Aussi, la deuxième question, lorsque le Brexit sera effectif, est celle du projet européen. Si ce projet a failli, il peut repartir – les orateurs qui m’ont précédé ont évoqué ce point.
Le chef de l’État en a esquissé les contours depuis plusieurs semaines, et précisé le contenu le week-end dernier. Dans les discussions avec la Chancelière allemande – et il fera de même au cours des discussions qui vont se dérouler dans les jours qui viennent avec l’ensemble des présidents –, il a fixé comme priorité l’établissement de politiques européennes pour la sécurité et la défense, pour l’investissement dans les nouvelles technologies, pour la jeunesse, pour l’harmonisation fiscale et sociale ainsi que pour le renforcement de la gouvernance.
C’est une trajectoire essentielle, non pas qu’il faille effacer ce qui s’est passé jusqu’à présent, mais pour tirer les conclusions et les conséquences du référendum britannique, et parce que l’Europe, pour qu’elle soit mieux comprise, doit être plus efficace et plus tournée vers les peuples.
Ensemble, nous avons l’objectif de bâtir une Europe plus forte, plus solidaire et qui soit susceptible de faire progresser chacune de nos nations. Nous soutenons le Président de la République, le Gouvernement, vous-même, monsieur le ministre Jean-Marc Ayrault, et donc la France dans cette orientation. Quelles que soient nos sensibilités politiques, tous les discours qui abaisseraient, qui rabaisseraient la France participeraient du dénigrement et l’affaibliraient dans la discussion internationale et européenne.
Il est temps, oui, il est temps, que l’Europe reparle aux citoyens. Le projet que nous devons bâtir maintenant est celui d’une transformation européenne qui nous fasse passer de l’Europe du marché à l’Europe du citoyen, celui d’une Europe qui écoute ses citoyens.
Il faudra ensuite investir un véritable espace démocratique, et il sera enfin impératif que l’Europe se simplifie, qu’elle simplifie son fonctionnement, qu’elle porte des projets qui aient un sens pour les citoyens.
Nos concitoyens, j’en suis persuadé, aiment l’Europe. Les Français et les Européens, dans leur grande majorité, savent ce que l’Europe leur a apporté en termes de paix et d’ouverture culturelle, d’échange. Tous les jeunes qui ont échangé dans les jumelages après la Seconde Guerre mondiale savent que cette Europe est l’Europe de leur futur, l’Europe de leur vie. Mais certains ne comprennent plus l’Europe qui est aux commandes. Le rôle des politiques, le rôle des gouvernants est de faire en sorte que le projet européen l’emporte sur la technocratie et la technostructure européenne.
Le moment est important. Soixante ans de construction européenne ne doivent pas tomber par la sortie d’un seul membre.
Il y a eu à mon sens deux événements importants dans la construction européenne. Tout d’abord, novembre 1989 et la responsabilité historique d’Helmut Kohl. Ce grand européen avait compris que pour que l’Allemagne soit plus forte elle devait se réunir, que le peuple allemand devait se réunir. En gommant cette partie de l’histoire, il a rendu l’Allemagne plus forte. Cela a coûté cher à l’Allemagne, mais Helmut Kohl a eu le courage de le faire, sans démagogie, sans populisme. Il restera comme le grand homme de la réunification.
Une autre date, beaucoup plus négative, restera celle de juin 2016. Elle est marquée par la responsabilité de David Cameron, qui n’a pas eu de vision prospective pour l’Europe, mais une vision politicienne, à des fins d’élection interne. Il aura réussi à diviser le peuple britannique et, peut-être, ce royaume, ce grand pays, et il portera sans doute dans les années qui viennent la lourde responsabilité de ce qui se sera passé dans notre continent.
Mes chers collègues, il faut surmonter ce défi, économique, social, culturel et politique. Je suis certain que notre pays, nous toutes et nous tous, malgré nos divergences, malgré nos sensibilités différentes, avons la capacité de surmonter cette étape, en ouvrant un grand débat sur le projet européen que nous souhaitons.
Il faut que ce projet soit clair. Le ministre des affaires étrangères l’a dit tout à l’heure, le débat aura lieu dans les mois qui viennent pour l’élection présidentielle, et chacun devra apporter ses orientations en intégrant les citoyens à la décision, en redonnant du souffle à l’Europe par un projet porteur d’espoir. Il ne s’agit pas d’être négatif, il ne s’agit pas d’être pessimiste, il s’agit d’être réaliste.
Aujourd'hui, comme cela s’est déjà passé, l’Europe traverse une zone de turbulences. À nous de faire en sorte d’en sortir non pas uniquement pour nos pays, mais pour les peuples d’Europe qui doutent. Si nous voulons que les peuples d’Europe et le peuple de France reprennent confiance en la politique et en ceux qui les gouvernent, cela passera par le respect de la parole, mais surtout par le tracé de perspectives pour un grand marché commun européen, celui de la paix et de la prospérité.