Madame la présidente, madame la ministre, monsieur l’auteur de la proposition de loi, monsieur le rapporteur, chers collègues, la collectivité de Mayotte a été la première à se voir dotée des attributions à la fois du conseil départemental et du conseil régional, en mars 2011. Quarante ans après le refus de l’indépendance et après des années de transformation lente et complexe des institutions, beaucoup regrettent que la mise en place de politiques sociales et sanitaires solides ait tant tardé.
Nous le savons, les défis, à Mayotte, sont de taille. L’accroissement démographique y est très fort, ce qui fait de Mayotte le département le plus jeune de France. Malheureusement, la jeunesse connaît de grandes difficultés pour s’insérer sur le marché du travail : le taux de chômage dans l’île, qui atteint 36, 6 %, est le plus fort de tous les départements français, ce qui a pour conséquence inévitable la persistance d’une grande pauvreté, puisque 84 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.
La situation sanitaire n’est pas meilleure, comme le montre bien le bilan de l’Agence régionale de santé océan Indien publié il y a quelques jours : l’île est le plus grand désert médical de France, avec 98 médecins généralistes pour 100 000 habitants, contre 339 dans l’Hexagone. Certaines spécialités médicales y sont même absentes. Mayotte n’a qu’un seul centre hospitalier, évidemment complètement saturé : selon la CGT Mayotte santé, il y aurait 900 malades pour seulement 300 lits !
Nous comprenons bien que les flux migratoires très importants que connaît l’île sont difficilement maîtrisables, mais l’action publique en la matière s’est jusqu’à présent surtout résumée à renforcer les moyens des forces de sécurité et à accélérer les reconduites à la frontière. Il manque encore une réflexion permettant de lancer une politique d’immigration légale. Face aux flux migratoires massifs, cette question, qui se pose d’ailleurs aussi à l’échelle de l’Union européenne et de la France, doit enfin être abordée avec l’objectif d’élaborer une politique d’immigration. En attendant, des centaines d’adultes et d’enfants vivent dans la rue, dans des conditions déplorables, et de nombreuses associations, comme Médecins du monde, alertent sur la situation sanitaire dramatique de l’île, au bord d’une crise sans précédent.
Au-delà des nécessaires coordinations avec des partenaires régionaux et de la mise en œuvre par l’État d’une politique de développement de ce département, il est indispensable de mettre en place au niveau local des politiques publiques concertées et coordonnées, dans l’intérêt de toute la population mahoraise, particulièrement diverse.
La proposition de loi de notre collègue Thani Mohamed Soilihi, qui tend à modifier le mode de scrutin pour l’élection au conseil départemental de Mayotte, va dans ce sens. Dans sa version issue des travaux de la commission, elle répond à plusieurs problèmes.
En premier lieu, le nombre de conseillers est trop faible, comparé à celui d’autres collectivités : Mayotte a pour l’instant vingt-six conseillers pour 217 000 habitants, alors que la Guyane, par exemple, également devenue collectivité unique l’année dernière, compte cinquante et un conseillers pour un peu moins de 250 000 habitants. Cet écart n’est pas justifié, et la croissance démographique très soutenue le creuse encore. Augmenter le nombre de conseillers pour le porter à trente-neuf paraît une bonne chose. Cela permettrait de renforcer la représentativité des élus, car, nous le savons, Mayotte est un territoire riche de sa diversité. De la même manière, l’attribution du même nombre de sièges à toutes les sections du territoire, répartis au prorata des voix obtenues dans chaque section, est également une très bonne chose.
En second lieu, le texte tend à remédier au problème posé par l’absence de programme politique précis et, partant, de majorité solide, stable pour le mettre en œuvre. Des politiques structurelles, de moyen et long termes, ne peuvent être mises en place que si les élus locaux sont rassemblés autour de lignes politiques claires, ce qui permet aux électeurs de voter en toute connaissance de cause.
Cette proposition de loi, si elle est votée, permettra d’aller vers une plus grande clarification du débat politique en mettant en place un scrutin de liste, à l’occasion duquel se confronteront des propositions et des projets lisibles pour les électeurs et portés par plusieurs élus. Nous soutenons donc une telle évolution.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe écologiste est très favorable à cette proposition de loi, qui met le doigt sur un problème structurel. Son adoption aura des effets concrets et positifs en termes de mise en œuvre de politiques locales indispensables au vu des enjeux.
Nous voterons donc en faveur de l’adoption de cette proposition de loi, en ayant bien à l’esprit que les enjeux dépassent les clivages partisans. Il s’agit d’améliorer le système démocratique local en donnant plus de représentativité aux élus, plus de lisibilité aux projets portés par les différentes listes, plus de stabilité à l’exécutif. Évidemment, ce texte ne résoudra pas tout : les difficultés restent considérables et les financements insuffisants, en dépit de la mise en œuvre du plan « Mayotte 2025 », mais cette proposition de loi représente une avancée. Nous espérons avoir l’occasion de revenir dans le détail sur ces sujets lors de travaux législatifs ultérieurs, notamment lors du débat budgétaire, à l’automne.