Voilà des années que nous suivons le dossier des travailleurs détachés. J’étais moi-même élue au Parlement européen quand la directive sur les travailleurs détachés a été votée.
Depuis le début, ce texte porte en germe de graves risques de dumping social. On le voit tous les jours davantage. Régulièrement, les gouvernements essayent de trouver des méthodes techniques, pour mieux contrôler, mieux garantir, mieux responsabiliser les donneurs d’ordre ; c’est ce que fait en particulier le Gouvernement depuis quelques années.
Avec le présent texte, on va encore franchir une étape, mais, je vous le dis tout net, madame la ministre, les solutions prévues ici ne sont pas à la hauteur du problème, qui ne sera pas réglé.
De mon point de vue, il est urgentissime que la France oppose à ses partenaires européens une décision unilatérale de suspension de la directive sur les travailleurs détachés, au motif de l’intérêt national. C’est nécessaire, quand on voit à quel point le dumping social mine la confiance des peuples.
On nous menace, parce que nous allons soutenir le principe d’un SMIC pour routiers. N’allons-nous rien faire contre la concurrence et les dumpings qui tuent les entreprises de routiers en France ? Si la France ne dit jamais non, si elle n’est pas capable de créer un rapport de forces, il ne faudra pas s’étonner que l’Europe soit un jour contestée dans notre pays !
Sur ce sujet, qui est concret, nous pouvons plaider l’intérêt national, puisque nous accueillons au moins 300 000 travailleurs détachés. Au regard des quelque 3 millions de chômeurs que compte notre pays, ce n’est pas rien !
Je ne dis pas qu’il ne doit plus y avoir de travailleurs détachés, mais on peut prévoir une autorisation préalable, qui permette non pas de surveiller les entreprises a posteriori, avec des inspecteurs du travail et des procédures à n’en plus finir, mais de savoir si, dans tel cas très précis, les emplois sont véritablement légitimes et s’il est possible d’éviter le dumping.
De même que l’on a créé, jadis, des montants compensatoires agricoles, il faudrait créer, pour les travailleurs détachés, des montants compensatoires sociaux, notamment afin de comparer les salaires avec les charges et les cotisations, et pas simplement les salaires de base.
Il ne s'agit pas seulement d’efficacité dans la défense du droit du travail et des salariés français : en ce jour particulier où l’on voit que, partout en Europe, des doutes s’expriment sur l’Union européenne, la France doit dire haut et fort qu’elle défend une Europe sans dumping social.