Comme vous le savez, les rendez-vous relatifs aux comptes sociaux de l'année écoulée s'étirent selon une séquence particulièrement longue entre la clôture des comptes du régime général, le 15 mars, et leur approbation par le Parlement à l'automne, en première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année à venir. Cette séquence est ponctuée par plusieurs événements : la présentation du programme de stabilité, vers le 15 avril, la commission des comptes de la sécurité sociale, début juin, le rapport de la Cour des comptes sur la certification des comptes du régime général, début juillet et le débat d'orientation des finances publiques, à la mi-juillet.
Comme l'an dernier, la Mecss a souhaité qu'un point puisse être fait sur la situation des comptes sociaux, à l'approche du débat d'orientation des finances publiques.
Cet examen est particulièrement intéressant pour 2015, année de mise en oeuvre de la première étape du pacte de responsabilité et de solidarité mais aussi première étape du plan d'économies de 50 milliards d'euros sur la période 2015-2017.
En 2015, le solde des administrations de sécurité sociale (ASSO) est déficitaire de 5,8 milliards d'euros, soit 2,1 milliards d'euros de moins qu'en 2014 (0,3 point de PIB contre 0,4 point en 2014).
Ce niveau plus modeste doit beaucoup à la progression de la capacité de financement de la Cades. Hors Cades et FRR, dont les missions s'inscrivent dans une temporalité différente, qu'il s'agisse d'amortir les déficits passés ou de financer les retraites à venir, le déficit des administrations de sécurité sociale (ASSO) est de 17,1 milliards d'euros, soit une amélioration, plus modeste, de 1,5 milliard d'euros.
En première analyse, la progression des recettes (+ 1,1 %) a été plus forte que celle des dépenses (+ 0,7 %).
Le pacte de responsabilité, dont c'était la première année de mise en oeuvre, se traduit donc effectivement par un ralentissement des recettes.
Son ampleur doit cependant être relativisée : si le pacte de responsabilité se traduit en 2015 par une baisse de 6,4 milliards des prélèvements, ce que j'avais appelé l'an dernier « l'effet de traîne du choc fiscal » se fait encore sentir avec 3 milliards d'euros de nouveaux prélèvements liés à des mesures antérieures (réformes des retraites de base et complémentaire, réforme des plus-values immobilières) ou à des mesures nouvelles : ainsi, la réforme du taux réduit de CSG sur les revenus de remplacement, conjuguée avec la fiscalisation des majorations de pension, s'est traduite par 500 millions d'euros de nouveaux prélèvements, alors qu'elle devait être neutre globalement.
Au total, les prélèvements obligatoires affectés à la sphère sociale représentent 24,2 % du PIB en 2015, soit 0,2 point de moins qu'en 2014 mais encore un point de plus qu'en 2011.
La baisse des prélèvements est donc une réalité mais elle est encore loin de compenser la hausse intervenue ces dernières années.
Rappelons que le pacte de responsabilité et de solidarité représente 20,5 milliards d'euros cumulés sur trois ans, auxquels s'ajoutent 19,5 milliards d'euros au titre du CICE.
Quant aux dépenses, elles décelèrent fortement ; elles augmentent en effet de 4,1 milliards d'euros en 2015 contre 12,8 milliards en 2014.
Là encore, les effets du pacte se font sentir, avec le transfert à l'État de la part de l'aide personnalisée au logement (APL, soit 4,64 milliards d'euros) précédemment financée par la branche famille. Comme l'a indiqué le ministre Christian Eckert, ce transfert se fait d'ailleurs sentir sur le solde de l'État. Hors transfert, les dépenses progressent de 2,4 % par rapport à 2014.
Un mot sur la compensation du pacte de responsabilité. Le solde des relations financières entre l'État et la sécurité sociale est positif de 600 millions d'euros, ce qui est moindre que prévu en raison de la mesure relative aux caisses de congés payés, qui n'a pas produit le 1,5 milliard d'euros attendu. A ce stade, la compensation du pacte de responsabilité n'est donc pas complète.
