La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente.
Article 6 A
Cet article, qui concerne la protection des lanceurs d’alerte, donne tout son sens au projet de loi.
À ce jour, cinq textes portent déjà sur l’alerte. Chacun s’accorde à constater qu’ils ont tous des imperfections et ne couvrent pas tous les champs, même si leur périmètre est vaste. Pire, devant un tribunal, la mosaïque qu’ils forment et l’imprécision de certains termes peut laisser des arguments aux avocats qui voudraient obtenir condamnation du lanceur d’alerte.
Vouloir établir un socle commun en précisant les procédures adaptables selon les cas est donc une ambition qui honore les auteurs de ce projet de loi, dont vous-même, monsieur le ministre.
Il me semble que cette définition est prévue pour être exhaustive. Elle doit donc pouvoir couvrir les fuites financières comme les fuites de benzène. Or beaucoup de descriptions du lanceur d’alerte présentées par nos collègues oublient ces fuites. On dirait que tous les lanceurs d’alerte sont sortis de Bercy ! Cela pose problème, sauf à prévoir que d’autres parties du code pénal traitent des autres types de lanceurs d’alerte.
Le Conseil d’État a bien éclairé le sujet. Je suis heureuse qu’il ait reconnu la qualité des dispositions introduites par la loi relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, adoptée en 2013 sur mon initiative.
Permettez-moi de me livrer à un petit règlement de comptes. Monsieur le ministre, à l’époque, vous aviez quelque peu érodé ce texte en pesant de tout votre poids pour que le droit à la formation spécifique des membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT, en cas d’alerte soit supprimé par l’Assemblée nationale. Dommage ! C’était une proposition de la commission des affaires sociales du Sénat.
J’ai également noté que, lors de la présentation d’un amendement visant à ajouter la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement à la liste des autorités indépendantes susceptibles d’être destinataires d’une alerte à l’Assemblée nationale, vous aviez quelque peu persiflé sur la non-existence de cette instance. Vous avez raison : elle n’existe pas ! Mais quand on persifle, c’est soit que l’on en veut à un ennemi – or nous sommes partenaires, puisque nous ramons dans le même sens –, soit que l’on veut souligner la défaillance de l’autre. Or qui est défaillant ?
Sur les vingt-cinq membres que doit compter cette commission, vingt-trois ont été nommés. Les deux seuls membres qui n’ont pas été nommés doivent l’être par le Gouvernement. Pourquoi ne veut-on pas installer cette commission ? Gêne-t-elle quelques grandes firmes pharmaceutiques ? La loi est votée, et les décrets sont pris. Il ne manque plus que ces deux nominations.
En complément de ce que notre collègue Patrick Abate a excellemment indiqué avant la suspension, je développerai simplement trois idées.
Premièrement, la notion de lanceur d’alerte, qui est parfois présentée comme quelque chose d’un peu virtuel, renvoie à des situations très concrètes. En pratique, les lanceurs d’alerte s’exposent à des représailles de tous ordres, qui peuvent aller du licenciement abusif à la diffamation, en passant par la mise au placard ou les sanctions disciplinaires. Malheureusement, l’actualité fournit de nombreux exemples à l’appui de ce constat ; je ne vais pas les énumérer de nouveau ici.
Faute d’une législation protectrice, les salariés sont démunis face à l’alerte. C’est donc une bonne chose que des procédures se mettent en place, avec des interlocuteurs connus.
Selon un sondage réalisé par Transparency International au mois de novembre dernier, les personnes garderaient le silence face à des actes de corruption par peur des représailles dans 39 % des cas et par conviction qu’il ne serait donné aucune suite à une alerte dans 40 % des cas.
De plus, une large majorité des salariés français ne savent pas à qui s’adresser pour mettre fin à de telles pratiques. La création de l’Agence de prévention de la corruption leur apporte une réponse concrète.
Deuxièmement, je crois que la commission a raison de garder en tête le risque de fausse alerte, de diffamation ou de rumeur infondée. Oui, ce risque existe. Mais je pense que nous pouvons faire confiance à l’agence pour agir avec discernement ; les moyens dont elle disposera lui permettront de séparer le bon grain de l’ivraie.
Troisièmement, Antoine Deltour a été condamné parce qu’il a enfreint le droit luxembourgeois. Le secret bancaire est une disposition légale au Luxembourg. La législation des États évolue avec l’histoire. Peut-être sera-t-il reconnu demain qu’Antoine Deltour a rendu service à l’intérêt général. C’est fondamentalement ce que je pense. Le système de l’apartheid était légal en Afrique du Sud depuis 1948 et jusqu’à 1991 ; contester ou dénoncer ce système, c’était enfreindre la loi. De même, l’esclavage fut légal en son temps. Laissons donc à la loi le temps d’évoluer.
Tout d’abord, nous ne sommes pas là pour légiférer sur ce qui se passe au Luxembourg.
Les condamnations qui ont été prononcées au Luxembourg sont scandaleuses. Mais le fait que des pratiques de ce genre y soient légales l’est encore plus ! Comme le déclarait notre ancien collègue Jean Arthuis à propos du président de la Commission européenne, Jean-Claude Junker : « Le matin, il nous fait la leçon, et l’après-midi, il nous fait les poches. »
Monsieur le ministre, je ne voudrais pas être méchant – ce n’est pas dans ma nature –, mais, franchement, l’urgence n’est pas de pondre un texte sur les lanceurs d’alerte. L’urgence, c’est de faire cesser le scandale permanent d’une Europe qui vit sur ces pratiques !
Je ne vous fais pas de dessin.
Concernant les lanceurs d’alerte à proprement parler, il me paraît un peu difficile d’autoriser des pratiques illégales.
Qu’est-ce qu’un lanceur d’alerte ? C’est une personne qui, par sa profession, a des informations que les autres n’ont pas et qui est en situation de dépendance, d’une manière ou d’une autre. Il s’agit donc de lui assurer l’immunité.
Le hasard faisant bien les choses, un arrêt récent de la Cour de cassation précise le périmètre de l’alerte : il s’agit de conduites ou d’actes illicites constatés sur le lieu de travail et susceptibles de caractériser une infraction pénale. Il me semble difficile de sortir de ce cadre.
Pour le reste, les lanceurs d’alerte sont effectivement en avance, mais les révolutionnaires le sont toujours !
Sourires.
