Intervention de Colette Mélot

Réunion du 29 juin 2016 à 14h30
Liberté de la création architecture et patrimoine — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Monsieur le président, madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, nous sommes parvenus à une rédaction commune avec nos collègues députés, rédaction qui s’appuie très largement sur les propositions du Sénat.

Les nombreuses modifications que nous avons apportées au texte – on peut, selon moi, parler d’un véritable revirement sur la partie consacrée au patrimoine – démontrent à quel point le projet de loi déposé par le Gouvernement était inabouti, malgré plusieurs années de préparation et de multiples reports.

Dans sa partie dévolue à la création, le texte final reste bien loin de la grande loi annoncée de ce quinquennat, qui devait révolutionner le monde de la culture ou, en tout cas, lui donner un élan pour mieux s’adapter au développement du numérique et à la mondialisation.

Ce projet de loi s’attache plutôt à la défense d’intérêts catégoriels et multiplie des dispositions, souvent d’ordre réglementaire, qui ont certes leur importance, mais occultent des sujets déterminants pour nos industries culturelles : je pense par exemple au secteur de l’audiovisuel.

Ainsi, notre rapporteur Jean-Pierre Leleux, dont je salue le travail important, n’a pas craint d’aborder la question du financement des chaînes de télévision en formulant des propositions sur la répartition des parts de production.

J’ouvre une parenthèse pour préciser que ces amendements adoptés par le Sénat en première lecture ont atteint leur but : un accord a enfin été conclu, à la veille de la seconde lecture, entre le groupe TF1 et l’ensemble des représentants des producteurs indépendants. L’intervention de notre rapporteur a permis de relancer cette dynamique de négociation collective, en responsabilisant les différents acteurs en présence par la fixation d’une échéance législative.

Je relèverai également les nombreuses avancées permises par le Sénat sur cette première partie du projet de loi.

On peut mentionner la protection du secret des affaires entourant les travaux du nouveau médiateur de la musique, ou encore les garanties d’indépendance et de transparence posées pour le fonctionnement de la commission pour la rémunération de la copie privée.

La rédaction retenue permet de ne pas bouleverser totalement les intérêts économiques en présence sur la question de la rémunération pour copie privée pour ce nouvel usage que représente l’enregistrement de copies dans le « nuage ».

Enfin, je relèverai la création d’une rémunération pour les photographes ou plasticiens dont les œuvres sont rendues disponibles par des moteurs de recherche sur internet. Sur l’initiative du Sénat, l’article 10 quater vient rendre à ces professionnels l’exercice de leurs droits mis à mal par ces nouvelles pratiques.

De même, nous avons adopté une démarche novatrice en permettant aux musées ou aux fondations de bénéficier du droit de suite de leurs légataires.

Nous avons également, en tant que représentants des élus locaux, pris en considération les besoins des collectivités locales. Ce fut le cas pour les associer au choix des dirigeants des structures labellisées.

Enfin, le Gouvernement ayant reconnu que l’abandon du subventionnement des conservatoires était une erreur, nous avons ajouté au projet de loi un article 17 A prévoyant un schéma régional, avec un transfert de crédits par l’État. Nous avons ainsi, à mes yeux, tiré les leçons de l’absence d’application de la loi du 13 août 2004, en permettant aux régions de s’impliquer davantage dans le développement des enseignements artistiques.

La partie du projet de loi consacrée au patrimoine a été encore plus profondément modifiée.

Je tiens à souligner l’important travail de Mme Férat, rapporteur, qui a su infléchir la position du Gouvernement sur la réforme des espaces protégés, réforme qui doit opérer la fusion des dispositifs existants au sein des fameuses « cités historiques », finalement renommées « sites patrimoniaux remarquables », appellation bien plus large et meilleure.

Il s’agissait de la mesure phare du projet de loi. Alors que les espaces protégés sont un bien commun, une décentralisation complète de leur gestion laissait craindre une protection aléatoire, variant au fil des majorités municipales, le plan local d’urbanisme devenant l’outil de référence.

Nous avons dénoncé ce risque d’instabilité, relayant ainsi les inquiétudes de nombreux intervenants dans la défense du patrimoine, qui n’avaient pas été entendus par le Gouvernement. De même, la réforme des abords des monuments historiques soulevait des inquiétudes que nous avons pu apaiser.

Le Sénat a recherché un juste compromis entre une protection équivalente du patrimoine sur l’ensemble du territoire et le rôle des collectivités territoriales.

Enfin, nous avons rééquilibré le texte sur sa partie consacrée à l’archéologie préventive. Au monopole du Gouvernement et de l’INRAP succèdent un meilleur partage des fonctions et un contrôle plus adapté de l’État sur les structures territoriales ou les acteurs privés.

En accord avec les députés, qui ont abandonné leur position initiale, nous avons supprimé l’article 20 bis, qui excluait les contrats de fouilles du bénéfice du crédit d’impôt recherche.

L’ultime concession que nous souhaitions obtenir était la suppression du monopole de l’INRAP sur les fouilles sous-marines, que nous avions posée comme condition essentielle de notre accord en commission mixte paritaire. Je me réjouis de l’ensemble de ces avancées.

Certes, des points que nous estimons négatifs demeurent. Je citerai notamment, dans la partie consacrée à la création, l’inutile complexité de l’article 11 ter sur les quotas radiophoniques et, dans la partie relative au patrimoine, les nouvelles contraintes créées par les articles 26 quater et 26 quinquies en matière de construction de maisons individuelles et de lotissements.

C’est au prix de ces concessions que nous avons pu parvenir à un accord sur l’ensemble du texte. Il nous a en effet semblé primordial d’assumer nos responsabilités de parlementaires en recherchant des rédactions de compromis, plutôt que de conserver les dérives et les imperfections du projet de loi initial.

Cette « grande loi » devait marquer l’attachement du Président de la République à la culture. Vous comprendrez que notre groupe reste sceptique, d’autant plus que les financements consacrés par l’État à la culture sous ce quinquennat ne sont guère des « preuves d’amour », pour citer le poète Pierre Reverdy.

Le Premier ministre, Manuel Valls, l’a lui-même reconnu : « Cela a été une erreur au cours des deux premières années du quinquennat de François Hollande de baisser le budget de la culture au-delà des nécessités liées à la lutte contre l’endettement ou les déficits publics. » Je ne m’avancerai toutefois pas davantage dans la polémique, car je souhaite reconnaître, madame la ministre, votre écoute et votre attitude constructive.

Notre groupe votera cette ultime version du projet de loi avec la satisfaction d’avoir répondu aux attentes des nombreux professionnels suspendus au parcours chaotique de ce texte.

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