Intervention de Dominique Watrin

Réunion du 24 juin 2016 à 9h30
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s — Article 33 quater

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

Ouvrir la possibilité, fût-ce à titre expérimental, d’entrer en apprentissage au-delà de l’âge de 25 ans nous paraît dangereux.

En effet, même si l’apprentissage est un sujet à la mode, au sein tant du Gouvernement que de la droite sénatoriale, il faut prendre le temps d’ausculter en profondeur les réalités qu’il recouvre.

Tout d’abord, les jeunes qui empruntent la voie de l’apprentissage, dispositif parallèle à l’éducation professionnelle, travaillent dans des conditions particulièrement précaires : un jeune de plus de 21 ans en troisième année d’apprentissage ne touche que 78 % du SMIC, aucune embauche ultérieure en CDI n’étant garantie.

Ensuite, s’il existe, dans la filière de l’apprentissage, des formations d’excellence qui sont de véritables passerelles vers un emploi qualifié – par exemple dans les métiers de bouche ou du luxe –, la grande masse des apprentis travaillent en réalité dans des secteurs où la valeur ajoutée créée est beaucoup plus faible, voire quasi nulle. Le recours à l’apprentissage apporte alors avant tout un effet d’aubaine à l’employeur, qui bénéficie ainsi d’une main-d’œuvre bon marché et dont la formation pratique ne représente pas un investissement important. L’extension de l’apprentissage au-delà de 25 ans a donc pour seul intérêt d’augmenter la plus-value dans ces secteurs.

Par ailleurs, soyons clairs : ce report à 30 ans de la limite d’âge pour l’entrée en apprentissage concernera en réalité des jeunes déjà formés mais au chômage, à qui on demandera d’accepter une faible rémunération. Ce dumping social élargi à une nouvelle fraction de la jeunesse aggravera la pression sur l’ensemble des salariés. Ajoutons que les comptes sociaux seraient soumis à une baisse significative des cotisations.

La multiplication des dispositifs tels que les emplois d’avenir ou les contrats aidés a débouché sur un échec ; cette course à la baisse du coût du travail n’a rien donné depuis trente ans, si ce n’est une baisse des salaires réels et une augmentation de la précarité.

Par conséquent, plutôt que de porter à 30 ans l’âge limite pour entrer en apprentissage, il vaudrait mieux s’attaquer au vrai problème que constitue la fréquence des ruptures de contrat, le taux s’élevant jusqu’à 42 % dans certains secteurs d’activité et dans certaines régions

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