L'amendement n° 309, présenté par MM. Anziani et Guillaume, Mme Espagnac, MM. Yung, Marie et Sueur, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Un lanceur d'alerte est une personne qui signale ou révèle, de bonne foi, une information relative à un crime, un délit, un manquement au droit en vigueur, une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général.
La parole est à M. Alain Anziani.
Les suspensions de séance ont beaucoup d’intérêt. Elles permettent de réfléchir aux paroles qui ont été prononcées.
Quand j’écoute M. le rapporteur et M. le président de la commission des lois, je me dis qu’ils ont raison et que nous partageons la même ambition. Mais quand je lis leurs textes, je vois les choses différemment, et je réalise que ça ne va pas.
La commission nous explique que, selon sa définition, un lanceur d’alerte est une personne qui dénonce un crime ou un délit, et un peu plus, mais juste un peu plus. Mais s’il s’agit seulement de dénoncer un crime, inutile d’instituer un droit d’alerte et de protéger les lanceurs d’alerte. L’article 434-1 du code pénal, aux termes duquel le fait de ne pas dénoncer un crime est passible d’une peine de prison, suffirait. Comme cela a été expliqué à plusieurs reprises, si l’on veut instituer un statut du lanceur d’alerte, c’est pour aller plus loin.
Mes chers collègues, je vous demande de ne pas avoir la main qui tremble. Voulons-nous une définition du lanceur d’alerte en retrait par rapport à tout ce que nous connaissons ?
Dans sa recommandation du 30 avril 2014, le Conseil de l’Europe invite les États membres à disposer d’un cadre normatif, institutionnel et judiciaire pour « protéger les personnes qui, dans le cadre de leurs relations de travail, font des signalements ou révèlent des informations concernant des menaces ou un préjudice pour l’intérêt général. » Nous sommes nettement en deçà.
Dans une note du 18 septembre 2015, les Nations unies précisaient que le lanceur d’alerte est une personne qui « dévoile des informations qu’elle a des motifs raisonnables de croire véridiques au moment où elle procède à leur divulgation et qui portent sur des faits dont elle juge qu’ils constituent une menace ou un préjudice pour un intérêt général ».
Mes chers collègues, voulez-vous que nous soyons constamment en retrait de tout ce qui se passe dans le monde, quitte à donner un piètre exemple ? Voulez-vous que le Sénat apparaisse une nouvelle fois comme le grand timoré de la République, celui qui fait deux pas en avant et trois pas en arrière ? Il y va de l’image de notre Haute Assemblée. Ne donnons pas cette impression d’un Sénat qui a peur de toute innovation !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Le Sénat n’a pas peur. Il fait preuve de mesure, recherche l’équilibre, réfléchit et se pose en rempart de certaines libertés.
Encore une fois, il faut trouver une définition qui permette de protéger les lanceurs d’alerte, mais sans négliger qu’une définition mal rédigée ou un dispositif défaillant feraient des victimes collatérales.
Nous avons le devoir de trouver une définition. Des conceptions se heurtent. Peut-être n’aboutirons-nous pas aujourd'hui.
Votre proposition est contraire à la position de la commission. Vous définissez comme lanceur d’alerte toute personne dénonçant un manquement au droit en vigueur. Mais qu’est-ce que le droit en vigueur ? Est-ce que cela inclut les conventions internationales rectifiées, la Convention internationale des droits de l’enfant, la coutume internationale ? La définition de la commission précise que le lanceur d’alerte dénonce la violation d’une loi ou d’un règlement. Il s’agit bien du droit en vigueur, mais c’est clairement défini.
Votre amendement vise à élargir encore la définition du lanceur d’alerte à la dénonciation de « menace ou préjudice graves pour l’intérêt général ». C’est tout de même ouvrir une faille. Comment interpréter le mot « menace » ? Il n’est pas certain que votre définition, en étant trop peu précise, protège vraiment les lanceurs d’alerte. Qu’est-ce que les juges considéreront comme une menace ? Votre définition est plus large, mais celle de la commission est plus protectrice pour les victimes et les lanceurs d’alerte.
De plus, de la définition du lanceur d’alerte naît une irresponsabilité pénale. Or on ne peut pas faire reposer un tel effet juridique sur une définition aussi imprécise. Au demeurant, la jurisprudence constitutionnelle, qui est particulièrement exigeante en matière pénale, risque, je le crains, de trouver votre texte insuffisamment précis.
La commission propose une définition faisant référence à une « violation grave et manifeste de la loi ou du règlement », de l’intérêt général et de la bonne foi du lanceur d’alerte. Tous ces éléments visent à préserver les lanceurs d’alerte. Chacun peut avoir de la sympathie pour ces derniers. Mais les exemples que je vous ai donnés et que je pourrais multiplier à l’envi montrent qu’il y a un problème. N’adoptons pas une loi que nous serons obligés de réécrire dans cinq ans parce que trois ou quatre personnes n’étant pas de vrais lanceurs d’alerte auront mis au tapis des entreprises importantes et fait supprimer deux cents ou trois cents emplois !
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
J’ai une difficulté. Je présenterai dans quelques instants un amendement tendant à réécrire l’alinéa 1er. L’amendement n° 309, qui vise à réécrire l’ensemble de l’article, est logiquement présenté avant. Mais il ne m’est pas possible de m’y opposer, ce que je voudrais faire, sans défendre mon amendement, qui me paraît mieux convenir aux objectifs de M. Anziani.
L’idéal serait que M. Anziani rectifie son amendement pour l’inclure dans la série d’amendements en discussion commune.
Je suis donc saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 309 rectifié, présenté par MM. Anziani et Guillaume, Mme Espagnac, MM. Yung, Marie et Sueur, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
Un lanceur d'alerte est une personne qui signale ou révèle, de bonne foi, une information relative à un crime, un délit, un manquement au droit en vigueur, une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général.
Cet amendement a été précédemment défendu.
L'amendement n° 417, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
Un lanceur d'alerte est une personne physique ou morale qui signale, dans l'intérêt général, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime, un délit ou une violation grave et manifeste des droits fondamentaux, de la loi et du règlement, dont elle a eu personnellement connaissance.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
La définition du lanceur d’alerte est extrêmement attendue, car la législation est aujourd'hui totalement disparate, fragmentée et éclatée. Il y a beaucoup d’hésitations sur le lanceur d’alerte, comme sur l’action de groupe, parce que ce sont des procédures qui heurtent notre conception juridique habituelle.
