Intervention de Myriam El Khomri

Réunion du 24 juin 2016 à 21h45
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s — Article 51, amendement 82

Myriam El Khomri, ministre :

S’agissant de l’inspection du travail, sur laquelle j’ai été interpellée, je précise que les missions de cette institution sont multiples. Elles comprennent bien sûr le contrôle, que vous avez souligné à juste titre, mais également l’information et le conseil.

À titre d’exemple, quelque 2 236 agents de contrôle opèrent dans les entreprises, mais 512 personnes informent et conseillent, aussi bien les salariés que les entreprises, et répondent au téléphone, sans parler du personnel d’encadrement dont la Cour des comptes n’a pas toujours non plus tenu compte, mais qui a de missions essentielles, notamment pour ce qui concerne les montages de plus en plus complexes que nous avons évoqués tout à l’heure.

En ce qui concerne l’amiante, en écho au rapport d’information de 2014 du Sénat, les ministères du logement, du travail, de la santé et de l’environnement ont entamé un travail interministériel.

M. Watrin a déploré le manque de stratégie nationale. Pourtant, ce travail interministériel de coordination des actions en matière d’amiante tire la conclusion des critiques faites au Gouvernement sur l’absence de pilotage des politiques publiques en la matière. Un plan d’action interministériel de trois ans a été mis en place début 2016. Il fera l’objet d’une présentation plus officielle à l’automne, auprès de tous les professionnels du secteur. Il s’agira à la fois d’améliorer l’information, de renforcer la sensibilisation aux dangers de l’amiante et d’accompagner la mise en œuvre de la réglementation.

Ce plan s’inscrit dans les objectifs du plan Santé au travail n° 3 et du plan Santé environnement, qui visent en particulier à améliorer la connaissance sur le danger des expositions. Très concrètement, mes services mènent une action constante dans ce domaine, qui se traduit notamment par une modification de la réglementation dans un sens plus protecteur, via un abaissement de la valeur limite d’amiante par litre. Ils mènent aussi une action de contrôle prioritaire grâce aux unités régionales de contrôle spécialisées, comme celles en région Aquitaine.

Tout un plan est en train d’être mis en œuvre. L’article 51 de ce projet de loi en contient l’une des mesures principales, qui est la prévention et le diagnostic.

J’ai bien entendu, madame Deromedi, vos remarques. Un décret sera publié pour traiter, notamment, la question des particuliers. Quoi qu’il en soit, l’objectif reste la prévention. La création d’un repérage amiante avant travaux donne un cadre clair. Une telle mesure assure une meilleure protection des travailleurs et de l’environnement, tout en sécurisant les opérations travaux.

Je citerai un chiffre. Selon les informations transmises par les services de l’inspection du travail et par les organisations professionnelles du désamiantage, un tiers environ des chantiers donnent lieu à des travaux supplémentaires, par le fait d’absence ou de mauvaise qualité de repérage. Dans 30 % des cas, l’entreprise a des difficultés à obtenir des repérages de la part du donneur d’ordre. Dans quatre cas sur dix, les repérages communiqués sont incomplets au regard de la nature des travaux. Par ailleurs, quelque 25 % à 30 % des décisions d’arrêt de travaux trouvent leur origine dans l’absence de repérage.

Je citerai également des chiffres financiers. Le coût d’un repérage peut être estimé à environ 1 % du coût total de l’opération. Ce montant doit être comparé au surcoût résultant des préjudices découlant de l’absence ou de l’insuffisance de repérage, qui s’élève à 20 %.

Nous nous situons donc véritablement dans une perspective de prévention. En cela, le dispositif proposé est à la fois très attendu des professionnels confrontés à ces difficultés et figure dans le plan d’action interministériel pour améliorer la prévention des risques. Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 82 rectifié ter.

Le Gouvernement demande le retrait de l’amendement n° 830 rectifié, qui vise la mise en place d’une plateforme en ligne.

J’ai fait état à l’instant du plan d’action interministériel. Or celui-ci prévoit, entre autres, des dispositions destinées à améliorer la connaissance en matière d’amiante dans les immeubles bâtis, mais également le développement d’un système d’information exploitant les données des rapports d’activité, afin d’avoir une meilleure connaissance à la fois du parc des immeubles bâtis et surtout de l’application de la réglementation.

Le démarrage des travaux informatiques est prévu en 2017 et nécessite au préalable le formatage des différents rapports, études ou analyses. Ce projet est piloté par le ministère de la santé. La plateforme que vous appelez de vos vœux, limitée au diagnostic amiante, n’est pas nécessaire, puisque ce nouvel outil est en train de se mettre en place.

En ce qui concerne l’amendement n° 827 rectifié, il n’entre pas dans les missions de l’ANSES de se prononcer sur le mode de gouvernance d’une politique publique. Néanmoins, dans la mesure où vous attendez surtout la mise en place d’une stratégie publique, il me semble que le plan d’action gouvernemental sur l’amiante, qui vient de faire l’objet d’une validation interministérielle, est susceptible de vous donner satisfaction.

S’y trouvent inscrits la validation d’études, ainsi que le développement de méthodes de désamiantage compétitives, notamment. Un comité de pilotage réunissant tous les départements ministériels concernés assurera le suivi du plan d’action. Votre préoccupation, tout à fait légitime, trouve ainsi sa réponse. Le Gouvernement demande donc le retrait de l’amendement n° 827 rectifié.

Il en est de mêmes’agissant de l’amendement n° 828 rectifié, qui est devenu sans objet, puisque des dispositions ont été introduites à l’article L. 1334-14 du code de la santé publique, par amendement parlementaire, lors de l’examen de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

S’agissant de l’amendement n° 829, le Gouvernement émet un avis défavorable. Des actions peuvent d’ores et déjà être conduites en termes de prévention, je pense notamment aux CARSAT, les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail, de la branche AT-MP, ainsi que dans le cadre de l’instruction commune entre la CNAM et la DGT.

Par ailleurs, le suivi individuel et médical des salariés exposés ne relève pas directement de l’inspection du travail. C’est d’abord l’employeur qui doit assurer la traçabilité des expositions à l’amiante. Le suivi s’organise dans le cadre de la médecine du travail tant que le salarié est en activité, puis dans le cadre du suivi post-professionnel. En tout état de cause, une telle disposition ne relève pas du registre de la loi.

Enfin, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 831. Le suivi médical instauré en 1995 a été actualisé en 2011, sur la base des recommandations de la Haute Autorité de santé.

Suivant la préconisation de cet établissement d’améliorer l’information des assurés sur le dispositif, le Gouvernement a lancé une campagne d’information auprès de 80 000 anciens et actuels allocataires du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante. Cette campagne est en cours ; quelque 70 000 courriers ont été adressés. Les premiers résultats seront disponibles fin 2016 et permettront, le cas échéant, de faire évoluer le dispositif. La production d’un rapport sur cette question n’apparaît, dès lors, pas nécessaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion