Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, dont le premier signataire est notre collègue Thani Mohamed Soilihi, traite de l’un des multiples défis engendrés par une départementalisation mal préparée : celui de l’amélioration du cadre démocratique dans lequel doivent être menées les politiques publiques nécessaires pour assurer le développement de l’île.
Ce texte, composé d’un article unique, procède d’un vœu adopté à l’unanimité par le conseil général de Mayotte –devenu conseil départemental – et demandant l’application dans ce territoire du régime électoral en vigueur dans d’autres collectivités d’outre-mer.
La solution proposée consiste en un changement du mode de scrutin pour l’élection de l’assemblée délibérante du département via la modification d’un article du code électoral et l’introduction d’un nouveau, l’objectif affiché étant de garantir tout à la fois une majorité stable et une représentation de chacune des sensibilités de l’île.
Parce qu’il soulève la question de la représentativité des institutions à Mayotte, ce texte me paraît important. Il répond, en outre, à l’impérieuse nécessité de prendre en compte la grande diversité de la société mahoraise. L’élargissement de la base de représentation est une bonne réponse à cette complexité.
La départementalisation a largement été voulue par les Mahoraises et les Mahorais. À l’époque, mon groupe n’y était pas favorable pour des raisons tenant notamment à l’histoire de l’archipel des Comores et, surtout, au fait qu’il n’y avait pas eu de véritable débat démocratique avec la population. D’ailleurs, beaucoup reconnaissent aujourd’hui les limites des référendums quand ils se limitent à un vote pour le « oui » ou pour le « non »…
Cela étant, nous avons respecté ce vote, mais force est de constater aujourd’hui que cette départementalisation, et la façon dont elle a été conduite, augurent mal des solutions à trouver pour répondre aux nombreux défis auxquels Mayotte est aujourd’hui confrontée.
Cela provoque déjà des désillusions et une impatience qui se transforme en colère, la départementalisation ayant pu donner à croire que les conditions de vie de la population s’amélioreraient automatiquement et rapidement. On l’a bien vu lors des événements sociaux de septembre et d’octobre 2011 qui ont touché tous nos départements d’outre-mer et qui ont pris une ampleur particulière à Mayotte.
Les défis majeurs auxquels est confronté ce département tiennent, par exemple, à une croissance démographique qui a abouti à une multiplication par huit de la population en cinquante ans, à un manque d’équipements scolaires et à de réelles difficultés pour pourvoir l’ensemble des postes d’enseignant, aux problèmes budgétaires structurels des collectivités territoriales, qui ont des conséquences désastreuses pour l’économie mahoraise et l’accompagnement du processus de départementalisation, mais aussi au grave problème posé par l’immigration illégale, provenant majoritairement des autres îles des Comores.
Cette immigration se déroule dans des conditions humainement indignes et conduit à des situations malsaines de tension avec la population de Mayotte. Je pense tout particulièrement aux mineurs isolés, dont 4 300 ont été placés en centre de rétention en 2015. L’une des dernières traductions violentes de cette situation a été l’expulsion de leur domicile, en toute illégalité, de centaines de familles venues des Comores voisines.
C’est pourquoi l’une des priorités immédiates est de redéfinir une nouvelle politique de lutte contre l’immigration illégale qui prenne pleinement en compte le respect de la dignité humaine. Je souhaite vivement que cet élément devienne la boussole de la politique du Gouvernement en la matière et prenne le pas sur la fuite en avant sécuritaire actuellement pratiquée.
Je voudrais ici ouvrir une parenthèse. Si j’ai pu, ce matin, considérer comme positives les recommandations du rapport de la délégation sénatoriale à l’outre-mer sur le foncier concernant la Polynésie, je suis un peu plus réservée, cet après-midi, sur certaines des recommandations présentées pour Mayotte.
Il en est ainsi de la proposition n° 12 relative à la protection de la propriété privée et à la lutte contre les occupations clandestines. Sous réserve d’un complément d’information, il me semble que, dans le contexte actuel, ce type de propositions doit être manié avec précaution.
Les réponses appropriées à l’ensemble de ces défis ne sont certes pas simples à construire, car il faut resituer cette proposition de loi dans l’actualité d’un département où la situation économique, sociale et politique se dégrade profondément et pourrait même vite devenir incontrôlable.
Dans ces conditions, il est évident que, même si nous l’approuvons, ce texte très technique de modification d’un mode de scrutin est en décalage avec la gravité de la situation du département. Même s’il est utile, il ne peut être qu’une étape, qui n’aurait aucun sens si un ensemble de mesures fortes ne sont pas rapidement prises.
L’une des solutions pour prévenir une catastrophe annoncée passe notamment par l’accélération de la réalisation des six grands objectifs de développement contenus dans le plan « Mayotte 2025 », signé en juin 2015 entre le Premier ministre et les parlementaires de Mayotte en votre présence, madame la ministre. Je sais que vous veillerez particulièrement à ce que ces objectifs soient atteints, puisqu’ils touchent à ces domaines essentiels de la vie de nos compatriotes que sont la santé, l’éducation, le développement économique, l’environnement ou encore le logement et l’urbanisme.
Enfin, les solutions passent aussi, et de façon urgente, par l’instauration de relations beaucoup plus équilibrées avec le reste des îles de l’archipel des Comores.
C’est pourquoi une nouvelle politique de coopération, reposant sur des actions ciblées, doit être envisagée, afin de faire bénéficier les Comores de l’aide publique française au développement et de l’aider à surmonter ses propres difficultés.
Malgré les limites de cette proposition de loi, le groupe communiste républicain et citoyen la votera.