La rédaction que je vous propose intègre d’autres éléments que ceux qui ont été signalés précédemment. Je pense donc que c’est la meilleure.
L'amendement n° 646, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
Le lanceur d’alerte est une personne physique qui, de manière désintéressée et de bonne foi, signale un crime, un délit, une violation grave ou manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement ou un risque ou un préjudice grave pour l’intérêt général, dont il a eu personnellement connaissance.
La parole est à M. le ministre.
La définition du lanceur d’alerte est l’un des points les plus importants de cette partie du projet de loi, car elle conditionne l’application des autres dispositions. Si le dispositif est trop restreint, des gens que nous considérerions de bonne foi comme des lanceurs d’alerte n’auraient pas cette qualification devant un juge ; s’il est trop large – c’est la préoccupation de la commission –, il risque d’englober des personnes qu’aucun d’entre nous ne verrait comme des lanceurs d’alerte. Il faut donc bien calibrer les choses.
M. Collombat nous a rappelé, avec sa fougue habituelle, que nous ne légiférions pas au Luxembourg. Heureusement ! De même, le Luxembourg ne légifère pas en France. Permettez-moi d’ajouter, car j’ai cru entendre comme une invitation à agir à l’échelon européen, qu’une directive a été adoptée !
Il y a sûrement des tas de choses à faire en plus… Mais cette directive est appliquée dans l’ensemble des pays, dont la France, permettant la transparence entre les administrations fiscales.
Si ! La transparence règle le problème du paiement de l’impôt. Si des situations de type LuxLeaks avaient perduré, elles seraient connues de l’administration française, qui, considérant qu’il n’y avait pas d’imposition réelle au Luxembourg, aurait imposé en France les bénéfices réalisés dans notre pays. Comme le montrent plusieurs événements récents dans la vie judiciaire et fiscale de certaines grandes entreprises, le dispositif fonctionne. Les faits révélés à l’occasion des LuxLeaks n’ont plus cours, mais ces situations ont bien existé.
Ce que nous souhaitons, c’est qu’une situation de cette nature ne puisse pas exister, non pas au Luxembourg, mais en France. Est-ce que M. Deltour serait ou non un lanceur d’alerte en France ? C’est la question que je pose.
Monsieur le rapporteur, le texte de la commission prévoit que le lanceur d’alerte doit signaler une violation grave et manifeste de la loi ou du règlement. Certes, ce n’est pas forcément un crime ou un délit. Mais, sauf à ce que vous parveniez à me convaincre du contraire, et avec moi une partie de vos collègues dans cet hémicycle, cela suppose tout de même qu’une loi a été transgressée par l’entreprise.
Au Luxembourg, dans le cas de LuxLeaks, la loi n’a pas été transgressée par les entreprises. C’est précisément parce que les conséquences de la loi luxembourgeoise sont apparues tellement contraires à l’intérêt général que M. Deltour a considéré qu’il était de son devoir de les faire connaître à l’extérieur. Votre définition ne couvre pas ce cas.
Je rejoins donc en grande partie les propositions de Mme Goulet, et peut-être de beaucoup d’autres, en suggérant une définition du lanceur d’alerte qui retienne une référence explicite à la norme internationale – d’aucuns objecteront qu’elle s’applique directement, mais je crois préférable qu’elle figure dans cette définition – et une référence au signalement d’un préjudice grave pour l’intérêt général. Cette rédaction me paraît être la seule susceptible de couvrir des situations comme celle de M. Deltour.
Nous en avons largement débattu à l’Assemblée nationale. J’ai personnellement beaucoup réfléchi à la rédaction, parce que je suis très attaché à l’idée qu’il ne faut pas dissoudre ce beau statut du lanceur d’alerte dans une sorte de marécage des divers règlements de comptes personnels. Ce n’est pas l’objectif du Gouvernement.
Cette rédaction n’est peut-être pas la seule possible – il ne faut jamais considérer qu’il n’y en a qu’une –, mais elle permet en tout cas de protéger ceux que nous considérons comme de vrais lanceurs d’alerte, sans pour autant ouvrir ce statut à des gens qui, à nos yeux, ne le méritent pas.
Le sous-amendement n° 651, présenté par Mmes Blandin, Aïchi, Archimbaud, Benbassa et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Poher, Labbé et Desessard, est ainsi libellé :
Amendement n° 646, alinéa 3
Après les mots :
un préjudice grave
insérer les mots :
pour l’environnement, la santé, les libertés, les finances, la sécurité publiques, ou
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Par ce sous-amendement, nous prenons acte que la meilleure des rédactions mentionne l’intérêt général, afin de couvrir les cas qui viennent d’être évoqués. Ceux-ci seraient des translations en France de ce qui s’est passé au Luxembourg.
Toutefois, comme Mme Deromedi l’a indiqué, la notion d’intérêt général est sujette à débat. Par exemple, tous les partis politiques prétendent défendre l’intérêt général, mais les programmes n’en sont pas moins drôlement différents !
Ce sous-amendement vise à préciser des secteurs susceptibles de subir un préjudice grave : la santé, l’environnement, les finances publiques, l’intérêt général, etc. Les thèmes sur lesquels on a le droit d’alerter seraient ainsi plus clairs.
Permettez-moi d’apporter une petite précision à l’attention de M. Collombat. Dans ce projet de loi, le lanceur d’alerte n’est pas seulement un salarié d’une entreprise. Il peut aussi être un riverain ou un citoyen témoin de quelque chose.
L'amendement n° 310, présenté par MM. Anziani et Guillaume, Mme Espagnac, MM. Yung, Marie et Sueur, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer le mot :
physique
La parole est à M. Alain Anziani.
Pourquoi réduire le lanceur d’alerte à une personne physique ? C’est contraire à la définition retenue par l’article 6 A.
Pourquoi exclure, par exemple, une ONG qui signalerait des problèmes dans la fabrication de médicaments ou dans d’autres activités ? Pourquoi exclure une association ou un groupe de personnes physiques engagées dans une action collective ? Pourquoi exclure une organisation syndicale qui pourrait reprendre à son compte des observations de salariés au sein de l’entreprise ? Pourquoi exclure, même, une entreprise qui s’apercevrait qu’une autre société procède de manière frauduleuse, soit illégalement soit en ne respectant pas certains règlements ? En résumé, pourquoi exclure les personnes physiques ? Cette limitation me semble extrêmement forte.
