La séance, suspendue à midi, est reprise à seize heures, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.
La séance est reprise.
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le jeudi 30 juin 2016, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État lui a adressé une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les mots « entre sociétés du même groupe au sens de l’article 223 A » figurant au 1° du I de l’article 235 ter ZCA du code général des impôts (Contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés – Exonération relative aux groupes fiscalement intégrés) (2016-571 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi visant à mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture, présentée par MM. Franck Montaugé, Didier Guillaume, Henri Cabanel et les membres du groupe socialiste et républicain (proposition n° 585, texte de la commission n° 709, rapport n° 708).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Franck Montaugé, auteur de la proposition de loi.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que j’ai l’honneur de vous présenter, au nom de mon groupe, vise à « mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture ».
Si toutes les techniques de gestion des risques concourent plus ou moins directement au soutien des revenus agricoles, l’objectif précis de notre texte est de contribuer à la garantie des revenus agricoles par la création d’un instrument de stabilisation du revenu, le fonds de stabilisation des revenus agricoles.
Dans un premier temps, j’aborderai les éléments de contexte justifiant le bien-fondé et l’urgence de notre proposition. Je préciserai ensuite la problématique à résoudre. Je terminerai par la présentation du dispositif et des outils permettant de construire la démarche.
Comme nous l’avons tous rappelé lors du débat du 7 juin dernier sur l’avenir des filières agricoles ou à l’occasion de l’examen de la proposition de résolution visant à encourager le développement d’outils de gestion de l’aléa économique en agriculture, adoptée à l’unanimité le 6 avril dernier, la politique agricole commune, la PAC, actuelle contribue aux revenus des agriculteurs, mais elle le fait de façon uniforme, rigide, sans tenir compte des réalités des marchés.
Sans pouvoir de marché, les producteurs subissent d’autant plus la volatilité des prix que tous les mécanismes de régulation qui existaient ont disparu.
Dans l’Union européenne, peu de pays ont mis en place des dispositifs de gestion des risques de marché. À l’inverse, les États-Unis consacrent des sommes importantes au soutien de leurs agriculteurs, dans le cadre d’un dispositif budgétaire beaucoup plus souple que la PAC, mais il ne faut pas pour autant idéaliser ce système, tant les modèles globaux sont différents.
Dans notre pays, le contrat socle pour certaines cultures et le FMSE, le Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnementale, couvrent des risques courants.
Pour les risques qui ont un caractère exceptionnel ou catastrophique, l’action volontariste, que je salue, du ministère et de l’État permet de mobiliser la solidarité nationale.
La problématique de la gestion des risques en agriculture est complexe. Il n’existe pas un outil unique, universel, qui permettrait de faire face à toutes les situations. Nous avons besoin d’une boîte à outils, outils adaptés à la nature du risque, du risque « indépendant » au risque « systémique », et à l’importance des pertes de l’exploitation, de « normales » à « catastrophiques ».
La PAC, en tant que telle, n’intervient dans ce domaine que par le biais de la DPA, la déduction pour aléas, et du financement des 65 % de l’assurance récolte.
Cependant, aucun dispositif spécifique n’a été mis en œuvre dans notre pays pour contribuer à la stabilisation des revenus agricoles, qui sont devenus très variables du fait de la volatilité des prix. Il est maintenant indispensable de mettre en œuvre les dispositifs de stabilisation des revenus dans le cadre réglementaire européen actuel, qui le permet.
L’esprit qui a présidé aux travaux de la commission des affaires économiques, l’approche constructive du rapporteur, Jean-Jacques Lasserre, dont je salue le travail, et l’écoute de M. le ministre de l’agriculture attestent de notre volonté commune, transpartisane, de servir l’agriculture française dans son ensemble, et je m’en réjouis.
En quoi consiste la problématique ? Il s’agit d’instituer et de contribuer au développement progressif d’un instrument de stabilisation du revenu agricole, dans le cadre du règlement (UE) n° 1305/2013, en adoptant une approche pragmatique fondée sur de l’expérimentation, de l’évaluation, de la formation, des décisions partagées prises par l’ensemble des parties prenantes.
Pourquoi ? Parce que, à terme, la réussite du dispositif passera par une large adhésion basée sur la confiance des agriculteurs eux-mêmes et sur la souhaitable implication de prestataires spécialisés. Sans confiance, sans une large solidarité que traduira le niveau d’adhésion des agriculteurs, il y aura peu de chance d’être efficace quand les situations l’exigeront !
Notre proposition de loi repose sur la mise en place, à l’article 1er, du FSRA, le fonds de stabilisation des revenus agricoles, défini conformément aux articles 36 et 39 du règlement (UE) n° 1305/2013. Ce fonds sera mis en œuvre par les régions, activé quand le revenu agricole baissera de plus de 30 % et son taux de couverture pourra aller jusqu’à 70 % des pertes évaluées. Il sera instauré dans un cadre concerté entre ministère de l’agriculture, conseils régionaux et organismes professionnels de représentation.
Comme le permet son règlement, conformément à l’article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime, le FNGRA, le Fonds national de gestion des risques en agriculture, pourra alimenter le FSRA dans la limite des 65 % autorisés par le règlement (UE) n° 1305/2013.
Les articles 2 et 3 du présent texte traduisent l’approche particulière qui nous paraît nécessaire pour construire la confiance qui permettra la montée en puissance progressive du dispositif. La réussite collective est à ce prix et il ne faut pas décevoir en allant trop vite !
Pour ces raisons, à l’article 2, nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport d’ici au 31 décembre 2016 sur les modalités de financement du FSRA.
Ce rapport traitera de la contribution volontaire – comme c’est le cas aujourd’hui pour le FMSE via la MSA, la mutualité sociale agricole – ou pas des agriculteurs à partir de leurs droits à paiement de base ; de la faisabilité et du niveau de l’augmentation de la TASCOM, la taxe sur les surfaces commerciales, pour les surfaces de plus de 2 500 mètres carrés ; de la mise en œuvre d’une taxe sur les transactions financières, ou TTF, opérées sur les marchés de produits agricoles, considérés désormais – je le regrette, mais c’est ainsi – comme des actifs financiers ; de l’augmentation de la taxe sur les cessions de foncier agricole ; de l’abondement par l’État et les collectivités locales ; éventuellement d’autres mesures au titre des 35 %.
La possibilité de mobilisation d’une partie du FNGRA sera aussi étudiée, en complément des fonds européens de type FEADER, le Fonds européen agricole pour le développement rural, ou des fonds du premier pilier, dans le cadre d’une évolution doctrinale éventuelle de la PAC.
L’obligation de réussite suppose de la prudence, de la progressivité, d’où l’article 3, qui prévoit qu’il sera procédé, dans le cadre de l’article 37-1 de la Constitution, à des expérimentations conduites par le ministère de l’agriculture sur deux ans et associant les territoires volontaires, les filières choisies avec les professionnels concernés et leurs représentants, et, plus largement, toutes les parties prenantes au dispositif testé.
Quand on écoute, comme nous l’avons fait, les spécialistes du sujet, quand on LIT les études existantes, françaises et européennes, on est frappé de constater que l’appareil conceptuel existe, mais qu’il manque – constat qui vaut pour tous les pays européens ou presque – une volonté politique de passer à l’acte, fût-ce avec prudence et en étant à l’écoute des spécialistes que sont les chercheurs, les économistes et les financiers.
Parce que nous pensons aussi que, à terme, le FSRA devra être envisagé dans le cadre d’une PAC réformée, prenant en compte de manière significative la question de la stabilisation du revenu, nous demandons, dans le cadre de ce même article 3, que le ministère de l’agriculture présente, au regard des expérimentations menées, une évaluation de la possibilité de généralisation du FSRA.
En cohérence, nous demandons, et c’est l’objet de l’article 4, que le Gouvernement remette au Parlement avant le 31 mars 2017 un rapport exposant les grandes orientations qu’il entend défendre pour la PAC post-2020. Un point particulier de ce rapport traitera des mécanismes de régulation des prix et de stabilisation des revenus, ainsi que de la couverture des risques économiques.
Il s’agira de préciser le modèle de la nouvelle PAC que nous entendons défendre. Quel modèle de régulation ? Quels rôles pour le premier et le second piliers ? Quelle place pour la gestion des risques ? Quelles conditionnalités éventuelles pour le paiement des aides directes à la souscription d’outils de gestion des risques ? Quels dispositifs de formation et d’accompagnement des agriculteurs vers ces formes de gestion et de stratégies d’entreprise ? Ne faut-il pas créer une agence européenne de gestion des risques agricoles ?
L’article 5, quant à lui, introduit la possibilité d’utiliser tout ou partie du FNGRA pour atteindre les 65 % de cofinancement du FSRA.
L’article 6 précise la contribution de la DPA à la constitution de l’épargne de précaution.
L’article 7 aborde la question de la simplification des normes agricoles.
Le rapport que Gérard Bailly et Daniel Dubois vont rendre sous peu, rapport auquel Henri Cabanel et moi-même nous sommes associés, abordera la question de la méthodologie d’élaboration des normes.
Il nous semble – c’est le sens de l’article 7 – que ce sujet peut être appréhendé de manière plus efficiente par une approche de la gestion des risques pouvant déboucher sur une utilisation stratégique de la norme ou du règlement en matière de conquête de marchés externes comme de protection des marchés internes. Les appellations d’origine contrôlée, les appellations d’origine protégée, les indications géographiques protégées, connues sous les sigles AOC, AOP, IGP, et les autres labels sont l’exemple d’une telle utilisation stratégique dont l’actualité liée aux accords de libre-échange comme le TAFTA et le CETA nous rappelle tout l’intérêt.
Les articles 8, 9 et 10 fixent les niveaux de contribution des dispositifs de financement des 35 % du FSRA.
Pour terminer, et au regard de la réception de cette proposition de loi par la commission des affaires économiques, nous avons fait œuvre commune, au-delà de nos différences d’approches politiques sur tel ou tel sujet, pour la protection de nos agriculteurs.
Ceux-ci nous disent vouloir des prix et non pas des primes. J’entends aussi derrière cette demande, et au regard de l’analyse du contexte international de marché auquel ils sont confrontés, un appel à la protection. Cet appel n’est d’ailleurs pas propre au monde paysan, l’actualité nous le rappelle vivement. Il traduit ce que les peuples d’Europe attendent légitimement de leurs représentants. Par cette proposition de loi et ses suites, donnons l’exemple et soyons à la hauteur des attentes et de notre responsabilité !
Monsieur le ministre, chers collègues, j’espère que le débat de cet après-midi et, au-delà, le destin législatif que connaîtra ce texte iront dans ce sens.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.
Monsieur le ministre, la Haute Assemblée est très sensible à la très grande fragilité du secteur agricole.
Tout d’abord, je rappellerai, mes chers collègues, quelques-uns des derniers rendez-vous agricoles que nous avons eus au Sénat : débat sur le thème « Restructuration et modernisation des principales filières agricoles dans le cadre de la réforme à mi-parcours de la PAC » ; proposition de résolution visant à encourager le développement d’outils de gestion de l’aléa économique en agriculture ; proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire, dite proposition de loi Lenoir ; évidemment, projet de budget de l’agriculture et les débats qui l’accompagnent.
Toutes ces discussions mettent en exergue la particularité de l’agriculture, un secteur économique certes, mais confronté, probablement plus que beaucoup d’autres, aux risques climatiques et aux risques liés aux variations des cours.
L’agriculture est une activité particulière : elle dépend des conditions climatiques et des aléas sanitaires avec, par exemple, pour le bétail l’apparition de maladies ou pour les cultures celle de ravageurs. Pour les agriculteurs, peut-être encore plus que pour les autres acteurs économiques, gérer les risques est donc devenu un impératif stratégique.
Nous en sommes parfaitement conscients. C’est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques du Sénat a mis en place en son sein, voilà quelques semaines, un groupe de travail sur cette question dont elle m’a confié la responsabilité.
J’ai souhaité que cette initiative soit partagée par l’ensemble des groupes politiques de cette assemblée, convaincu que seul un consensus – au Sénat, à l’Assemblée nationale, entre les acteurs et les professionnels du secteur agricole – nous permettra d’avancer.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans cet esprit. Je considère que cette initiative est tout à fait complémentaire. Elle nous permet aussi d’évoquer un sujet large : le risque économique.
Pour commencer mon propos, je voudrais que l’on distingue le risque de production du risque de marché.
Le risque de production est celui qui affecte la quantité ou la qualité de la production agricole. On parle parfois de « risque climatique », même si la nature de ce dernier est plus large. Ainsi, nous mesurons depuis quelques années le risque environnemental ou sanitaire, qui entre tout à fait dans cette catégorie.
Le perfectionnement des techniques agricoles a permis de maîtriser de mieux en mieux ce type de risque, sans toutefois éradiquer toutes les menaces : lorsqu’il sème son champ, l’agriculteur prévoit ce qu’il récoltera en se référant aux moyennes des années précédentes et en s’en remettant – malheureusement ou heureusement – à la nature. L’ingéniosité des assureurs a ensuite pris le relais, car on ne peut jamais être certain que les intempéries ne frapperont pas.
Le risque de production est aujourd’hui couvert par un panel large d’instruments, que je vais rappeler.
Historiquement, la première couverture de ce risque a été assurée par l’État à travers le régime des calamités agricoles. Le fonds correspondant est alimenté par la taxe additionnelle aux conventions d’assurance payées par les agriculteurs, ainsi que par des dotations complémentaires de l’État. Les dépenses varient beaucoup d’une année sur l’autre : 189 millions d’euros en 2011, 234 millions d’euros en 2012, mais seulement 41 millions d’euros en 2013 et 22 millions d’euros en 2014. En 2015, presque 50 millions d’euros ont été dépensés. L’année 2016 peut nous réserver de bonnes ou de mauvaises surprises ; vous pourrez nous répondre sur ce point, monsieur le ministre.
Les inondations récentes montrent qu’il est nécessaire de disposer d’un tel fonds pour faire face aux gros risques climatiques.
Au-delà de ce régime de solidarité, des assurances se sont développées depuis une dizaine d’années au travers du dispositif de l’assurance récolte. Dans le cadre du bilan de santé de la PAC de 2008, il a été décidé d’utiliser des fonds européens pour subventionner les primes d’assurance versées par les agriculteurs, à hauteur de 65 % au maximum. Ces assurances couvrent des pertes de production supérieures à 30 %.
Pour favoriser le recours aux assurances, les pouvoirs publics ont prévu que, là où il existait une offre d’assurance, le dispositif calamités agricoles n’interviendrait plus, ce qui est normal.
Mais le dispositif de l’assurance récolte peine à décoller : 30 % des exploitations en grandes cultures et 20 % de celles du secteur de la viticulture sont assurées. Dans les secteurs du maraîchage et de l’arboriculture, le taux de pénétration de cette assurance est très faible.
La réforme du contrat socle a visé, l’année dernière, à donner une nouvelle dynamique à l’assurance en baissant son coût et en adaptant les niveaux de couverture, afin de garantir seulement les « gros risques ».
Le contrat socle permet aussi une couverture « à la carte », puisque les agriculteurs peuvent choisir de renforcer leur couverture assurantielle en payant des primes plus élevées.
Enfin, le contrat socle couvre aussi les fourrages, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.
La réforme de la PAC 2014-2020 n’a pas remis en cause le principe du soutien à l’assurance récolte. Une enveloppe de 100 millions d’euros par an est prévue. On peut craindre qu’elle ne soit insuffisante pour soutenir les assurances – et ce soutien est fondamental – à hauteur de 65 % des primes versées par les agriculteurs. Ces dernières années, ce niveau n’a pas toujours pu être assuré. Avec les difficultés calendaires, les contrats sont signés en début d’année et l’on est éclairé sur les contraintes budgétaires dans le courant de l’année civile ; il y a là une véritable difficulté.
Or l’un des freins à la diffusion de l’assurance est l’incertitude, compréhensible à certains égards, sur le niveau de soutien public. Nous attendons, monsieur le ministre, une clarification sur ce point.
Pour faire face au risque sanitaire et environnemental, le Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental, le FMSE, a été créé en 2013. Il répond à la même logique de protection face au risque pesant sur la production.
Nous disposons ainsi d’un large éventail de solutions, mais celui-ci reste incomplet. Nous devons partir de là pour améliorer la situation.
Un autre type de risque, qui fait l’objet de notre discussion d’aujourd’hui, est encore plus redoutable. L’exposition des agriculteurs à ce risque s’est renforcée à mesure que les politiques agricoles ont été déréglementées. Il s’agit du risque économique, celui qui pèse sur les prix de vente, dont on connaît les fluctuations, et donc sur le revenu final tiré de l’exploitation agricole.
La volatilité croissante des prix agricoles constitue une véritable menace pour la viabilité des exploitations et la PAC, dans sa forme actuelle, n’assure pas aux agriculteurs des prix rémunérateurs.
Face à la volatilité des marchés agricoles, les outils de protection sont extrêmement faibles.
Les agriculteurs peuvent choisir de se couvrir contre les mouvements de prix en utilisant les techniques financières classiques, par exemple au travers des marchés à terme. Mais ces solutions n’existent pas pour toutes les productions. Elles sont parfois assez complexes et peuvent aussi être coûteuses. Elles sont surtout hasardeuses et concernent essentiellement les productions céréalières.
Un autre outil de protection consiste à disposer d’une épargne de précaution réinjectée dans l’exploitation agricole en cas de difficultés : la déduction pour aléas, la DPA, qui a été assouplie pour pouvoir être utilisée en cas de baisse du revenu agricole et qui répond à nos objectifs.
Mais il faut aussi des outils collectifs de couverture face au risque économique : les filets de sécurité de la PAC, lorsqu’ils existent, sont fixés à des niveaux très bas. Ils ne sont aujourd’hui ni suffisants ni satisfaisants.
La PAC permet aux agriculteurs de s’organiser entre eux. Ainsi, le règlement « OCM unique » continue à autoriser les organisations de producteurs, dans les secteurs fruits et légumes et viticulture, à gérer des fonds de mutualisation destinés à soutenir les producteurs dans les situations de crise. Mais il s’agit là d’un outil ponctuel.
Le nouveau règlement sur le développement agricole et rural pour la période 2014-2020 a innové en autorisant également le soutien par le Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, à l’instrument de stabilisation des revenus des agriculteurs, l’ISR, ce qui doit permettre de répondre au risque économique.
La présente proposition de loi est centrée sur le risque économique et prévoit de mettre en œuvre cet outil en France à l’échelon régional, d’abord à titre expérimental, puis de manière généralisée à partir de 2017. Nous reviendrons ultérieurement sur la question des dates.
Ce choix n’a pas été fait lors de la mise en œuvre de la réforme de la PAC 2014-2020 par la France, qui a retenu d’autres priorités budgétaires. Il n’y a donc pas, à ce jour, de ligne budgétaire pour l’instrument de stabilisation des revenus dans la maquette financière du plan de développement rural de la France validé par Bruxelles. Si cette idée devait évoluer, ce choix nécessiterait d’être revu.
D’ailleurs, peu d’États membres de l’Union européenne utilisent l’instrument de stabilisation des revenus agricoles aujourd’hui. Les États-Unis ont, en revanche, inventé un mécanisme pouvant s’y apparenter et qui est au cœur de leur nouveau Farm Bill.
L’intérêt du dispositif que nous présentons aujourd’hui est d’aider les agriculteurs au cours de la phase basse des cycles agricoles. La proposition de loi réclame l’utilisation des outils de couverture contre les risques liés aux prix sur les marchés.
L’idée sous-jacente est la suivante : on imposerait aux agriculteurs, les bonnes années, de mettre de côté une partie des revenus tirés des aides directes de la PAC au travers du fonds de stabilisation des revenus agricoles. Les mauvaises années, ce fonds reverserait les sommes aux agriculteurs en difficulté.
L’idée est intéressante. Elle mérite cependant d’être analysée de manière plus poussée et suscite les questions suivantes. Que se passera-t-il si les prix agricoles baissent plusieurs années à la suite ? Quel sera le niveau de solidarité interfilières ? Quels sont les moyens budgétaires qui doivent être dégagés ? Ceux-ci seront probablement très importants.
La présente proposition de loi soulève ces interrogations et nous invite donc à la poursuite de la réflexion. Elle crée le réceptacle pour les futures discussions de la réforme de la PAC. En cela, elle constitue une véritable proposition de loi d’appel.
Y sont suggérées quelques pistes pour financer cet instrument de stabilisation des revenus.
La proposition de loi s’inscrit très clairement dans une logique de contribution au débat sur la prochaine réforme de la PAC. Je l’ai dit au sein de la commission des affaires économiques, cette initiative me paraît intéressante, à condition qu’elle soit suivie par d’autres.
Pour cette raison, je voterai en faveur de ce texte. S’il est un sujet qui mérite de faire l’objet d’un consensus au Sénat, à l’Assemblée nationale et entre les organisations professionnelles agricoles, c’est bien celui-ci. Je ne désespère pas de voir ce résultat !
Applaudissements.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, cette proposition de loi fait suite à un débat qui a eu lieu ici, au Sénat, sur les risques auxquels sont confrontés quotidiennement les agriculteurs, et l’agriculture de manière générale.
Ces risques sont de plusieurs ordres, économique, climatique, sanitaire.
Il s’agit, premièrement, de la volatilité des prix. Certains ont sur ce sujet des idées bien précises : il suffirait, selon eux, d’empêcher cette volatilité pour prévenir ce risque. C’est une véritable question. Mais est-il possible de faire cela ?
Je devine d’ores et déjà ce que nous dira M. Le Scouarnec…
Sourires.
Je viens de regarder les chiffres du marché au cadran de Plérin. Le prix au kilo du cochon vient de repasser la barre de 1, 40 euro, atteignant même 1, 43 euro, du fait d’une demande chinoise inespérée qui fait se redresser les cours. L’an dernier, la crise de la filière porcine était pourtant majeure.
On le voit, le marché fluctue. Lorsque les prix sont en hausse, nous ne discutons pas des problèmes de l’agriculture ; lorsqu’ils baissent, chacun a des solutions à proposer. Pour ma part, j’avais présenté à l’époque quelques idées. Je le dis par avance, ce n’est pas parce que la situation s’améliore qu’il faut oublier de mettre en œuvre les logiques de contractualisation.
Deuxièmement, il s’agit des aléas de la nature de manière générale.
