Intervention de Didier Guillaume

Réunion du 28 juin 2016 à 15h00
Suites du référendum britannique et préparation du conseil européen — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Didier GuillaumeDidier Guillaume :

Après la crise de l’euro et l’action pour faire rester la Grèce dans l’euro, après la recherche d’une solution concernant les réfugiés, dossier sur lequel beaucoup reste à faire, nous voici aujourd’hui confrontés à une première historique pour l’Europe : un divorce entre notre communauté européenne et l’un de ses membres.

Cette nouvelle difficulté est sans doute la plus ardue, et il est de notre responsabilité collective, à nous, Français, et à tous les autres pays d’Europe, de la surmonter aujourd'hui.

Mes chers collègues, cette rupture ne vient pas de nulle part. Peu nombreux sont ceux qui formulaient cette éventualité avant la convocation du référendum britannique, mais beaucoup la craignaient. Nous y sommes.

Cette rupture entre l’Europe et un de ses peuples intervient comme le point d’orgue d’une multiplication des crises européennes. Bien sûr, il y a eu la crise économique qui a entraîné dans son sillage la crise des dettes souveraines, après 2008. Mais les difficultés de l’Europe avec les peuples avaient déjà commencé bien avant. De la peur de davantage d’intégration dans les années 1990 à la crainte d’un projet trop vertical en 2005, les signes de défiance des peuples envers l’Europe étaient nombreux. Les réponses ont été trop courtes, et même lorsque le peuple français a voté, il n’a pas été tenu compte de son souhait.

Nous sommes tous comptables de cette situation. Les rivalités politiciennes nationales prenant souvent le pas sur le reste, le statu quo devient souvent le point d’arrivée des débats européens.

Pendant ce temps, les voix eurosceptiques de toutes provenances se sont renforcées en Europe. Les nationalismes ont pris confiance. Le débat qui s’est déroulé il y a maintenant quelques jours au Royaume-Uni en a été le témoignage : racisme et xénophobie à tous les étages ; slogans réducteurs et fausses pistes de sortie, qui inquiètent aujourd'hui les Britanniques, y compris ceux qui ont voté pour la sortie.

Ces crises européennes traduisent douloureusement une certaine absence de projet européen. Lorsque nous disons cela, lorsque notre groupe dit cela, je sais que ça hérisse le poil de tous ceux qui, comme nous-mêmes, dans cet hémicycle, sont des Européens convaincus. Mais reconnaissons qu’au-delà des champs économiques et monétaires, au-delà de la question du marché, donc, nous avons échoué à construire une véritable société européenne.

David Cameron a qualifié vendredi matin les Britanniques de « nation de marchands ». Par une ironie de l’histoire, ce sont les « marchands » qui quittent les premiers une communauté tournée vers le « marché ». Et ce n’est pas qu’une ironie. C’est aussi le symbole que l’Europe, que nous tous n’avons pas su apporter plus que ce marché.

Cette faillite doit être constatée aujourd’hui pour mieux préparer demain, l’après-sortie du Royaume-Uni. Car, oui, le Royaume-Uni doit quitter l’Europe. Après ce référendum, après cette séparation, après ce divorce, il faut se tourner vers la famille. Et la famille, c’est l’Europe, ceux qui restent. Cette famille doit demeurer soudée, unie, et affirmer trois principes. Le peuple britannique est un peuple ami et le restera. Le Royaume-Uni est un pays ami et le restera. Mais quand on divorce, on quitte la maison commune immédiatement, pour habiter peut-être à côté, mais en tout cas, pas sous le même toit, sinon personne ne le comprendrait. §Que cela plaise ou non, le peuple a toujours raison. Le peuple britannique a voté et il a décidé. Il a souhaité quitter l’Europe. La priorité doit donc désormais être d’organiser cette sortie.

Celle-ci ne doit pas traîner au-delà de ce que prévoit l’article 50 du traité de Lisbonne. La sortie du Royaume-Uni est un enjeu de respect démocratique, mais pas seulement. Elle est aussi impérative pour sortir d’une zone d’incertitudes qui pénaliserait les Européens et les Britanniques.

Ceux qui voudraient aujourd’hui retarder cette sortie sont parfois ceux qui l’ont demandée. Il n’est pas acceptable que les Anglais se retirent des contraintes, mais gardent les avantages communautaires. Quand on quitte l’Europe, on n’a plus de commissaire européen, on n’a plus de députés européens, on ne touche plus les aides de la PAC

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