La persistance d'un déficit conduit logiquement à creuser la dette sociale qui atteint 220,3 milliards d'euros à fin 2015, soit 3,6 milliards de plus qu'en 2014. En effet, la baisse de 3 milliards d'euros de la dette portée par l'ensemble Acoss-Cades ne compense pas la hausse de la dette de l'assurance chômage qui atteint 25,8 milliards d'euros à fin 2015.
Après l'échec de la négociation, actée par les partenaires sociaux le 16 juin dernier, la situation financière de l'assurance-chômage, dont la dette atteindra 30 milliards d'euros dès cette année, est un sujet de préoccupation majeure. Je rappelle que le Gouvernement attendait 800 millions d'euros d'économies de la négociation dès 2016 et 1,6 milliard d'euros en 2017.
Est-il besoin de souligner l'injustice profonde que représente la dette sociale qui s'élève à plus de 10 % du PIB.
Quittant la comptabilité nationale et les administrations de sécurité sociale, j'en viens à la situation des régimes obligatoires de base, qui constituent le champ du PLFSS.
Le solde du régime général et du FSV s'établit à -10,8 milliards d'euros en 2015, soit une amélioration de 2,4 milliards d'euros par rapport à 2014 et de 2 milliards d'euros par rapport à la dernière prévision.
Cette dernière amélioration provient pour 1,15 milliard d'euros des recettes et pour 800 millions d'euros des dépenses.
Du côté des recettes, les cotisations et contributions des travailleurs indépendants sont meilleures que prévu mais aussi les produits de la CSG sur les revenus de remplacement et sur les revenus du capital ; le rendement de la TVA est également meilleur que prévu.
Du côté des dépenses, les économies sur les coûts de gestion des caisses ont été plus fortes que prévu de 300 millions d'euros et le montant des prestations est inférieur de plus de 400 millions d'euros par rapport aux prévisions de la LFSS pour 2016. Les prestations familiales contribuent particulièrement à ce résultat.
J'évoquerai rapidement les différents risques.
Le déficit de l'assurance-retraite se réduit à 300 millions d'euros en 2015, et, grâce à un effet recettes, 300 millions d'euros de moins que prévu par la loi de financement pour 2016. La branche bénéficie d'augmentations de cotisations et la loi de 2010 porte ses fruits. Encore faut-il souligner que ces effets ont été fortement atténués par l'assouplissement du dispositif « carrières longues » décidé en 2012.Cet assouplissement a multiplié par trois le coût du dispositif qui représente un quart des départs en retraite en 2015 pour un montant de 2,7 milliards d'euros.
On ne peut que se féliciter des bons résultats de la branche vieillesse. Rappelons cependant que cette branche est relativement préservée des effets de la conjoncture et qu'elle fait donc face à des questions structurelles. Ces questions ont été traitées de façon tardive et partielle, avec des hausses de cotisations.
Grâce à nos excellents collègues Gérard Roche et Catherine Génisson, le Fonds de solidarité vieillesse, n'a plus aucun secret pour notre commission. Son déficit reste extrêmement préoccupant. Il s'établit à 3,9 milliards d'euros en 2015. Non seulement il ne se réduit pas par rapport à 2014, mais il se creuse même par rapport à la prévision.
Le FSV a pour mission de financer les mécanismes de solidarité mise en oeuvre dans notre système de retraite mais il les finance plus de 2 mois sur 12 par de l'endettement. Aucune mesure corrective n'a été prise, pas plus pour cette année que pour l'année prochaine, comme si la localisation d'un déficit sur les dépenses de solidarité était plus acceptable... Je ne peux que réitérer les recommandations de nos collègues. Il faut, à tout le moins, recentrer le FSV sur le coeur de ses missions.
Au total, le déficit vieillesse + FSV est donc de 3,5 milliards d'euros en 2015, ce qui est beaucoup moins satisfaisant que l'excédent annoncé pour l'assurance vieillesse seule.
Le déficit de la branche famille est de 1,5 milliard d'euros en 2015, soit 1,2 milliard d'euros de moins qu'en 2014 et 100 millions d'euros de moins, en dépenses, par rapport à la dernière prévision.