Je sais que la référence à des textes internationaux fait toujours grincer des dents, mais il ne faudrait pas nier la réalité ! Nous sommes tous profondément européens. Dans sa recommandation, le Conseil de l’Europe n’opère aucune distinction entre personnes morales et personnes physiques dans la définition des lanceurs d’alerte. Le Conseil d'État ne le fait pas non plus dans son excellente étude du mois de février 2016.
Si nous retenons la notion de « personne », les personnes physiques comme morales pourront être protégées.
L'amendement n° 547 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
qui
insérer les mots :
, ne pouvant utiliser la procédure prévue à l’article 40 du code de procédure pénale,
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Nous voulons définir un statut général de lanceur d'alerte qui permettrait d’assurer une protection spécifique à un individu ayant signalé un crime, un délit ou une violation grave et manifeste de la loi ou du règlement. L’idée est notamment qu’il ne puisse pas être licencié ou sanctionné professionnellement ou voir sa candidature écartée.
Un tel statut existe déjà aujourd'hui pour l’environnement et la santé publique. Nous proposons de l’étendre à tous les domaines.
La crainte partagée par une grande partie des membres du RDSE est de voir court-circuitée l’autorité judiciaire, dont nous connaissons les difficultés budgétaires.
Il ne faudrait pas que des individus adoptent le réflexe de se tourner systématiquement vers la presse plutôt que vers les tribunaux quand ils observent des violations de la loi ou du règlement.
Nous sommes donc majoritairement favorables à un statut de lanceur d'alerte qui soit subsidiaire de l’action du juge, qui la complète et qui intervienne en dernier recours.
Cet amendement a donc pour objet d’inscrire la référence de l’article 40 du code de procédure pénale au cœur même de la définition des lanceurs d'alerte, pour rappeler que le recours au juge doit rester la procédure normale et le statut de lanceur d'alerte, l’exception.
L'amendement n° 379, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
1° Supprimer les mots :
, dans l’intérêt général,
2° Après le mot :
règlement
insérer les mots :
ou des faits présentant des risques ou des préjudices graves pour l’environnement, la santé, les libertés, les finances, la sécurité publiques, ou l’intérêt général,
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Je vous renvoie aux arguments que j’ai développés en défendant le sous-amendement n° 651.
Il s’agit de repréciser la définition du lanceur d'alerte, avec une référence à la santé, à l’environnement, aux libertés, aux finances et à la sécurité aux côtés de « l’intérêt général ».
L'amendement n° 311, présenté par MM. Anziani et Guillaume, Mme Espagnac, MM. Yung, Marie et Sueur, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
délit
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, un manquement grave à un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, à un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, à la loi ou au règlement, ou des faits présentant des risques ou des préjudices graves pour l’environnement ou pour la santé ou la sécurité publiques.
La parole est à M. Alain Anziani.
Cet amendement est un mixte. Nous reprenons certains des termes de l’amendement du Gouvernement, notamment sur le droit de dénoncer un manquement à un engagement international ratifié ou approuvé par la France, et ceux de l’amendement de Mme Blandin.
Je ne comprends pas pourquoi la commission des lois a abandonné la mention « des faits présentant des risques ou des préjudices graves pour l’environnement ou pour la santé ou la sécurité publiques », qui figurait dans le texte de l’Assemblée nationale.
M. le rapporteur nous dira que ces précisions sont reportées à d’autres endroits du texte. Mais c’est bien l’article 6 A qui définit les lanceurs d'alerte ! Il me semble donc tout à fait utile de préciser ici ces éléments.
L'amendement n° 528 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall, Guérini et Hue, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par les mots :
, dans le cadre de sa relation de travail
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
N’en déplaise à ma collègue Marie-Christine Blandin, un lanceur d'alerte n’est pas un riverain.
À mon sens, il y a une confusion entre le droit d’expression et la situation d’une personne qui, du fait de son activité, détient des informations que les autres n’ont pas et, surtout, se trouve en position de faiblesse vis-à-vis de son employeur.
Rien n’empêche un riverain de dénoncer un agissement dangereux ou contraire à tel ou tel texte. Au pire, il risque d’être attaqué pour diffamation.
Mme Marie-Christine Blandin acquiesce.
Le problème se pose de manière totalement différente lorsque des personnes dépendant d’un employeur dénoncent ce qui se passe au sein de l’entreprise. Toute la question est celle de l’équilibre à maintenir entre la protection de ceux qui prennent des risques et la situation de ceux qui n’en prennent pas. Il y a ceux qui dénoncent des agissements ressemblant à des infractions et les autres.
J’ai eu la joie de constater que la Cour de cassation partageait à peu près cette vision des choses, même si l’affaire n’avait pas de rapport avec le sujet qui nous intéresse.
Centrer la définition du lanceur d'alerte sur le cadre de la relation de travail me paraîtrait une bonne manière d’éviter un certain nombre de dérives et de protéger ceux qui méritent le plus d’être protégés ; ils sont effectivement en danger.
Le nombre de formulations proposées – chacun y va de la sienne, que ce soit Mme Goulet, Mme Blandin, M. Anziani, M. le ministre, M. Collombat ou la commission – prouve qu’il n’est pas très facile de trouver une définition au lanceur d'alerte.
Tous les intervenants ont fait allusion au cas d’Antoine Deltour, M. le ministre lui-même m’ayant demandé de démontrer que notre définition permettait à cette personne d’être protégée. Si j’y parviens, nous retiendrons donc la définition de la commission ; n’est-ce pas, monsieur le ministre ?
Sourires.
M. Michel Sapin, ministre. Écoutons d'abord votre argumentation !
Nouveaux sourires.
Le cas d’Antoine Deltour est bien visé par la définition du lanceur d'alerte retenue par la commission. J’en rappelle les termes : « Un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale, dans l’intérêt général, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime, un délit ou une violation grave et manifeste de la loi ou du règlement dont il a eu personnellement connaissance. »
Certaines pratiques abusives visant à se soustraire à l’impôt sont des violations graves et manifestes de la loi, même si elles ne sont pas constitutives de délits. Or c’est ce qui était en cause dans le cas d’Antoine Deltour.
L’article L. 64 du livre des procédures fiscales, qui définit l’abus de droit, permet de caractériser les manquements signalés par M. Deltour. Aux termes de cet article, l’abus de droit fiscal est le fait de rechercher « le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs », faits qui « n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales » de l’intéressé.
