Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères et du développement international, mes chers collègues, le peuple britannique a donc choisi la sortie de l’Union européenne. Ce résultat est un choc pour tous ceux qui croient en l’idée européenne. Il démontre cruellement le manque d’un leadership européen, marqué notamment par la faiblesse du couple franco-allemand.
Le Royaume-Uni se prépare ainsi un difficile chemin. Il devra maintenir sa cohésion en surmontant la fracture générationnelle et territoriale que révèle le scrutin du 23 juin. Il devra négocier les termes d’un partenariat avec l’Union européenne, dans un nouveau statut qui sera celui d’un pays tiers.
L’Union doit engager rapidement cette négociation, dont le déclenchement relève de la Grande-Bretagne et d’elle seule. L’Union ne doit pas être l’otage des débats politiques internes à un pays qui a choisi de la quitter. Elle doit travailler à un partenariat nouveau qui puisse fonctionner correctement à partir d’intérêts communs bien identifiés.
Tirons, nous aussi, tous les enseignements du vote du 23 juin. En clair, il faut refonder l’Union européenne sur de nouvelles bases. La sortie du Royaume-Uni rend cette exigence d’autant plus forte. Il est donc désormais urgent d’adresser quatre messages essentiels aux peuples européens.
Premier message : il faut, comme l’a dit voilà quelques instants le président Raffarin, mettre un frein à l’élargissement et sécuriser concrètement les frontières. Nous voulons un Schengen de deuxième génération, qui assure cette sécurité et n’hésite pas à suspendre les États défaillants. Nous devons par ailleurs construire des partenariats efficaces : au Sud avec la Turquie sur la question migratoire ; à l’Est avec la Russie, en valorisant nos intérêts économiques réciproques.
Deuxième message : nous devons recentrer l’Europe autour d’un noyau dur « ouvert » d’États membres déterminés à aller de l’avant. Le couple franco-allemand doit en être le moteur. Il est malheureusement aujourd'hui en panne. Il est impératif de le relancer. Nos deux pays doivent montrer la voie, en construisant l’union de l’énergie par la mutualisation des coûts et le partage des réseaux, en bâtissant le marché unique du numérique avec une Europe productrice et pas seulement consommatrice, en affirmant l’ingénierie financière européenne, la City, avouons-le, étant désormais hors de l’Union, et ce à partir de l’excellence des places de Paris et Francfort.
Troisième message : il convient de mettre en œuvre les priorités stratégiques innovantes du président Juncker : l’industrie, créatrice de richesses et d’emplois ; l’énergie, qui est une composante fondamentale pour notre compétitivité ; et le numérique, qui est au cœur de toute activité du XXIe siècle. C’est une Union centrée sur l’essentiel dont nous avons besoin. La relance de l’investissement doit être une priorité. N’ayons pas peur des mots : nous avons besoin d’un fonds souverain européen, qui serait tout simplement le fonds Juncker de deuxième génération ! Nous devons bâtir une nouvelle politique agricole commune en intégrant la nouvelle géopolitique alimentaire.
Enfin, quatrième message : il faut redonner aux parlements nationaux toute latitude pour décider des « normes » relatives à la vie quotidienne de leurs concitoyens, en affirmant le principe de subsidiarité, en faisant de la simplification le fil directeur de notre action commune.
Dans un monde globalisé, face à des États-continents, les replis nationaux ne sont pas la bonne réponse. Nous voulons une Europe puissance, qui s’affirme sur la scène internationale. Cette Europe puissance doit se doter d’une capacité de défense, au sens propre et au sens figuré. Elle doit négocier des accords commerciaux sur la base d’un cahier des charges précis, ex ante, ce qui relativise la pertinence du concept de traité mixte, puisqu’ils seront négociés au préalable, les parlements nationaux devant pouvoir en débattre et fixer des « lignes rouges » dès le départ.
Ne restons pas, enfin, sans réagir face à l’extraterritorialité des lois américaines, contraire au droit international. Utilisons tous nos instruments de défense. Opposons un Buy European Act au Buy American Act ! Si nos partenaires commerciaux ne respectent pas leurs engagements, appliquons rapidement des clauses de sauvegarde pour préserver nos intérêts, et ce avec rapidité !