Nombre de ceux qui en parlent oublient que, en agriculture, il suffit d’un aléa climatique ou d’une crise sanitaire pour que l’investissement engagé en termes de capital et de travail puisse être totalement remis en cause du jour au lendemain, ou d’un mois à l’autre. Cela pèse énormément sur la capacité qu’ont les agriculteurs d’investir dans l’avenir.
Lors de ma nomination au ministère de l’agriculture en 2012, le prix des céréales était très élevé. Il a aujourd’hui baissé de près de 40 %. Depuis 2014, les crises se sont succédé, dans les filières bovine, porcine et laitière. Ainsi, la crise du lait est liée à un excédent d’offre sur le marché européen et international qui explique le très bas niveau de prix. Une action est donc nécessaire à l’échelle européenne pour maîtriser la production laitière. Après huit ou neuf mois de bataille politique et idéologique au sein de l’Europe, j’espère atteindre cet objectif le mois prochain, lors du conseil des ministres européens de l’agriculture.
Cette bataille de la maîtrise de la production devra être financée à l’échelon européen. Tous les États concernés et les acteurs de la filière devront s’y engager, afin d’éviter que ne se constituent, comme c’est le cas aujourd’hui, des stocks de poudre de lait – ils atteignent 290 000 ou 295 000 tonnes ! – et de beurre qui pèsent, là aussi, sur le marché.
Nous avons tous en tête les différentes composantes des risques auxquels est confrontée l’agriculture, ainsi que leurs conséquences pour les agriculteurs et les exploitations. Je rappelle que, pour faire face à la sécheresse de l’an dernier, il a fallu mobiliser près de 185 millions d’euros du Fonds national de gestion des risques en agriculture, le FNGRA, l’ancien Fonds de gestion des calamités agricoles, le FGCA. Cette année, Jean-Jacques Lasserre l’a rappelé, ce sont les inondations qui ont frappé.
D’une année sur l’autre, on peut donc être confronté à des aléas climatiques aussi différents qu’une sécheresse et une inondation ! À chaque fois, la solidarité nationale s’exerce, et c’est nécessaire.
Mais il y aussi, troisièmement, les crises sanitaires. À la fin de l’année dernière et au début de celle-ci, nous avons mobilisé plus de 35 millions d’euros pour faire face à la crise de la filière bovine liée à la fièvre catarrhale ovine, la FCO. Là encore, c’était absolument nécessaire.
Nous sommes confrontés, en outre, à la crise liée à l’influenza aviaire, qui a nécessité de procéder à un vide sanitaire sans précédent et de mobiliser plus de 220 millions d’euros de fonds publics, afin de venir en aide à toutes les exploitations qui sont concernées par cette infection.
Enfin, les crises que l’élevage a traversées ont coûté de 700 à 800 millions d’euros, dans le cadre des plans de soutien à l’élevage. Là aussi, c’était absolument nécessaire et déterminant.
J’ai dressé cette liste afin que chacun ait bien conscience que nous vivons un moment particulier et très difficile. Tout ce que nous pouvons imaginer en termes d’assurance contre les risques, de manière globale, et qui nécessite un engagement des agriculteurs devient donc pratiquement impossible à mettre en place, compte tenu de la situation dans laquelle se trouvent les exploitations agricoles.
Comment expliquer aujourd’hui à des agriculteurs qu’ils doivent mobiliser une partie de leur épargne pour financer une assurance quand ils viennent de subir les aléas que je viens d’évoquer ? Cette assurance garantit, bien sûr, des prestations, mais celles-ci sont aussi souvent calculées sur les pertes réelles constatées. Lorsque ces pertes ont été importantes à un moment donné, le coût de l’assurance augmente automatiquement l’année suivante, tandis que les prestations diminuent. Ce n’est pas incitatif pour les agriculteurs !
La grande question qui nous est posée – raison pour laquelle ce débat est important – est la suivante : comment créer des outils permettant d’appuyer cette assurance et cette mutualisation des risques sur la base de financement la plus large possible, de rendre le coût pour chaque exploitant agricole le plus faible possible et de couvrir les risques le mieux possible ?
Chacun peut toujours proposer des solutions. C’est le cas avec l’article 1er de la présente proposition de loi qui met en place un fonds de stabilisation des revenus agricoles dans chaque région. D’autres ont imaginé des mesures plus individuelles. Quoi qu’il en soit, nous devons travailler à partir du principe suivant : une base qui soit la plus large possible, c’est-à-dire, comme nous l’avons souvent évoqué dans cette enceinte, la totalité des hectares et des productions. Cela permettra d’avoir un coût d’accès à cette protection et à cette assurance le plus faible possible.
Et parce que cette base est large, les conséquences des calamités seront remboursées de la façon la plus efficace.
M. le rapporteur l’a dit, nous n’avons pas choisi de mobiliser ce fonds dans le cadre du second pilier de la PAC lorsque nous avons négocié celle-ci. C’est vrai, mais je rappelle que ce fonds nécessite un financement à hauteur de 35 % par les exploitants agricoles, et que le remboursement a lieu un an plus tard, à condition que les pertes aient été supérieures à 30 % !
Ce fonds a donc des vertus, mais il a aussi ses limites, parmi lesquelles figurent, je le répète, la nécessité d’un financement par les exploitants agricoles à hauteur de 35 % et des remboursements soumis aux strictes conditions que je viens de citer.
Cette piste, prévue dans la proposition de loi, est intéressante, mais elle ne répond pas encore à la question et à la méthode que j’ai évoquées précédemment.
Étant parfaitement conscients que cette question des aléas et de la volatilité était au cœur du débat agricole, nous avons développé le FMSE, qui avait été mis en place avant ma nomination et qui fonctionne avec les moyens qui sont les siens. Quoi qu’il en soit, il existe et il a un rôle important.
Nous avons aussi décidé de transférer des crédits pour alimenter l’assurance récolte : le budget correspondant est passé de 88 millions d’euros en 2012 à 108 millions en 2015.
Nous avons également engagé la négociation sur le fameux contrat socle. Nous avons voulu mettre en place celui-ci, afin de lancer un processus d’assurance et de mutualisation qui soit, comme je le désirais, le plus large possible. Et comme ce contrat concerne un très grand nombre d’agriculteurs, son coût est limité.
Je suis pourtant obligé de faire le constat que les agriculteurs, compte tenu des crises des filières qu’ils ont traversées, auxquelles se sont ajoutées des crises sanitaires, ne souscrivent pas autant qu’on pouvait le souhaiter à ce dispositif.
Dès que je suis arrivé au ministère, j’ai lancé la réforme de la DPA, afin d’encourager la constitution par les agriculteurs d’une provision défiscalisée. Il fallait limiter le recours à la déduction pour investissement, la DPI, qui était une stimulation à l’investissement, en particulier pour le matériel agricole.
Je souhaite vous indiquer quelques chiffres, mesdames, messieurs les sénateurs. En 2012, la DPA représentait à peine 6 millions d’euros de provision, pour 2 500 bénéficiaires. En 2013, elle est passée à 16 millions d’euros, pour 5 800 bénéficiaires. En 2014, nous en sommes à 39 millions d’euros, pour plus de 11 400 bénéficiaires.
On voit donc bien que la DPA, telle qu’elle a été adoptée – vous y avez participé –, apportait une réponse partielle. Mais l’objectif que nous devons nous fixer, si nous voulons régler tous les problèmes que j’ai évoqués, n’est pas encore atteint.
La véritable question qui nous est posée est la suivante : à quel moment peut-on engager un processus qui élargisse au maximum la base de la contribution, pour que le coût de celle-ci soit le plus faible et que le risque soit le mieux couvert ? Tel est l’enjeu. Et quelle méthode suivre ?
Dans la proposition de loi sont indiquées des pistes que le Gouvernement et le ministre que je suis prendront en compte. Je pense notamment aux évolutions fiscales relatives à la DPA qui seront débattues lors de l’examen du projet de loi de finances.
Il va de soi que nous devons améliorer encore l’outil fiscal qu’est la DPA. Je suis tout à fait d’accord, pour ma part, pour que l’on prenne en considération le nombre de salariés, comme cela est proposé dans le texte. Mais, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, lors des discussions portant sur la loi de finances, on tient compte non seulement des objectifs que l’on se fixe, mais aussi des contraintes budgétaires existantes…
Nous devrons également mener une réflexion à propos de la PAC et des fonds disponibles sur l’ensemble des aides surfaciques. Je crois de plus en plus que l’on amorce la pompe de la mutualisation des risques en essayant de favoriser, au sein du premier pilier de la PAC, une épargne qui permettra aux agriculteurs de faire face aux risques. Je pense en particulier à ceux qui correspondent à des pertes situées entre 0 % et 30 %, trop récurrents : nous devons donner aux agriculteurs les outils pour s’en prémunir.
Cela signifie qu’il faut des outils réactifs, une réserve disponible qui permette aux agriculteurs de souscrire des assurances de type contrat socle, et ce quels que soient les productions et le lieu. Si l’on est capable de mobiliser les fonds du premier pilier et de les consacrer à un système de mutualisation bénéficiant aux agriculteurs, alors on pourra rendre ce système obligatoire.
Il y a une seule condition à remplir : les agriculteurs ne participeront au dispositif que si cet argent public est effectivement mobilisé. C’est par l’utilisation d’une partie des aides de la PAC, en particulier celles du premier pilier, que nous y parviendrons.
Devons-nous anticiper le moment où il nous faudra amorcer cette pompe ? Quelle est la période propice pour que les agriculteurs acceptent ce type de proposition ?
Compte tenu des difficultés que ceux-ci rencontrent actuellement, nous ne sommes pas encore parvenus à ce moment nodal propice pour lancer un processus global de gestion de l’ensemble de ces risques.
C’est pourquoi la France, lors du débat sur la PAC de 2020, a proposé de faire bénéficier les agriculteurs d’une épargne de précaution. Il s’agit de traiter des risques liés, je le rappelle, à des pertes de revenus situées entre 0 % et 30 %.
Au-delà de 30 %, en effet, la solidarité nationale et européenne est indispensable, car la charge est trop lourde. En revanche, pour les risques les plus courants, qui font trop souvent – et quelquefois fortement – varier les prix, et donc les revenus, il faut permettre aux agriculteurs de bénéficier d’un système de mutualisation générale. Ainsi, j’y insiste, le coût de l’assurance sera plus faible et la couverture plus étendue.
Lorsque les agriculteurs cotisent sur une base faible, la couverture du risque, elle aussi, est faible. En outre, en vertu de la règle de la moyenne olympique – je trouve cette formule assez drôle ! –, lorsque se produit une diminution de la couverture en fonction des risques déjà couverts, les agriculteurs ne peuvent entrer dans le processus…
Ce débat que vous avez souhaité lancer, mesdames, messieurs les sénateurs, est donc très important. Les pistes que vous proposez sont, bien entendu, au cœur des possibilités qui nous sont offertes, et nous en discuterons. Il s’agit, vous l’aurez compris, de sujets budgétaires, ainsi que d’efficacité globale et générale.
En tant que ministre de l’agriculture, je veux encourager et soutenir votre initiative, qui vise à répondre à cette question fondamentale : comment faire pour que les agriculteurs résistent mieux aux aléas économiques, climatiques ou sanitaires ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Yvon Collin applaudit également.
M. Michel Le Scouarnec. Je vais donner mon point de vue, malgré les certitudes de M. le ministre ! Même s’il sait par avance ce que je vais dire, je vais tout de même m’exprimer…
Sourires.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous partageons les constats dressés dans l’exposé des motifs de la présente proposition de loi. Il est vrai que l’Europe n’est plus aujourd’hui en capacité de compenser avec justesse cette volatilité des prix et des revenus.
Il est vrai, aussi, que le libéralisme effréné entraîne la course sans fin aux prix tirés vers le bas.
Nous souscrivons à l’idée selon laquelle, pour remédier à cette crise, il est juste de mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture. Le rapport sur ce point va dans le même sens puisqu’il y est indiqué que l’orientation de la PAC vers les marchés a entraîné un accroissement de l’exposition des agriculteurs aux risques. Et de continuer : elle « aurait même contribué ces dernières années à accroître la volatilité sur les marchés agricoles, en encourageant la libéralisation non régulée. Les accords de libre-échange actuellement en négociation entre l’Union européenne et ses partenaires commerciaux accroîtraient encore les risques. »
Que penser, alors, des discussions autour de l’accord commercial transatlantique, le TAFTA, et de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, le CETA ? Si notre pays ratifiait ces accords, il abandonnerait ses agriculteurs aux seules lois du marché.
Le texte relève, comme nous le faisons à chaque débat, les limites des aides découplées et surtout, au-delà des primes ponctuelles, la nécessité de prix garantis. Pour mes collègues auteurs de la présente proposition de loi, cela se traduit par « des mécanismes de soutien aux agriculteurs qui leur apportent une aide dans les périodes difficiles et une capacité d’épargne attractive dans les périodes plus favorables »… lorsqu’il y en aura !
Cette proposition de loi vise donc à offrir de nouveaux outils aux agriculteurs pour prévenir et gérer les risques et à poser les bases du débat sur la future réforme de la PAC en 2020. Il s’agit avant tout de couvrir le risque économique, en passant d’une politique de soutien direct à l’hectare à une politique de gestion des risques mutualisée.
Toutefois, nous sommes non pas dans la prévention, mais plutôt dans une intervention a posteriori, pour faire face à la volatilité des prix.
L’idée d’un fonds régional de stabilisation des revenus agricoles est intéressante. Mais il nous aurait semblé plus opportun d’élargir le périmètre de ce fonds à l’échelon national, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre. Vous ne pensiez pas que j’allais dire cela, n’est-ce pas ?
En effet, l’alimentation du fonds pourrait connaître de fortes variations régionales, de même que les besoins en matière d’indemnisation. Ce point est pour nous fondamental !
De plus, ce fonds nécessitera des arbitrages régionaux, car les programmes européens de développement rural régionaux, qui en sont la première source de financement, constituent une enveloppe budgétaire fermée. Il y aura donc des compromis sur d’autres politiques existantes, faute de moyens nouveaux, du moins à la hauteur des besoins. Je souligne que l’article 2 prévoit, dans les modalités de financement de ce fonds, une augmentation de la taxe sur les surfaces commerciales de plus de 2 500 mètres carrés, proposition que le groupe CRC avait déjà faite à l’occasion du débat sur la loi Macron… C’est donc une bonne idée !
Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et républicain.
De même, la hausse de la contribution de la taxe sur la cession à titre onéreux de terrains nus rendus constructibles mérite toute notre attention.
La proposition de loi contient donc des éléments positifs.
Je veux évoquer deux points particuliers.
Le premier concerne l’artificialisation des sols que la taxe précitée vise à amoindrir, tout en permettant de s’assurer d’un retour d’une partie de la plus-value de cession vers l’agriculture.
Alors que le renouvellement des PLU est en cours dans de nombreuses communes, la préservation du foncier agricole est de plus en plus délicate, entraînant des difficultés supplémentaires pour les exploitants. Gardons d’abord les terres cultivables pour l’agriculture avant de les transformer en lotissements géants. C’est aussi cela, la prévention des risques économiques en agriculture : permettre à nos jeunes agriculteurs de s’installer !
Le second point porte sur la constructibilité des dents creuses dans les hameaux.
Souvent inexploitables, ces terrains provoquent des situations délicates dans nos territoires ruraux et du littoral. Permettre la construction dans les dents creuses, ce n’est pas ouvrir de nouvelles terres à l’urbanisation, c’est densifier les centres-bourgs ou les hameaux. Notre vision reste celle d’un aménagement équilibré et d’une utilisation économe de l’espace, tout en prenant en compte les besoins de logements et de diversification des activités.
Alors que la gestion des marchés et la régulation des productions ne sont plus à l’ordre du jour, que les crédits alloués par la PAC aux situations de crise sont insignifiants au regard des besoins, nous pensons qu’il faut sortir l’agriculture des logiques marchande et financière.
Il faut s’attaquer aux véritables causes de la situation en concertation avec l’ensemble des producteurs et des professionnels. Si l’on n’instaure pas des règles à l’échelon européen, on ne s’en sortira pas !
Pour garantir des revenus dignes à nos agriculteurs, pour assurer sur nos territoires une production alimentaire de qualité, notre agriculture a besoin de stabilité. C'est essentiel et urgent. En effet, la suppression de toutes les mesures d’orientation des prix place les exploitants agricoles dans un face-à-face déséquilibré avec les opérateurs de marché, les transformateurs et la grande distribution. Selon nous, il faut, au contraire, réhabiliter le principe d’une véritable régulation permettant de garantir un prix décent.
Dès lors, une maîtrise des volumes de production est nécessaire, car 1 % de lait ou de viande en trop sur le marché entraîne 10 % de baisse de prix !
L’absence de régulation est le vice de la PAC : seuls les prix payés au-dessus des coûts de production peuvent redonner espoir et sauver nos agriculteurs. Cela passe obligatoirement par une régulation de la production et des marchés sans laquelle la PAC ne peut atteindre aucun de ces objectifs.
Par ailleurs, nous avons défendu de nombreux amendements tendant à l’institution d’un fonds de mutualisation des risques que le Sénat n’a jamais adoptés.
Cette proposition de loi vise à mettre en place un tel fonds, qui sera alimenté par différents acteurs, solution plus pérenne que le seul système assurantiel. Mais, malheureusement, cette enveloppe fermée sera uniquement régionale. Quel dommage ! Il faut élargir la base, comme l’a dit M. le ministre. Si elle avait été prévue à l’échelon national, nous y aurions été favorables.
Cependant, nous ne voterons pas contre cette proposition de loi, puisque nous reconnaissons qu’elle comporte des points très positifs.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.
Je voudrais d’abord remercier le rapporteur des propos qu’il a tenus et lui garantir que nous sommes dans le même état d’esprit constructif. Nous serons amenés à travailler de nouveau ensemble.
Le 6 avril dernier, lors de l’examen de la proposition de résolution visant à encourager le développement d’outils de gestion de l’aléa économique en agriculture, j’avais présenté dans le détail le contexte et les enjeux de ce texte. La proposition de loi que nous vous présentons aujourd’hui, mes chers collègues, s’inscrit dans la continuité de celui-ci. Elle poursuit un objectif très clair : la mise en œuvre de mécanismes de gestion des risques en agriculture.
Il est inutile de revenir sur le contexte de crise profonde que vous connaissez toutes et tous : il y a urgence à agir.
Si l’État a su répondre aux pics conjoncturels par un soutien financier important, l’enracinement de cette crise nous place devant une évidente crise structurelle à l’échelon non seulement français, mais également européen. Aujourd’hui, la filière tout autant que les élus s’accordent à dire qu’il faut revoir notre modèle agricole. Il faut le faire coller à la réalité du marché mondialisé, à l’attente sociétale sur les questions environnementales, à l’évolution des goûts des consommateurs…
La semaine dernière, l’AFP s’est fait l’écho de la situation de précarité du monde agricole en donnant les chiffres de l’évolution des demandes de la prime d’activité, qui remplace le RSA activité et représente en moyenne 183 euros par mois. La mutualité sociale agricole témoigne de cette augmentation de demandes provenant aujourd’hui à 34 % d’exploitants agricoles. Selon son président national, Pascal Cormery, en raison d’une conjonction de facteurs, « les mois de septembre et octobre peuvent être à haut risque pour le monde agricole ». À la crise économique et sanitaire – fièvre catarrhale ovine et grippe aviaire – s’ajoutent, ces jours derniers, les intempéries qui ont encore plus fragilisé ceux qui l’étaient déjà et touché des professionnels qui ne l’étaient pas encore, comme les maraîchers. Il faut donc déployer très rapidement des outils de protection pour permettre à nos agriculteurs d’avoir une visibilité économique nécessaire pour construire une véritable stratégie.
Nous le savons, les risques en agriculture représentent un sujet très technique et complexe. Des chercheurs y travaillent depuis des années. L’unanimité aujourd’hui est faite sur le manque évident. Ce constat est dressé, mais nous restons dans un immobilisme qui sclérose la filière.
Nos voisins européens, comme l’Allemagne et l’Espagne, mais aussi les États-Unis, se sont déjà dotés d’outils qui répondent à cette problématique. Dans le cadre de notre proposition de loi, nous avons demandé aux services du Sénat une étude de législation comparée avec ces trois pays significatifs.
Les trois exemples étudiés démontrent une part variable de l’assurance et de la compensation des dommages occasionnés par les catastrophes naturelles.
En Allemagne, le recours à l’assurance privée s’effectue sur la base exclusive du volontariat, la gestion du risque agricole étant en principe du ressort de l’agriculteur. Le régime des indemnités versées par les collectivités publiques qui résulte d’une intervention de la fédération ou d’un Land peut être lié à la souscription préalable d’un produit d’assurance privé : à défaut, le montant des aides est susceptible de diminuer.
En Espagne, un dispositif d’assurance agricole ancien et spécifique tend à se généraliser sous la forme d’un partenariat public-privé, les compensations versées en cas de catastrophe revêtant un caractère résiduel.
Le cas des États-Unis a été évoqué par Franck Montaugé ; je n’y reviens donc pas.
L’Europe a pris en compte la question de la baisse de revenus : des fonds européens peuvent être déployés dans le cadre de l’instrument de stabilisation des revenus, sur la base des articles 36 et 39 du règlement européen relatif au soutien au développement rural par le FEADER. Mais aucun pays ne les a activés, les régions qui sont responsables de la gestion de ces fonds ayant opté pour d’autres priorités.
Pourtant, une mise en œuvre dans les plus brefs délais nous paraît plus que nécessaire. Nous sommes conscients des arbitrages et des compromis que devront opérer les régions dans ce cadre avec les filières.
Ce mécanisme pourrait, en effet, être activé en cas de baisse du revenu importante de l’agriculteur concerné. Les paiements effectués par ce fonds compenseront jusqu’à 70 % de la perte de revenu. C’est tout l’enjeu de l’article 1er de notre proposition de loi.
Le fonds de stabilisation des revenus agricoles serait mis en place dans les régions au plus tard au 1er janvier 2018, et cofinancé par le FEADER, l’État, les collectivités territoriales et les personnes physiques ou morales exerçant des activités agricoles. Cela permettrait la mise en place d’un soutien et d’un accompagnement plus pérennes.
Nous connaissons aussi l’iniquité actuelle de la répartition des crédits de la PAC.
Nous devons parler d’une même voix pour tenir un discours honnête et réaliste face aux exigences européennes et à l’obligation de gérer des problématiques lourdes et d’actualité – je pense notamment à la question migratoire, au Brexit et aux moyens qu’il nous faudra capter pour redéfinir une stratégie politique et économique européenne. Nous ne pouvons nier la réalité probable de la baisse des crédits de la PAC post-2020.
