Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 4 juillet 2016 à 21h30
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - orientation et protection des lanceurs d'alerte — Article 6 A

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

En complément de ce que notre collègue Patrick Abate a excellemment indiqué avant la suspension, je développerai simplement trois idées.

Premièrement, la notion de lanceur d’alerte, qui est parfois présentée comme quelque chose d’un peu virtuel, renvoie à des situations très concrètes. En pratique, les lanceurs d’alerte s’exposent à des représailles de tous ordres, qui peuvent aller du licenciement abusif à la diffamation, en passant par la mise au placard ou les sanctions disciplinaires. Malheureusement, l’actualité fournit de nombreux exemples à l’appui de ce constat ; je ne vais pas les énumérer de nouveau ici.

Faute d’une législation protectrice, les salariés sont démunis face à l’alerte. C’est donc une bonne chose que des procédures se mettent en place, avec des interlocuteurs connus.

Selon un sondage réalisé par Transparency International au mois de novembre dernier, les personnes garderaient le silence face à des actes de corruption par peur des représailles dans 39 % des cas et par conviction qu’il ne serait donné aucune suite à une alerte dans 40 % des cas.

De plus, une large majorité des salariés français ne savent pas à qui s’adresser pour mettre fin à de telles pratiques. La création de l’Agence de prévention de la corruption leur apporte une réponse concrète.

Deuxièmement, je crois que la commission a raison de garder en tête le risque de fausse alerte, de diffamation ou de rumeur infondée. Oui, ce risque existe. Mais je pense que nous pouvons faire confiance à l’agence pour agir avec discernement ; les moyens dont elle disposera lui permettront de séparer le bon grain de l’ivraie.

Troisièmement, Antoine Deltour a été condamné parce qu’il a enfreint le droit luxembourgeois. Le secret bancaire est une disposition légale au Luxembourg. La législation des États évolue avec l’histoire. Peut-être sera-t-il reconnu demain qu’Antoine Deltour a rendu service à l’intérêt général. C’est fondamentalement ce que je pense. Le système de l’apartheid était légal en Afrique du Sud depuis 1948 et jusqu’à 1991 ; contester ou dénoncer ce système, c’était enfreindre la loi. De même, l’esclavage fut légal en son temps. Laissons donc à la loi le temps d’évoluer.

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