S’agissant de l’amendement n° 716 rectifié bis, je note une contradiction entre, d’une part, l’établissement de critères permettant de reconnaître un lien de subordination entre la plateforme et le travailleur et, d’autre part, le maintien de la disposition selon laquelle la reconnaissance d’une responsabilité sociale de l’entreprise n’est pas de nature à établir l’existence d’un lien de subordination. Autrement dit, on accorde au travailleur les attributs du salariat tout en empêchant celui qui pourrait revendiquer la position de salarié de se prévaloir de ces attributs pour plaider en ce sens.
En supprimant l’article 27 bis, la commission des affaires sociales a exprimé son scepticisme quant à la création d’un statut ad hoc non défini, celui d’un travailleur indépendant bénéficiant de certains attributs du salariat, sans toutefois que ces éléments soient, d’une quelconque façon, de nature à établir l’existence d’un lien de subordination.
Madame la ministre, vous ouvrez là une brèche qui nous semble dangereuse, et, qui plus est, vous le faites dans la précipitation et sans réelle concertation. Tout cela mériterait une réflexion plus approfondie.
Le Gouvernement est assez prompt à ouvrir des concertations sur des sujets moins sensibles ; je m’étonne donc, madame la ministre, que vous ne choisissiez pas cette méthode pour penser de façon plus large le statut de ces travailleurs – leur activité est bel et bien spécifique, et leur statut se situe quelque part entre le salariat et le travail indépendant –, au lieu de vous contenter de leur donner quelques droits au détour d’un texte.
Par ailleurs, deux recours viennent d’être déposés par les URSSAF contre une plateforme devant les juridictions sociales ; ils visent à requalifier les contrats liant le travailleur indépendant à cette plateforme en contrats de travail. Comment, dès lors, ne pas voir dans cet article une législation de circonstance ? À supposer même que tel ne soit pas le cas, il est évident que l’adoption de cet article interférerait, d’une manière ou d’une autre, avec les procédures en cours.
Qui en tirerait le bénéfice ? Je n’en sais rien : peut-être les URSSAF, mais plus probablement les plateformes, qui pourraient trouver dans ce dispositif bâtard un argument pour se protéger contre la reconnaissance d’un lien de subordination et contre la requalification en contrats de travail.
Il me paraît donc plus sage, à ce stade, de ne pas s’engager dans l’adoption d’une nouvelle réglementation qui créerait plus d’incertitude qu’elle n’offrirait de solutions.
La commission a donc émis un avis défavorable sur les amendements n° 716 rectifié bis et 964 rectifié.