Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, près d’un an, jour pour jour, après son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale, et quatre ans après les premières annonces d’Aurélie Filippetti, alors ministre de la culture et de la communication, concernant ce qui devait être le grand texte culturel du quinquennat, le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine termine ici son long parcours parlementaire.
Le rêve originel d’un nouveau souffle pour la culture et la création semble désormais un lointain mirage. En effet, les 133 articles que comporte le projet de loi à l’issue de la navette traitent d’une multitude de sujets, sans toujours les approfondir et, surtout, sans que se distingue la ligne directrice d’une politique culturelle ambitieuse en phase avec les défis d’aujourd’hui.
Pour autant, madame la ministre, mes chers collègues, ne voyez en ce constat ni cynisme ni regret. Le Sénat n’a nullement à rougir du texte dont il lui revient aujourd’hui d’adopter la version finale. Notre voix a été entendue et, à travers elle, celle des artistes, des diffuseurs de la création et des collectivités territoriales.
Il y eut, bien sûr, des désaccords avec l’Assemblée nationale, comme avec le Gouvernement, mais aucun ne s’est révélé irréductible, chacun faisant la preuve de son esprit de compromis et de responsabilité.
Je tiens à cet instant à vous remercier, madame la ministre, de votre écoute, de votre respect des positions de chacun et du sens aiguisé de la négociation dont vous avez maintes fois fait preuve sur ce banc.
Concernant le titre Ier, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur, un dialogue particulièrement riche entre les deux chambres a permis d’améliorer notablement le texte. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le rappeler dans cet hémicycle, les sujets traités par ce titre ne suscitant pas de clivages insurmontables entre la majorité et l’opposition, ils pouvaient, moyennant débats et compromis réciproques, être votés de façon consensuelle.
Partant de ce constat, le Sénat a souhaité que les nouveaux acteurs de la culture en général que sont les collectivités territoriales soient bien pris en considération et que leurs relations avec l’État ne soient pas déséquilibrées. Nous y avons particulièrement veillé à l’article 3, en prévoyant des garanties pour les collectivités territoriales dans la mise en œuvre des labels, ou encore à l’article 17 A, en veillant, sur l’initiative de notre chère présidente, Catherine Morin-Desailly, à ce que les nouvelles régions soient incitées à accompagner les conservatoires sur leur territoire.
Peu de dispositions concernaient l’audiovisuel, mais la rédaction de l’article 7 bis AA, qui prend en compte la nécessité de prévoir des garanties pour les diffuseurs, comme pour les producteurs, dans la mise en œuvre des enregistreurs vidéo dans le nuage, constitue pour le Sénat une avancée importante.
Je considère également comme fort positives les assurances obtenues s’agissant des garanties d’indépendance et de transparence apportées à la Commission pour la rémunération de la copie privée, qui seront gages de sécurisation d’un mécanisme trop souvent décrié, malgré son indubitable utilité pour le financement de la création.
Je suis enfin heureux de l’issue trouvée pour l’article 10 quater, que nous avions adopté à deux reprises à l’unanimité. Cet article devrait permettre d’améliorer les conditions matérielles des artistes visuels, trop souvent oubliés par notre législation.
Je serai en revanche plus mesuré en évoquant les dispositions relatives à la filière musicale : la rédaction de l’article 11 ter nous paraît quelque peu complexe, comme je l’ai répété à plusieurs reprises, y compris lors de la réunion de la commission mixte paritaire, mais vous y teniez tant, madame la ministre…
Par ailleurs, nous demeurons peu convaincus, à l’article 5, de l’intérêt de la limitation des cessions de créances pour les artistes eux-mêmes, mais l’acceptation, par l’Assemblée nationale, de la distinction entre artistes-interprètes et musiciens d’accompagnement au même article 5 méritait bien quelques concessions.
Il n’est guère fréquent, sur un texte de grande ampleur, et à quelques mois d’échéances électorales de la plus haute importance, de trouver un accord entre deux chambres politiquement opposées. Tel est pourtant le cas du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. En effet, au terme d’une solide navette et d’un dialogue sincère, une rédaction, dont chaque partie peut tirer matière à satisfaction, a été adoptée en commission mixte paritaire.