Mes chers collègues, certains d’entre vous se sont abstenus lors du vote de notre proposition de résolution. Celle-ci a donc été adoptée à l’unanimité des suffrages exprimés le 6 avril dernier.
Vous avez déposé sur la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui des amendements de pure forme qui ne donnent pas d’axe précis sur votre positionnement.
Il est donc temps d’agir pour relever les enjeux en dépassant nos clivages et nos différences d’idéologie. Une union en faveur de la gestion des risques en agriculture donnerait de notre assemblée une image de raison, de construction, d’action, et non une image de parti pris systématique que les citoyens rejettent aujourd’hui. Le Brexit est un exemple éloquent d’un monde politique éloigné des réalités et des peuples, et incapable de communiquer sur ses actions.
Les agriculteurs nous font confiance, car nous sommes les élus des territoires et donc de la ruralité. Que deviendront ces territoires si, demain, l’agriculture disparaissait pour n’avoir pas su se doter d’outils modernes accompagnant ses mutations ? La gestion des risques en fait partie dans une agriculture mondialisée.
Plutôt qu’un vote d’abstention positive, je vous propose – une fois n’est pas coutume – un vote d’adhésion positive qui sera beaucoup plus porteur : ce sera un signe fort envoyé à nos collègues députés.
Ce vote d’adhésion positive sera aussi un signe fort adressé à nos agriculteurs, en faveur de la défense de leurs revenus, de l’aménagement de nos territoires, tout autant que du maintien de notre sécurité alimentaire.
Je fonde tous mes espoirs sur votre proximité avec nos terroirs et votre connaissance de notre monde rural. Nos paysans méritent notre prise de responsabilité, notre union sacrée !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui autour d’une proposition de loi visant à mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture.
Depuis toujours, et partout dans le monde, l’activité agricole est exposée à de nombreux aléas naturels. Les aléas climatiques touchent de manière dramatique certains pays, notamment du Sud –je pense en particulier aux pays affectés par l’avancée des zones désertiques. Ils doivent aussi être l’une de nos préoccupations. Dans notre pays, un certain nombre de réponses ont été apportées, notamment pour lutter contre les risques climatiques, sanitaires ou environnementaux.
Mais aujourd’hui, dans une économie mondialisée, dérégulée, les agriculteurs doivent aussi faire face à un risque économique lié aux fluctuations du marché.
Pendant des décennies, la politique agricole commune a permis une certaine stabilité des prix agricoles en mettant en place de puissants outils de régulation. La dérégulation progressive résulte des choix politiques qui ont été faits, tournés vers les volumes plutôt que vers la qualité et, pour une part importante, vers l’exportation plutôt que de répondre prioritairement aux besoins des populations européennes.
On ne refait pas l’histoire, mais il importe de la rappeler. Ces orientations sont dues aussi à l’influence majeure de ce que l’on a coutume d’appeler la profession, ou du moins sa représentation majoritaire, et de tout un système, toute une organisation qui tourne autour, soucieuse avant tout de défendre ses propres intérêts… Il faut se souvenir que, depuis des années, une partie de la profession agricole, certes minoritaire, et une partie du monde politique, certes très minoritaire, ont tenté de tirer la sonnette d’alarme, sans avoir été entendues.
Pour en revenir au texte qui nous est proposé, son objectif majeur est d’offrir de nouveaux outils aux agriculteurs pour prévenir et gérer les risques, et de poser les bases du débat sur la future réforme de la politique agricole commune d’après 2020. Il vise aussi à préparer le rendez-vous à mi-parcours de la PAC en 2018 qui doit permettre aux États membres de faire de nouveaux arbitrages sur la manière d’appliquer la PAC.
Aujourd’hui, telle qu’elle fonctionne, l’Europe n’est plus à même d’assurer ses objectifs, inscrits dans le traité de Rome, sans une profonde remise en question des fondements même de l’Organisation mondiale du commerce, basée sur un libéralisme sans contrainte pour lequel la concurrence est religion !
Puisque j’évoque l’esprit initial de la PAC, je voudrais en profiter pour saluer la mémoire d’Edgar Pisani, l’un des pères fondateurs de la politique agricole commune, qui vient de nous quitter. Il a eu la lucidité et l’honnêteté intellectuelle de reconnaître les dérives de celle-ci, et de plaider ensuite pour une gouvernance mondiale de l’alimentation. Il faudra bien que l’on y arrive. Là aussi, il y a urgence ! Dans le domaine de l’alimentation, les règles de l’OMC sont humainement inacceptables.
Revenons au texte : à l’article 1er, les auteurs proposent la création, dans chaque région, d’un fonds de stabilisation des revenus agricoles. Cette mesure nous convient, mais nous émettons toutefois nous aussi une réserve sur le choix d’un échelon régional.
L’article 2 concerne les modalités de financement via un rapport du Gouvernement. Les pistes de réflexion pour trouver les fonds nous conviennent : la contribution des agriculteurs eux-mêmes, à condition que celle-ci soit équitable et solidaire ; l’augmentation de la taxe sur les surfaces commerciales, bien évidemment ; la mise en place d’une taxe sur les transactions financières agricoles – même si nous n’y sommes pas encore arrivés, on l’évoque enfin ! ; l’augmentation de la taxe sur la cession de terrains agricoles rendus constructibles, dans la mesure où l’aide à l’installation de nouveaux agriculteurs, déjà financée par cette taxe, n’est pas affectée par cette mesure.
L’ensemble des propositions de ce texte d’appel va dans le sens d’une réponse positive aux nécessaires mesures d’urgence ; ces dispositions posent également les bases du débat sur la réorientation de la PAC actuelle et de la préparation de la PAC d’après-2020.
Aussi, au nom du groupe écologiste, j’émettrai un vote favorable sur cette proposition de loi.
En conclusion de mon propos, je voudrais citer M. le rapporteur qui, à la page 26 de son rapport bien argumenté, indique : « Votre rapporteur souligne qu’une autre réponse à la volatilité des marchés agricoles réside non pas dans des politiques publiques de soutien, mais dans la recherche d’une plus forte résilience des exploitations aux risques, à travers des choix de productions diversifiées, des modèles de développement raisonnables, et des investissements mesurés. »
C’est pour nous une part de la définition d’une agriculture familiale et paysanne, moderne et progressiste, diversifiée, en polyculture élevage, pratiquant le système herbager, ancrée sur son territoire pour des productions de qualité, de proximité, respectueuse des équilibres environnementaux et génératrice d’emplois. Cette agriculture sera également rémunératrice pour les producteurs, agriculteurs et éleveurs. C’est une rupture avec le discours ambiant qui nous fait plaisir.
J’ai apprécié de vous lire, monsieur le rapporteur, et renouvelle le vote favorable des écologistes.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, le Sénat, toujours à l’écoute des territoires, a pris ces derniers mois plusieurs initiatives pour tenter d’apporter des réponses aux graves difficultés que rencontre notre agriculture.
Je rappellerai la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire, à laquelle le groupe du RDSE a apporté son soutien. Mon groupe a également approuvé la proposition de résolution visant à encourager le développement d’outils de gestion de l’aléa économique en agriculture, laquelle est en lien avec le texte qui nous est aujourd'hui proposé par notre excellent collègue Franck Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain.
C’est donc avec le même intérêt que nous examinons ce nouveau texte, tant la crise qui frappe en particulier l’élevage ne s’améliore pas franchement. Malgré les différents plans de soutien que vous avez mis en œuvre, monsieur le ministre, ce dont nous vous remercions, et malgré l’intervention européenne, notamment dans le cadre de l’article 222 du règlement portant organisation commune des marchés des produits agricoles, la situation reste critique.
En effet, vous le savez, si l’on observe des progrès pour la filière porcine, les prix restent bas pour ce qui concerne la filière bovine et très préoccupants quant au secteur du lait.
J’ai eu l’occasion de l’exprimer la semaine dernière lors de notre dernière séance de questions d’actualité, le prix actuel du litre de lait se situe largement en deçà du seuil de rentabilité. Avec un tel niveau de prix, les revenus des agriculteurs sont fortement affectés, au point que l’on constate, depuis la chute des cours mondiaux, le développement de la revente de contrats laitiers. C’est le signe alarmant d’un découragement de la profession.
C’est un sujet sur lequel nous reviendrons la semaine prochaine dans le cadre de l’examen du projet de loi dit Sapin II, puisque des mesures ont été introduites par nos collègues députés pour enrayer ce phénomène d’achat de débouchés qui risque de freiner l’installation de jeunes agriculteurs.
En attendant, mes chers collègues, il s’agit aujourd’hui de se pencher sur un mécanisme de stabilisation des revenus qui compenserait les pertes des agriculteurs en cas de forte volatilité des cours.
Bien entendu, sur le principe, on ne peut que souscrire à ce qui va dans le sens d’une meilleure sécurisation des revenus des agriculteurs. C’est d’ailleurs une préoccupation qui s’impose de plus en plus dans les débats, car – tout le monde en convient – le risque de volatilité des marchés s’est accru au cours de ces dernières années.
Nous en connaissons les principales raisons : une concurrence de plus en plus vive sur le plan mondial et, dans le même temps, l’extinction progressive des outils de régulation pour ce qui concerne l’agriculture européenne. Nous en mesurons aujourd’hui, hélas, les dégâts avec la fin des quotas laitiers, alors même que la PAC avait, entre autres objectifs, celui de stabiliser les marchés. On en est désormais très loin…
Aussi, la prochaine réforme devra approfondir cette question de la constitution d’un instrument de stabilisation des revenus et, plus globalement, de la mise en œuvre d’une politique contracyclique. D’autant que l’article 39 du règlement européen de 2013 relatif au soutien au développement rural fournit déjà un cadre, avec l’exigence récurrente d’un financement public limité à 65 % et d’un taux de 30 % de pertes pour le déclenchement du dispositif.
Il faudra donc aller plus loin. Mais cela suppose au préalable de convaincre nos partenaires, notamment les pays qui considèrent que l’agriculture doit trouver seule les moyens de faire face à ses difficultés. Suivre un tel principe, c’est oublier que l’agriculture peut cumuler, comme aucun autre secteur, tous les aléas, comme l’ont rappelé les différents orateurs précédents : climatique, sanitaire, de marché et même politique, si l’on songe à l’embargo russe. Privilégier le laisser-faire, c’est aussi oublier la dimension stratégique – je dirais même vitale – de l’agriculture et, partant de là, la nécessité de conserver au sein de l’Europe plusieurs grandes nations agricoles.
En attendant, c’est dans cette perspective des discussions européennes que les auteurs de la proposition de loi ont souhaité d’ores et déjà jeter les bases de nouveaux outils pour mieux gérer les risques agricoles.
Comme l’a souligné M. le rapporteur, tout l’intérêt du texte réside dans le fait qu’il pose le débat, car, dans le détail, on relève quelques incohérences. Si j’ose dire, on met un peu la charrue avant les bœufs, notamment en instituant le mécanisme à l’article 1er sans que soit garantie l’efficience des pistes de financement.
J’évoquerai, pour terminer, l’article 5, qui concerne l’assurance des risques climatiques. Vous le savez, monsieur le ministre, c’est un sujet qui me tient à cœur. J’avais déposé en 2008 une proposition de loi tendant à la généralisation de la couverture des risques climatiques que le Sénat n’avait pas adoptée. Depuis, le cadre de cette assurance s’est un peu enrichi, notamment au travers du contrat socle.
Mais sur le terrain, le taux de pénétration de l’assurance ne progresse pas suffisamment. Si l’on atteint 30 % dans les exploitations en grandes cultures, le taux reste marginal dans les secteurs de l’arboriculture, de l’horticulture et du maraîchage. Il faut donc encourager encore davantage les agriculteurs à s’assurer contre les aléas climatiques et, pour cela, améliorer le taux de soutien. Or celui-ci fonctionne à enveloppe fermée, ce qui ne garantit pas le niveau de prise en charge des primes des agriculteurs.
Sachez en tout cas, monsieur le ministre, que le groupe du RDSE travaille sur cette question. Nous ferons de nouvelles propositions dans les prochaines semaines.
Mes chers collègues, comme je l’ai dit, nous sommes tous attachés dans cette enceinte à l’agriculture, car, au-delà des enjeux économiques, c’est aussi l’équilibre de nos territoires ruraux qui se joue au travers du maintien des exploitations agricoles.
Aussi, pour toutes ces raisons et en cohérence avec les précédentes initiatives ou votes du groupe du RDSE, les membres de ce dernier approuveront à l’unanimité la présente proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.
Vous l’avez d’ailleurs encore exprimé voilà trois semaines, lorsque nous avons examiné la proposition de résolution européenne. Vous l’avez manifesté aujourd'hui à la tribune, et cela se lit sur votre visage !
Je viens de le dire, le Sénat a beaucoup travaillé. La commission des affaires économiques s’est employée d’ailleurs depuis l’année dernière, lorsque la crise a affecté le monde agricole, à rechercher des solutions. Le président du Sénat, Gérard Larcher, a apporté une contribution importante à nos réflexions.
Nous avions donc déposé une proposition de loi qui a été débattue dans cet hémicycle et qui a recueilli un large assentiment, puisqu’elle n’a obtenu que très peu de voix contre. Elle n’a malheureusement pas pu aboutir à l'Assemblée nationale, où une motion tendant à opposer la question préalable a été adoptée, empêchant toute discussion. Mais nous en avons débattu ici avec beaucoup de détermination et avec une persévérance qui n’a échappé à personne.
Dans le même temps, nous avons confié des groupes de travail à plusieurs de nos collègues. Je veux notamment saluer Jean-Jacques Lasserre, qui, sur le sujet qui nous réunit aujourd'hui, a apporté une contribution intéressante à laquelle plusieurs d’entre nous se sont référés. Je veux aussi relever la part que prend Daniel Dubois sur l’importante question des normes agricoles.
On peut regretter, si l’on est pessimiste, que nos propositions, d’ailleurs soutenues par la profession, n’aient pas toujours rencontré le succès qu’elles méritaient. Toutefois, si je suis plus optimiste ou, en tout cas, plus positif, je remarque que le Gouvernement a trouvé dans ces propositions une sorte de boîte à idées.
De cette boîte à idées sont sorties un certain nombre d’initiatives et de dispositions, que nous avons retrouvées dans la loi de finances rectificative pour 2015, dans la loi de finances initiale pour 2016, et que nous retrouverons, la semaine prochaine, dans le texte dit projet de loi Sapin II. Cela montre que le travail entrepris par l’opposition nationale, dans cette enceinte, relayé par la majorité sénatoriale, n’est pas inutile !
Je veux d’ailleurs saluer de façon tout à fait objective l’esprit dans lequel nous apportons nos contributions : lors de nos discussions, nous nous retrouvons sur l’essentiel des propositions qui sont faites.
Aujourd’hui, il s’agit de parler de l’assurance, c'est-à-dire des moyens de lutter contre les aléas qui affectent le monde agricole, qu’ils soient climatiques, sanitaires ou économiques. L’article 6 de la proposition de loi dont j’étais le premier signataire et que je viens d’évoquer était d’ailleurs consacré à cette question. Nous avions proposé que la déduction pour aléas soit remplacée par une réserve spéciale pour l’exploitation agricole qui permettait, avec davantage de souplesse et, certainement, d’efficacité, d’apporter les réponses attendues par le monde agricole. Cette réserve constituait en quelque sorte une provision qui pouvait être utilisée. Je ne reviens pas sur le détail des dispositions, qui sont connues. Les propositions qui sont faites aujourd'hui s’en rapprochent.
Monsieur le ministre, je m’aperçois que souvent un consensus se crée sur les questions agricoles. La profession le reconnaît d’ailleurs. C'est une bonne réponse au cri de détresse qui nous est envoyé.
Pour autant, je constate que, si les préliminaires sont prometteurs – si vous me permettez cette expression –, un certain nombre de personnes manquent à l’appel quand il faut passer à l’acte. Les propositions de la majorité sénatoriale n’entraînent pas une adhésion soutenue de nos collègues du groupe socialiste et républicain et, éventuellement, d’autres groupes qui siègent à côté. Pour être franc et objectif, la réciproque est vraie.
J’ai lu la réponse que vous avez apportée à l’Assemblée nationale aux propositions formulées par les sénateurs. Vous estimiez qu’elles étaient intéressantes – vous avez eu d’ailleurs des mots qui nous ont touchés, car, venant de votre part, c'était un compliment sur le travail qui avait été accompli –, mais que le financement ne convenait pas. J’ai donc étudié la proposition de loi déposée par mes collègues socialistes.
Le financement ne pèche pas par son originalité, on en revient au tabac et donc à la fumée du tabac. Toutefois, ce qui est plus singulier, un article explore certaines pistes qui pourraient être des ressources pour soutenir vos préconisations : la mutualisation volontaire de la part des agriculteurs, l’augmentation de la taxe sur les surfaces commerciales, une taxe sur les transactions financières agricoles, l’augmentation de la taxe sur les terrains nus rendus constructibles, ainsi évidemment qu’une ressource apportée par l’État. L’article 2 du présent texte ne constitue pas une atteinte à l’article 40 de la Constitution puisqu’il vise un rapport tendant à suggérer des solutions.
Monsieur le ministre, je ne vous ai pas vraiment entendu répondre sur ce point. J’ai senti que vous souteniez cette proposition de loi, mais que vous étiez un peu dubitatif sur le sort qui pourrait, au final, lui être réservé. Si vous avez l’intention d’aller jusqu’au bout, de passer à l’acte, j’aimerais savoir quelles ressources financières vous apporteriez en garantie pour permettre à ces solutions intéressantes, nous l’avons dit, de prospérer.
Dans l’attente, le groupe auquel j’appartiens s’abstiendra.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE. – M. le rapporteur applaudit également.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux commencer mon propos par une évocation du contexte, en rappelant que notre agriculture est soumise plus que jamais à de fortes pressions, ainsi qu’à des facteurs externes d’instabilité.
En premier lieu, les épisodes sanitaires récents, auxquels le Gouvernement a su répondre efficacement, ont produit un effet particulièrement négatif. La fièvre catarrhale ovine nous a fermé la porte de plusieurs pays, aggravant les difficultés de la production bovine. La grippe aviaire a affecté l’ensemble de la filière avicole, au-delà des seules régions touchées par l’influenza. La pression sociétale pèse sur la consommation après chaque épisode médiatique négatif, comme on l’a vu après les reportages récents réalisés dans un élevage de poules pondeuses et dans quelques abattoirs qui, pourtant, ne représentent que des exceptions.
Les décisions politiques internationales ne sont pas en reste. La fermeture du marché russe, déjà évoquée, a provoqué durablement la chute des cours du porc. Pour clore l’inventaire, la fin des quotas laitiers a ouvert la porte à une longue crise de surproduction.
À ce jour, nul ne peut exactement prévoir les conséquences économiques du Brexit. Le Royaume-Uni est client de nos industries agroalimentaires et la filière légumière du nord de la Bretagne trouve des débouchés dans ce pays. Une dépréciation de la livre pourrait altérer les échanges commerciaux.
Comme on peut en juger, dans la plupart des domaines, l’instabilité caractérise désormais l’environnement économique agricole.
N’en déplaise aux détracteurs, ce gouvernement a beaucoup fait en faveur de l’agriculture, comme peuvent en témoigner notamment la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, les mesures d’urgence appliquées depuis un an, la baisse substantielle des cotisations sociales des agriculteurs, ou encore les dispositions agricoles contenues dans le projet de loi Sapin II.
Lorsque le cours du porc a atteint son plus bas niveau, l’été dernier, le ministre de l’agriculture était tenu, cela va sans dire, pour être le seul responsable. Aujourd’hui, alors que ce cours atteint son point d’équilibre, on oublie la place de l’action publique pour dire que c’est surtout grâce à la Chine si les choses vont mieux.
M. Stéphane Le Foll, ministre. C’est aussi grâce à moi !
Sourires.
Au premier trimestre de cette année, les exportations européennes de porc vers la Chine ont crû de 67 %. Que les choses aillent mieux, on ne peut que s’en féliciter. Cela étant, j’observe que les préconisations de rapprochement des trop nombreux groupements de producteurs de porc bretons, afin de rendre la filière plus efficace, ont subitement cessé d’être une exigence.
Si je rappelle ces faits, c’est pour mieux mettre en avant la cohérence qui existe entre les mesures prises par le Gouvernement et la proposition de loi qui nous est présentée ce jour. Je tiens donc à saluer le travail de mes collègues Franck Montaugé et Henry Cabanel.
Leur proposition de loi se fonde sur une ambition à laquelle j’adhère parfaitement : les pouvoirs publics peuvent et doivent agir pour réguler des marchés mis à mal par un libéralisme exacerbé, parfois prôné à l’échelon national il n’y a pas si longtemps encore, et au plan européen aujourd’hui même.
C’est l’absence de régulation qui a permis les dérives que nous condamnons parce qu’elles détruisent l’emploi agricole, l’emploi agroalimentaire et aussi, plus largement, notre tissu rural. Dans ce contexte, la question du revenu des agriculteurs est fondamentale. C’est dans cet esprit que l’article 1er de la proposition de loi crée un fonds de stabilisation des revenus agricoles dans les régions, financé entre autres par le FEADER.
Comme le rappelle très justement l’exposé des motifs, des mécanismes existent d’ores et déjà pour gérer les risques sanitaires ou encore climatiques. Or nous assistons depuis plusieurs années à la montée en puissance et en fréquence de risques de nature économique qui déstabilisent l’équilibre financier des exploitations. Il convient dès lors d’intégrer dans les dispositifs publics les mécanismes visant à limiter les conséquences de ces évolutions erratiques, ce que fait cette proposition de loi.
L’article 1er de cette dernière résume bien, à lui seul, l’orientation générale du texte, les articles suivants visant à préciser cette logique.
Je souhaite évoquer rapidement deux points qui me semblent importants. Envisager dès aujourd’hui les évolutions de la PAC après 2020 me paraît fondamental dans la mesure où, nous le savons bien, il faut du temps pour engager le débat, pour trouver des accords et pour définir les mécanismes à mettre en œuvre à l’échelon européen.
Ce texte y contribue, et je ne rejoins donc pas l’avis de M. le rapporteur, qui le qualifie de « proposition de loi d’appel ». En effet, les dispositions qui sont soumises au vote vont indéniablement dans le bon sens. Il me semblerait donc regrettable de prendre prétexte du caractère perfectible du texte pour ne pas l’adopter, mais j’ai bien entendu la conclusion de M. le rapporteur sur ce point.