Actuellement, l’abus de droit fiscal n’est pas sanctionné pénalement. Pour autant, il est prohibé par le livre des procédures fiscales.
Avec notre définition, Antoine Deltour est donc protégé en France. Il ne l’est pas au Luxembourg, pour toutes les raisons que nous avons évoquées.
Au demeurant, Antoine Deltour est poursuivi au Luxembourg pour divulgation du secret des affaires, ce qui n’est pas un délit en France, et, surtout, pour s’être introduit frauduleusement dans un système informatique, ce que tout lanceur d'alerte n’a pas forcément vocation à faire.
M. André Gattolin s’exclame.
J’en viens maintenant aux amendements.
Leurs auteurs me proposent différentes définitions du lanceur d'alerte. Celle de la commission des lois a ma préférence.
L’amendement n° 417 tend à élargir considérablement la notion de lanceur d’alerte ; vous ne vous en cachez pas, madame Goulet ! Un lanceur d’alerte pourrait être une personne morale. Or lanceur d’alerte, ce n’est ni un brevet ni un titre de gloire ! Selon nous, c’est avant tout un moyen de défense : le lanceur d'alerte va se défendre contre l’accusation de violation du secret professionnel qu’il a commise, avec l’accord de la loi, et contre une discrimination dont il fait l’objet dans son travail. Il ne peut donc pas être une personne morale. Une société ne connaît pas personnellement d’une situation : cela passe nécessairement par une personne physique. D’ailleurs, une personne morale ne saurait être tenue pour responsable.
C'est la raison pour laquelle nous avons exclu qu’un lanceur d’alerte puisse être une personne morale. Un choix contraire risquerait d’élargir considérablement le champ des lanceurs d’alerte, et diluerait totalement leur responsabilité.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.
La définition du Gouvernement est un peu plus restrictive que celle de M. Anziani. Elle permettra peut-être de nourrir la réflexion. Pour autant, que signifie « risque ou un préjudice grave pour l’intérêt général » ? Cette expression ne me paraît pas assez précise. Je ne crois pas qu’un renvoi à la notion d’intérêt général, non pas comme une condition – c’est ce que prévoit la commission –, mais comme un motif de l’alerte, soit conforme à la jurisprudence constitutionnelle. De cette définition naît tout de même une irresponsabilité pénale. Ou alors, c’est l’application de délits prévus par le droit commun.
Je considère qu’une définition aussi large pourrait mettre le lanceur d’alerte en difficulté, car le juge pourrait lui refuser cette qualification.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
De même, la commission est défavorable au sous-amendement n° 651, qui vise à ajouter…
… à l’intérêt général l’environnement, la santé, les libertés, sans préciser d’ailleurs lesquelles, les finances et la sécurité publiques. Je rappelle que la loi pénale est d’interprétation stricte. Je crains donc que l’adoption de ce sous-amendement ne nous suscite quelques difficultés et que le Conseil constitutionnel ne nous invite à revoir notre copie.
L’amendement n° 310 appelle les mêmes commentaires que l’amendement de Mme Goulet. Je ne pense pas qu’une personne morale soit capable de connaître personnellement d’un fait ; c’est un débat. Je suis donc défavorable à cet amendement.
L’amendement n° 547 rectifié vise à préciser que le lanceur d’alerte soit une personne n’ayant pas pu utiliser la procédure prévue à l’article 40 du code de procédure pénale. Je pense qu’il y a une confusion.
L’article 40 du code de procédure pénale ne concerne que les agents publics.
M. le ministre acquiesce.
Le lanceur d’alerte, lui, n’est pas un fonctionnaire signalant au procureur de la République des faits qu’il a l’obligation de dénoncer. Dans cette hypothèse, il doit évidemment suivre les procédures qui s’imposent à lui, notamment celles que prévoit l’article 40 du code de procédure pénale.
Le lanceur d’alerte n’est pas une victime, un témoin ou un journaliste. Ce n’est pas forcément le voisin qui souffre d’une situation. Ces personnes disposent d’autres possibilités : se plaindre auprès du procureur de la République ; saisir le juge d’instruction en cas d’absence de réponse dans un délai de trois mois ; contacter un journaliste…
Mes chers collègues, chacun a ses convictions et ses certitudes. Il n’est pas du tout évident de trancher, eu égard aux conséquences que pourront entraîner les signalements effectués par des lanceurs d'alerte, même de bonne foi. La bonne foi n’empêche pas les dégâts !
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Les amendements n° 379 et 311 visant aussi à élargir la notion de lanceur d’alerte, le Gouvernement y est également défavorable, pour les mêmes raisons.
Enfin, l’amendement n° 528 rectifié tend à encadrer la définition du lanceur d’alerte, en limitant les informations pouvant être signalées à celles qui sont issues d’une relation de travail. Cet amendement est intéressant et suscitera peut-être un débat.
Monsieur Collombat, vous avez fait allusion à un arrêt récent de la Cour de cassation. D'ailleurs, cet arrêt ne marque pas une révolution dans notre droit : en droit du travail, on ne peut pas justifier un licenciement pour faute grave par le fait qu’un employé a dénoncé un délit au sein de son entreprise. La précision que votre amendement tend à apporter me semble utile.
La protection des lanceurs d'alerte n’existe que si un risque de représailles pèse sur eux. Or, si la personne dénonce des faits extérieurs à son employeur, elle n’encourt pas de représailles, notamment sur son contrat de travail ! Elle n’a pas non plus à être protégée de l’accusation de violation du secret profondément en cas de plainte. En l’absence de plainte, c’est le tribunal civil qui aura à se prononcer sur la demande d’indemnisation formulée sur le fondement de l’article 1382 du code civil. Les témoins sont protégés. Les journalistes bénéficient du secret des sources.
La commission a émis un avis de sagesse sur cet amendement. À titre personnel, j’y suis assez favorable.
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur le rapporteur, pardonnez-moi de vous dire que vous ne m’avez pas convaincu !
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Franchement, nous sommes tous de bonne foi. En regardant les choses en face, nous devrions au moins pouvoir tomber d’accord sur le diagnostic.
Dans le cas des Luxleaks, il ne s’agit pas d’entreprises qui, comme on pourrait le dire en France, commettent un « abus de droit ». C’est le gouvernement du pays qui accorde à certaines entreprises ce que l’on appelle en français un « rescrit », autorisant ces entreprises, pour l’avenir, à ne quasiment pas payer d’impôt.
