Intervention de Dominique Watrin

Réunion du 24 juin 2016 à 14h30
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s — Article 45

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

Je vais aller dans le même sens que ma collègue Marie-Noëlle Lienemann.

La construction européenne est ainsi faite que, après avoir été présentée comme le grand projet du XXe siècle, elle est devenue, au fil du temps, source de tensions et de conflits.

Depuis quelques années, comme le montre encore le résultat du référendum tenu en Grande-Bretagne, le divorce s’est accru entre, d’un côté, le projet et les institutions qui le portent, et, de l’autre, les peuples et les opinions publiques.

Pour le plus grand nombre, l’Europe est devenue la quintessence de la technocratie aveugle et sourde, croyant faire le bonheur des peuples contre leur gré ou réformer pour leur bien-être.

Quelques-uns des ultralibéraux bruxellois ont même pensé qu’une réforme généralisée des codes du travail applicables dans les différents pays de l’Union européenne allait rencontrer l’assentiment général. Le résultat des élections municipales italiennes et celui des deux élections législatives espagnoles sont là pour montrer la profonde déconnexion entre cette Europe et les aspirations populaires.

Au nom de la libre circulation des hommes, c’est une brutale mise en concurrence des salariés les uns contre les autres qui s’est en réalité mise en place. C’est à celui qui acceptera le plus bas salaire et les pires conditions pour obtenir de s’insérer dans la boucle de sous-traitance d’un donneur d’ordre.

L’augmentation considérable du nombre de travailleurs détachés dans notre pays en est un symptôme inquiétant. En effet, le nombre de travailleurs détachés a été multiplié par dix en dix ans et il a augmenté de 25 % en un an.

L’article 45 du projet de loi entend renforcer l’arsenal des mesures destinées à lutter contre la fraude au travail détaché.

Si la coresponsabilité entre donneur d’ordre et sous-traitant peut apparaître comme une avancée, le régime de sanctions nous semble, pour l’heure, encore bien timide, pour ne pas dire plus.

Ce n’est pas le droit de timbre de 50 euros maximum prévu à l’article 46 qui va limiter le recours au travail détaché, donc le risque patent de fraude dans les secteurs les plus soumis à ces travers ! Je pense notamment au bâtiment, aux travaux publics ou à l’agriculture.

La lutte contre la fraude au travail détaché appelle bien d’autres leviers que ce projet de loi. Il faudra bien un jour s’attaquer au cœur des questions dont nous allons discuter, en remettant en cause la directive européenne elle-même.

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