Je souhaite cependant élargir le champ du débat. Monsieur le ministre, l’éventail des dispositions en faveur de l’agriculture en crise pourrait être complété de mesures de bon sens à caractère fiscal.
Des aides publiques sont perçues par les agriculteurs au titre des minimis. Elles sont logiquement prises en compte dans les revenus imposables, ainsi que dans le calcul des cotisations sociales. Serait-il envisageable que l’incidence de ces aides exceptionnelles puisse être comptablement étalée sur sept ans au lieu d’une année, comme ce fut le cas par le passé pour les indemnisations consécutives à la crise de l’ESB ? Cela éviterait l’effet de seuil.
Pourrait-on concevoir, dans le même esprit, à titre exceptionnel, de sortir de la moyenne triennale fiscale en période de crise, et ce durant une année, pour les agriculteurs en difficulté, quitte à réintégrer ensuite le dispositif ?
Comme je viens de l’indiquer, il est toujours possible de proposer davantage, différemment. Je pense que nous pouvons dépasser cette posture et adopter cette proposition de loi, dont l’objectif peut être partagé par tous les groupes de la Haute Assemblée, tout simplement parce qu’elle constitue une avancée indéniable sur un sujet important qui nous préoccupe.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’agriculture française a subi, ces dernières années, plusieurs crises d’ordres différents : sanitaire, climatique et économique. Entre l’embargo russe, l’influenza aviaire, la fièvre catarrhale ovine, la sécheresse, les intempéries, entre autres, nos exploitations agricoles sont grandement fragilisées, en particulier les exploitations familiales, notamment l’élevage.
À ces crises sanitaires et climatiques s’ajoutent les fluctuations des marchés, qui contraignent les agriculteurs à vendre trop souvent leurs produits en dessous de leur coût de revient. Les trésoreries des agriculteurs sont donc au plus bas, sans compter le retard de versement des primes qui aura lieu, cette année, au mois de septembre au lieu du mois de juin.
Pour ce qui concerne les risques climatiques et sanitaires, il existe des outils permettant soit de les indemniser, soit de s’assurer contre ceux-ci. Nous avons l’exemple des contrats d’assurance récolte et nous devons en tirer les leçons. Selon les agriculteurs et les chambres d’agriculture, ce dispositif n’est pas adapté. M. le ministre et M. le rapporteur l’ont indiqué.
Le seuil de déclenchement à 30 % de pertes et le niveau de franchise de 30 % sont trop élevés ; ces règles, imposées par l’OMC, sont trop contraignantes. Sachez que, avec plus de 12 % de pertes dans l’élevage, plus de 15 % dans le secteur du lait et de 20 % dans celui du porc, cette assurance ne pourrait être déclenchée, malgré cette crise sévère. De plus, les paiements interviendraient beaucoup plus tard.
Par ailleurs, le calcul de référence aux années antérieures – moyenne de trois ans ou moyenne de cinq ans – est jugé pénalisant dans les zones où les aléas sont fréquents.
J’ajoute que le coût est trop élevé, malgré l’aide publique. Ainsi, dans mon département, le nombre d’assurés est très faible.
Cette expérience doit néanmoins nous permettre de développer les outils existants. Il paraît effectivement opportun de réfléchir à un dispositif qui protégerait les agriculteurs contre les risques économiques et serait très différent de celui qui existe actuellement.
L’article 1er de la présente proposition de loi a pour objet la mise en place d’un fonds de stabilisation des revenus agricoles prévu par le second pilier de la PAC, mais jamais mis en place en France. Je pense que la création d’un tel fonds est positive, quoiqu’il faille bien préparer sa mise en action et bien étudier son financement. En effet, l’article 2 prévoit qu’il soit financé par le FEADER, l’État, les collectivités et une contribution volontaire des agriculteurs d’une partie de leur droit à paiement direct. L’expression « contribution volontaire » me paraît un peu vague ; il faut être vigilant à ne pas augmenter, par ce biais, les charges des exploitations.
En outre, ce fonds de stabilisation doit impérativement être d’une mise en œuvre simple, destiné à tous, d’un coût faible et facile à déclencher ; nous avons un réel besoin de simplification. Cet outil ne doit pas être une usine à gaz qui découragerait les agriculteurs ; il doit être simple et destiné à tous.
L’article 4 concerne la remise d’un rapport sur les orientations que le Gouvernement compte défendre dans le cadre des négociations de la nouvelle PAC. Il est évident qu’il faut commencer maintenant à définir les orientations et les demandes de la France en l’espèce.
La gestion des risques que vise à mettre en place cette proposition de loi est nécessaire, et doit couvrir tous les niveaux de risques : de la perte réduite à la perte exceptionnelle, du phénomène localisé au phénomène généralisé. Je souligne qu’il existe aux États-Unis le fameux Farm Bill, qui protège les agriculteurs contre les chutes des cours, alors que, en Europe, les agriculteurs perçoivent des aides à l’hectare totalement découplées de la production.
Il est donc nécessaire de faire pression pour posséder un dispositif de gestion des risques performant, surtout à l’heure des négociations du traité transatlantique.
Cela doit être complété par des dispositifs permettant d’anticiper et de gérer les crises, éventuellement avec un stockage destiné à réguler le marché, vous l’avez évoqué pour le lait, monsieur le ministre.
Il convient également de maintenir les mécanismes existants de soutien à la PAC pour assurer un revenu socle de base, l’ICHN, l’indemnité compensatoire de handicap naturel, notamment, et de retravailler avec les partenaires – centrales d’achat et grande distribution – les outils de gestion des marchés afin de limiter la volatilité des marchés agricoles. En effet, les agriculteurs demandent non pas des primes, mais des prix.
Je rappelle qu’il existe aussi des solutions à l’échelon national, avec une baisse des charges des exploitants et des salariés, un arrêt de la surtransposition des normes en France, une nécessaire simplification des démarches administratives. La proposition de loi Compétitivité de l’agriculture adoptée par le Sénat apporterait un certain nombre d’améliorations significatives sur le plan national.
Si ce soutien national est combiné à une gestion des risques efficace, au maintien de la PAC et à une volonté politique de maintenir l’agriculture familiale, nous pourrons sans doute redonner de la compétitivité à notre agriculture et ainsi encourager l’investissement et l’innovation.
Cependant, il manque à ce texte un certain nombre de précisions quant à son application, et ce d’autant plus qu’il va falloir attendre deux ans pour qu’il soit mis en œuvre. C’est pourquoi, bien que très favorable au principe de gestion des risques, mais pour tous les agriculteurs, je préfère m’abstenir pour l’instant sur cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la notion d’aléa, ou de risque, est inhérente au métier d’agriculteur. La production agricole est naturellement soumise aux aléas climatiques, sanitaires, et est exposée aux fluctuations des marchés, surtout depuis les réformes successives de la politique agricole commune.
Qu’il soit climatique, sanitaire ou économique, le risque peut être limité ou compensé.
La proposition de loi qui nous est présentée vise à mettre en place des outils de gestion de ces risques, mais porte davantage sur la gestion de l’aléa économique.
En effet, les agriculteurs font face à la volatilité des marchés mondiaux des matières premières agricoles et à la variation des prix. Ces facteurs sont difficilement supportables pour les exploitants. Un agriculteur vendant une tonne de blé tel jour à tel prix peut découvrir le lendemain qu’elle a augmenté de 50 %. Est-ce son rôle d’être un trader ?
Tout le monde s’accorde sur la nécessité de sécuriser les revenus des agriculteurs. C’est ce qu’encourage cette proposition de loi, en prévoyant la mise en œuvre de l’instrument de stabilisation des revenus agricoles permise par la dernière réforme de la PAC 2014-2020.
Nous devons maintenant agir dans le cadre des réflexions menées sur la future PAC, qui n’entrera en vigueur qu’en 2021, pour construire un système de mutualisation du risque économique.
Au vu de l’absence d’ambition régulatrice de la PAC, nous devons réfléchir à des substituts, notamment à travers des outils assurantiels.
Une analyse des mécanismes qui existent déjà dans d’autres pays, tel le dispositif américain de prix garantis, ou canadien, ou encore espagnol, serait nécessaire.
En raison de l’actualité européenne, permettez-moi, mes chers collègues, de mentionner un autre risque qui vient d’être mis en lumière : le risque institutionnel.
À la suite du vote du 23 juin notifiant la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, il convient de s’interroger sur l’effet de cette décision sur les agriculteurs français et britanniques, ainsi que sur le budget européen, spécifiquement sur celui de la PAC.
L’incidence du Brexit sur l’agriculture française peut difficilement être évaluée et dépendra des négociations à venir, mais les fermes britanniques pourraient, elles, perdre de 17 000 à 34 000 euros, selon une étude du syndicat agricole majoritaire outre-Manche, le NFU, ce qui pourrait entraîner la faillite de 90 % des entreprises.
Concernant le budget européen, selon les chiffres de la Commission européenne, le Royaume-Uni a contribué à hauteur de 10, 5 % au budget global de l’Union européenne en 2014, mais d’après le think tank Farm Europe, il ne participe qu’à hauteur de 5 % au budget de la PAC. En termes de contribution nette, l’effet du Brexit sur le budget de la PAC serait donc limité à 5 %, soit 3 milliards d’euros par an.
L’incidence politique du Brexit pourrait être importante et pourrait permettre à la France de tirer profit de la situation. Le Royaume-Uni était traditionnellement le principal avocat d’une baisse du budget de la PAC, ainsi qu’un partisan d’une vision libérale de celle-ci. Le Brexit constituerait une opportunité pour réorienter la PAC vers une logique plus régulatrice.
Poser les bases d’un réel débat sur le devenir de notre politique agricole européenne, c’est l’un des objectifs de la proposition de loi qui nous est présentée, et qui est à saluer.
Néanmoins, je tiens à rappeler que nous avions débattu dans cette assemblée, en décembre et mars derniers, de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire de notre collègue Jean-Claude Lenoir. Pourquoi ne pas avoir apporté plus d’éléments sur la gestion des risques, notamment de l’aléa économique dans ce texte ?
Concernant cet aléa, la proposition de loi précitée contenait des dispositions pertinentes puisque le Gouvernement en a repris plusieurs. Je regrette, chers collègues du groupe socialiste et républicain, que vous n’ayez pas souhaité plus y prendre part et que vous ayez préféré élaborer une proposition de résolution puis une proposition de loi.
En outre, le rapporteur de cette nouvelle proposition de loi, Jean-Jacques Lasserre, que je salue et remercie de ses travaux, pilote un groupe de travail sur la gestion des risques climatiques en agriculture. Il aurait été intéressant d’attendre la conclusion de celui-ci.
Je m’abstiendrai pour ces raisons, mais je souhaite que ces travaux parlementaires soient complémentaires et permettent l’approfondissement du débat pour qu’en sortent des solutions concrètes.
Avant de conclure, permettez-moi de rappeler quelques difficultés dont m’ont fait part des agriculteurs de mon département.
Bien que ces derniers bénéficient d’outils de prise en charge des aléas climatiques, environnementaux et sanitaires, via le Fonds national de gestion des risques en agriculture et l’outil fiscal qu’est la déduction pour aléas, certaines difficultés subsistent, notamment pour ce qui concerne les maraîchers, dont les surfaces de production sont limitées.
Il se pose un problème de coût, tout d’abord. Le coût de l’assurance étant trop élevé, certains maraîchers m’indiquent qu’ils ne peuvent pas assurer leurs parcelles.
En outre, le système d’assurance fonctionne sur une unité de base d’un hectare. Lorsqu’un hectare d’une même culture est endommagé, l’agriculteur est indemnisé. Toutefois, la situation s’avère problématique pour les maraîchers, puisqu’ils pratiquent généralement plusieurs cultures sur un même hectare.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur applaudit également.
Je voudrais répondre à quelques-unes des questions qui viennent d’être soulevées.
Tout d’abord, le système américain fonctionne avec un budget fédéral voté tous les ans par le Congrès.
Le budget européen est un cadre comportant des perspectives financières votées pour cinq ans. Ce système n’autorise pas les votes contracycliques qui permettraient, une année, d’augmenter le budget de l’agriculture pour compenser les baisses de prix, l’année suivante, de le réduire de moitié pour l’augmenter de nouveau l’année d’après. C’est impossible !
Tous ceux qui se réfèrent au système américain devraient donc nous dire s’ils sont favorables à une Europe totalement fédérale, dont le budget serait voté tous les ans. Je laisse ce débat ouvert…
D'ailleurs, pour ce qui est des résultats, ce système coûte très cher et son efficacité pour les agriculteurs reste à mesurer.
Comment trouver une composante contracyclique, dans un cadre européen, avec un budget qui n’est pas déterminé annuellement ? C’est dans cette perspective que nous avons proposé, sur les aides du premier pilier de la PAC, une épargne de précaution garantie pour les agriculteurs qui leur permettrait de faire des provisions, voire, comme nous le souhaitons, d’adhérer à des systèmes de mutualisation et d’assurance au niveau de chaque exploitation.
J’en viens à la question des crises et des aléas. Le réchauffement climatique est une réalité. L’agriculture est confrontée à des aléas climatiques dont la fréquence et l’intensité s’accroissent, provoquant des dégâts de plus en plus importants. Cela doit effectivement nous amener à réfléchir à un système assurantiel. Il est donc essentiel de discuter des pistes qui nous sont offertes.
Je pense en particulier à l’article 1er de la présente proposition de loi. Un fonds de stabilisation des revenus agricoles est mis en place au niveau régional. Il mobilise les fonds des régions, les agriculteurs y contribuent à hauteur de 35 %. Sa mise en œuvre nécessite donc l’accord des régions et en partie des agriculteurs. J’ai dit tout à l’heure non pas que j’étais contre, mais que la capacité des agriculteurs à financer un système, y compris de manière collective, n’est pas évidente aujourd'hui.
Monsieur Lenoir, cherchant à trouver une petite astuce, vous me demandez si je suis d’accord ou pas. Si vous soutenez ce projet, je ne doute pas de votre capacité d’influence pour tester ce système à l’échelle de la Normandie. Cette expérience normande, qu’on appellera l’expérience Lenoir, pourrait ainsi, si elle s’avère tout à fait positive, être étendue à d’autres régions.
Sourires.
Il est vrai que votre proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire présentait des dispositions intéressantes. Nous avons parfaitement intégré la question de la compétitivité, la baisse des cotisations. Je rappelle d'ailleurs que nous avons abaissé de 10 points les cotisations sans aucune hausse d’impôt au moment du plan de soutien à l’élevage, ce qui est supérieur à ce que vous proposiez avec une augmentation de la CSG. Votre texte allait certes dans le bon sens, mais nous avons obtenu et appliqué des dispositifs beaucoup plus efficaces.
Fondamentalement, je suis sur la même ligne que vous : cherchons des outils. En tant que ministre, je dois cependant vous indiquer que l’État a été très fortement sollicité, à hauteur de plus de 1 milliard d’euros. Le coût des inondations pourrait être également de cet ordre. Quel que soit le système, aujourd'hui, en tant que membre du Gouvernement, responsable aussi des comptes publics, ma prudence quant au financement de l’État est légitime. Mais cela n’empêche pas de chercher des pistes, de réfléchir ensemble et de formuler des propositions qui témoignent que nous sommes tous à la recherche de la bonne solution.
C'est pourquoi dans cette proposition de loi comme dans d’autres, je l’ai dit, dans le débat public, dans le débat parlementaire il y a des pistes de recherche intéressantes pour répondre à de vraies attentes des agriculteurs.
Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
(Non modifié)
Au 1er janvier 2017, il est mis en place un fonds de stabilisation des revenus agricoles, dans chaque région, dans les conditions fixées aux articles 36 et 39 du règlement UE n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement CE n° 1698/2005 du Conseil.
Ce fonds a vocation à fournir une compensation aux agriculteurs en cas de forte baisse de leurs revenus, conformément aux règles fixées dans le règlement UE n° 1305/2013 du 17 décembre 2013 précité.
Une concertation est organisée par le ministre chargé de l’agriculture, associant les régions et les organisations agricoles représentatives, afin de déterminer les besoins potentiels et les modalités de mise en œuvre de ce dispositif afin d’en assurer l’efficacité sur le terrain.
Il est abondé par l’État, les collectivités territoriales et les personnes physiques ou morales exerçant à titre habituel des activités réputées agricoles au sens de l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, chacun à hauteur de la contribution respective qu’il doit au titre du règlement UE n° 1305/2013 du 17 décembre 2013 précité.
Le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) peut alimenter ce fonds dans les conditions prévues à l’article L. 361-4 du même code.
Un arrêté du ministère chargé de l’agriculture peut déterminer les règles régissant l’établissement, la gestion et les conditions d’application du fonds de stabilisation des revenus agricoles.
Dans le temps qui m’est imparti, je voudrais réagir à certains propos qui viennent d’être tenus.
Je remercie M. le ministre d’avoir dépeint la situation extrêmement complexe de la problématique de la garantie des revenus agricoles. Les 35 % de financement font bien partie des enjeux fondamentaux de la future PAC. Il s’agit de faire en sorte que les droits à paiement de base, ou DPB, soient activés intelligemment, éventuellement de manière contracyclique, pour alimenter ces 35 % et de ne pas laisser l’agriculteur seul face au financement. Cela mérite d’être dit.
Nous avons choisi un périmètre régional, monsieur Le Scouarnec, parce que, en l’état actuel du droit, les régions sont les autorités de gestion du FEADER. Cela dit, nous proposons également d’utiliser tout ou partie du FNGRA. La dimension nationale n’est donc pas absente de notre dispositif.
Toute la subtilité de notre texte, s’il en a une, monsieur Lenoir, se trouve dans l’expérimentation, dans la manière très précautionneuse avec laquelle nous formulons nos propositions. Il serait déraisonnable, voire irresponsable d’asséner des vérités sur un sujet aussi complexe. Ce point me paraît devoir être noté, notamment pour ce qui concerne les mécanismes de financement et les rapports que nous demandons au Gouvernement de produire.
Pour répondre à M. Collin, je ne sais pas si nous mettons la charrue avant les bœufs, ou qui est apparu le premier de la poule et de l’œuf, mais à un moment donné, il faut avancer. Cela relève de notre responsabilité. Nous ne créons rien de particulier puisque le dispositif législatif, européen en l’occurrence, existe. Mais il faut faire preuve de volontarisme pour répondre à l’attente forte et aux inquiétudes de nos agriculteurs. Il y va aussi de l’avenir de nos territoires !
M. Yvon Collin applaudit.
Je ne sais pas si le mot « subtilité » convient. En tout cas, j’ai été surpris de constater l’ingéniosité de mes collègues pour trouver des solutions au financement. Monsieur le ministre, vous n’avez pas vraiment répondu à ma question : comment allez-vous financer cette initiative si vous la soutenez jusqu’au bout ?
La proposition de loi prévoit un financement par la hausse des taxes sur le tabac, comme nous le faisons traditionnellement.
Elle prévoit en outre un rapport destiné à explorer d’autres solutions. Lesquelles seront retenues ? Comme vous l’avez souligné à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, tout cela se termine par des impôts. Le grand Colbert, sous le regard duquel nous siégeons, disait : « L’art de l’imposition consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris. » Alors, bon courage !
Sourires.
L'amendement n° 3, présenté par M. Lasserre, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer le millésime :
par le millésime :
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement vise à reporter au 1er janvier 2018 la mise en place des fonds de stabilisation des revenus agricoles, prévue au 1er janvier 2017. Nous considérons que les conseils régionaux ont déjà suffisamment de grain à moudre en ce moment et qu’il convient de laisser un peu de temps à la réflexion. Il existe des risques de disparités entre territoires.
Les régions financent déjà beaucoup d’engagements pris, notamment en matière d’agriculture biologique. Cela suscite des débats dans un certain nombre d’entre elles. Il a fallu plafonner le financement des mesures agroenvironnementales et climatiques, les MAEC, et je sais qu’il est difficile, pour les régions, de parvenir à équilibrer les budgets. Je ne vois pas comment, alors qu’elles viennent de décider de plafonner un certain nombre d’aides, elles pourraient encore abaisser ces plafonds.
Je suis donc favorable à ce que l’on se donne une année supplémentaire en adoptant cet amendement.
L'amendement est adopté.
L'article 1 er est adopté.
Le Gouvernement remet un rapport au Parlement avant le 31 décembre 2016 sur les modalités de financement des fonds de stabilisation des revenus agricoles prévus à l’article 1er de la présente proposition de loi. Ce rapport aborde la possibilité de mettre en place un financement en cinq volets. Le premier repose sur une contribution volontaire des agriculteurs d’une partie de leur droit à paiement direct dans une logique de mutualisation des risques. Le second porte sur une augmentation de la taxe sur les grandes surfaces commerciales de plus de 2 500 mètres carrés dans une logique de solidarité de filières. Le troisième envisage la mise en place d’une taxe sur les transactions financières agricoles réalisées sur les marchés des matières premières agricoles afin notamment de lutter contre la spéculation. Le quatrième vise à préciser, si cela s’avère nécessaire, l’augmentation de la contribution de la taxe sur la cession à titre onéreux de terrains nus rendus constructibles, prévue à l’article 8 de la présente loi. Le dernier détermine les modalités d’abondement par l’État, les collectivités territoriales et éventuellement le Fonds national de gestion des risques en agriculture.
Cet article aborde la question centrale du financement du dispositif de la proposition de loi, particulièrement de la mise en œuvre des fonds de stabilisation des revenus agricoles.
Nous ne renvoyons pas cette question à plus tard : nous soumettons dès maintenant au débat plusieurs pistes de financement sérieuses.
La première repose sur une contribution volontaire des agriculteurs, à l’échelle d’un territoire ou d’une filière. Elle pourrait prendre la forme de l’orientation d’une partie de leur droit à paiement direct vers ces fonds, dans une logique de mutualisation des risques. Bien évidemment, en cas d’aléa économique, il sera indispensable que les agriculteurs soient assurés d’un juste retour de leur investissement.
La deuxième piste consisterait en une augmentation de la taxe sur les surfaces commerciales pour les surfaces de plus 2 500 mètres carrés, afin de faire participer la grande distribution à l’effort collectif, étant donné qu’elle a une part de responsabilité dans la guerre des prix qui pénalise aujourd’hui notre agriculture.