M. Deltour a eu connaissance de toute une série de situations de cette nature, ce qui l’a choqué ; on peut le comprendre ! Il a fait connaître ces situations anormales, tellement anormales que la loi a été changée au Luxembourg et que des dispositions interdisant de telles pratiques existent désormais dans l’ensemble des vingt-huit pays de l’Union européenne.
Imaginons qu’un ministre français des finances se mette à accorder des rescrits à toute une série d’entreprises, leur permettant de ne payer aucun impôt, et qu’un salarié d’une entreprise concernée trouve cette situation anormale. La définition de la commission ne couvrirait pas ce cas.
Le Gouvernement ayant déposé un amendement, il m’est difficile de me prononcer en faveur de ceux qui lui font concurrence. Puisque je souhaite l’adoption de l’amendement du Gouvernement, j’émets un avis défavorable sur les autres.
Cependant, je suis sensible aux arguments de M. Anziani sur la personne morale et à ceux de M. Collombat sur la relation de travail.
En effet, nous voulons protéger le lanceur d'alerte, parce qu’il se met en danger s’il fait connaître des faits qu’il a découverts.
Une association ayant vocation à défendre l’environnement ou à lutter contre la corruption qui révèle telle ou telle situation ne se met pas en danger. Elle fait simplement son travail, sauf à verser dans la dénonciation calomnieuse.
La situation à considérer est donc celle du salarié engagé dans une relation de travail au sein de l’entreprise. Je ne serais donc pas gêné que cette dimension soit prise en compte dans le texte.
Le sous-amendement n° 651 n’est pas du tout en contradiction avec l’amendement du Gouvernement.
Il vise non pas à préciser, mais à illustrer les cas d’atteintes graves à l’intérêt général, que ma proposition ne définit pas de manière exhaustive. C’est d'ailleurs exactement ainsi que les députés ont raisonné, sauf que, à leurs yeux, cette liste recensait tous les cas d’atteintes graves. Attention à ne pas restreindre quand on veut illustrer !
À mon sens, il vaut mieux retenir ma proposition, qui est un peu plus large. Évitons les précisions qui risqueraient de conduire à une restriction de la définition du lanceur d'alerte.
Monsieur le ministre, nous pouvons être en désaccord, mais il ne faut surtout pas que nous restions sur un malentendu. Certains font de la politique-fiction. Nous ne faisons pas de la loi-fiction !
Pour que nous nous prononcions de telle manière qu’un Antoine Deltour ne soit jamais condamné en France, encore faudrait-il que le Gouvernement français puisse prendre des rescrits conduisant à exonérer certaines entreprises de charges fiscales dues par l’ensemble des entreprises de France.
D’ailleurs, le rescrit est une pratique très utile, que l’on pourrait songer à étendre ; vous ne nous le proposez pas aujourd'hui. Cela consiste à garantir au contribuable, en l’occurrence l’entreprise, que la loi fiscale soit interprétée d’une certaine manière, mais pas en contradiction avec sa lettre.
Dans la mesure où la législation fiscale française n’est en rien comparable à la législation fiscale luxembourgeoise, pourquoi voulez-vous que, par notre définition, nous fassions courir le risque d’être condamné à un Antoine Deltour qui interviendrait en France comme lanceur d'alerte ?
Que nous adoptions le texte de la commission des lois ou non, un M. Deltour ne pourrait être condamné que si la loi luxembourgeoise s’appliquait en France. Or vous ne nous proposez pas de la transposer chez nous ! Sinon, nous aurions légitimement pu envisager de retenir la définition que vous souhaitez.
De mon point de vue, la définition de la commission crée un système clair, simple, qui ne pourra pas donner lieu à des divergences d’interprétation. Crime, délit, violation de la loi et du règlement : la formule en est très large. Comme M. le rapporteur vient de le dire, la violation de la loi ou du règlement comprend aussi l’abus de droit fiscal.
Si nous sommes bien d’accord sur le fait que le contexte de la législation fiscale française est totalement différent de celui de la législation fiscale luxembourgeoise, si nous sommes aussi d’accord pour dire que l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, définissant l’abus de droit fiscal, s’appliquerait et permettrait d’exonérer de sa responsabilité pénale un lanceur d'alerte qui révélerait un tel abus, alors notre débat est juridique et technique, et non politique.
J’espère que nos débats vous auront rassuré ; la définition des lanceurs d'alerte que la commission des lois vous propose de retenir satisfait pleinement votre souhait qu’un Antoine Deltour ne soit jamais condamné en France.
Je voudrais simplement revenir sur l’exemple qui a été pris.
Supposons qu’un ministre distribue dans l’ombre des faveurs fiscales à telle ou telle entreprise et qu’un Antoine Deltour vienne dénoncer cette situation. Ce lanceur d’alerte aurait parfaitement raison : le ministre commet une violation grave et manifeste de la loi, en l’occurrence un délit de concussion, en vertu duquel on ne peut pas renoncer volontairement à la perception de l’impôt.
Dans cet exemple, non seulement Antoine Deltour ferait la une des journaux, mais il serait sanctifié !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Je vais retirer l’amendement n° 309 rectifié, au profit de l’amendement du Gouvernement, dont la rédaction est plus précise.
Néanmoins, je maintiens l’amendement n° 310, qui a le mérite de traiter de toutes les personnes, et pas uniquement des personnes physiques.
En quoi le premier alinéa de l’article 6 A empêchera-t-il des poursuites contre une personne signalant que l’on a trouvé des produits dangereux, comme de l’amiante ? Je rappelle que des personnes ont été poursuivies pour avoir révélé l’existence de l’amiante à une époque où il n’y avait pas de loi ou de règlement pour l’interdire. Dans un tel cas de figure, le texte de la commission ne fonctionne pas.
Il y a donc bien des lanceurs d'alerte tout à fait utiles pour la santé qui ne pourront pas être protégés !
Mme Marie-Christine Blandin et M. André Gattolin applaudissent.
L’amendement n° 309 rectifié est retiré.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
Notre collègue Alain Anziani nous a dit qu’il s’agissait d’aller « plus loin ». Je crains que l’on n’aille plutôt « à la place ».
Certes, il faut assurer la sécurité de ceux qui dénoncent des irrégularités et se mettent ainsi en danger, notamment dans leur cadre de travail. Mais nous devons également réduire progressivement les zones floues entre le licite et l’illicite.
