Intervention de Charles Guené

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 29 juin 2016 à 10h15
Contrôle budgétaire — Contrôle des conditions de maintien des droits des étudiants boursiers - communication

Photo de Charles GuenéCharles Guené, rapporteur spécial :

La réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) prévue par l'article 150 de la loi de finances pour 2016 a été reportée au 1er janvier 2017, compte tenu de la révision de la carte intercommunale et des dysfonctionnements constatés au cours du débat parlementaire.

Le Sénat, puis l'Assemblée nationale, ont créé des groupes de travail transpartisans afin d'identifier des pistes d'amélioration pour lever ces points de blocage, tout en conservant l'architecture proposée par le Gouvernement.

Afin de disposer d'analyses, d'enrichir ses propositions et de pouvoir simuler les différentes pistes de réforme envisagées, le Sénat a sélectionné un cabinet de conseil : Ressources consultants finances (RCF) qui a accompagné nos travaux.

Un comité de pilotage conjoint regroupant les rapporteurs spéciaux de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » du Sénat et les deux rapporteures nommées par l'Assemblée nationale s'est réuni régulièrement afin de préparer les séances des groupes de travail et de coordonner les travaux des deux assemblées.

Par ailleurs, le groupe de travail a entendu les ministres Jean-Michel Baylet et Estelle Grelier, et consulté les associations d'élus, celles-ci ayant été sollicitées pour l'envoi de contributions écrites et invitées à participer à une table ronde.

À la suite de l'annonce par le Président de la République du report de la réforme à 2018, nous vous proposons d'en rester, à ce stade, à un rapport d'étape. Celui-ci prévoit toutefois certaines mesures à prendre dès 2017, dans la mesure où les modalités de répartition actuelles de la DGF posent certains problèmes - nous en avons identifié quatre - qu'il convient de régler le plus tôt possible : il s'agit des « DGF négatives », du financement de la péréquation verticale, de l'effet de seuil de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et du fonctionnement en enveloppes de la DGF des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Dans un deuxième temps, nous avons étudié les principes pouvant constituer le socle d'une future réforme de la DGF à partir de 2018, étant entendu que tout scénario de réforme devra être accompagné de simulations pluriannuelles exhaustives.

J'en viens tout d'abord aux points à réformer dès le projet de loi de finances pour 2017 avec, en premier lieu, le rebasage de la DGF des communes et des EPCI.

Selon l'article 150, aucune commune ne pourrait voir sa contribution au redressement des finances publiques (CRFP) représenter plus de la moitié de sa dotation forfaitaire : la question des « DGF négatives » est traitée en redonnant une dotation forfaitaire aux communes qui n'en percevaient plus, et donc en les exonérant d'une partie de leur CRFP, alors même que ces communes perçoivent d'importantes recettes par ailleurs.

Le groupe de travail propose, au contraire, de « rebaser » la DGF notamment en élargissant le support de la CRFP à la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et en jouant sur les attributions de compensation (AC).

En effet, la CRFP ne doit pas être considérée comme un prélèvement sur la DGF, mais comme une ponction sur les recettes réelles de fonctionnement (RRF). Actuellement, cette contribution s'impute sur la DGF, mais rien n'empêche qu'elle le soit sur d'autres vecteurs. Certaines communes font d'ailleurs aujourd'hui l'objet d'un prélèvement sur leurs recettes fiscales, ce sont les « DGF négatives ».

Nous proposons de définir une dotation de référence, calculée notamment à partir de l'ancienne dotation de base, pour chaque commune, ce qui permettrait de supprimer les « DGF négatives » sans remettre en cause la contribution au redressement des finances publiques et d'améliorer ainsi la lisibilité du système.

Deux cas de figure peuvent alors se présenter : soit le montant support est suffisant pour absorber la CRFP, auquel cas la fraction résiduelle de dotation est ajoutée au montant de la dotation de base pour former la dotation de référence de la commune. Soit le montant support est insuffisant, et le reliquat de CRFP dû est alors acquitté par l'EPCI auquel appartient la commune, qui le répercute automatiquement et obligatoirement sur la commune à travers une minoration de son attribution de compensation. Pour les communes isolées, l'ajustement se ferait à travers leur contribution ou attribution au titre du fonds national de garantie individuelle de ressources (FNGIR).

En outre, nous proposons de faire remonter la compensation part salaires (CPS) et la DCRTP des communes au niveau des EPCI. Cette opération est neutre pour chaque commune et chaque EPCI, en jouant sur les attributions de compensation, et permet d'homogénéiser la DGF des communes et celle des EPCI en globalisant toutes les compensations de l'ancienne taxe professionnelle au niveau des EPCI, quel que soit leur statut fiscal. Les comparaisons entre communes et entre EPCI auront ainsi plus de sens qu'aujourd'hui.

S'agissant des EPCI, la logique du rebasage est la même : il s'agit de définir une dotation de référence après la CRFP.

Avant et après rebasage, les ressources des communes et des EPCI sont strictement identiques, tant au niveau global que pour chacun d'entre eux. Cette neutralité est assurée à travers la variation des attributions de compensation. De même, ce système est budgétairement neutre pour l'État. Les ministères ont confirmé la neutralité du système, notamment pour l'État. Ce rebasage permet de régler un grand nombre de problèmes, notamment les cas des « DGF négatives ».

J'en viens au deuxième point qu'il faudra régler dès le projet de loi de finances pour 2017 : le financement de la péréquation verticale.

Depuis 2015, l'écrêtement - destiné à financer notamment la hausse de la péréquation verticale - prend la forme d'un prélèvement péréqué portant sur la dotation forfaitaire, plafonné à 3 % de cette dernière. Ce plafonnement à 3 % a plusieurs conséquences sur le financement de la péréquation, aggravées par la CRFP. Tout d'abord, le plafonnement implique que les communes concernées contribuent moins à la péréquation que ce qu'elles devraient. Par ailleurs, la dotation forfaitaire de chaque commune diminue du fait de la CRFP, et donc plus une commune a de RRF, moins elle contribue à la péréquation. Enfin, les 168 communes qui ont une dotation forfaitaire nulle du fait de la CRFP ne contribuent pas au financement de la hausse de la péréquation. Il en résulte un report sur les autres communes qui sera de plus en plus important, et qui s'élève déjà, en 2016, à 51 millions d'euros.

Entre 2013 - dernière année avant la CRFP - et 2015, plus de 10 000 communes ont vu leur prélèvement augmenter plus que proportionnellement à la hausse globale du prélèvement. Pour plus de 7 000 communes, ce prélèvement a augmenté de plus de 50 % et même de plus de 100 % pour 4 500 communes. Ceci a pu expliquer certaines incompréhensions en mars dernier, lors des notifications de la dotation forfaitaire.

Pour mettre fin à ce problème, il pourrait être envisagé de faire évoluer le plafonnement, en le supprimant ou en en augmentant progressivement le taux, étant entendu que le rebasage résoudrait déjà une partie du problème.

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