Je vais essayer de poursuivre le raisonnement que j’avais entamé précédemment au sujet des désaccords qui existent entre le Gouvernement et la commission quant à la rédaction de cet article.
Vous raisonnez, madame la ministre, comme s’il était facile de définir une entreprise en difficulté. Or, comme Mme Bricq l’a indiqué – c’est consacré par la jurisprudence –, cette notion de « difficulté » repose sur un « faisceau d’indices ». Votre rédaction initiale ne faisait pas appel à cette notion ; elle faisait reposer l’appréciation des difficultés sur « au moins l’un des indicateurs ». Un seul indicateur aurait donc suffi. Cela peut certes être le cas si la variation d’amplitude de cet indicateur est suffisante. Néanmoins, une telle rédaction est quelque peu « vendeuse » pour les entreprises, qui peuvent en conclure qu’il suffit qu’un indicateur soit relativement significatif pour pouvoir licencier. Certes, l’immense majorité des chefs d’entreprise ne raisonnera pas ainsi, mais certains, indélicats, pourront se lancer dans ce genre de processus, ce qui n’est bon ni pour les entreprises ni pour les salariés.
Nous souhaitons donc que cette définition, à défaut d’être excessivement précise, ce qui est impossible, soit la plus objective et la plus sûre possible dans son approche. C’est ainsi que nous éviterons le plus de contentieux. Cet aspect de sécurité doit, j’en suis convaincu, primer sur l’attractivité de la mesure.
Je ne sais comment évoluera le texte par la suite. Nous renvoyons le détail des critères à un décret en Conseil d’État, parce que d’autres peuvent être inclus sans nécessairement dicter au juge l’importance qu’il doit leur accorder. Ainsi, la notation par la Banque de France est un critère intéressant, puisque l’analyse de la situation de l’entreprise aura déjà été faite, sur le plan financier, par cette institution. Bien d’autres éléments de ce type peuvent encore être pris en compte. L’important est de conserver la notion de « faisceau d’indices », qui laisse au juge sa liberté d’appréciation.
Nous avons par ailleurs prévu dans notre rédaction de faciliter le recours à une expertise. En effet, un juge n’a pas une connaissance universelle : en fonction du secteur d’activité et du rythme économique de l’entreprise, beaucoup de juges n’ont pas nécessairement la compétence économique souhaitable. L’ouverture vers une expertise donne à mon avis une sécurité supplémentaire : l’entreprise ou le salarié savent qu’ils pourront y faire appel, ce qui peut décourager l’engagement d’une procédure insuffisamment fondée. J’ai tenu à introduire cet élément de sécurité supplémentaire.