La troisième piste serait de mettre en place une taxe sur les transactions financières réalisées sur les marchés des matières premières agricoles. Cette taxe permettrait un juste retour de la spéculation vers l’agriculture. Nous avons bien conscience que cette question dépasse le cadre de la seule France. Les modalités de mise en œuvre de cette taxe devront donc nécessairement s’appréhender au regard des négociations menées actuellement au niveau européen. C’est pourquoi il semble indispensable qu’un travail de préparation soit effectué par le Gouvernement, via l’élaboration du rapport prévu à cet article, avant d’envisager la mise en place de cette taxe sur les spéculations sur les matières premières agricoles à l’échelon national.
La quatrième piste, qui trouve déjà une traduction concrète à l’article 8, vise à préciser le montant envisagé de la hausse de la contribution de la taxe sur la cession à titre onéreux de terrains nus rendus constructibles.
Le dernier volet de financement repose finalement sur un abondement par l’État, les collectivités territoriales et, éventuellement, le Fonds national de gestion des risques en agriculture, le FNGRA. Le rapport pourrait en déterminer le cadre et les modalités.
L'article 2 est adopté.
Conformément à l’article 37-1 de la Constitution, pour une durée de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, des expérimentations mettent en œuvre des mécanismes de gestion mutualisée des risques économiques agricoles répondant aux objectifs recherchés de couvertures de risques et de stabilisation des revenus. Ces expérimentations sont conduites par le ministre chargé de l’agriculture. Elles associent les territoires, les filières et leurs représentants ainsi que toutes les parties prenantes concernées. Elles peuvent se traduire par la mise en place, à des échelles plus restreintes, du dispositif mentionné à l’article 1er de la présente loi.
Au plus tard, trois mois avant la fin de cette expérimentation, le ministre chargé de l’agriculture en fait une évaluation afin de déterminer les conditions dans lesquelles leur généralisation pourrait être envisagée dans le cadre d’une réforme plus globale de la politique agricole commune.
Les modalités et les conditions de mise en œuvre de ces expérimentations sont définies par un arrêté du ministre chargé de l’agriculture.
Comme nous l’avons dit à propos de l’article 1er, nous souhaitons accompagner nos propositions et nos pistes de réflexion d’expérimentations concrètes, dans le but de concevoir et d’évaluer au mieux les mécanismes de gestion des risques que nous pourrions mettre en œuvre.
Pour convaincre les agriculteurs directement concernés, l’idée est de faire la démonstration par l’exemple, avant généralisation éventuelle, de l’efficacité d’un dispositif déployé expérimentalement à des échelles adaptées.
Cet article prévoit donc de développer une démarche scientifique – j’insiste sur ce terme – d’expérimentation sur les territoires, pour les filières retenues, avec la participation active de l’ensemble des parties prenantes, au premier rang desquels les agriculteurs eux-mêmes et leurs représentants.
Le fonds de stabilisation des revenus agricole, que nous proposons de mettre en place à l’article 1er, sera donc au préalable expérimenté. Ces expérimentations de deux ans devront se faire en concertation avec les acteurs et feront l’objet d’une évaluation de la part du ministre de l’agriculture.
Vous le voyez, mes chers collègues, notre démarche se veut prudente, car il n’y aurait rien de pire que de se lancer dans la mise en place d’un dispositif qui se révélerait impraticable. Nous devons toujours avoir en ligne de mire la future réforme de la politique agricole commune et les propositions que nous pourrions faire dans cette perspective, à la lumière des résultats de ces expérimentations.
Cet article prévoit que la création du fonds de stabilisation des revenus agricoles sera précédée d’expérimentations durant deux ans. Il est parfaitement complémentaire de l’article 1er.
Ces expérimentations, conduites de manière concertée, permettront de peaufiner les modalités de fonctionnement de ce fonds, afin de pouvoir ensuite l’étendre sans heurts à l’ensemble du territoire, ce qui permettra de conforter et d’enrichir cet outil.
C’est la preuve, s’il en était besoin, que les auteurs de cette proposition de loi posent des garanties, dans un contexte de crise où il faut réaffirmer la nécessité de repenser les outils de régulation qui doivent accompagner notre agriculture. Ces expérimentations seront aussi un moyen de réajuster les modalités d’application en fonction des difficultés rencontrées. Cet article vient renforcer la légitimité du dispositif de l’article 1er.
L'article 3 est adopté.
Le Gouvernement remet un rapport au Parlement avant le 31 mars 2017 dans lequel il expose les grandes orientations qu’il compte défendre dans le cadre des négociations sur la nouvelle politique agricole commune (PAC) d’après 2020. Ce rapport traite en particulier de la mise en place de nouveaux mécanismes de régulation des prix, de stabilisation des revenus et de couverture des risques économiques. Il étudie également l’opportunité de transférer des aides du premier pilier vers le second afin d’encourager les régimes assurantiels, ainsi que la possibilité de conditionner une partie des aides directes du premier pilier de la PAC à la souscription d’une assurance récolte. Il peut se baser sur des expérimentations menées au sein de filières ou de territoires. Ce rapport sert de base à l’État dans le cadre des négociations qui se déroulent autour de la réforme de la politique agricole commune de 2020.
Cet article prévoit la remise au Parlement d’un rapport dans lequel le Gouvernement présente ses grandes orientations en vue de la future PAC.
Je sais que notre assemblée n’est pas favorable, en règle générale, aux demandes de rapport. Néanmoins, celui-ci est d’importance. La PAC 2014-2020 arrive à mi-parcours et les négociations pour la future PAC 2020 ont d’ores et déjà commencé.
Comme nous l’indiquions à l’occasion de l’examen de la proposition de résolution visant à encourager le développement d’outils de gestion de l’aléa économique en agriculture, la PAC, telle que nous la connaissons aujourd’hui, arrive en fin de cycle. Il est temps de repenser cet outil indispensable pour notre agriculture afin d’être en phase avec les besoins et les attentes des agriculteurs, tout en répondant aux critiques dont il fait l’objet actuellement.
Nous pensons nécessaire de mettre en œuvre une véritable politique contracyclique qui nous fera passer d’une politique de soutien direct à l’hectare, comme c’est principalement le cas actuellement avec les aides découplées, à une politique de gestion mutualisée des risques, qui permettra de compenser la forte volatilité des marchés, de structurer les filières et d’offrir aux agriculteurs des outils de stabilisation de leur revenu.
C’est seulement ainsi que nous légitimerons la PAC auprès de nos partenaires et que nous serons davantage en mesure de négocier une enveloppe budgétaire européenne adaptée. En effet, ne nous y trompons pas, le budget de la PAC est voué à diminuer en 2020 !
Telle est la logique qui a inspiré les différents travaux menés par le groupe socialiste et républicain du Sénat depuis plusieurs mois.
Le rapport que nous demandons serait ainsi l’occasion, pour le Gouvernement, de développer davantage les positions qu’il défendra sur la scène européenne en 2017, année du bilan à mi-parcours de la PAC 2014-2020.
Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que ce rapport ne finira pas sur une étagère poussiéreuse, mais qu’il pourrait être un acte politique fort pour notre pays.
Jusqu’au début des années quatre-vingt-dix, les prix communautaires d’intervention assuraient aux producteurs des prix beaucoup plus élevés que les cours mondiaux et réduisaient considérablement, dans le même temps, la volatilité des cours des produits agricoles dans l’Union européenne.
Certes, les aides directes constituent toujours un puissant stabilisateur des revenus, mais elles sont menacées par les contraintes budgétaires, par le souci de rémunérer les fonctions non marchandes de l’agriculture et par les négociations à l’OMC.
La mise en œuvre du principe du découplage radical des aides directes ainsi que l’amorce de leur modulation afin de transférer une partie des soutiens vers le deuxième pilier de la PAC augmentent encore les risques supportés par les exploitations agricoles.
La réforme de la PAC a permis, grâce à la mobilisation du ministre et du Gouvernement, de préserver le budget et de conserver des outils pour la régulation des marchés et la gestion de crise. La France a obtenu le maintien du niveau de ces aides à plus de 9 milliards d’euros sur la période 2014-2020, soit quasiment autant que sur la période précédente.
De plus, monsieur le ministre, vous avez été très actif à l’échelon européen pour réorienter les aides de la PAC vers plus de justice et de redistribution. Vous avez notamment fait le choix d’aider les petites exploitations, particulièrement les éleveurs, et obtenu la transparence des GAEC.
Dans le cadre du plan d’urgence mis en œuvre au niveau européen, pour lequel la France a joué un rôle moteur, grâce à votre engagement, monsieur le ministre, 63 millions d’euros seront destinés à notre agriculture. Toutefois, le contexte actuel de crise montre encore davantage les limites des outils disponibles pour faire face aux aléas économiques.
En attendant la réforme de la PAC en 2020, la France doit être capable de formuler des propositions fortes et crédibles. Cet article s’inscrit dans cette démarche, en proposant la remise au Parlement, à l’échéance de mars 2017, d’un rapport du Gouvernement sur les grandes orientations que défendra la France pour la future PAC. Il entre ainsi dans le cadre d’une véritable préparation des réformes souhaitées.
La France a été le seul pays à proposer un texte complet sur la PAC de 2020. J’ai moi-même proposé, lors du dernier conseil des ministres de l’agriculture, que ceux-ci se réunissent fin août ou début septembre pour discuter des conséquences du Brexit sur la politique agricole commune. La contribution du Royaume-Uni au budget européen s’élève à environ 14 milliards d’euros, le rabais dont elle bénéficie est de l’ordre de 6 milliards d’euros et elle touche, au titre de la PAC et des fonds de cohésion, quelque 7 milliards d’euros.
Ceux qui avaient annoncé, pendant la campagne en vue du référendum, qu’une partie des sommes versées au budget européen serait affectée au National Health service ont fait volte-face à peine le résultat annoncé : des 7 milliards d’euros disponibles, il faudra déduire le ticket d’entrée que le Royaume-Uni, à l’instar de la Norvège ou de la Suisse, devra acquitter pour conserver l’accès au marché unique et maintenir le même montant d’aides aux agriculteurs britanniques coûtera environ 7 milliards d’euros… Que reste-t-il, dans ces conditions ? Les promesses des partisans du Brexit n’engageaient que ceux qui y ont cru.
Le Brexit aura des conséquences sur la PAC, mais il faut aussi tenir compte du rabais consenti aux Britanniques. Cela étant, le budget européen sera affecté, dans la mesure où le Royaume-Uni était contributeur net. Il convient d’attendre les résultats des négociations qui s’engageront entre l’Union européenne et le Royaume-Uni après la notification par ce dernier de la mise en œuvre du dispositif de l’article 50 du traité sur l’Union européenne.
Je suis d’accord pour que le Gouvernement produise un tel rapport. Cette demande me paraît tout à fait légitime. Les organisations professionnelles souhaitent nous rencontrer, et un conseil d’orientation se tiendra pour examiner cette question des conséquences du Brexit.
Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.
L'article 4 est adopté.
(Non modifié)
La seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigée :
« Elle permet d’atteindre, chaque année, le cumul maximal autorisé de l’aide versée à ce titre et de la contribution de l’Union européenne qui s’établit à 65 % de la prime ou cotisation d’assurance. »
Cet article vise à préciser le rôle du FNGRA en matière d’aides à la souscription d’assurances.
La deuxième section de ce fonds permet de soutenir le développement des assurances. Le 1er janvier 2016, le Gouvernement a fait le choix de transférer l’intégralité des soutiens à la souscription d’assurances vers le budget européen au travers du second pilier de la PAC.
Pour autant, dans ce domaine, la mission du FNGRA demeure. Nous souhaitons donc qu’il continue à intervenir en complément de ces aides européennes, dès lors que le plafond maximal des 65 % de cofinancement, fixé au niveau européen, n’est pas atteint.
Dans cette optique, l’article 5 vise à préciser que le FNGRA intervient chaque année, en complément des aides européennes, jusqu’à due concurrence de ce plafond de 65 %.
L’objectif est de garantir la pérennité de l’intervention nationale dans le domaine de l’aide à la souscription d’assurances et de rassurer les agriculteurs quant à la prise en charge systématique d’une partie de leurs primes d’assurances à hauteur du maximum autorisé.
L'article 5 est adopté.
(Non modifié)
Après le deuxième alinéa du I de l’article 72 D ter du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’un exploitant emploie plus de trois salariés équivalents temps plein, il peut pratiquer un complément de déduction pour aléas, dans les conditions prévues à l’article 72 D bis et dans la limite du bénéfice, à hauteur de 1 000 € par salarié en équivalent temps plein au-delà du troisième salarié. »
Cet article vise à prévoir une augmentation du plafond de la dotation pour aléas, la DPA, pour les exploitations pourvoyeuses d’emplois à temps plein.
Actuellement, ce plafond est fixé à 27 000 euros par an, dans la limite de 150 000 euros d’encours global cumulé.
Comme M. le ministre l’a souligné, le Gouvernement a récemment réformé le dispositif. Ce type de dispositif répond totalement à la nécessité de développer de nouveaux outils de gestion des risques, ici par le biais d’une épargne volontaire de l’agriculteur permettant de lisser son revenu sur plusieurs années.
Nous souhaitons, par cet article, aller encore plus loin en matière d’épargne de précaution, tout en encourageant l’emploi. En effet, nous proposons de relever ce plafond annuel de 27 000 euros, pour toute exploitation employant plus de trois salariés, à hauteur de 1 000 euros par salarié au-delà du troisième équivalent temps plein.
Il s’agit ici d’encourager les exploitations pourvoyeuses d’emplois en leur permettant d’épargner davantage lors d’une année très favorable. Il faut noter que la mesure reste conditionnée au respect du plafond d’encours cumulé global de 150 000 euros. Il s’agit seulement de permettre de l’atteindre plus rapidement les années prospères.
Ce sujet important relève de la loi de finances, car il y a des conséquences budgétaires.
Je suis tout à fait favorable aux pistes évoquées en matière de nouveau paramétrage de la DPA, intégrant en particulier le nombre de salariés. J’ai eu avec un certain nombre de professionnels un débat sur les moyens de mieux moduler encore la DPA, notamment en tenant compte du chiffre d’affaires. L’idée de prendre en compte l’effectif salarié est bonne ; on pourra en discuter, mais, je le répète, un tel sujet relève de la loi de finances. Je laisse au Sénat le soin de tracer des pistes, mais il faudra, lors de l’élaboration de celle-ci, rechercher un équilibre général. Je me dois, en tant que ministre, d’y insister.
L'amendement n° 1 rectifié quater, présenté par MM. Canevet, Guerriau, Bonnecarrère et Cadic, Mme N. Goulet, MM. Détraigne et Longeot, Mmes Joissains et Férat, M. Gabouty, Mme Billon et MM. Luche, Cigolotti et L. Hervé, n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 6.
L'article 6 est adopté.
(Non modifié)
Chaque année et au plus tard au 1er décembre, le Gouvernement remet un rapport au Parlement dans lequel il présente les mesures de simplification des normes qu’il a mises en œuvre dans le domaine agricole au cours de l’année écoulée. Ce rapport dresse également un recensement des nouvelles normes qui sont entrées en vigueur au cours de cette même année. À partir de cet état des lieux, ce rapport tire un bilan en matière de normes applicables en agriculture et fixe des objectifs de simplification pour les années à venir.
Par cet article, nous souhaitons engager de façon pérenne une logique de réflexion et de propositions en matière de simplification des normes en agriculture.
Comme nous le savons tous, la question du poids des normes est omniprésente quand nous parlons d’agriculture et nous sommes nombreux à vouloir avancer constructivement sur ce sujet.
Notre collègue Odette Herviaux s’est vu confier récemment une mission sur ce thème par le Premier ministre et devrait rendre ses conclusions dans quelques mois.
Nos collègues Gérard Bailly et Daniel Dubois ont présenté hier en commission des affaires économiques un rapport très intéressant, dans lequel ils formulent une quinzaine de propositions. Je tiens à saluer ici leur travail.
Avec Henri Cabanel, nous nous sommes associés à cette démarche en faisant des propositions sur l’aspect stratégique et méthodologique du sujet.
Nous pensons que l’approche par les risques doit être au cœur de la méthodologie d’élaboration des normes et règlements.
Un processus national de gestion des normes concernant l’agriculture, incluant un rendez-vous annuel avec les pouvoirs publics, devrait être conçu. Le dispositif de cet article pourrait constituer le moment d’évaluation ou la « revue de processus », pour employer un terme de qualiticien.
Ainsi, nous préconisons que, chaque année, le Gouvernement remette au Parlement un rapport dressant un état des lieux des nouvelles normes entrées en vigueur au cours de l’année écoulée, ainsi que de celles ayant été supprimées ou simplifiées.
À partir de ce bilan serait défini un programme d’action en matière de simplification des normes agricoles pour l’année suivante, portant à la fois sur le stock des normes applicables et sur le flux des textes en cours de préparation.
Dans la même logique que l’article 4 de cette proposition de loi, il n’est pas ici question de demander un énième rapport, mais bien d’engager une dynamique, dont l’évaluation se concrétisera, une fois par an, par la transmission par le Gouvernement au Parlement d’un bilan factuel des actions menées.
Nous avons choisi la date butoir du 1er décembre afin de permettre une vision sur l’année civile écoulée, ainsi que la remise la remise du rapport durant la période, propice aux bilans, où nous examinons le projet de budget.
L'article 7 est adopté.
L’article 1605 nonies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la première phrase du deuxième alinéa du I, après les mots : « est affecté, », sont insérés les mots : « pour la moitié de son montant, » ;
2° Le même I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le produit de cette taxe est affecté, pour la moitié de son montant, au fonds national de stabilisation des revenus agricoles crée par la loi n° … du … visant à mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture. » ;
3° Le premier alinéa du IV est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le taux : « 5 % » est remplacé par le taux : « 10 % »
b) À la fin de la seconde phrase, le taux : « 10 % » est remplacé par le taux : « 20 % ».
Cet article a trait à la fixation du montant de la taxe sur la cession à titre onéreux de terrains nus rendus constructibles.
Sur ce sujet, nous estimons que la réflexion est mûre et que les ajustements doivent seulement porter sur le taux à appliquer, et non sur le principe même de la taxe.
En effet, la lutte contre l’artificialisation des sols est un enjeu majeur si nous souhaitons préserver notre modèle agricole, lui offrir des perspectives et, par là même, encourager les vocations et l’installation.
Nous entendons souvent dire que, en matière de terres agricoles, l’équivalent de la superficie d’un département de terres agricoles disparaît tous les dix ans en France, voire tous les sept ans désormais. Entre 2006 et 2014, ce sont ainsi près de 500 000 hectares qui ont été artificialisés, dont les deux tiers étaient des terres agricoles.
Ce phénomène, conjugué à l’étalement urbain et à la spéculation foncière, fait que les terres agricoles sont de plus en plus rares et chères.
Augmenter cette taxe s’appliquant lors de la vente d’une terre agricole rendue constructible apparaît, en conséquence, comme un juste retour de l’agriculture vers l’agriculture.
Je tiens à préciser que nous avons bien conscience que cette taxe a davantage vocation à être un instrument de dissuasion qu’une taxe de rendement. En2014, son produit s’est élevé à 10, 8 millions d’euros. Néanmoins, nous estimons nécessaire d’envoyer des signaux forts.
De plus, je tiens à rappeler que cette taxe est assise sur le prix de vente diminué du prix d’acquisition – en d’autres termes, sur la plus-value –, auquel nous prévoyons d’appliquer un taux de 5 % lorsque le prix de vente est compris entre dix et trente fois le prix d’achat, et un taux de 10 % au-delà.
En somme, avec l’augmentation de la taxe que nous proposons, nous ne spolions pas le vendeur qui réalisera, quoi qu’il arrive, une forte plus-value. En outre, nous considérons cette taxe comme socialement acceptable, car son produit serait directement fléché vers l’agriculture, d’abord vers les jeunes agriculteurs, comme c’est déjà le cas actuellement, puis vers les fonds de stabilisation des revenus, conformément à ce que nous proposons.
L'article 8 est adopté.
L’article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La deuxième section peut contribuer au financement du fonds de stabilisation des revenus agricoles mentionné à l’article 1er de la loi n° … du … visant à mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture. »
Cet article vise à élargir le champ d’intervention du FNGRA afin de prévoir son éventuelle participation aux fonds de stabilisation des revenus agricoles.
Je rappelle que nous évoquons, au travers de l’article 2, plusieurs pistes de financement de ces fonds. Elles ont pour point commun de permettre de ramener de la valeur vers le producteur, par le biais des fonds de stabilisation des revenus agricoles. Elles n’ont pas été choisies au hasard, monsieur Lenoir ; l’expérimentation et le rapport du Gouvernement prévus permettront de juger de leur efficacité.
Nous avons d’ores et déjà souhaité inscrire certaines de ces sources de financement dans notre texte. Pour autant, nous restons ouverts à la discussion pour en définir les modalités.
L’article 9 vise donc à préciser que le FNGRA pourra contribuer, outre à la prise en charge de cotisations d’assurance, comme c’est le cas actuellement s’agissant de sa deuxième section, au financement des fonds de stabilisation du revenu agricole, à côté du Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, dans le contexte actuel de la PAC.
L'article 9 est adopté.
(Non modifié)
Les charges pour l’État et les collectivités territoriales de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. –
Adopté.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
Il s’agit moins d’une explication de vote que d’une question au ministre, madame la présidente.
Cette proposition de loi entraîne des dépenses qui sont gagées par l’article 10. Or, quand le Gouvernement accepte un amendement ou une proposition de loi gagé, l’usage veut qu’il lève le gage. Acceptez-vous de lever le gage de cette proposition de loi, monsieur le ministre ?
Au terme de ce débat, je tiens à remercier l’ensemble de mes collègues, ainsi que M. le ministre et son cabinet, pour le travail très constructif qui a été réalisé. Nous sommes au début d’un processus et il faudra encore franchir de nombreuses étapes pour répondre aux attentes et aux inquiétudes de nos agriculteurs.
J’espère vivement que le groupe de travail sur les assurances que nous avons constitué poursuivra sa réflexion dans l’esprit qui a été le nôtre au cours de ce débat.
Nous partageons l’idée que, tous ensemble, nous devons chercher des solutions sur cette question qui sera au cœur des débats sur la prochaine politique agricole commune. En matière de financement, je l’ai dit et écrit, ces débats devront aussi porter sur une partie du premier pilier de la PAC.
