Intervention de Mathieu Darnaud

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 29 juin 2016 à 9h45
Loi de finances pour 2017 — Nomination des rapporteurs pour avis

Photo de Mathieu DarnaudMathieu Darnaud, rapporteur :

Mon propos portera sur la réforme des intercommunalités. Dans chacun des déplacements que nous avons effectués, le premier souhait des acteurs que nous avons rencontrés est une meilleure différenciation territoriale. Les réformes sont loin d'être appliquées uniformément.

Les prescriptions des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) arrêtés au 31 mars 2016, établissent, s'ils sont appliqués en l'état, 14 métropoles, 12 communautés urbaines, 213 communautés d'agglomération et 1 003 communautés de communes au 1er janvier 2017 - soit respectivement + 1, + 1, + 17 et 839 de moins qu'en 2016. Il est heureux que les travaux du Sénat sur la loi NOTRe aient permis de sauver le département. Le cadre départemental n'est pas seulement dans la loi, c'est une réalité vécue : très peu d'intercommunalités dépassent les limites du département.

Dans la réorganisation territoriale, il faut d'abord respecter autant que possible la volonté des élus locaux pour assurer la réussite des projets de territoire. Les commissions départementales de la coopération intercommunale sont parfois plus ambitieuses que les projets préfectoraux en allant au-delà des seuils fixés par la loi.

Il faut aussi se soucier de la proximité. La mise en place de la réforme dans des délais trop contraints a généré des frustrations. La proposition de loi de Jacques Mézard, adoptée par le Sénat le 8 mars dernier, pourrait donner du temps aux élus, une année de plus, pour les fusions d'intercommunalités mais ce texte est bloqué à l'Assemblée nationale. Si, dans certains départements, les choses se passent naturellement, il peut être difficile ailleurs de fusionner des intercommunalités dans un temps record. Après s'être concentrés sur la question de l'exercice des compétences, les élus prennent maintenant conscience des conséquences fiscales des recompositions des communautés et c'est très anxiogène.

Des territoires ruraux ou semi-ruraux peuvent être amenés à fusionner avec des territoires urbains, ce qui peut avoir pour conséquence de rendre des compétences orphelines, les compétences de proximité aujourd'hui assumées par les communautés rurales n'étant pas nécessairement reprises par la future intercommunalité. Les grandes intercommunalités ne souhaitent en effet pas reprendre telle compétence des petites, qui constituait parfois le fait générateur de leur création, le périscolaire par exemple. Il faudra donc imaginer des modes de gestion différenciés au sein des grandes intercommunalités ; dans le cas contraire, cela pousserait les communes à créer à nouveau des structures dédiées, à l'encontre des objectifs de simplification de la loi Notre.

Il serait prématuré d'avoir un avis tranché sur la question de la gouvernance dans les 123 nouvelles intercommunalités dites « XXL », celles qui comprennent plus de cinquante communes. Il faudra mettre en place des conférences des maires, des organisations ad hoc, de la déconcentration et des modes de gestion différenciés, pour que les particularités de micro-territoires ou d'infra-territoires puissent être prises en compte. Le problème de la coexistence entre ville et campagne se pose au sein de communautés urbaines ou de métropoles comme Reims ou Rouen.

Aux 13 métropoles existantes depuis le 1er janvier 2016 s'ajoutera dans deux jours le Grand Nancy. On y retrouve la coexistence de territoires ruraux et urbains. À Bordeaux se pose l'épineuse question de la répartition des compétences entre la métropole, le département et la région. Monsieur le président de la métropole lyonnaise, qui exerce à la fois les compétences de l'intercommunalité et du département, votre collectivité est en effet la seule pour l'instant à avoir trouvé une solution. La question sous-jacente est celle de la redistribution des ressources : il n'y a eu de pacte financier qu'à Lyon.

Les capitales régionales perdant leur statut, comme Poitiers et Limoges, vont former de nouvelles communautés urbaines qui devront faire face à un fort tropisme de la nouvelle capitale régionale, qu'il faudra contrebalancer par des pôles d'équilibre sur l'ensemble du territoire de la nouvelle région. Châlons-en-Champagne, l'ancien chef-lieu de région, aujourd'hui à l'est de la région Grand Est, de son côté, subit l'attraction de Paris, bien plus que de Strasbourg, très éloignée.

Nous avons vu tout l'intérêt qu'il y a à suivre ces problèmes dans la durée : chaque mois apporte en effet de nouveaux enseignements. Il y a de plus un écart colossal dans l'application de ces réformes, par exemple pour les fusions de communes entre la Normandie et le Maine-et-Loire d'une part, et le Sud-est de la France, par exemple.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion