Intervention de Jean-Marc Ayrault

Réunion du 28 juin 2016 à 15h00
Suites du référendum britannique et préparation du conseil européen — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Jean-Marc Ayrault, ministre :

… qui a avoué avoir menti au lendemain de l’élection. En effet, après avoir promis aux électeurs britanniques que la sortie de l’Union européenne permettrait au Royaume-Uni de ne plus payer sa cotisation et de réinvestir cet argent dans les hôpitaux, il a annoncé que ce qu’il avait dit n’était pas tout à fait exact. Face à des électeurs restés groggy, il a déclaré que le Royaume-Uni serait tout de même redevable d’une certaine somme en raison de l’accord qui sera immanquablement conclu avec l’Union européenne. Le montant de cet engagement financier est justement l’objet de la négociation à venir. Mais, en tout cas, ce que M. Farage a dit était faux et les électeurs ont été trompés !

Quoi qu’il en soit, le résultat du vote est là. Il faut aller jusqu’au bout de la logique et le faire de façon responsable et respectueuse. Cela souligne toute l’importance de la décision qui sera prise lors du Conseil européen qui se tiendra demain et après-demain et qui nécessitera la cohésion, la solidarité et le respect entre les vingt-sept pays de l’Union européenne.

Seconde question, que vous avez été presque unanimes à poser : quel sera l’avenir de l’Union européenne ? Je ne reprendrai pas vos arguments, je les ai moi-même présentés dans mon intervention liminaire.

Qu’allons-nous devenir dans ce nouveau monde dans lequel nous sommes entrés depuis déjà longtemps, qui dessine des changements de plus en plus profonds, qui trouble, et inquiète les peuples, ce monde d’une nouvelle donne globalisée, où les modèles de société et les modes de vie peuvent être mis en péril ? Que vont devenir nos emplois ? Quel avenir pour la jeunesse, nos modèles sociaux, notre culture ? C’est tout cela qui est en jeu et angoisse les peuples !

Pour autant, de grandes puissances et de grandes forces s’organisent : la Chine, l’Inde, les États-Unis qui demeurent la première puissance mondiale, la Russie aussi, qui veut redevenir cette puissance, l’Afrique qui avant de devenir une grande puissance reste confrontée au défi de sa sécurité et de son développement.

Qui peut répondre à toutes ces questions ? Qui peut faire partager aux peuples européens la conviction qu’ils auront un avenir dans ce monde globalisé et incertain ? Qui leur garantira la sécurité à l’intérieur des frontières européennes comme à l’extérieur de celles-ci et qui protégera leur mode de vie ?

Si nous voulons laisser tomber les peuples européens, alors nous pouvons soutenir le principe d’un retour aux frontières et aux seules nations ; mais si nous voulons les défendre et les entraîner avec nous, alors il nous faudra revenir à l’esprit des pères fondateurs ! Il faut, plutôt que de le dénigrer, se servir de tout ce qui a été réalisé depuis soixante ans – nous commémorerons, l’année prochaine, la fondation de la Communauté économique européenne –, en faire un levier pour retrouver la source, le sens et la force.

Voilà ce que nous avons à faire, maintenant, ensemble, et c’est une démarche qui se prépare, non qui s’improvise à coup de slogans !

Tels sont les propos que je voulais partager avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs. Le travail concernant les deux sujets que j’ai évoqués ne fait que commencer ; tâchons de le mener en responsabilité !

Plus nous agirons de façon responsable et sincère, et plus nous serons respectés par les citoyennes et les citoyens européens, qui, aujourd'hui, sont inquiets et angoissés.

Hier, comme je l’ai déjà dit, j’ai rencontré les représentants des pays du groupe de Visegrád. Parmi eux, se trouvait le ministre des affaires étrangères de Slovaquie, pays qui prendra, vendredi prochain, le 1er juillet, la présidence de l’Union européenne pour six mois. Je puis vous dire que ses propos étaient graves, car il mesure que quelque chose d’essentiel va se jouer et ressent déjà le poids sur ses épaules.

Pour autant, je me suis rendu compte, lors de ma visite à Varsovie, qu’en dépit de nos différences et de nos divergences, il est un point qui nous réunit, et qu’il faut sans cesse rappeler.

La déclaration de 1950 de Robert Schuman – que je croise chaque jour, car son portrait est accroché au mur du salon de l’Horloge du Quai d’Orsay –, a été suivie d’un acte historique, ayant permis d’entraîner l’Allemagne dans un début de construction européenne et, ainsi, de mettre un terme définitif à la guerre : la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier.

Puis, d’autres projets ont été lancés : la Communauté européenne de défense, ou CED, qui a échoué, la conférence de Messine, en effet, et, enfin, le traité de Rome, Jacques Mézard ayant cité, à raison, Maurice Faure.

Mais il y a aussi eu cette étape extraordinaire, que les peuples concernés n’oublient pas : c’est l’Europe qui a permis, à l’Espagne, de sortir du franquisme, au Portugal, de sortir de la dictature de Salazar et, aux Grecs, de sortir de la dictature des colonels.

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