En ce qui concerne par exemple la taxe sur l’artificialisation des terres, il s’agit d’une recette fiscale que l’on souhaite la plus faible possible, car la question n’est certes pas d’accepter l’artificialisation de terres afin d’accroître le produit de la taxe. Nous sommes tous d’accord sur ce point, mais il est normal, quand on présente une proposition de loi, d’essayer de fixer un cadre.
Monsieur Lenoir, la position du Gouvernement est très claire : je ne lèverai pas le gage !
De même, comment pourrais-je garantir la mobilisation des régions ? Nous avons mis en place une solution pour pouvoir au moins discuter d’ici à 2018. Vous rendez-vous compte du travail que cela représente ?
J’ai passé deux ans à discuter, avec les régions, du deuxième pilier et des plans de développement rural. Pour parvenir à caler le dispositif, nous avons dû l’adapter à trois reprises. Ainsi, monsieur Lenoir, le président de votre région est déjà venu me voir pour modifier la maquette.
Nous n’avons pas de désaccord de fond sur les questions que cette proposition de loi soulève, au contraire. D’ailleurs, j’avais déjà anticipé en partie les réponses qu’elle apporte, mais en tenant compte des données budgétaires dont je suis comptable en tant que ministre.
Cette proposition de loi a vocation à faire progresser le débat sur des sujets importants, tels que la dotation pour aléas. Le travail doit se poursuivre, mais, en tant que membre du Gouvernement, je ne peux lever le gage.
Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 409 :
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à modifier le mode de scrutin pour l’élection du conseil général de Mayotte, présentée par M. Thani Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain (proposition n° 489, texte de la commission n° 704, rapport n° 703).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, auteur de la proposition de loi.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’année 2011 a vu l’aboutissement d’un combat mené depuis une cinquantaine d’années : Mayotte est devenue, tout à la fois, un département et une région au sens de l’article 73 de la Constitution. Ce statut de première collectivité aux compétences unifiées fonde la spécificité de l’île dans le paysage ultramarin.
Pour devenir département, Mayotte a connu et accepté, au cours des quinze dernières années, des évolutions nécessaires, mais profondes. Elles sont parfois apparues comme un lourd sacrifice ou un abandon brutal de certaines particularités.
Ainsi, le statut civil de droit local a dû évoluer, afin d’être mis en conformité avec les droits et libertés garantis par notre Constitution. Les missions traditionnelles des cadis, piliers majeurs de la société mahoraise depuis le XIVe siècle, ont été progressivement supprimées.
Le droit commun est désormais appliqué à Mayotte, notamment en matière d’organisation judiciaire et d’état civil. S’y sont ajoutés la mise en place de la fiscalité de droit commun, depuis le 1er janvier 2014, et l’accès récent de Mayotte au statut européen de région ultrapériphérique.
À la suite de cette évolution sociale et institutionnelle profonde, la jeune collectivité a dû – et doit toujours – faire face à des défis de taille.
La forte croissance démographique a conduit à une multiplication par huit de sa population en cinquante ans.
Le système scolaire doit être réformé, pour tenir compte tout à la fois de la forte progression des effectifs, du manque d’infrastructures, de résultats scolaires défaillants et de réelles difficultés pour pourvoir l’ensemble des postes d’enseignant.
Quant aux collectivités mahoraises, elles présentent une situation budgétaire préoccupante, qui n’est pas sans incidences sur l’économie. La Cour des comptes l’a d’ailleurs souligné dans un rapport de janvier 2016 consacré à la départementalisation de Mayotte.
Enfin, la problématique de l’immigration illégale persiste et empire, comme les événements tragiques des derniers mois ont pu le démontrer, entraînant une très vive exaspération des Mahorais.
Pour être pleinement efficace, l’action des pouvoirs publics locaux doit être adaptée aux préoccupations et aux aspirations de la population, ainsi qu’aux spécificités ultramarines.
Mais, pour relever le pari de la croissance, Mayotte a surtout besoin de s’inscrire dans des politiques de développement cohérentes dans la durée.
Administrer de manière adaptée ne peut se faire sans une majorité stable. Les politiques publiques nécessitent, pour être efficaces et effectives, une certaine continuité. Mayotte souffre, en la matière, de plusieurs maux : les majorités sont bien souvent insuffisantes pour parvenir à mettre en œuvre des réformes de structure, les élus sont renouvelés à un rythme trop rapide pour avoir le temps de mener à bien leurs projets, les partis doivent davantage se structurer et adopter une ligne politique claire.
L’urgence à trouver une solution d’équilibre est à la mesure des défis socio-économiques à relever.
Le mode de scrutin pour l’élection des conseillers à l’assemblée de Mayotte doit permettre d’assurer cette stabilité. C’est un sujet sensible s’il en fut, puisqu’il a trait de manière directe à l’exercice de la démocratie.
C’est à ce prix que l’on pourra améliorer la gouvernance territoriale et l’efficacité des politiques publiques. C’est aussi la raison pour laquelle il convient d’assurer une représentation suffisante des territoires. Un délicat travail de refonte des frontières électives a été opéré par le décret du 13 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département, ramenant leur nombre de dix-neuf à treize.
Afin de parachever ce nouveau découpage, il importe que chaque canton dispose d’un même nombre de représentants, d’une même capacité à faire valoir ses idées. La richesse des territoires ne pourra qu’enrichir le débat démocratique.
Stabilité des majorités, simplicité et lisibilité du vote, représentation des territoires, pluralisme des partis : tels sont les enjeux de la réforme du mode de scrutin que la présente proposition de loi vise à introduire.
La collectivité unique de Mayotte exerçant tout à la fois les attributions d’un département et celles d’une région, il apparaît cohérent de s’inspirer du mode de scrutin applicable aux élections régionales. Celui-ci a d’ailleurs démontré sa pertinence en métropole.
Il est donc proposé d’instaurer un scrutin proportionnel de liste à deux tours. La représentation des différents courants politiques sera assurée et les risques de blocage institutionnel neutralisés par la fixation d’un seuil de maintien au second tour de 5 % des suffrages exprimés et l’attribution d’une prime majoritaire de 33 % pour tenir compte de la faiblesse des majorités issues des élections récentes.
De manière à garantir une certaine proximité des élus avec les citoyens, la circonscription unique de Mayotte sera divisée en autant de sections qu’il y a de cantons. Un même nombre de sièges sera attribué à chaque section. Les sièges acquis par chacune des listes seront ensuite répartis au prorata des voix obtenues par section.
Je ne peux que me réjouir des améliorations apportées au texte par le rapporteur de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur, et par le Gouvernement, lequel relève de vingt-six à trente-neuf le nombre d’élus de la future « assemblée de Mayotte », qui se substituerait au conseil départemental à compter de mars 2021, et répond ainsi à la proposition de résolution, que j’avais déposée et qui accompagnait initialement ce texte.
Compte tenu des défis auxquels – nous venons de le voir – Mayotte est confrontée et de la concentration des compétences sur les élus d’une collectivité unique, il convient d’aligner le nombre d’élus mahorais sur celui des représentants des collectivités comparables.
Je ne vous cache pas que, localement, nous avons consisté quelque agitation à l’approche de l’examen de ce texte et qu’un groupe d’élus a écrit à Mme la ministre des outre-mer, dont je souhaiterais connaître l’avis sur cette missive.
Par ailleurs, par délibération en date du 28 juin dernier, le conseil départemental a adopté une motion par laquelle il soumet au Gouvernement un certain nombre de points.
Tout d’abord, il demande au Gouvernement de prendre acte de l’évolution institutionnelle de Mayotte en procédant aux nettoyages législatifs nécessaires pour tendre vers une collectivité territoriale unique régie par l’article 73 de la Constitution, à l’instar de la Guyane.
Cela a déjà été fait par les lois sur la départementalisation. Le document stratégique « Mayotte 2025 » l’a confirmé et le présent texte continue ce processus d’adaptation et de nettoyage.
Le conseil départemental demande ensuite de faire coïncider la date du prochain renouvellement des conseillers territoriaux avec celle du scrutin pour les élections régionales. Un amendement adopté en commission des lois, sur l’initiative du rapporteur, va dans ce sens. Cette demande est donc déjà satisfaite au travers de la proposition de loi.
Le conseil départemental demande, enfin, de porter à cinquante et un le nombre de conseillers territoriaux lors du prochain renouvellement. Je ne suis pas contre, mais une telle initiative ne peut émaner d’un parlementaire, car elle serait irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.
En tout état de cause, il faut préciser que ce chiffre correspond au nombre d’élus de la Guyane, dont la superficie est plus de deux cents fois supérieure à celle de Mayotte… Si la Guyane a aujourd’hui un nombre d’élus supérieur à celui de Mayotte, c’est aussi pour tenir compte de cette réalité.
Par ailleurs, il est proposé de doubler en moins de trois ans le nombre d’élus de Mayotte. En effet, avant les élections départementales de 2015, nous comptions dix-neuf conseillers généraux. Avec la réforme des départements intervenue l’année dernière, nous sommes passés à vingt-six et, au travers du présent texte, il est proposé de passer à trente-neuf conseillers : ce n’est déjà pas mal, il me semble ! Encore une fois, si ce nombre devait être encore augmenté, je serais le premier à y être favorable, mais une telle initiative ne peut venir d’un parlementaire.
Vous en conviendrez, mes chers collègues, la présente proposition de loi ne va en aucune façon à l’encontre de cette motion du conseil départemental.
Ce texte reprend des revendications anciennes et légitimes maintes fois rappelées, par exemple dans une motion adoptée à l’unanimité des membres du conseil général de Mayotte le 12 juin 2014 ou dans le document stratégique « Mayotte 2025 », signé par le Premier ministre en 2015. Je sais, madame la ministre, que vous vous êtes fortement impliquée dans l’élaboration de ce document.
En outre, le consensus qui s’est établi sur ce mode de scrutin ne saurait épuiser le débat institutionnel engagé dans cette île.
De plus, l’adoption de cette proposition de loi n’est en aucun cas incompatible avec la poursuite des discussions à l’échelon local, d’autant que cette réforme n’entrera en vigueur qu’à compter du prochain renouvellement général, en mars 2021.
Enfin, comme M. le rapporteur l’a rappelé, la navette parlementaire offrira, le cas échéant, l’occasion d’approfondir et de suivre les évolutions de la réflexion menée localement.
Pour toutes ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter cette proposition de loi, pour que Mayotte puisse faire un très grand bond en avant !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il faut d’abord remercier chaleureusement M. Thani Mohamed Soilihi, qui travaille depuis longtemps sur cette proposition de loi très attendue à Mayotte.
Mayotte est peu à peu entrée dans le droit commun. Il s’agit désormais d’un département qui exerce les compétences d’une région. Son assemblée délibérante compte un nombre réduit d’élus, comparé à celui des autres collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, à savoir la Guadeloupe, la Réunion, la Martinique et la Guyane.
Il est évident qu’il faut faire un pas en avant, comme vient de le dire notre collègue Thani Mohamed Soilihi, consistant tout simplement à doter Mayotte d’un statut de département-région ou de région-département. Point n’est alors besoin de deux assemblées, mais il faut que l’assemblée unique soit élue selon le mode de scrutin en vigueur pour les régions. Cela répond à la volonté unanime des élus du conseil départemental de Mayotte, puisqu’ils ont adopté le 12 juin 2014, à l’unanimité des présents, une motion aux termes de laquelle « les conseillers départementaux de Mayotte [doivent être] élus au scrutin proportionnel de liste à deux tours sur la base d’une circonscription unique lors du renouvellement de l’assemblée ». C’est exactement ce qui est proposé au travers du présent texte.
Par ailleurs, notre collègue Thani Mohamed Soilihi nous a fait part de la teneur d’une autre motion adoptée par le conseil départemental avant-hier. C’est dire si nos débats ont de l’écho et sont suivis avec attention à Mayotte.
Par cette motion, les élus du conseil départemental demandent tout d’abord qu’il soit pris acte de l’évolution institutionnelle de Mayotte pour tendre vers une collectivité unique, sur le modèle de la Guyane. C'est exactement ce qui est proposé au travers de cette proposition de loi.
Ensuite, ils demandent que soit augmenté le nombre d’élus à l’assemblée délibérante. C’est également ce qui est proposé dans ce texte, même si l’on peut en discuter. À cet égard, je crois que la navette sera très précieuse pour déterminer le nombre d’élus, sachant, madame la ministre, que cela relève du seul Gouvernement, eu égard à l’article 40 de la Constitution.
Enfin, les élus mahorais souhaitent faire coïncider l’élection de leur assemblée avec celle des conseils régionaux. C’est encore ce qui est prévu par le présent texte.
Dans la rédaction initiale de la proposition de loi, il n’était pas fait mention du nombre d’élus de l’assemblée départementale et régionale. J’ai présenté un amendement visant à préciser la durée du mandat, à savoir six ans, ainsi que le rythme de renouvellement intégral, calé sur le renouvellement des conseils régionaux, et les diverses règles applicables à l’organisation du scrutin, regroupées au sein du titre III du livre VI bis du code électoral et aujourd’hui communes aux scrutins organisés en Guyane et en Martinique.
Le nombre d’élus ne pouvant, comme je viens de le dire, être augmenté sur l’initiative d’un parlementaire, un tel accroissement entraînant quelques dépenses complémentaires, au demeurant limitées, il était nécessaire que le Gouvernement déposât un sous-amendement à l’un de mes amendements. Je tiens à vous remercier tout particulièrement de l’avoir fait, madame la ministre. Ce sous-amendement, qui a été accepté par la commission, fixe le nombre d’élus à trente-neuf, ce qui apparaît assez proportionné à la surface et à la population de Mayotte, eu égard au nombre d’élus des autres collectivités régies par l’article 73 de la Constitution.
La nature du scrutin nous contraignait également. En effet, il était pratiquement impossible, avec vingt-six membres dans l’assemblée, d’organiser un scrutin sur la base de sections, dont il était souhaité qu’elles correspondent aux actuels cantons, avec une prime majoritaire et une représentation proportionnelle.
Le système adopté par la commission est, je crois, satisfaisant, puisque chacune des treize sections comportera trois élus. Par cohérence, l’attribution de la prime majoritaire permettra à une liste arrivée en tête de remporter treize sièges, soit le tiers de l’effectif de l’assemblée. Pour attribuer cette prime majoritaire, un siège sera accordé, au titre de chaque section, à la liste arrivée en tête, c’est-à-dire à la liste qui aura été majoritaire au premier tour ou qui aura obtenu le plus de voix au second tour. Ainsi, l’expression du pluralisme politique sera renforcée au niveau de chaque section, où deux sièges seront désormais répartis à la représentation proportionnelle.
Enfin, je me suis assuré, en ma qualité de rapporteur, que la délimitation des sections et la répartition des sièges soient compatibles avec la célèbre jurisprudence que j’appellerai « Salbris », du nom de cette commune du Loir-et-Cher qui nous a causé quelques soucis, même si nous l’aimons bien… En effet, à la suite d’un contentieux la concernant, le Conseil constitutionnel a considéré que les écarts de représentation tolérés entre élus d’une même assemblée ne devaient pas excéder 20 % en plus ou en moins. C’est exactement le cas avec le tableau figurant dans la proposition de loi ainsi amendée.
Mes chers collègues, nous devons nous prononcer sur une évolution qui a été appelée de ses vœux par l’assemblée de Mayotte avant-hier. Elle correspond, me semble-t-il, à l’intérêt général. Je vous invite donc à suivre la commission des lois en adoptant cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE. – Mme Lana Tetuanui applaudit également.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, monsieur Thani Mohamed Soilihi, auteur de la proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, de manière constante et répétée, Mayotte a manifesté son attachement plein et entier à la République.
Ainsi, en 1974 et en 1976, la population a décidé de lier son avenir à la France en faisant le choix du rattachement plein et entier à notre pays, plutôt que celui de l’indépendance.
La marche de Mayotte vers le statut de département a été marquée par des phases d’accélération et des phases de consolidation. Il a fallu attendre la consultation de 2009 pour que ce territoire accède au rang de département français à part entière.
En cette année 2016, où nous avons célébré le soixante-dixième anniversaire de la départementalisation de ce que l’on appelle les « quatre vieilles colonies », l’examen de cette proposition de loi revêt un caractère encore plus symbolique.
Certes, je n’ignore pas les difficultés que rencontre ce territoire ni les recommandations formulées en ce début d’année par la Cour des comptes, qui a estimé que l’accession au statut de département n’avait peut-être pas été préparée avec tout le soin requis.
Néanmoins, je profite de l’occasion qui m’est donnée ici pour réaffirmer la détermination du Gouvernement à s’engager pour le développement de Mayotte, qu’il soit économique, social, institutionnel ou encore démocratique.
Cette volonté forte du Gouvernement d’agir en faveur de Mayotte trouve son origine, et surtout sa traduction, dans les engagements concrets du Président de la République, ainsi que dans la construction du plan « Mayotte 2025 », signé le 13 juin 2015 à Mamoudzou par le Premier ministre, le président du conseil départemental, les parlementaires mahorais, le président du conseil économique, social et environnemental de Mayotte et le président de l’association des maires de Mayotte. Ce plan marque une étape importante et historique pour ce territoire.
Devant la situation unique de cette île, qui a trop longtemps été délaissée, l’État a su mobiliser des moyens exceptionnels pour construire le meilleur avenir possible pour les Mahoraises et les Mahorais.
Véritable feuille de route pour le territoire, ce document stratégique a posé les bases claires d’un travail coopératif et constructif sans précédent entre les services nationaux et territoriaux de l’État, les collectivités et les très nombreux acteurs qui contribuent au développement économique, social et institutionnel du 101e département français.
Décliné selon six objectifs et 324 actions, la mise en œuvre du plan « Mayotte 2025 » est une voie ambitieuse et consensuelle pour le développement de l’île et fait l’objet d’un suivi régulier et rigoureux. Au 10 juin 2016, 95 actions ont été réalisées, 167 sont en cours de réalisation et 61 restent à conduire. Le déploiement du plan avance donc rapidement, conformément aux engagements pris par le Gouvernement.
Je le sais, la période actuelle est marquée par l’impatience des Mahorais, qui voudraient que les choses se mettent en place plus vite. Nous pouvons le comprendre, mais nous savons aussi que, pour pouvoir construire solidement le développement de l’île, il faut avancer pas à pas, en respectant le calendrier et le phasage que nous avons prévus avec les élus.
Par ailleurs, seize contrats de ville, comportant des actions fortes en faveur des quartiers en difficulté, ont été signés, et cinq intercommunalités ont été créées. Elles contribueront à la mise en place de services essentiels pour la population.
Les constructions scolaires sont accélérées. Le centre hospitalier de Mayotte assure la gratuité des soins aux enfants et aux femmes enceintes, et le projet de construction de l’hôpital de Petite Terre a été lancé.
Le code du travail est étendu progressivement à Mayotte, l’objectif étant d’avoir abouti au 1er janvier 2018. La prime d’activité, quant à elle, sera étendue à Mayotte dès le 1er juillet prochain. Enfin, la liaison aérienne directe entre Mayotte et Paris vient d’être inaugurée, ce qui va considérablement faciliter les échanges entre Mayotte et l’Hexagone.
Si l’ampleur des chantiers restant encore à réaliser impose à toutes les parties prenantes, au niveau tant local que national, qu’il s’agisse des élus, des agents publics ou des associations, de poursuivre leurs efforts pour faire aboutir l’ensemble des actions prévues par le plan « Mayotte 2025 », la situation évolue dans le bon sens pour, d’une part, répondre aux attentes des élus et des populations, et, d’autre part, soutenir le développement économique, social et institutionnel du territoire.
Le texte proposé aujourd’hui par le sénateur Thani Mohamed Soilihi répond à une problématique précise : assurer une meilleure stabilité des majorités, contribuer à accroître la lisibilité et la simplicité du vote, permettre une meilleure représentation des territoires et conforter l’expression du pluralisme des partis.
Cette proposition de loi entend répondre à une demande des élus locaux formalisée par une délibération du conseil départemental du 12 juin 2014. L’objectif affiché est d’apporter plus d’assise et de stabilité aux majorités du conseil départemental, dont nous connaissons tous ici le rôle dans le développement du territoire.
Le Gouvernement a bien perçu l’intérêt de ce texte, et il a eu l’occasion d’apporter sa contribution via le dépôt d’un sous-amendement tendant à porter le nombre d’élus de vingt-six à trente-neuf, afin de consolider encore davantage l’émergence d’une majorité stable au sein de l’assemblée départementale.
Certains élus, pourtant d’accord avec le principe d’une révision du mode de scrutin, mais aussi avec l’objectif de donner une meilleure assise à la majorité du conseil départemental de Mayotte, ont exprimé leur souhait de mettre en œuvre une réflexion plus globale sur les contours de la collectivité, sur le mode de scrutin qu’il conviendra de retenir et sur un certain nombre de problèmes qui se posent à Mayotte.
Il me semble que l’examen de la présente proposition de loi, dont l’enjeu est limité, n’est pas en contradiction avec ce vœu. Notre débat d’aujourd’hui permet d’entamer des discussions qui pourront bien évidemment enrichir le travail de réflexion qui sera lancé prochainement, conformément aux engagements pris dans le cadre du plan « Mayotte 2025 ». Il s’agira de transformer la collectivité départementale de Mayotte en une collectivité unique, à l’instar de ce qui a pu être fait en Martinique et en Guyane.
L’examen de ce texte constitue donc en quelque sorte une première étape, qui a vocation à être prolongée par la concertation et le travail local. Si ce n’est qu’une première étape, elle permet cependant au Gouvernement de réaffirmer une nouvelle fois son engagement plein et entier en faveur de Mayotte, afin d’accompagner ce territoire vers le développement et le rattrapage auxquels il a droit. Je tiens à assurer à la population de Mayotte de notre volonté de permettre à leur territoire d’avancer vers l’égalité des droits à laquelle je la sais très attachée.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE et du groupe UDI -UC.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur l’auteur de la proposition de loi, monsieur le rapporteur, chers collègues, la collectivité de Mayotte a été la première à se voir dotée des attributions à la fois du conseil départemental et du conseil régional, en mars 2011. Quarante ans après le refus de l’indépendance et après des années de transformation lente et complexe des institutions, beaucoup regrettent que la mise en place de politiques sociales et sanitaires solides ait tant tardé.
Nous le savons, les défis, à Mayotte, sont de taille. L’accroissement démographique y est très fort, ce qui fait de Mayotte le département le plus jeune de France. Malheureusement, la jeunesse connaît de grandes difficultés pour s’insérer sur le marché du travail : le taux de chômage dans l’île, qui atteint 36, 6 %, est le plus fort de tous les départements français, ce qui a pour conséquence inévitable la persistance d’une grande pauvreté, puisque 84 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.
