Intervention de Yvon Collin

Réunion du 30 juin 2016 à 16h00
Gestion des risques en agriculture — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, le Sénat, toujours à l’écoute des territoires, a pris ces derniers mois plusieurs initiatives pour tenter d’apporter des réponses aux graves difficultés que rencontre notre agriculture.

Je rappellerai la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire, à laquelle le groupe du RDSE a apporté son soutien. Mon groupe a également approuvé la proposition de résolution visant à encourager le développement d’outils de gestion de l’aléa économique en agriculture, laquelle est en lien avec le texte qui nous est aujourd'hui proposé par notre excellent collègue Franck Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain.

C’est donc avec le même intérêt que nous examinons ce nouveau texte, tant la crise qui frappe en particulier l’élevage ne s’améliore pas franchement. Malgré les différents plans de soutien que vous avez mis en œuvre, monsieur le ministre, ce dont nous vous remercions, et malgré l’intervention européenne, notamment dans le cadre de l’article 222 du règlement portant organisation commune des marchés des produits agricoles, la situation reste critique.

En effet, vous le savez, si l’on observe des progrès pour la filière porcine, les prix restent bas pour ce qui concerne la filière bovine et très préoccupants quant au secteur du lait.

J’ai eu l’occasion de l’exprimer la semaine dernière lors de notre dernière séance de questions d’actualité, le prix actuel du litre de lait se situe largement en deçà du seuil de rentabilité. Avec un tel niveau de prix, les revenus des agriculteurs sont fortement affectés, au point que l’on constate, depuis la chute des cours mondiaux, le développement de la revente de contrats laitiers. C’est le signe alarmant d’un découragement de la profession.

C’est un sujet sur lequel nous reviendrons la semaine prochaine dans le cadre de l’examen du projet de loi dit Sapin II, puisque des mesures ont été introduites par nos collègues députés pour enrayer ce phénomène d’achat de débouchés qui risque de freiner l’installation de jeunes agriculteurs.

En attendant, mes chers collègues, il s’agit aujourd’hui de se pencher sur un mécanisme de stabilisation des revenus qui compenserait les pertes des agriculteurs en cas de forte volatilité des cours.

Bien entendu, sur le principe, on ne peut que souscrire à ce qui va dans le sens d’une meilleure sécurisation des revenus des agriculteurs. C’est d’ailleurs une préoccupation qui s’impose de plus en plus dans les débats, car – tout le monde en convient – le risque de volatilité des marchés s’est accru au cours de ces dernières années.

Nous en connaissons les principales raisons : une concurrence de plus en plus vive sur le plan mondial et, dans le même temps, l’extinction progressive des outils de régulation pour ce qui concerne l’agriculture européenne. Nous en mesurons aujourd’hui, hélas, les dégâts avec la fin des quotas laitiers, alors même que la PAC avait, entre autres objectifs, celui de stabiliser les marchés. On en est désormais très loin…

Aussi, la prochaine réforme devra approfondir cette question de la constitution d’un instrument de stabilisation des revenus et, plus globalement, de la mise en œuvre d’une politique contracyclique. D’autant que l’article 39 du règlement européen de 2013 relatif au soutien au développement rural fournit déjà un cadre, avec l’exigence récurrente d’un financement public limité à 65 % et d’un taux de 30 % de pertes pour le déclenchement du dispositif.

Il faudra donc aller plus loin. Mais cela suppose au préalable de convaincre nos partenaires, notamment les pays qui considèrent que l’agriculture doit trouver seule les moyens de faire face à ses difficultés. Suivre un tel principe, c’est oublier que l’agriculture peut cumuler, comme aucun autre secteur, tous les aléas, comme l’ont rappelé les différents orateurs précédents : climatique, sanitaire, de marché et même politique, si l’on songe à l’embargo russe. Privilégier le laisser-faire, c’est aussi oublier la dimension stratégique – je dirais même vitale – de l’agriculture et, partant de là, la nécessité de conserver au sein de l’Europe plusieurs grandes nations agricoles.

En attendant, c’est dans cette perspective des discussions européennes que les auteurs de la proposition de loi ont souhaité d’ores et déjà jeter les bases de nouveaux outils pour mieux gérer les risques agricoles.

Comme l’a souligné M. le rapporteur, tout l’intérêt du texte réside dans le fait qu’il pose le débat, car, dans le détail, on relève quelques incohérences. Si j’ose dire, on met un peu la charrue avant les bœufs, notamment en instituant le mécanisme à l’article 1er sans que soit garantie l’efficience des pistes de financement.

J’évoquerai, pour terminer, l’article 5, qui concerne l’assurance des risques climatiques. Vous le savez, monsieur le ministre, c’est un sujet qui me tient à cœur. J’avais déposé en 2008 une proposition de loi tendant à la généralisation de la couverture des risques climatiques que le Sénat n’avait pas adoptée. Depuis, le cadre de cette assurance s’est un peu enrichi, notamment au travers du contrat socle.

Mais sur le terrain, le taux de pénétration de l’assurance ne progresse pas suffisamment. Si l’on atteint 30 % dans les exploitations en grandes cultures, le taux reste marginal dans les secteurs de l’arboriculture, de l’horticulture et du maraîchage. Il faut donc encourager encore davantage les agriculteurs à s’assurer contre les aléas climatiques et, pour cela, améliorer le taux de soutien. Or celui-ci fonctionne à enveloppe fermée, ce qui ne garantit pas le niveau de prise en charge des primes des agriculteurs.

Sachez en tout cas, monsieur le ministre, que le groupe du RDSE travaille sur cette question. Nous ferons de nouvelles propositions dans les prochaines semaines.

Mes chers collègues, comme je l’ai dit, nous sommes tous attachés dans cette enceinte à l’agriculture, car, au-delà des enjeux économiques, c’est aussi l’équilibre de nos territoires ruraux qui se joue au travers du maintien des exploitations agricoles.

Aussi, pour toutes ces raisons et en cohérence avec les précédentes initiatives ou votes du groupe du RDSE, les membres de ce dernier approuveront à l’unanimité la présente proposition de loi.

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