Intervention de Cyril Pellevat

Réunion du 30 juin 2016 à 16h00
Gestion des risques en agriculture — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Cyril PellevatCyril Pellevat :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la notion d’aléa, ou de risque, est inhérente au métier d’agriculteur. La production agricole est naturellement soumise aux aléas climatiques, sanitaires, et est exposée aux fluctuations des marchés, surtout depuis les réformes successives de la politique agricole commune.

Qu’il soit climatique, sanitaire ou économique, le risque peut être limité ou compensé.

La proposition de loi qui nous est présentée vise à mettre en place des outils de gestion de ces risques, mais porte davantage sur la gestion de l’aléa économique.

En effet, les agriculteurs font face à la volatilité des marchés mondiaux des matières premières agricoles et à la variation des prix. Ces facteurs sont difficilement supportables pour les exploitants. Un agriculteur vendant une tonne de blé tel jour à tel prix peut découvrir le lendemain qu’elle a augmenté de 50 %. Est-ce son rôle d’être un trader ?

Tout le monde s’accorde sur la nécessité de sécuriser les revenus des agriculteurs. C’est ce qu’encourage cette proposition de loi, en prévoyant la mise en œuvre de l’instrument de stabilisation des revenus agricoles permise par la dernière réforme de la PAC 2014-2020.

Nous devons maintenant agir dans le cadre des réflexions menées sur la future PAC, qui n’entrera en vigueur qu’en 2021, pour construire un système de mutualisation du risque économique.

Au vu de l’absence d’ambition régulatrice de la PAC, nous devons réfléchir à des substituts, notamment à travers des outils assurantiels.

Une analyse des mécanismes qui existent déjà dans d’autres pays, tel le dispositif américain de prix garantis, ou canadien, ou encore espagnol, serait nécessaire.

En raison de l’actualité européenne, permettez-moi, mes chers collègues, de mentionner un autre risque qui vient d’être mis en lumière : le risque institutionnel.

À la suite du vote du 23 juin notifiant la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, il convient de s’interroger sur l’effet de cette décision sur les agriculteurs français et britanniques, ainsi que sur le budget européen, spécifiquement sur celui de la PAC.

L’incidence du Brexit sur l’agriculture française peut difficilement être évaluée et dépendra des négociations à venir, mais les fermes britanniques pourraient, elles, perdre de 17 000 à 34 000 euros, selon une étude du syndicat agricole majoritaire outre-Manche, le NFU, ce qui pourrait entraîner la faillite de 90 % des entreprises.

Concernant le budget européen, selon les chiffres de la Commission européenne, le Royaume-Uni a contribué à hauteur de 10, 5 % au budget global de l’Union européenne en 2014, mais d’après le think tank Farm Europe, il ne participe qu’à hauteur de 5 % au budget de la PAC. En termes de contribution nette, l’effet du Brexit sur le budget de la PAC serait donc limité à 5 %, soit 3 milliards d’euros par an.

L’incidence politique du Brexit pourrait être importante et pourrait permettre à la France de tirer profit de la situation. Le Royaume-Uni était traditionnellement le principal avocat d’une baisse du budget de la PAC, ainsi qu’un partisan d’une vision libérale de celle-ci. Le Brexit constituerait une opportunité pour réorienter la PAC vers une logique plus régulatrice.

Poser les bases d’un réel débat sur le devenir de notre politique agricole européenne, c’est l’un des objectifs de la proposition de loi qui nous est présentée, et qui est à saluer.

Néanmoins, je tiens à rappeler que nous avions débattu dans cette assemblée, en décembre et mars derniers, de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire de notre collègue Jean-Claude Lenoir. Pourquoi ne pas avoir apporté plus d’éléments sur la gestion des risques, notamment de l’aléa économique dans ce texte ?

Concernant cet aléa, la proposition de loi précitée contenait des dispositions pertinentes puisque le Gouvernement en a repris plusieurs. Je regrette, chers collègues du groupe socialiste et républicain, que vous n’ayez pas souhaité plus y prendre part et que vous ayez préféré élaborer une proposition de résolution puis une proposition de loi.

En outre, le rapporteur de cette nouvelle proposition de loi, Jean-Jacques Lasserre, que je salue et remercie de ses travaux, pilote un groupe de travail sur la gestion des risques climatiques en agriculture. Il aurait été intéressant d’attendre la conclusion de celui-ci.

Je m’abstiendrai pour ces raisons, mais je souhaite que ces travaux parlementaires soient complémentaires et permettent l’approfondissement du débat pour qu’en sortent des solutions concrètes.

Avant de conclure, permettez-moi de rappeler quelques difficultés dont m’ont fait part des agriculteurs de mon département.

Bien que ces derniers bénéficient d’outils de prise en charge des aléas climatiques, environnementaux et sanitaires, via le Fonds national de gestion des risques en agriculture et l’outil fiscal qu’est la déduction pour aléas, certaines difficultés subsistent, notamment pour ce qui concerne les maraîchers, dont les surfaces de production sont limitées.

Il se pose un problème de coût, tout d’abord. Le coût de l’assurance étant trop élevé, certains maraîchers m’indiquent qu’ils ne peuvent pas assurer leurs parcelles.

En outre, le système d’assurance fonctionne sur une unité de base d’un hectare. Lorsqu’un hectare d’une même culture est endommagé, l’agriculteur est indemnisé. Toutefois, la situation s’avère problématique pour les maraîchers, puisqu’ils pratiquent généralement plusieurs cultures sur un même hectare.

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