La situation sanitaire n’est pas meilleure, comme le montre bien le bilan de l’Agence régionale de santé océan Indien publié il y a quelques jours : l’île est le plus grand désert médical de France, avec 98 médecins généralistes pour 100 000 habitants, contre 339 dans l’Hexagone. Certaines spécialités médicales y sont même absentes. Mayotte n’a qu’un seul centre hospitalier, évidemment complètement saturé : selon la CGT Mayotte santé, il y aurait 900 malades pour seulement 300 lits !
Nous comprenons bien que les flux migratoires très importants que connaît l’île sont difficilement maîtrisables, mais l’action publique en la matière s’est jusqu’à présent surtout résumée à renforcer les moyens des forces de sécurité et à accélérer les reconduites à la frontière. Il manque encore une réflexion permettant de lancer une politique d’immigration légale. Face aux flux migratoires massifs, cette question, qui se pose d’ailleurs aussi à l’échelle de l’Union européenne et de la France, doit enfin être abordée avec l’objectif d’élaborer une politique d’immigration. En attendant, des centaines d’adultes et d’enfants vivent dans la rue, dans des conditions déplorables, et de nombreuses associations, comme Médecins du monde, alertent sur la situation sanitaire dramatique de l’île, au bord d’une crise sans précédent.
Au-delà des nécessaires coordinations avec des partenaires régionaux et de la mise en œuvre par l’État d’une politique de développement de ce département, il est indispensable de mettre en place au niveau local des politiques publiques concertées et coordonnées, dans l’intérêt de toute la population mahoraise, particulièrement diverse.
La proposition de loi de notre collègue Thani Mohamed Soilihi, qui tend à modifier le mode de scrutin pour l’élection au conseil départemental de Mayotte, va dans ce sens. Dans sa version issue des travaux de la commission, elle répond à plusieurs problèmes.
En premier lieu, le nombre de conseillers est trop faible, comparé à celui d’autres collectivités : Mayotte a pour l’instant vingt-six conseillers pour 217 000 habitants, alors que la Guyane, par exemple, également devenue collectivité unique l’année dernière, compte cinquante et un conseillers pour un peu moins de 250 000 habitants. Cet écart n’est pas justifié, et la croissance démographique très soutenue le creuse encore. Augmenter le nombre de conseillers pour le porter à trente-neuf paraît une bonne chose. Cela permettrait de renforcer la représentativité des élus, car, nous le savons, Mayotte est un territoire riche de sa diversité. De la même manière, l’attribution du même nombre de sièges à toutes les sections du territoire, répartis au prorata des voix obtenues dans chaque section, est également une très bonne chose.
En second lieu, le texte tend à remédier au problème posé par l’absence de programme politique précis et, partant, de majorité solide, stable pour le mettre en œuvre. Des politiques structurelles, de moyen et long termes, ne peuvent être mises en place que si les élus locaux sont rassemblés autour de lignes politiques claires, ce qui permet aux électeurs de voter en toute connaissance de cause.
Cette proposition de loi, si elle est votée, permettra d’aller vers une plus grande clarification du débat politique en mettant en place un scrutin de liste, à l’occasion duquel se confronteront des propositions et des projets lisibles pour les électeurs et portés par plusieurs élus. Nous soutenons donc une telle évolution.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe écologiste est très favorable à cette proposition de loi, qui met le doigt sur un problème structurel. Son adoption aura des effets concrets et positifs en termes de mise en œuvre de politiques locales indispensables au vu des enjeux.
Nous voterons donc en faveur de l’adoption de cette proposition de loi, en ayant bien à l’esprit que les enjeux dépassent les clivages partisans. Il s’agit d’améliorer le système démocratique local en donnant plus de représentativité aux élus, plus de lisibilité aux projets portés par les différentes listes, plus de stabilité à l’exécutif. Évidemment, ce texte ne résoudra pas tout : les difficultés restent considérables et les financements insuffisants, en dépit de la mise en œuvre du plan « Mayotte 2025 », mais cette proposition de loi représente une avancée. Nous espérons avoir l’occasion de revenir dans le détail sur ces sujets lors de travaux législatifs ultérieurs, notamment lors du débat budgétaire, à l’automne.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les évolutions du statut de Mayotte ont renforcé le lien qui unit cette île de l’océan Indien à la France depuis 1841. Elles permettent également l’application du droit commun de la République, conformément au principe d’identité législative.
Il est donc de la responsabilité de l’État d’accompagner Mayotte pour lui permettre de répondre aux nombreux défis auxquels elle doit faire face.
Frappé par la crise des « expulsions illégales » incontrôlées d’immigrants clandestins, ce territoire en mutation institutionnelle et sociale connaît des besoins urgents en matière de logement et d’urbanisme, d’emploi, de santé, d’éducation, alors que 84 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Pourtant, le potentiel touristique et économique de l’île au lagon demeure inexploité, bien qu’elle ait su préserver son environnement exceptionnel, ses richesses naturelles terrestres et marines, telles que la double barrière de corail, qui attire les plongeurs du monde entier.
Si le Gouvernement a lancé le plan « Mayotte 2025 », il reste encore un long chemin à parcourir dans sa mise en œuvre. Il comporte des mesures essentielles et ambitieuses, mais je souhaite saluer en particulier la construction de plus de 200 établissements scolaires en l’espace d’un an.
En effet, l’avenir du département repose avant tout, et bien plus qu’ailleurs, sur sa jeunesse, puisque les moins de 20 ans composent la moitié de la population et que le taux de natalité y est particulièrement élevé.
Au regard de ces enjeux, la gouvernance locale doit gagner en stabilité et en efficacité. C’est la condition sine qua non pour pouvoir mener à bien les politiques publiques qui s’imposent.
Or, dans un rapport public thématique publié en janvier dernier, la Cour des comptes dénonçait l’insuffisance du pilotage de la départementalisation par l’État et de l’effort budgétaire consenti par habitant. C’est ainsi que le département est contraint d’agir dans un contexte financier difficile, ce qui pèse sur les dépenses d’investissement et d’équipement.
La présente proposition de loi constitue la première pierre d’un édifice dont la construction devra être poursuivie.
Premièrement, l’augmentation de dix-neuf à trente-neuf du nombre d’élus au conseil départemental est bienvenue. Cet effectif correspond mieux à la réalité de la démographie de Mayotte, bien qu’il reste encore en retrait par rapport à celui d’autres collectivités qui disposent de davantage d’élus par habitant. Ainsi, pour une population un peu plus nombreuse, l’assemblée délibérante de la Guyane comporte cinquante et un élus.
Deuxièmement, la proposition de loi répond à une demande unanime du conseil général, qui s’est prononcé, en juin 2014, en faveur de la mise en place d’un scrutin proportionnel de liste à deux tours avec prime majoritaire d’un tiers des sièges pour la liste arrivée en tête. Une telle réforme garantit la constitution de majorités pérennes et la représentation de tous les territoires, en instaurant un même nombre d’élus par section.
Nous soutenons donc, à l’instar des élus radicaux de gauche mahorais, l’initiative de notre collègue Thani Mohamed Soilihi, qui renforcera, à notre sens, la stabilité institutionnelle au sein de ce département. Celle-ci est d’autant plus nécessaire que d’importantes réformes structurelles seront engagées dans les années à venir.
Faisant confiance à la volonté des élus mahorais de réussir l’évolution de leur modèle institutionnel, le groupe du RDSE votera à l’unanimité ce texte, dont l’adoption n’entravera en rien la poursuite d’une réflexion plus globale et ouvrira la voie à une plus grande efficacité dans la prise de décision, dans l’intérêt du territoire comme de la population mahoraise.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’en conviens, l’examen de la proposition de loi tendant à modifier le mode de scrutin pour l’élection des élus à l’assemblée de Mayotte nécessite la bienveillance de notre assemblée parlementaire.
Ce texte appelle toutefois de ma part un certain nombre d’observations, que je concentrerai sur trois points essentiels.
Premièrement, s’appuyant sur le critère matériel de l’exercice des compétences régionales par le département de Mayotte, sans que les lois relatives au département de Mayotte ne reconnaissent à cette collectivité la qualité d’une région d’outre-mer, le présent texte, avec ses deux chapitres, prévoit le passage du binôme paritaire homme-femme, expérimenté en 2015, au scrutin proportionnel tel qu’il s’applique dans les régions.
Cette proposition appelle les précisions suivantes.
Ce texte modifie l’article L. 558-9 du code électoral en prévoyant que « les conseillers à l’assemblée de Mayotte sont élus pour six ans en même temps que les conseillers régionaux ».
Il introduit aussi des dispositions nouvelles et insère deux nouveaux articles dans le code électoral : l’article L. 558-9-2 et l’article L. 558-9-3, aux termes duquel « l’assemblée de Mayotte est composée de trente-neuf membres ».
En outre, il crée un chapitre II intitulé « Mode de scrutin » et prévoit treize sections dont la délimitation recouvre exactement celle des treize cantons actuels.
Je prends acte de cette initiative, mais je tiens à dire quelques mots sur l’urgence politique à Mayotte.
Chacun le sait, le principe en vigueur de l’assemblée unique exerçant à la fois les compétences départementales et régionales, qui comporte de nombreuses difficultés techniques et matérielles, n’a pas été suffisamment clarifié.
En effet, à ce statut départemental atypique mal organisé s’ajoute le problème de la représentativité numérique, c’est-à-dire de la détermination d’un nombre bien justifié d’élus devant siéger à l’assemblée de Mayotte pour gérer au mieux les affaires du département.
De ce fait, des revendications en faveur de l’instauration d’une véritable collectivité unique de plein exercice à Mayotte s’élèvent, à côté de vœux, jugés plus urgents, de régler au préalable le problème des réformes engagées.
Ces vœux portent sur l’instauration de l’égalité sociale, avec un véritable alignement législatif des minima sociaux à Mayotte sur le droit commun, sur la mise en œuvre d’une fiscalité de droit commun, prenant réellement en compte, d’une part, les inquiétudes exprimées sur le terrain, et, d’autre part, les adaptations adéquates prévues par le constituant à l’article 73 de notre Constitution, sur l’institution d’un dialogue multipartite entre l’État et les élus de Mayotte pour analyser, évaluer l’insuffisance des ressources des collectivités de l’île, englobant celles du département, dans le respect de ses compétences régionales et des communes mises à mal sur les plans financier et budgétaire afin de pouvoir décider collectivement des remèdes à apporter à leurs préoccupations, sur la problématique de l’insécurité, ainsi que sur la lutte contre l’immigration irrégulière, deux défis liés qui tiennent une place cruciale dans l’agenda politique du moment et qui nous contraignent à agir, sur la révision de la diplomatie de notre pays dans l’océan Indien, une étroite coopération avec nos voisins dont la situation politico-juridique des ressortissants préoccupe les autorités à Mayotte s’imposant.
La liste est longue, mes chers collègues, et je vous renvoie, sur tous ces thèmes, au rapport de la Cour des comptes de janvier 2016 intitulé : La départementalisation de Mayotte, une réforme mal préparée, des solutions prioritaires à conduire.
Sur tous ces sujets, la discussion parlementaire doit s’ouvrir. Je dois dire qu’elle s’est amorcée au travers de la rencontre entre les élus de Mayotte et le Premier ministre, qui nous a reçus le 26 mai dernier, à Matignon, pour aborder ces questions sous-jacentes.
Chacun s’accorde à dire que ces thèmes sont liés. Cette réunion a permis aux élus mahorais d’obtenir des engagements de la part du Gouvernement sur dix mesures. Le premier de ces engagements a trait à la prise en compte de la réalité de la démographie mahoraise pour décider des actions politiques adéquates.
La discussion parlementaire doit se poursuivre dans le respect d’un traitement global, et non séparé, de ces questions.
Deuxièmement, je note que la place de l’assemblée unique de Mayotte dans le code général des collectivités territoriales, qui diffère de celle des assemblées uniques de Martinique et de Guyane, mérite d’être revue, de même que sa prise en compte dans le code électoral, qui fait apparaître des différences de traitement.
Le traitement inégalitaire réservé à Mayotte dans ces cadres a fait naître des doutes et inquiétudes sérieux de nature à créer de la confusion et une certaine amertume depuis que les collectivités de Guyane et Martinique sont devenues des collectivités uniques, en lieu et place de départements et régions, une assemblée unique ayant été mise en place dans chaque département.
En Guyane et en Martinique a été instauré un scrutin de liste à deux tours, avec une circonscription unique, composée de huit sections en Guyane et de quatre sections en Martinique.
L’introduction de sections dans chaque collectivité est une manière de prendre en compte la représentation démographique des territoires, donc la dimension départementale.
Le mode de scrutin retenu par la présente proposition de loi est le scrutin de liste avec une circonscription unique composée de treize sections dont la délimitation est fixée conformément au tableau détaillé figurant au deuxième chapitre de ce texte. Je vous y renvoie, mes chers collègues.
Cette situation n’entraîne-t-elle pas une confusion entre plusieurs systèmes complètement différents dans leur conception et leur signification ? Il existe, d’un côté, la logique des cantons, qui servent de ressort à l’élection des conseillers départementaux, comme c’est le cas actuellement, de l’autre, la logique des sections pour l’élection des futurs élus de Mayotte que cette proposition de loi vise à instituer, et, enfin, un autre système faisant appel à la logique de la carte de l’intercommunalité, non évoquée dans le texte.
À cet égard, pourquoi ne pas prendre en considération la règle du redécoupage utilisée pour l’élection des conseillers intercommunaux de l’île, ce qui pourrait constituer une alternative aux options décrites ci-avant ? Encore faudrait-il que la réflexion soit davantage approfondie.
Le critère de la démographie doit être l’arbitre de ce jeu législatif en vue d’aboutir, en fin de compte, à une représentation équilibrée du territoire. Or le texte que nous examinons actuellement n’apporte pas cette garantie d’équilibre.
Aussi, pour compléter cette vision, le dispositif actuel, avec les articles 156 et 157 de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, qui traitent de la question démographique et maintiennent le recensement quinquennal, est-il appelé à évoluer pour mieux prendre en compte les réalités locales du département. Or le présent texte n’apporte aucune précision sur ce point crucial.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il est temps de soustraire Mayotte de la catégorie des collectivités d’outre-mer relevant de l’article 73 de la Constitution, en lui appliquant les modalités de recensement de droit commun.
De plus, au regard de la loi du 11 avril 2003 relative à l’élection des conseillers régionaux – disposition codifiée à l’article L. 338 du code électoral –, le chiffre de population est un élément déterminant, puisque c’est en fonction de lui qu’est fixé le nombre de sièges par section départementale. En outre, la répartition des sièges au sein des sections est établie au prorata du nombre de voix obtenues par section.
En Martinique, d’abord, ont été délimitées quatre sections correspondant aux quatre circonscriptions législatives, la détermination du nombre de sièges par section étant assez complexe.
En Guyane, ensuite, ont été établies huit sections consistant chacune en des regroupements d’une ou plusieurs communes, le nombre de sièges par section étant variable. La répartition des sièges garantit dans ce cas un nombre de sièges donné par section.
Dans le cas de Mayotte, l’existence de treize cantons entraîne un découpage absolument insatisfaisant, en ce sens que certaines communes s’en trouvent démembrées. Il s’ensuit une zone d’ombre qu’il convient de résorber.
Par conséquent, la détermination du nombre d’élus de la collectivité unique de Mayotte, qui souffre d’un manque de précision tenant aux réalités et à la complexité du mode de scrutin régional, nécessite une réflexion plus poussée afin d’éviter la fixation hasardeuse d’un quantum d’élus appelés à siéger à l’assemblée.
Aujourd’hui, il y a vingt-six conseillers, contre dix-neuf auparavant. Le texte que nous examinons tend, à la suite de l’adoption d’un sous-amendement du Gouvernement, à porter de vingt-six à trente-neuf le nombre d’élus. Or le conseil départemental a exprimé, cette semaine même, le vœu que ce nombre soit fixé à cinquante et un, se fondant sur l’exemple de la Guyane, dont les particularités sont très similaires à celles du département de Mayotte.
En définitive, cette proposition de loi, qui répond à une revendication de la majorité départementale d’hier, date de 2014 et n’est pas d’actualité. L’actuel exécutif, soutenu par les élus mahorais dans leur ensemble, a, en effet, saisi le Gouvernement, en indiquant clairement qu’il souhaitait inscrire les dossiers institutionnels dans une réflexion d’ensemble sur l’évolution de Mayotte. Si les propositions étaient adoptées, leur application n’interviendrait qu’en 2021.
Pourquoi donc cette précipitation ? Alors que les décisions du Conseil constitutionnel posent des exigences, je relève que ces dernières ne sont pas suffisamment respectées par ce texte.
Je pense à la décision du Conseil constitutionnel du 10 janvier 2001, qui affirme le principe du respect de l’exigence démographique et de l’égalité devant la loi en matière de suffrage garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.
Je pense également aux décisions du 9 décembre 2010 et du 15 janvier 2015, qui renforcent cette jurisprudence en ajoutant, malgré tout, une possibilité de dérogation fondée uniquement sur un motif d’intérêt général s’attachant à la représentation effective des archipels les moins peuplés et les plus éloignés, c’est-à-dire les outre-mer.
Le Conseil constitutionnel a toutefois estimé que le respect du principe d’égalité devant la loi imposait également des limites aux écarts entre le nombre d’élus de chaque section départementale et la population qu’ils représentent qui pourraient résulter du mécanisme de répartition et de réattribution des sièges.
Cet exercice de répartition s’avère, à mon sens, plus complexe que l’on ne le pense.
Pour cette raison, je note qu’il n’y a à l’heure actuelle, s’agissant de Mayotte, aucune urgence à s’attaquer à ce sujet.
En effet, les treize sections doivent bénéficier d’une représentation équitable de leurs populations respectives, les écarts de représentation n’étant admis qu’à titre exceptionnel et pour des motifs d’intérêt général.
Or, aucun motif d’intérêt général ne justifie, en l’espèce, les écarts de représentation constatés entre certaines sections, par exemple entre les deux sections de la Petite Terre, Dzaoudzi et Pamandzi, et les sections de Grande Terre, ou entre les sections de Grande Terre elles-mêmes.
Si le poids démographique de ces sections figurait dans le texte, on verrait mieux apparaître les disparités. Il déroge aux principes fixés par le Conseil constitutionnel, alors même qu’aucun motif d’intérêt général ne justifie la dérogation.
Pour cette raison, je demande que le Gouvernement prenne en considération les doléances exprimées par les élus du département, soutenus par les parlementaires, et mette en place sans attendre le groupe de travail chargé de traiter les questions d’ordre institutionnel. Je tiens à préciser que le groupe de travail sur la fiscalité a déjà rendu ses conclusions.
En conclusion, force est de constater que la situation de Mayotte mérite de faire l’objet d’un traitement global. Par conséquent, je propose que nous repoussions l’adoption de ce texte, car, en l’état, il laisse à l’évidence de côté des aspects d’importance qui mériteraient un traitement plus concerté sur le terrain.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les défis que doit relever Mayotte sont nombreux. Dès lors, on ne peut faire l’économie d’un renforcement de la démocratie représentative. Vous l’aurez compris, exprimer en huit minutes une position sur la modification du mode de scrutin pour l’élection du conseil général de Mayotte tient de la gageure, tant ce territoire est riche d’atouts, mais aussi sujet à des préoccupations aussi vastes que celles d’un pays tout entier.
Nous arrivons aujourd’hui au terme d’un travail mené depuis plus de deux ans par notre collègue Mohamed Soilihi, dont je salue également le fort engagement au sein de la délégation sénatoriale à l’outre-mer. Il y a largement œuvré pour régulariser le régime d’occupation foncière, notamment à Mayotte, où les occupations foncières sans titres restent préoccupantes.
Comme vous le savez, mes chers collègues, rien n’arrête le flot permanent du changement qui affecte l’ensemble de nos territoires. Les spasmes politiques qui entourent notre débat d’aujourd’hui sont aussi regrettables que symptomatiques des évolutions qui affectent Mayotte.
À cet égard, le texte qui nous est présenté aujourd’hui répond à une motion, votée en juin 2014, demandant qu’une proposition de loi soit rédigée en vue de modifier et de préciser le mode de scrutin pour l’élection au conseil général de Mayotte. Il avait fait l’unanimité lors de son élaboration, ce qui démontrait l’intérêt du Sénat pour cette question.
Toutefois, en dépit du caractère tout à fait sérieux du travail de notre collègue, nous sommes conscients que les équilibres politiques de Mayotte sont fragiles et que l’année électorale à venir sera particulièrement riche. Ce contexte de forte instabilité instille une certaine tension sur le plan local.
Ainsi, deux députés et un sénateur vous ont adressé le 22 juin, madame la ministre, un courrier pour signifier leur opposition à la discussion de ce texte. Le conseil départemental de Mayotte a, quant à lui, présenté une motion dont les ambitions vont parfois plus loin que celles qui sous-tendent la présente proposition de loi.
Sur le fond, une réforme est nécessaire, mais, sur la forme, il est essentiel que l’ensemble des élus se mettent autour d’une table pour se mettre d’accord. Le sénateur Thani Mohamed Soilihi a raison de soutenir la proposition d’augmenter le nombre d’élus. Encore faut-il s’entendre sur le nombre exact et la nature des circonscriptions. En effet, les défis sont immenses et ne pourront être relevés qu’au moyen d’institutions solides et fiables.
Mayotte, territoire français de l’océan Indien situé dans l’archipel des Comores, bénéficie d’atouts géographiques et énergétiques majeurs.
La progression de la population est préoccupante eu égard à la capacité d’accueil de cette île. Il va de soi que l’évolution de ses institutions politiques doit également prendre en compte les attentes et besoins liés à son développement. Les passages illégaux en provenance d’Anjouan entraînent un flux migratoire permanent et des difficultés considérables. La situation est complexe à gérer, les mairies ayant moins de moyens que les nôtres et devant faire face à une situation sociale extrêmement tendue. Je rappelle que, avec un taux de chômage de 37 %, Mayotte détient un triste record.
Pour autant, cette situation affecte l’ensemble des politiques publiques. Le système éducatif doit absorber une population dont la moitié a moins de 17 ans et dont le niveau scolaire est généralement faible. Au cœur de ce défi se loge celui, spécifique, d’une enfance en danger et dont la charge incombe au département, pour lequel c’est une compétence obligatoire. On le voit, la charge est lourde !