Qu'on l'approuve ou qu'on la regrette, la réforme de la politique familiale de 2015 a fait un choix, celui de la réorientation des prestations : la réforme de la prestation d'accueil du jeune enfant se traduit en particulier par une baisse des dépenses de 4 %, la modulation des allocations familiales, c'est une économie de 300 millions d'euros.
Par contraste, le résultat de la branche maladie appelle des commentaires plus mitigés.
Certes le déficit, se réduit- et c'est nouveau- de 800 millions d'euros par rapport à 2014 et de 1,1 milliard d'euros par rapport à la prévision initiale, alors que la loi de financement pour 2015 avait anticipé une nouvelle dégradation. La branche a bénéficié du dynamisme de ses recettes (+ 700 millions d'euros) et de moindres dépenses (- 400 millions d'euros, dont 100 millions d'euros sur l'Ondam).
L'Ondam est respecté, pour la cinquième année consécutive, à 181,8 milliards d'euros, ce qui représente toutefois 4 milliards d'euros de dépenses supplémentaires par rapport à 2014. Selon un scénario comparable à celui de 2014, l'Ondam a été tenu grâce aux mesures de régulation, en particulier sur l'hôpital. Les soins de ville connaissent en revanche une sur-exécution de 240 millions d'euros. Rien ne permet de garantir que ces mesures de régulation sur l'hôpital ne se traduisent pas par une dégradation de la situation financière des hôpitaux et à des reports de charges, ce qui conduirait à relativiser le respect de l'Ondam.
Le déficit de l'assurance-maladie s'établit néanmoins à 5,8 milliards d'euros, ce qui reste très élevé.
La branche AT-MP préserve son excédent de 700 millions d'euros malgré l'augmentation du transfert à l'assurance maladie en raison de la sous-déclaration des accidents du travail.
La réduction des déficits des branches améliore la dette portée par l'Acoss après transfert à la Cades et nous place toujours devant un choix difficile de stratégie de gestion de la dette sociale. Les termes en sont connus : l'Acoss assure la trésorerie des branches mais elle n'a pas vocation à porter de la dette de long terme. Le contexte actuel a ceci d'étrange que le résultat financier de l'Acoss est positif de 16,4 millions d'euros. Les taux d'intérêt court terme actuels, qui restent exceptionnellement bas, n'auront donc pas pour effet d'inciter au transfert de la dette de l'Acoss vers la Cades, ce qui aurait pourtant pour effet de sécuriser son coût dans la période incertaine qui s'ouvre.
Quelles perspectives pour 2016 ?
L'exécution de la loi de financement pour 2016 devrait être facilitée par une situation économique qui s'améliore.
Au vu des chiffres du premier trimestre 2016, la prévision d'évolution de la masse salariale, ramenée de 2,5 à 2,3 % par le programme de stabilité, pourrait être atteinte et sécuriser le niveau des recettes.
Les objectifs de dépenses ne sont pas hors d'atteinte mais l'annonce de mesures nouvelles (revalorisation des traitements des fonctionnaires qui représente 0,3 point d'Ondam, baisse de cotisations des agriculteurs pour 500 millions d'euros, effet, non encore connu, de la nouvelle convention entre l'assurance-maladie et les professions de santé) conduit à s'interroger sur la façon dont elles seront gagées.
On peut s'interroger également sur d'autres facteurs : nos excellents collègues Gilbert Barbier et Yves Daudigny traiteront de la question du coût des médicaments innovants, mais les tarifs hospitaliers ou encore les actes inutiles ou redondants restent des questions ouvertes.
Le solde du régime général et du FSV serait de - 9,1 milliards d'euros en 2016. Pour reprendre les propos du ministre Christian Eckert devant la Mecss, ces chiffres sont encourageants mais ils ne sont pas satisfaisants. Les risques maladie, retraite et chômage enregistrent encore des déficits trop élevés sans que la trajectoire de retour à l'équilibre, en particulier pour ce dernier risque, ne soit clairement tracée.
Voici, mes chers collègues, les éléments que je souhaitais souligner ce matin, pour ce second exercice d'examen de l'exécution de la loi de financement de la sécurité sociale.