pour les chauffards, ce n’est pas pour ceux qui conduisent bien !
De la même façon, le code du travail est fait pour les brebis galeuses, pas pour les entreprises qui fonctionnent bien.
Applaudissements sur quelques travées du groupe CRC.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l’amendement n° 384 rectifié bis.
Je partage totalement les avis exprimés par la commission sur tous ces amendements.
Je souhaite appeler l’attention du Gouvernement, de la commission et de nos collègues sur la dégradation de la trésorerie, à laquelle il est fait référence au troisième alinéa de cet article, comme critère de difficulté économique. L’alinéa suivant est plus précis, puisqu’il fait référence à une baisse de 30 % du chiffre d’affaires.
Madame la ministre, j’ai bien compris que le Gouvernement transformait en disposition législative une jurisprudence de 1995, que le juge devra prendre en considération au moment où il devra apprécier le fondement du licenciement économique. Or je ne sais pas si une jurisprudence existe pour apprécier les difficultés en matière de trésorerie. Pour les petites entreprises ou les PME, la valeur de la trésorerie est complètement différente que pour les grandes entreprises et elle doit être appréciée de manière spécifique.
Souvent, un problème de trésorerie, qui n’est pas forcément lié à la baisse du chiffre d’affaires, peut entraîner des difficultés majeures. Cela peut être dû à un recours devant les prud’hommes engagé par un salarié à l’encontre de son chef d’entreprise qui ignorait certaines dispositions spécifiques au statut du salarié ; je pense notamment à une directive européenne sur la rémunération au forfait. Dans le secteur agricole, nombre d’exploitations sont condamnées, à la suite de recours engagés par des salariés, encouragés par des syndicats. Lorsqu’elles doivent payer des indemnités considérables, cela provoque des difficultés majeures qui les mettent à mal.
Je souhaite donc que, dans le cadre de la navette parlementaire, on puisse améliorer le texte pour tenir compte de ces situations. C'est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à cet amendement, qui veut laisser au juge apprécier les décisions à prendre. Encadrer ce dispositif est une bonne chose.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été publiée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Alain Milon, Jean-Baptiste Lemoyne, Michel Forissier, Jean-Marc Gabouty, Mme Nicole Bricq, MM. Yves Daudigny et Dominique Watrin ;
Suppléants : MM. Michel Amiel, Olivier Cadic, Mmes Catherine Deroche, Anne Emery-Dumas, Catherine Génisson, Pascale Gruny et Patricia Morhet-Richaud.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.