Sur le plan environnemental, le lagon de Mayotte est un sanctuaire corallien en danger, affecté par une pollution marine croissante. Au lendemain de la COP 21, nous avons le devoir d’agir.
Sur le plan financier, les enjeux sont également d’envergure. Des retards importants ont été pris, notamment pour passer à une fiscalité de droit commun. La maîtrise de la fiscalité directe demeure en effet insuffisante. En outre, la collectivité, qui est, depuis 2014, une région ultrapériphérique, peut bénéficier à ce titre de fonds européens qui pourraient l’aider à rattraper son retard en équipements de base.
Pour ce faire, Mayotte a besoin d’une gouvernance solide et démocratique qui puisse prendre des décisions pragmatiques.
Il reste en effet énormément à réaliser sur le plan local en matière de développement. Il y a deux ans, m’étant rendu à Mayotte, j’ai été stupéfait d’y voir des hommes qui pêchaient dans des pirogues de manière artisanale et très peu de bateaux aptes à la pratique d’une pêche professionnelle. Des projets existent, mais quel dommage de voir à quel point le port de pêche et l’aquaculture manquent de moyens ! La réparation navale n’est pas mieux lotie. Au même moment, l’Europe aide des territoires voisins à s’équiper, à former leur population, à développer leurs industries de pêche.
Au-delà de cet exemple, il est clair que notre responsabilité est engagée. En mai 2015, j’ai décidé d’engager une coopération technique entre ma ville et celle de Sada. En effet, la mise en œuvre de la décentralisation est encore récente, puisqu’elle remonte à 2004, et les mairies ont une existence propre de moins de cinquante ans. Elles ont vraiment besoin d’être soutenues !
II va de soi que le conseil général va avoir à arbitrer des choix politiques pour assumer les futures évolutions. Le renforcer est une bonne chose.
En 2011, des bouleversements sociaux majeurs avaient accompagné la réforme des institutions. La profonde mutation du droit coutumier, la fin des missions traditionnelles des cadis ou encore la création d’un état civil s’ajoutent à la mise en place de la fiscalité de droit commun, depuis le 1er janvier 2014.
La contestation populaire a pointé les difficultés de « la vie chère » dont nous avons pu débattre ici. La collectivité et l’État doivent ainsi engager des actions prioritaires, en matière d’aménagement, d’assainissement, de protection de l’enfance et de soutien au développement. Là encore, la tâche est lourde !
Pour être pleinement efficace, l’action des pouvoirs publics locaux doit être adaptée aux préoccupations mahoraises, aux aspirations de la population et aux spécificités ultramarines. La collectivité unique de Mayotte exerçant tout à la fois les attributions d’un département et celles d’une région, il apparaît cohérent de s’inspirer du mode de scrutin applicable aux élections régionales, qui a démontré sa pertinence en métropole.
Pour gagner le pari de la croissance, Mayotte a besoin de légiférer avec une majorité stable. L’efficacité des politiques publiques exige de la continuité. Un renouvellement trop fréquent des élus freine les réformes structurelles, qui nécessitent du temps pour porter leurs fruits. Le texte proposé par notre collègue est à la mesure des défis socio-économiques à relever.
Connaissant les réalités de Mayotte pour y avoir été confronté sur place, je pense que ce texte répond au besoin de stabilité, d’une majorité forte au sein du conseil général de Mayotte.
Pour ma part, je soutiendrai sur cette proposition de loi, de même que certains de mes collègues du groupe UDI-UC. La grande majorité des membres du groupe estime, quant à elle, que le moment n’est pas opportun. Toutefois, je ne doute pas, madame la ministre, mes chers collègues, que l’heure opportune viendra !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, dont le premier signataire est notre collègue Thani Mohamed Soilihi, traite de l’un des multiples défis engendrés par une départementalisation mal préparée : celui de l’amélioration du cadre démocratique dans lequel doivent être menées les politiques publiques nécessaires pour assurer le développement de l’île.
Ce texte, composé d’un article unique, procède d’un vœu adopté à l’unanimité par le conseil général de Mayotte –devenu conseil départemental – et demandant l’application dans ce territoire du régime électoral en vigueur dans d’autres collectivités d’outre-mer.
La solution proposée consiste en un changement du mode de scrutin pour l’élection de l’assemblée délibérante du département via la modification d’un article du code électoral et l’introduction d’un nouveau, l’objectif affiché étant de garantir tout à la fois une majorité stable et une représentation de chacune des sensibilités de l’île.
Parce qu’il soulève la question de la représentativité des institutions à Mayotte, ce texte me paraît important. Il répond, en outre, à l’impérieuse nécessité de prendre en compte la grande diversité de la société mahoraise. L’élargissement de la base de représentation est une bonne réponse à cette complexité.
La départementalisation a largement été voulue par les Mahoraises et les Mahorais. À l’époque, mon groupe n’y était pas favorable pour des raisons tenant notamment à l’histoire de l’archipel des Comores et, surtout, au fait qu’il n’y avait pas eu de véritable débat démocratique avec la population. D’ailleurs, beaucoup reconnaissent aujourd’hui les limites des référendums quand ils se limitent à un vote pour le « oui » ou pour le « non »…
Cela étant, nous avons respecté ce vote, mais force est de constater aujourd’hui que cette départementalisation, et la façon dont elle a été conduite, augurent mal des solutions à trouver pour répondre aux nombreux défis auxquels Mayotte est aujourd’hui confrontée.
Cela provoque déjà des désillusions et une impatience qui se transforme en colère, la départementalisation ayant pu donner à croire que les conditions de vie de la population s’amélioreraient automatiquement et rapidement. On l’a bien vu lors des événements sociaux de septembre et d’octobre 2011 qui ont touché tous nos départements d’outre-mer et qui ont pris une ampleur particulière à Mayotte.
Les défis majeurs auxquels est confronté ce département tiennent, par exemple, à une croissance démographique qui a abouti à une multiplication par huit de la population en cinquante ans, à un manque d’équipements scolaires et à de réelles difficultés pour pourvoir l’ensemble des postes d’enseignant, aux problèmes budgétaires structurels des collectivités territoriales, qui ont des conséquences désastreuses pour l’économie mahoraise et l’accompagnement du processus de départementalisation, mais aussi au grave problème posé par l’immigration illégale, provenant majoritairement des autres îles des Comores.
Cette immigration se déroule dans des conditions humainement indignes et conduit à des situations malsaines de tension avec la population de Mayotte. Je pense tout particulièrement aux mineurs isolés, dont 4 300 ont été placés en centre de rétention en 2015. L’une des dernières traductions violentes de cette situation a été l’expulsion de leur domicile, en toute illégalité, de centaines de familles venues des Comores voisines.
C’est pourquoi l’une des priorités immédiates est de redéfinir une nouvelle politique de lutte contre l’immigration illégale qui prenne pleinement en compte le respect de la dignité humaine. Je souhaite vivement que cet élément devienne la boussole de la politique du Gouvernement en la matière et prenne le pas sur la fuite en avant sécuritaire actuellement pratiquée.
Je voudrais ici ouvrir une parenthèse. Si j’ai pu, ce matin, considérer comme positives les recommandations du rapport de la délégation sénatoriale à l’outre-mer sur le foncier concernant la Polynésie, je suis un peu plus réservée, cet après-midi, sur certaines des recommandations présentées pour Mayotte.
Il en est ainsi de la proposition n° 12 relative à la protection de la propriété privée et à la lutte contre les occupations clandestines. Sous réserve d’un complément d’information, il me semble que, dans le contexte actuel, ce type de propositions doit être manié avec précaution.
Les réponses appropriées à l’ensemble de ces défis ne sont certes pas simples à construire, car il faut resituer cette proposition de loi dans l’actualité d’un département où la situation économique, sociale et politique se dégrade profondément et pourrait même vite devenir incontrôlable.
Dans ces conditions, il est évident que, même si nous l’approuvons, ce texte très technique de modification d’un mode de scrutin est en décalage avec la gravité de la situation du département. Même s’il est utile, il ne peut être qu’une étape, qui n’aurait aucun sens si un ensemble de mesures fortes ne sont pas rapidement prises.
L’une des solutions pour prévenir une catastrophe annoncée passe notamment par l’accélération de la réalisation des six grands objectifs de développement contenus dans le plan « Mayotte 2025 », signé en juin 2015 entre le Premier ministre et les parlementaires de Mayotte en votre présence, madame la ministre. Je sais que vous veillerez particulièrement à ce que ces objectifs soient atteints, puisqu’ils touchent à ces domaines essentiels de la vie de nos compatriotes que sont la santé, l’éducation, le développement économique, l’environnement ou encore le logement et l’urbanisme.
Enfin, les solutions passent aussi, et de façon urgente, par l’instauration de relations beaucoup plus équilibrées avec le reste des îles de l’archipel des Comores.
C’est pourquoi une nouvelle politique de coopération, reposant sur des actions ciblées, doit être envisagée, afin de faire bénéficier les Comores de l’aide publique française au développement et de l’aider à surmonter ses propres difficultés.
Malgré les limites de cette proposition de loi, le groupe communiste républicain et citoyen la votera.
Applaudissements au banc de la commission. – M. Thani Mohamed Soilihi applaudit égaleme nt.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je serai bref, tout ayant déjà été dit qui justifie que nous examinions cette proposition de loi.
Notre rapporteur a permis, en proposant de fixer à trente-neuf le nombre des membres de l’assemblée délibérante de Mayotte, de parvenir à une mesure juste, se rapprochant de ce qui se pratique dans les autres territoires.
Vous avez évoqué, madame la ministre, la mise en œuvre du plan « Mayotte 2025 » et les réalisations dans le domaine scolaire et celui de la santé. On voit que les différents projets se mettent en place. Compte tenu de cette évolution, je suis de ceux qui pensent qu’il faut conforter chaque étape.
Aujourd’hui, c’est l’étape démocratique qu’il nous est proposé de conforter, en donnant plus de représentativité à l’assemblée et en imposant plus d’exigences aux structures de base. C’est une bonne chose, car sinon nous n’aurons jamais fini de faire la liste des points qu’il faudrait améliorer. Continuons d’y travailler, mais mettons d’ores et déjà sur pied la base démocratique qui paraît indispensable à la collectivité mahoraise. C’est cela que je voudrais retenir de notre débat.
Les choses sont en place : il suffit de prendre la décision, de vouloir. Nous devons à notre collègue Thani Mohamed Soilihi d’avoir fait en sorte d’arriver à un point de non-retour pour la démocratie à Mayotte. Voilà ce qui importe ! Si nous franchissons ce soir ce point de non-retour, les autres aspects se trouveront confortés.
Aujourd’hui, nous devons avancer ! C’est un très grand bond en avant qu’il nous est ici proposé de faire : nous pouvons l’accomplir, avec la certitude d’aller dans le bon sens et de voir ensuite toutes les autres avancées mahoraises s’appuyer sur ce nouveau contexte. C’est cela qu’il faut retenir, c’est cela qu’il faut savoir, c’est à cela que nous souscrivons, sans fléchir un seul moment dans notre conviction !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et de l’UDI -UC.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Le code électoral est ainsi modifié :
1° Le titre Ier du livre VI est ainsi modifié :
a) L’intitulé du chapitre Ier est ainsi rédigé : « Dispositions générales » ;
b) La division et l’intitulé des chapitres II et IV sont supprimés ;
c) Le chapitre III est abrogé ;
d) À la fin du 2° de l’article L. 475, le mot : « généraux » est remplacé par les mots : « à l’assemblée de Mayotte » ;
2° Le livre VI bis est ainsi modifié :
a) À la fin de l’intitulé, les mots : « et des conseillers à l’assemblée de Martinique » sont remplacés par les mots : «, des conseillers à l’assemblée de Martinique et des conseillers à l’assemblée de Mayotte » ;
b) Après le titre II, il est inséré un titre II bis ainsi rédigé :
« TITRE II BIS
« ÉLECTION DES CONSEILLERS À L’ASSEMBLÉE DE MAYOTTE
« CHAPITRE IER
« Composition de l’assemblée de Mayotte et durée du mandat
« Art. L. 558-9-1. – Les conseillers à l’assemblée de Mayotte sont élus pour six ans en même temps que les conseillers régionaux. Ils sont rééligibles.
« Art. L. 558-9-2. – Les conseillers à l’assemblée de Mayotte sont élus dans les conditions fixées au titre Ier du livre Ier du présent code et au présent livre.
« Art. L. 558-9-3. – L’assemblée de Mayotte est composée de trente-neuf membres.
« CHAPITRE II
« Mode de scrutin
« Art. L. 558-9-4. – Mayotte forme une circonscription électorale unique, composée de treize sections dont la délimitation est fixée conformément au tableau ci-après :
Section
Composition de la section
Nombre de siègesde la section
Section de Bandraboua
Villages de Bandraboua, Dzoumogne et Bouyouni de la commune de Bandraboua et villages de Longoni, Kangani et Trévani de la commune de Koungou
Section de Bouéni
Communes Bouéni et de Kani-Kéli et villages de Bambo Est, M’tsamoudou et de Dapani de la commune de Bandrele
Section de Dembeni
Communes de Dembeni et villages de Bandrele, Hamouro et Nyambadao de la commune de Bandrele
Section de Dzaoudzi
Communes de Dzaoudzi
Section de Koungou
Villages de Koungou, Majicavo-Koropa et Majicavo-Lamir de la commune de Koungou
Section de Mamoudzou-1
Villages de Passamainty, Tsoundzou 1, Tsoundzou 2 et Vahibé de la commune de Mamoudzou
Section de Mamoudzou-2
Villages de Mtsapere et Kavani de la commune de Mamoudzou
Section de Mamoudzou-3
Villages de Mamoudzou et Kaweni de la communede Mamoudzou
Section de Mtsamboro
Commune d’Acoua et de Mtsamboro et villages de Handrema et Mtsangamboua de la commune de Bandraboua
Section d’Ouangani
Communes de Chiconi et Ouangani
Section de Pamandzi
Commune de Pamandzi
Section de Sada
Commune de Chirongui et Sada
Section de Tsingoni
Communes de M’Tsangamouji et Tsingoni
« Art. L. 558-9-5. – Les conseillers à l’assemblée de Mayotte sont élus au scrutin de liste à deux tours, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l’ordre de présentation. Chaque liste est constituée de treize sections. Elle comprend un nombre de candidats égal au nombre de sièges dans chaque section, conformément au tableau figurant à l’article L. 558-9-4 augmenté de deux par section.
« Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés dans la circonscription un nombre de treize sièges, répartis dans chaque section conformément au tableau ci-après :
Section de Bandraboua
Section de Bouéni
Section de Dembeni
Section de Dzaoudzi
Section de Koungou
Section de Mamoudzou-1
Section de Mamoudzou-2
Section de Mamoudzou-3
Section de Mtsamboro
Section d’Ouangani
Section de Pamandzi
Section de Sada
Section de Tsingoni
« Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis au sein de chaque section, entre toutes les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés sur l’ensemble de la circonscription, au prorata des voix obtenues par chaque liste dans la section, à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne.
« Si aucune liste n’a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un second tour.
« Il est attribué à la liste qui a obtenu le plus de voix à ce second tour dans la circonscription un nombre de treize sièges, répartis dans chaque section conformément au tableau du présent article. En cas d’égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d’âge la plus élevée. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis au sein de chaque section entre toutes les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés au second tour sur l’ensemble de la circonscription, au prorata des voix obtenues par chaque liste dans la section, à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne.
« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l’attribution du dernier siège dans une section, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d’être proclamés élus.
« Les sièges sont attribués aux candidats dans l’ordre de présentation sur chaque section.
c) Le titre III est ainsi modifié :
- à la fin du dernier alinéa de l’article L. 558-11 et à la première et à la seconde phrase de l’article L. 558-13, les mots : « ou de Martinique » sont remplacés par les mots : «, de Martinique ou de Mayotte » ;
- à l’article L. 558-15, au premier alinéa de l’article L. 558-16, à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 558-17, au deuxième alinéa de l’article L. 558-18, au premier alinéa de l’article L. 558-32, à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 558-33 et à l’article L. 558-34, les mots : « ou à l’assemblée de Martinique » sont remplacés par les mots : «, à l’assemblée de Martinique ou à l’assemblée de Mayotte » ;
- à la fin du premier alinéa de l’article L. 558-18, les mots : « et conseiller à l’assemblée de Martinique » sont remplacés par les mots : «, conseiller à l’assemblée de Martinique et conseiller à l’assemblée de Mayotte » ;
- à la fin de l’article L. 558-28 et à l’intitulé du chapitre VII, les mots : « et des conseillers à l’assemblée de Martinique » sont remplacés par les mots : «, des conseillers à l’assemblée de Martinique et des conseillers à l’assemblée de Mayotte » ;
3° Les 1° et 2° du présent article s’appliquent à compter du prochain renouvellement général du conseil départemental de Mayotte suivant la promulgation de la présente loi.
Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
Je souhaite remercier tous ceux qui ont pris part à cette discussion, notamment Mme la ministre.
Cette proposition de loi, cela a été dit, n’a pas vocation à épuiser tous les sujets relatifs à Mayotte, qui sont en voie d’être traités par ailleurs.
En écoutant notre collègue Abdourahamane Soilihi, j’ai parfois eu l’impression que nous ne parlions pas du même texte. Mayotte est bien régie par l’article 73 de la Constitution ; nous voulons une amélioration de son régime dans le cadre de cet article.
Je suis le premier à avoir rappelé les défis que doit affronter Mayotte. Cette proposition de loi vise simplement à conférer des outils démocratiques et de représentation à notre collectivité départementale pour ce faire.
Les exigences constitutionnelles de représentativité sont respectées dans ce texte. La commission des lois, qui l’a adopté, y a bien entendu veillé de près.
Je suis rapporteur pour avis de la commission des lois pour le budget des outre-mer. Le président actuel du conseil départemental de Mayotte avait saisi l’ensemble des parlementaires de Mayotte pour demander que cette collectivité puisse bénéficier de la dotation globale de fonctionnement des régions. La commission des lois s’est emparée de cette question, avec l’appui de son président, Philippe Bas : il faut avancer pas à pas.
Enfin, je voudrais rappeler à mon collègue Abdourahamane Soilihi qu’il dispose du droit d’amendement. Pourquoi n’a-t-il pas déposé sur ce texte d’amendements reprenant les propositions qu’il a avancées durant la discussion générale ?
Renforcer le poids de la majorité, comme cela a été fait en Martinique, en Guyane ou en Polynésie française, me paraît absolument cohérent. Cette proposition de loi est tout à fait judicieuse.
Je voulais simplement apporter une précision à la suite des propos de M. Abdourahamane Soilihi.
Il est très facile de vérifier, mon cher collègue, que les dispositions de la proposition de loi, telle qu’amendée par la commission, sont strictement conformes à la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière d’écarts de représentativité. Nous n’allons absolument pas au-delà.
D’autres orateurs, telle Mme Assassi, ont évoqué les graves problèmes qui se posent à Mayotte, mais personne n’a porté un jugement négatif sur le contenu de cette proposition de loi, pour la bonne raison que tous les élus du conseil départemental de Mayotte demandent cette réforme.
Certes, il y a d’autres pas à faire, mais cela doit-il nous empêcher d’accomplir aujourd’hui ce « pas démocratique » ? Bien entendu, il nous restera encore, mes chers collègues, bien du travail devant nous !
Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi tendant à modifier le mode de scrutin pour l’élection du Conseil général de Mayotte.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 410 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Une fois encore, le résultat du scrutin n’est pas tout à fait à l’image du débat. En effet, plusieurs orateurs ont exprimé leur intérêt pour la proposition de loi déposée par M. Thani Mohamed Soilihi, dont je tiens à saluer le travail.
Nous sommes conscients de ce que beaucoup de travail reste à faire pour Mayotte. Bien des choses sont à revoir pour que nous puissions doter Mayotte du statut moderne qui lui est nécessaire, mais il est dommage que le Sénat n’ait pas saisi l’occasion de faire déjà un pas en avant.
Quoi qu’il en soit, sachez que le Gouvernement est déterminé à continuer de travailler avec les élus de tous bords pour faire en sorte que le statut de Mayotte évolue dans des conditions satisfaisantes, afin de mettre la collectivité en mesure de répondre aux enjeux d’aujourd’hui.
Puisque certains orateurs semblaient en douter, je tiens à redire que nous travaillons résolument pour sortir de l’ornière et faire avancer les choses. Pour ce qui est de l’école, notre effort en matière de construction de classes est incomparable à ce qui peut être accompli ailleurs. Nous savons bien que les besoins sont tels que, même si nous faisons beaucoup, nous sommes toujours quelque peu rattrapés par l’urgence.
Sachez en tout cas que l’examen de cette proposition de loi n’est qu’un moment : nous nous retrouverons pour travailler ensemble dans l’intérêt de Mayotte et des Mahorais. La détermination du Gouvernement est intacte. Je salue tous ceux qui, aujourd’hui, ont manifesté leur intérêt pour ce territoire et ses habitants. J’espère que nous pourrons revenir rapidement sur ce dossier, car Mayotte n’a pas de temps à perdre !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et de l’UDI-UC.
Mme la présidente. Mes chers collègues, cette séance était la dernière de Mme Michèle Kadi, directrice générale des missions institutionnelles, après trente-huit années passées au service de notre belle institution. C’est avec émotion que je tiens à vous remercier, madame, au nom de tous mes collègues et en mon nom personnel. Nous vous souhaitons le meilleur pour la suite.
Applaudissements.
Madame la ministre, mes chers collègues, aux termes du premier alinéa de l’article 28 de la Constitution, « le Parlement se réunit de plein droit en une session ordinaire qui commence le premier jour ouvrable d’octobre et prend fin le dernier jour ouvrable de juin ».
Je vais lever la dernière séance de la session ordinaire, qui sera close à minuit.
À partir de demain matin, le Parlement sera réuni en session extraordinaire.
Nous nous retrouverons lundi 4 juillet 2016, à seize heures et le soir, avec l’ordre du jour suivant :
- Ouverture de la session extraordinaire.
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (n° 691, 2015-2016) et proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte (n° 683 rectifié, 2015-2016) ;
Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 712, tomes I et II, 2015-2016) ;
Textes de la commission (nos 713 et 714, 2015-2016) ;
Avis de M. Daniel Gremillet, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 707, 2015-2016) ;
Avis de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n° 710, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.