Car, sur le fond, si la droite a accentué les mesures libérales de votre projet de loi en supprimant les 35 heures, en rétablissant le plafonnement des indemnités de licenciement aux prud’hommes, en relevant les seuils sociaux dans les entreprises, en supprimant la généralisation de la garantie jeunes et en autorisant à embaucher des apprentis de moins de 15 ans, y compris pour travailler la nuit, autant de mesures que nous avons combattues sans réserve, elle vous doit malheureusement d’avoir préparé les esprits à ce projet de casse sociale !
Pour s’en convaincre, il suffit d’observer la réaction du patronat, qui fait semblant d’être déçu de certaines modifications. Mais, en réalité, le MEDEF se frotte les mains à l’idée des futures possibilités offertes pour licencier plus facilement et imposer de nouveaux sacrifices aux salariés sur fond de chantage à l’emploi et de dumping social.
Le rêve du patronat européen de définir dans le code du travail les standards minima impératifs et les éléments complémentaires qui peuvent faire l’objet d’exemptions est une réalité, non seulement avec les articles 2 et 3 de votre projet de loi, mais aussi avec les articles 10, 11 et 30 en particulier.
Je veux donc saluer ici solennellement les 47 sénatrices et sénateurs qui ont voté contre la nouvelle facilitation des licenciements économiques. Il s’agit d’un vote inédit depuis 2012 dans notre Haute Assemblée.
Vous ne pourrez pas, madame la ministre, vous cacher éternellement derrière le compte personnel d’activité, pour faire avaler toujours et toujours de nouvelles pilules.
En plein Euro de football, la CGT vient de révéler que la direction générale du travail aurait demandé aux inspecteurs du travail d’éviter les contrôles durant les matches et d’être souple dans l’attribution des dérogations au repos dominical.
C’est certainement ici un avant-goût du futur code du travail que les inspectrices et inspecteurs du travail devront appliquer, un code du travail différent pour chacune entreprise, alors qu’il n’y a, par exemple, qu’un seul code de la route. Où est le principe fondamental d’égalité entre les Français, entre les salariés ?
Malgré le vote des Anglais en faveur du Brexit, vous préférez encore suivre le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui plaide pour le maintien de l’article 2 et considère que ce projet de loi est « un geste législatif approprié ».
Mais qui décide en France du code du travail ? Les représentants du peuple ou les ultralibéraux de Bruxelles ? On peut se le demander !
Dans ses recommandations à notre pays, adoptées le 14 juillet 2015, le Conseil européen se lamentait du fait que les accords dits « de maintien de l’emploi », permettant de baisser les salaires et d’augmenter le temps de travail dans les entreprises en difficulté, n’avaient pas « produit les résultats escomptés ». « Ce dispositif devrait être revu », poursuivait-il, avant de sommer la France d’élargir les possibilités de déroger aux accords de branche par des accords d’entreprise, de faciliter la capacité des entreprises à moduler leurs effectifs en fonction de leurs besoins, d’élargir les possibilités de déroger à la durée légale de travail de 35 heures par semaine.
Pour notre part, nous refusons ce projet régressif, car nous restons fidèles aux valeurs de la gauche. Nous voulons privilégier l’intérêt collectif de notre pays, celui aussi des petites et moyennes entreprises, qui s’inquiètent à juste titre de nouvelles pressions des donneurs d’ordre conduisant à une nouvelle fuite en avant dans le dumping social.
Citant Léon Blum, je conclurai en affirmant « notre résolution à rechercher dans des voies nouvelles les remèdes à la crise […] ».
Voilà ce qui a guidé le groupe CRC dans la présentation des 402 amendements que vous avez quasiment tous rejetés à coup de scrutins publics