Intervention de Patricia Morhet-Richaud

Réunion du 29 juin 2016 à 14h30
Liberté de la création architecture et patrimoine — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Patricia Morhet-RichaudPatricia Morhet-Richaud :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous voici rassemblés, en ce 29 juin, afin d’examiner les conclusions de la commission mixte paritaire relatives au projet de loi portant sur la liberté de la création, l’architecture et le patrimoine, à l’issue d’un travail parlementaire particulièrement long, débuté en 2014.

C’est bien l’occasion de saluer l’excellent travail réalisé autour d’un texte important par nos collègues de la commission de la culture et, en particulier, par nos rapporteurs Jean-Pierre Leleux et Françoise Férat.

Les deux assemblées n’ont pas eu la même approche sur ce texte ; il permet néanmoins de graver dans le marbre le principe de la liberté de création, ce qui n’est pas anodin dans le contexte troublé que connaît la France actuellement.

Si l’on peut se satisfaire des nombreuses avancées pour le monde artistique, je voudrais pour ma part m’attarder plus longuement sur le volet du texte consacré au patrimoine et, plus particulièrement, à l’architecture.

En effet, la modification du code de l’urbanisme nous impose la plus grande vigilance sur la pertinence des critères quantifiés qui déterminent le seuil de surface de terrain à partir duquel l’intervention d’une équipe pluridisciplinaire est nécessaire.

À ce jour, la pratique veut qu’une équipe pluridisciplinaire soit constituée à partir de 2 hectares. En tout état de cause, en dessous de 1 hectare, une opération de lotissement ne permet pas l’intervention de plusieurs professionnels sans que ce coût soit répercuté sur les prix des terrains. Dans un contexte économique fragile, cela aurait des conséquences dévastatrices sur le développement de l’activité.

Actuellement, les autres réglementations, notamment la loi sur l’eau, ont fixé le seuil de déclaration à 1 hectare, conformément au code de l’environnement. Dans un souci de simplification administrative, il pourrait donc apparaître raisonnable de préconiser un seuil uniformisé à 1 hectare. En revanche, le mécanisme d’un seuil binaire ne peut pas être satisfaisant. Un projet de taille modeste peut avoir un impact catastrophique sur l’environnement, tandis qu’un lotissement plus important peut avoir un impact moindre. C’est pourquoi le mécanisme du « cas par cas » prévu dans le code de l’environnement est la seule façon d’avoir une appréciation circonstanciée que le critère mathématique à lui seul ne permet pas.

Ce serait une erreur d’exclure une approche contextuelle et qualitative. Pour l’adopter, il serait opportun de prendre garde à la nature du document d’urbanisme des communes ; il faut notamment distinguer entre celles qui disposent d’un plan local d’urbanisme avec orientations d’aménagement et de programmation et celles qui n’en sont pas dotées.

Ainsi, l’article 26 quater s’appliquerait de manière automatique pour les projets de plus de 2 hectares dans les communes possédant un plan local d’urbanisme et à partir d’un hectare dans les communes n’en possédant pas. Pour les autres projets, une gestion au cas par cas pourrait constituer une approche pragmatique.

Les maires, soucieux de l’intérêt général de leur commune, sont les mieux placés pour apprécier les situations et en maîtriser tous les aspects. Pour autant, il ne faut pas passer sous silence l’impact financier de cette nouvelle réglementation pour les porteurs de projets, qu’ils soient publics ou privés. Les coûts induits ne sont en effet pas négligeables et peuvent également s’avérer un frein à la mise en œuvre de nouveaux projets d’aménagements.

La situation est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Je crains fort que les petites communes ne se trouvent, une fois de plus, pénalisées par ce nouveau dispositif.

Le rapport de M. Patrick Bloche sur l’architecture et le cadre de vie a permis d’auditionner de nombreux acteurs de l’architecture, ainsi que d’autres professionnels impliqués dans la création architecturale et dans la construction du cadre de vie. Si l’objectif de redonner à l’architecture française la capacité de créer et d’innover est louable, je déplore que l’ensemble des professionnels compétents dans ce domaine n’aient pas été suffisamment consultés.

S’il est important de changer de paradigme normatif en fixant des objectifs à atteindre, il est essentiel aussi de rechercher la plus grande valeur d’usage. Dans ce contexte, pourquoi tous les professionnels de l’aménagement et du cadre de vie ne sont-ils pas intégrés au dispositif ?

Mener à terme un projet nécessite de réelles connaissances urbanistiques, techniques et juridiques. Si cette démarche qualitative doit aboutir, elle doit être ouverte et non pas réservée à une seule profession, aussi représentative soit-elle, qui ne peut pas couvrir le large spectre de compétences nécessaires.

Étudier le contexte général destiné à accueillir le projet d’aménagement, concevoir un urbanisme de qualité inséré dans son environnement paysager, économique et social, mener une réflexion sur le découpage parcellaire et la trame bâtie, valoriser l’espace public par des aménagements paysagers, prévoir la gestion alternative des eaux pluviales, toutes ces tâches ne peuvent être réservés à la seule profession d’architecte, alors même que d’autres professionnels – urbanistes, paysagistes, ou encore géomètres-experts – sont identifiés comme professionnels du cadre de vie.

Le Sénat avait modifié l’article 26 quater afin de consolider l’acte d’aménagement en valorisant une approche pluridisciplinaire.

En l’état, vous l’avez bien compris, je ne voterai pas ce texte. Je crois important néanmoins de fixer des seuils qui tiennent compte de l’ensemble de ces éléments.

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