Vous le savez tous, l’un des terreaux de la délinquance financière est le flou existant entre ce qui est permis et ce qui ne l’est pas, ce qui existe entre les deux, ce qui est permis tant que cela rapporte… Je ne reviendrai pas sur l’affaire Kerviel, qui n’a rien à voir avec nos débats de ce soir. Mais elle montre bien que l’on ne sait pas où l’on en est et que l’on laisse perdurer le flou.
C’est pourquoi je plaide pour la pénalisation maximale des délits financiers. Cela les rendra plus consistants.
On dit que le système financier est criminogène, qu’il crée la tentation de transgresser… On va dans le sens du vent. On cherche à régler le problème en sécurisant les lanceurs d'alerte. On attend les dénonciations, et on agit de manière à protéger celui qui crée le scandale. Pour moi, l’idéal serait que l’on prévienne les agissements et que l’on mène le travail de clarification qui s’impose.
J’ai bien compris que les personnes morales étaient hors de la sphère d’entendement de notre commission.
Reste la question des droits fondamentaux, dont la mention permettrait tout de même une définition un peu plus large des lanceurs d'alerte. Cela comprendrait évidemment les éléments soulevés par Mme Blandin, notamment les questions liées à l’environnement et à la santé.
Mais je ne suis absolument pas d’accord avec le fait de limiter la définition des lanceurs d'alerte au cadre de la relation de travail. Ce n’est vraiment pas suffisant. Toutes les notes rédigées par les différentes instances intéressées par le sujet, notamment Transparency International, que l’on a cité à plusieurs reprises, ont montré que le problème concernait aussi les bénévoles, les sous-traitants, les stagiaires et l’ensemble des personnes pouvant avoir eu connaissance d’un certain nombre de difficultés. Il me semble extrêmement réducteur de réduire la définition aux relations de travail.
Toutefois, pour alléger les débats, je retire l’amendement n° 417. Mais, j’y insiste, la mention des droits fondamentaux ne me paraissait pas tout à fait absurde.
L’amendement n° 417 est retiré.
La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
Deux visions s’affrontent.
D’un côté, on note une envie, que je pense assez sincère, de protéger les lanceurs d'alerte, mais on nous dit qu’il ne faut pas aller trop loin en ce sens et ne pas généraliser, afin d’éviter les abus et autres situations difficiles.
De l’autre, il y a une volonté de créer un véritable statut de lanceur d'alerte. C’est l’esprit dans lequel l’Assemblée nationale a travaillé. Cela me paraît tout à fait correct.
Je partage l’idée qu’il ne faut pas réduire le problème au monde du travail. Le citoyen lambda subit aussi des pressions, par exemple pour sa consommation d’eau ; je vous renvoie à un célèbre film sur le sujet.
Certains craignent des dérapages. Je ne suis pas un grand spécialiste, mais notre arsenal juridique me paraît suffisant pour punir ou dissuader tous ceux qui s’adonneraient à la diffamation ou à la délation pour se faire de la publicité.
Notre groupe approuve la rédaction retenue par l’Assemblée nationale. Nous sommes donc favorables aux amendements du Gouvernement, mais nous aimerions que les associations et autres personnes morales soient mieux intégrées.
De deux choses l’une, madame Blandin : soit on précise les choses de la manière la plus détaillée possible, et alors il faut absolument intégrer les affaires financières ; soit on s’en tient à la notion d’intérêt général, qui inclut, par nature, les affaires financières et autres problèmes de fiscalité.
Je mentionne bien la finance dans la rédaction que je propose. L’intérêt général vient après, pour servir de voiture-balai.
La commission propose de retenir la notion de crime, de délit ou de violation du droit. Mais une telle rédaction ne couvrirait pas une fuite de benzène, des émanations de perchloréthylène ou la pollution d’une rivière par le mercure. En effet, il ne s’agit pas d’un délit volontaire ou d’une violation du droit ; c’est bien souvent un tuyau qui s’est rompu… En revanche, l’amendement du Gouvernement et celui de M. Anziani couvrent bien ces cas.
La proposition de M. Collombat, qui a failli séduire, consiste à se limiter au monde du travail. Or un lanceur d’alerte n’est pas nécessairement dans une relation de travail. Ainsi, Véronique Lapides s’était tellement émue du nombre de leucémies dans une même classe de maternelle de Vincennes que l’on a fini par examiner la friche industrielle sur laquelle l’école était construite pour y découvrir des choses pas catholiques. Or elle n’était pas dans une relation de travail. Elle a été poursuivie pour diffamation et a eu les pires ennuis.
De même, Pierre Meneton, chercheur de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, a publié un article rappelant que la consommation de sel ruinait les artères et causait une mortalité excessive en France. Le comité des salines de France l’a poursuivi, et il est aujourd’hui ruiné. L’INSERM ne l’a pas défendu. On n’était pas dans une relation de travail ; un chercheur faisait de l’outing sur ce qu’il avait découvert.
Il me semble donc essentiel de ne pas restreindre la définition du lanceur d’alerte aux relations de travail. Il s’agirait d’un retour en arrière par rapport au droit existant.
M. André Gattolin applaudit.
Madame Blandin, si votre loi de 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte n’est pas passée à la trappe, c’est grâce au Sénat !
En revenant sur les suppressions décidées à l’Assemblée nationale, la commission des lois du Sénat a permis à la Commission nationale de déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement de continuer d’exister, même s’il faut encore attendre la nomination des deux derniers membres…
Inutile d’ajouter ce qui existe déjà, et qui, en l’occurrence, a été sauvé grâce à la commission des lois du Sénat.
Tout le monde comprend bien la logique de la commission. Il ne faut effectivement pas aller vers une société de la délation ou créer des situations juridiques inextricables.
Mais, monsieur le rapporteur, en vous calant de manière très rigoureuse sur les principes actuels du droit, vous excluez de fait les situations, de plus en plus nombreuses dans notre société, qui ne sont pas encore prévues par ces principes.
Prenons l’exemple du secteur financier. Ces dernières années, la France a perdu des dizaines de milliards d’euros dans plusieurs affaires. Certains salariés des entreprises concernées auraient évidemment pu faire savoir que les risques pris étaient manifestement en décalage avec les possibilités des banques concernées et, par la suite, de l’ensemble de l’économie.
