Intervention de Philippe Bas

Réunion du 4 juillet 2016 à 16h00
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - orientation et protection des lanceurs d'alerte — Article 6 A

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, président de la commission des lois :

Nous abordons les dispositions relatives aux lanceurs d’alerte. Si vous le permettez, je voudrais dire un mot de l’esprit qui a animé les travaux de la commission.

Monsieur le ministre, nous ne sommes pas éloignés sur le plan intellectuel. Comme vous, nous cherchons l’équilibre ! Nous ne trouvons certes pas le même point d’équilibre, mais c’est déjà un bon début.

Les lanceurs d’alerte jouent un rôle très utile dans notre société. Ils ne se résument pas à ceux qui ont alerté la presse pour des fraudes massives ou des délits très graves. La pratique de l’alerte peut rester confidentielle, l’important étant qu’elle aboutisse.

Notre souci de protection des lanceurs d’alerte est légitime. Mais elle ne va pas sans le souci concomitant de protéger ceux qui peuvent faire l’objet de dénonciations abusives, de calomnies ou de diffamation.

Souvenons-nous, mes chers collègues, des propos du président François Mitterrand aux obsèques de Pierre Bérégovoy, lorsqu’il fustigeait ceux qui, dans les médias, avaient jeté l’honneur d’un homme en pâture aux chiens. Cette forte intervention du président François Mitterrand était parfaitement justifiée par l’emballement qui s’empare parfois des médias dans des affaires de corruption, pour lesquelles il n’y a en réalité pas matière à poursuites ou à condamnation.

Soyons attentifs. Nous sommes les gardiens d’intérêts multiples : celui du lanceur d’alerte, qu’il convient évidemment de protéger, mais aussi celui des victimes d’éventuelles dénonciations abusives.

C’est la raison pour laquelle notre recherche d’équilibre nous a conduits à définir un cadre plus précis de l’alerte et du lanceur d’alerte, afin d’assurer la conformité à la loi et de garantir la défense des intérêts contradictoires.

Une définition de l’alerte doit être donnée. Elle doit être précise : des crimes, des délits, une violation grave et manifeste de la loi, et non pas un simple manquement. Cela signifie également qu’un lanceur d’alerte doit démontrer sa bonne foi en passant d’abord par l’employeur, par la hiérarchie administrative, par le référent éventuellement désigné par l’employeur. À défaut, il doit passer par l’autorité administrative, par l’autorité judiciaire ou par l’ordre professionnel. Il faut laisser le temps de réagir à ces institutions – le délai est de trois mois –, sauf dans les cas où il existe un risque de dommages graves et irréversibles.

Enfin, nous n’avons pas permis à des syndicats, à des associations agréées ou au Défenseur des droits de recevoir l’alerte, parce que ces institutions n’ont pas compétence à cet égard et qu’elles ne disposent pas des moyens de faire prospérer cette alerte autrement qu’en prenant à témoin l’opinion publique.

Nous voulons donner sa chance à l’alerte, qui va entraîner une réaction sans qu’il soit toujours besoin de passer par la prise à témoin de l’opinion publique.

Telle est l’économie générale de notre travail. Nous avons également considéré – nous y reviendrons – qu’il n’appartenait pas au Défenseur des droits, qui ne le réclame pas, d’apporter un dédommagement préalable au lanceur d’alerte, alors qu’une procédure judiciaire permettra de déterminer si l’alerte avait été donnée de bonne foi et si un préjudice doit être reconnu en faveur du lanceur d’alerte.

Ne créons pas une inégalité fondamentale entre justiciables, certains d’entre eux étant pris en charge et recevant un acompte sur leurs dommages par le Défenseur des droits quand d’autres n’auraient comme recours que l’aide juridictionnelle.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion