Monsieur le président, madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, « Si c’était à refaire, je recommencerais par la culture », cette phrase d’Hélène Ahrweiler, qui a longtemps été prêtée à Jean Monnet, l’un des pères de l’Europe, souligne une évidence : la culture est un outil précieux contre les divisions.
Alors même que la création artistique et sa diffusion ont été l’objet de vives attaques, le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, consacre deux principes emblématiques permettant d’y faire face : la liberté de la création artistique et la liberté de la diffusion artistique.
Il ne suffit toutefois pas de les affirmer pour les garantir : si nous voulons que l’acte de création soit respecté, il faut que la liberté d’expression et la création deviennent un enjeu individuel et collectif, qui irrigue notre société.
Les deux lectures que nous avons pu avoir sur ce texte ont permis un rapprochement important des positions de nos deux assemblées, ce qui est suffisamment rare pour être souligné, même si cela a pu occasionner certains compromis qui nous laissent dubitatifs.
Le projet de loi définit donc une « politique de service public de la création artistique », dénomination chère au groupe du RDSE, et « construite en concertation avec les acteurs de la création artistique ». Il confère une base légale à la politique de labellisation des établissements culturels qui dynamisent nos territoires, à laquelle nous avons été particulièrement attentifs.
Il sécurise également les pratiques artistiques amateurs, qui permettent à un nombre toujours plus grand de nos concitoyens de s’investir dans une démarche de création.
Nous ne devons jamais relâcher l’accompagnement des associations dans le maillage culturel du territoire, à travers des initiatives multiples, comme les compagnies de rue qui investissent quelques jours par an Aurillac, Chalon-sur-Saône, et bien d’autres villes encore.
Le projet de loi comporte de nombreuses dispositions en faveur de l’éducation culturelle et de l’accès à l’art avec, par exemple, une meilleure accessibilité des personnes handicapées aux livres, grâce à la levée des barrières qui pouvaient bloquer l’adaptation d’ouvrages.
L’enseignement supérieur de la création artistique, qui participe du renouvellement des talents, a longtemps fait l’objet de blocages. Des mesures incitatives ont été trouvées pour que les régions s’investissent ou continuent de s’investir dans le financement des troisièmes cycles des conservatoires. En effet, les écoles d’art font face à une grande précarisation : l’école d’art de Perpignan fermera demain, celles d’Avignon, d’Angoulême et de Chalon-sur-Saône sont menacées et subissent la baisse continue des dotations, tandis que leur statut d’établissement public de coopération culturelle traverse une crise qui nous impose d’agir sans plus tarder.
Préserver de toute standardisation la spécificité de la création artistique et les pratiques culturelles face au développement du marché est un impératif. Le projet de loi renforce, d’une part, la diversité des titres francophones diffusés par les radios privées grâce à un plafonnement des rotations et favorise, d’autre part, les nouvelles productions et la diversité des titres sur les ondes via une modulation des quotas, ce qui est une bonne chose.
Nous sommes également satisfaits du maintien du principe d’une rémunération pour les photographes et artistes visuels dont les œuvres sont reproduites par des services de moteurs de recherche sur internet, afin de rémunérer équitablement des artistes qui, jusque-là, assistaient impuissants à la captation de leurs œuvres.
En ce qui concerne l’archéologie préventive, point sensible de nos débats, le caractère scientifique des politiques archéologiques a été réaffirmé – et c’est essentiel, tant l’archéologie n’est pas un bien commercial comme les autres.
Après de longues discussions, la commission mixte paritaire a également adopté l’élargissement à la région du champ d’intervention des services d’archéologie des collectivités locales. Même si cela concernait un petit nombre de collectivités, il pouvait y avoir des spécialités scientifiques ou historiques dans certains territoires justifiant cette souplesse dans le champ d’action.
Du côté des opérateurs privés, les conditions d’obtention de l’agrément ont été subordonnées au respect d’exigences en matière sociale, financière et comptable. C’est une disposition à laquelle nous étions particulièrement attachés.
Je suis, en revanche, beaucoup plus réservée sur la suppression de l’article 20 bis concernant le crédit d’impôt recherche, tant ce dispositif fiscal de soutien à la recherche est trop souvent utilisé à mauvais escient ; nous en parlions encore ce matin en commission.
Il était crucial que la préoccupation pour le patrimoine se développe de concert avec les collectivités territoriales. En la matière, l’apport du Sénat est loin d’être négligeable. Il faut maintenant que les sites patrimoniaux remarquables permettent de rendre plus compréhensibles les outils de protection et d’harmoniser les méthodes, tout en encourageant la préservation de nouveaux espaces.
Enfin, l’article 26 quater, issu des travaux de la commission mixte paritaire, part de la version adoptée par le Sénat en deuxième lecture. N’est donc modifié que le code de l’urbanisme pour faire mention du recours à l’architecte sans toutefois exclure l’intervention d’autres professionnels. Cette rédaction de compromis me semble positive et de nature à inciter au renouvellement du bâti pavillonnaire et périurbain.
Un an après son adoption en conseil des ministres, ce texte, considérablement enrichi par la navette parlementaire, est enfin sur le point d’être adopté : le groupe du RDSE le votera dans son ensemble.