Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 29 juin 2016 à 14h30
Liberté de la création architecture et patrimoine — Vote sur l'ensemble

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous comprendrez que, à ce stade ultime des débats sur le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, je souhaite dire quelques mots.

Je pense que nous pouvons tous nous réjouir aujourd’hui, car nous revenons de loin. Le texte qui nous a été transmis voilà un an par le Gouvernement était en effet loin d’être satisfaisant. Ce projet de loi a été utilement alimenté, madame la ministre, par les travaux parlementaires qui ont été effectués en amont, au cours des années écoulées. Je pense aux dispositions concertant le patrimoine, l’archéologie préventive, mais aussi les enseignements artistiques et l’architecture. À cet égard, on peut d’ailleurs se féliciter que ce texte ait été enrichi de dispositions en faveur de l’architecture, la loi de 1977 étant fort lointaine. Toutes ces dispositions, qui ont fait l’objet d’un large débat au Sénat, ont permis de parvenir à un texte satisfaisant.

Certaines dispositions, dont l’effet aurait pu être désastreux, n’ont pas été adoptées. Je pense ainsi à la suppression des transferts de crédits de l’État aux conservatoires. Si une telle décision avait été prise, la décentralisation aurait été bloquée et ces établissements auraient perdu toute perspective de pérennité et de développement.

Enfin, ce projet de loi contient des mesures essentielles. L’une des mesures les plus emblématiques du texte est l’adoption du principe des droits culturels, principe cher à Marie-Christine Blandin. Ce principe avait été introduit par le Sénat dans la loi NOTRe, contre l’avis de l’Assemblée nationale, et nous avons maintenu le cap. Symboliquement, les droits culturels concernent l’ensemble des publics, ceux pour lesquels nous faisons la culture.

Ce texte, nous le devons à vous tous, mes chers collègues. Nous le devons aux travaux des deux assemblées, le Sénat et l’Assemblée nationale, à la majorité comme à l’opposition. Nous le devons enfin à votre sens de l’écoute et à votre état d’esprit constructif, madame la ministre, que je tiens à saluer. Si nous avions poursuivi nos travaux tels qu’ils avaient été engagés au début de l’examen de ce texte, je ne sais pas si nous aurions abouti à la réussite collective que nous présentons aujourd’hui.

Le Parlement s’honore du travail méticuleux qui a été réalisé, grâce à deux lectures. On ne le dit jamais assez, mais la procédure accélérée empêche d’approfondir la réflexion et d’élaborer une bonne loi.

Cela étant dit, je vois malgré tout une ombre au tableau. Certes, ce projet de loi est pour nous un grand texte, en raison du nombre de ses articles et des dispositions utiles qu’il contient, mais traduit-il pour autant la vision que nous avons de la culture pour l’avenir ? Comme certains orateurs l’ont déjà dit, il est permis d’en douter.

Ce quinquennat a en effet fort mal commencé, les baisses de dotations drastiques pour la culture ont bloqué le système. Couplées à la baisse des dotations aux collectivités territoriales, elles nous ont placés dans une situation délicate. Le tir a été corrigé, la restitution de certains crédits ayant été annoncée, j’en prends note, mais nous resterons extrêmement attentifs à cet égard.

Nous avons plus que jamais besoin de culture, plus que jamais besoin que l’État réfléchisse au rôle qu’il va désormais jouer. Dans la loi NOTRe, mais également dans le présent projet de loi, on a pu avoir par moments l’impression d’une tentative rampante de recentralisation par l’État, sans que ce dernier en ait véritablement les moyens. Comment l’État envisage-t-il donc l’avenir, comment définit-il son rôle, comment compte-t-il accompagner la décentralisation ?

Les territoires sont prêts, me semble-t-il, pour autant qu’une coconstruction soit possible. Fleur Pellerin a instauré les pactes culturels pour éviter le désengagement brutal de certaines collectivités, mais je pense qu’il faut aller plus loin. Tel est d’ailleurs le sens de la disposition que nous avons votée ici : la conférence territoriale de l’action publique Culture, la CTAP Culture, obligera l’ensemble des collectivités à prendre leurs responsabilités. Les collectivités locales ont souhaité conserver la compétence de la culture, elles l’ont revendiquée dans la loi NOTRe, elles doivent donc l’assumer, mais avec l’État, au sein des CTAP Culture.

J’espère que les politiques qui vont s’élaborer permettront la continuité d’un certain nombre de services, à l’instar des enseignements artistiques – ce sujet, vous le savez, m’est cher –, mais pas uniquement. Des pans entiers de politiques culturelles risqueraient d’être fragilisés sans le travail partagé que rend possible le cadre que nous avons voté. Ce cadre doit permettre un travail de fond et nous comptons évidemment sur le ministère pour l’accompagner.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà ce que je tenais à dire en conclusion de ce beau parcours. À l’issue d’un an de travaux et de la réunion de la commission mixte paritaire, c’est une satisfaction d’en arriver à voter ensemble ce texte, son adoption étant une reconnaissance mutuelle des apports et des travaux des uns et des autres. Encore une fois, cela honore grandement le Parlement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion