Le 13 mai 1982, devant les députés, Jean Auroux ne parlait-il pas déjà de « textes ouvrant, par la négociation et le contrat, des dynamismes et des souplesses qui répondront aussi bien à des contraintes économiques ou technologiques qu’à des aspirations sociales nouvelles et diverses » ? Ce sont ces textes qui ont permis aux accords collectifs de déroger à la loi, et ce fut un progrès, une avancée sociale ! Aujourd'hui, il ne vient à personne l’idée de revenir sur de tels acquis !
La présente réforme s’inscrit dans ce prolongement.
Dans le contexte économique dégradé que nous connaissons, marqué par un taux de chômage structurel qui reste à un niveau très élevé et par un taux de recours aux CDD particulièrement important, il apparaît nécessaire d’assouplir le droit du travail et de l’adapter à la réalité du temps présent.
Aussi le groupe du RDSE partage-t-il avec le Gouvernement la même volonté de tenir compte du réel et d’oublier les dogmatismes ou les idéologies pour faire preuve d’efficacité, une efficacité guidée par le seul pragmatisme, voire le bon sens, pour faire reculer durablement le chômage.
Pour autant, mes chers collègues, le texte tel qu’il résulte de nos travaux n’est pas pleinement satisfaisant.
Suivant l’avis de ses rapporteurs, le Sénat a refusé, après un long débat, de porter à 50 % le seuil de représentativité nécessaire à la conclusion d’un accord d’entreprise, alors que cette disposition renforçait le dialogue social au sein des entreprises et garantissait la légitimité des accords d’entreprise et des organisations syndicales.
Il a dénaturé l’article 11 en mettant en place un régime juridique unique pour les accords de préservation ou de développement de l’emploi.
Il a supprimé, hélas, la généralisation de la garantie jeunes, mesure qui s’adressait à des jeunes en grande difficulté, vulnérables sur le marché du travail et confrontés à un risque de marginalisation sociale.
Il a substitué au droit pour les entreprises d’avoir, de la part de l’administration, une information précise, transmise dans un délai raisonnable, une sorte de rescrit social qui permettra aux employeurs de rendre opposable la réponse de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE, à toute administration.
Il a enfin limité au territoire national le périmètre permettant d’apprécier la situation économique d’une entreprise et a choisi d’encadrer les barèmes prud’homaux.
Bien sûr, nous sommes nombreux au RDSE à déplorer ces orientations souhaitées par la majorité sénatoriale, même si, dans le même temps, nous nous félicitons de l’adoption de plusieurs de nos amendements sur différents sujets.
Je pense, bien sûr, à l’amendement, défendu par notre collègue Françoise Laborde, tendant à inscrire dans le règlement intérieur le principe de neutralité, auquel tout le groupe du RDSE est fortement attaché.
Nous avons également permis d’étendre le bénéfice du congé au cas de décès du concubin et de porter la durée de deux à trois jours pour le décès des proches.
La Haute Assemblée a par ailleurs accepté, comme nous le demandions, de rétablir l’article 39 bis, ouvrant ainsi la possibilité de conclure des contrats de travail intermittent pour l’emploi de saisonniers.
S’agissant de la médecine du travail – je le répète une fois de plus –, nous ne pouvons pas engager une véritable réforme au détour d’un texte uniquement consacré au travail.
Pour autant, et malgré l’adoption de plusieurs de nos propositions, madame la ministre, mes chers collègues, la très grande majorité des sénateurs du RDSE ne peut souscrire à la plupart des orientations retenues par la Haute Assemblée durant nos débats. Nous les considérons souvent excessives et elles constituent, elles aussi, à nos yeux, un marqueur avant tout idéologique.
C’est pourquoi, à l’exception de l’un d’entre nous, nous nous prononcerons contre la version du texte élaborée par la majorité sénatoriale et soumise, dans quelques instants, au vote du Sénat.