Ce type d’alerte ne peut être pris en compte en se calant sur les principes qui sont les vôtres. Au contraire ! Nous pourrions tirer efficacement profit d’une définition faisant référence à un préjudice grave à l’intérêt général. Une telle qualification juridique devrait permettre de ne retenir que des situations relativement exceptionnelles.
Le sous-amendement n° 651 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 646.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 413 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 310.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 414 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 547 rectifié.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l'amendement n° 528 rectifié.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.
L'amendement n° 644, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les faits, informations ou documents, quels que soient leur forme ou leur support, couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client sont exclus du régime de l’alerte défini par le présent chapitre.
La parole est à M. le ministre.
Il s’agit d’exclure le secret de la défense nationale, le secret médical et le secret des relations entre un avocat et son client du régime de l’alerte.
Je pense que l’Assemblée nationale avait eu raison de retenir ce principe.
Nous n’avions pas fait le choix d’insérer une telle disposition à cet endroit du texte. Mais nous pouvons comprendre les craintes du Gouvernement.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
L'amendement est adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 312, présenté par MM. Anziani et Guillaume, Mme Espagnac, MM. Yung, Marie et Sueur, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Alain Anziani.
Le premier alinéa de l’article reconnaît le droit d’alerte, mais la rédaction du second alinéa met d’emblée en garde les futurs lanceurs d’alerte sur le thème : « Faites attention, cela pourrait vous coûter cher ! »
Une telle articulation ne nous semble pas des plus heureuses. Elle est maladroite et témoigne d’un certain manque d’enthousiasme.
Par ailleurs, je n’en vois pas l’intérêt. Les sanctions contre les lanceurs d’alerte de mauvaise foi ou malintentionnés existent déjà. L’alinéa 2 vise l’article 226-10 du code pénal et l’article 1382 du code civil, mais il en existe d’autres : la diffamation, la dénonciation calomnieuse, ainsi que toutes les voies de procédure civile visant à réparer les préjudices causés à autrui.
Faut-il que la loi bégaye ? Faut-il répéter ce que d’autres textes prévoient déjà ? La commission des lois se montre généralement très sourcilleuse sur ce point. Pourquoi changer d’attitude aujourd’hui ? Selon moi, c’est une erreur de rédaction.
Nous aurions pu rédiger un article sur la responsabilité, mais pas dès la définition du lanceur d’alerte. Il est paradoxal, sinon particulièrement maladroit, de parler d’entrée de jeu de la sanction, et non de la protection…
L'amendement n° 544 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mme Laborde et MM. Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
ainsi que la publication de la décision de condamnation dans trois journaux diffusés dans le département de son domicile à ses frais, au choix de la personne victime de la dénonciation calomnieuse
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Cet amendement a pour objet de prévenir une utilisation dévoyée du statut général de lanceur d’alerte.
Il s’agit de prévoir la large diffusion d’une éventuelle décision de condamnation prise à l’encontre d’un individu qui aurait utilisé le statut de lanceur d’alerte pour faire des dénonciations calomnieuses par voie de presse.
Nous proposons donc de faire figurer dans la définition du lanceur d’alerte une mise en garde à l’égard de ceux qui souhaiteraient utiliser ce statut à des fins détournées, à la suite de la référence aux articles 226-10 du code pénal et 1382 du code civil ajoutée par la commission.
Nous avons voulu inscrire dans la loi l’équilibre auquel nous sommes parvenus. Nous rappelons que le lanceur d’alerte est protégé, mais pas à n’importe quel prix, ni hors de toute responsabilité.
Nous aurions pu faire l’économie de telles précisions, mais elles ont le mérite de poser le problème. La loi est faite pour être lue, y compris par les lanceurs d’alerte. Elle en sera d’autant plus claire.
C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à l’amendement n° 312.
Les précisions que l’amendement n° 544 rectifié vise à introduire dans le texte nous semblent inutiles : le code pénal prévoit déjà des peines complémentaires de publicité de l’information.
De même, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de presse permet l’application de plusieurs dispositions en matière de diffamation.
La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Avis favorable sur l’amendement n° 312 et avis défavorable sur l’amendement n° 544 rectifié.
Nous voterons contre ces deux amendements, qui témoignent d’une grande timidité dans la protection des lanceurs d’alerte, d’une peur des dérapages. Pourtant, de votre propre aveu, les dispositifs législatifs permettant d’éviter de telles dérives existent déjà.
On nous dit souvent que la loi est bavarde. En l’occurrence, je ne vois pas du tout l’utilité de ces amendements.
Il s’agit de définir un statut pour les lanceurs d’alerte, et non de prévoir d’emblée des sanctions au cas où ces derniers feraient des choses illégales. Ce n’est pas l’esprit dans lequel nous abordons ce texte.
Je ne voterai pas non plus ces deux amendements.
Cela fait plusieurs années que nous peinons à mettre en place ce statut de lanceur d’alerte. Prenons garde ce soir qu’il ne relève de la délation.
Il me semble d’autant plus indispensable de rappeler les responsabilités des lanceurs d’alerte que le temps judiciaire entre une alerte abusive et la réparation peut être extrêmement long.
Comme l’ont très bien rappelé M. le rapporteur et M. le président de la commission des lois, une entreprise victime d’une alerte abusive peut mettre des années à retrouver sa position, voire être conduite à la faillite.
En raison de ce décalage du temps judiciaire, il me paraît indispensable de rappeler les limites de l’exercice, en même temps que la définition.
Je ne voterai pas non plus ces deux amendements.
Il semble qu’une des spécialités de notre pays est de passer d’un extrême à l’autre. Il a fallu des années et des années pour faire reconnaître le scandale de l’amiante. Et maintenant, c’est l’inverse ! Tout le monde va pouvoir lancer des alertes et mettre en danger n’importe qui !
Je ne trouve donc pas complètement stupide de rappeler aux gens qu’ils engagent leur responsabilité en lançant une alerte.
Alors, pourquoi s’acharner contre une disposition, certes, redondante, mais bienvenue ?
Vous ne mesurez pas bien dans quoi nous nous engageons sous prétexte qu’il y a eu de grandes iniquités en sens inverse.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 544 rectifié est retiré.
L'amendement n° 134 rectifié ter, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, G. Bailly, Béchu et Cambon, Mme Canayer, MM. Cantegrit, Cardoux, Charon, Chasseing, Commeinhes, Danesi, Darnaud, Delattre, de Nicolaÿ, de Raincourt et Doligé, Mme Duchêne, MM. Duvernois, Grand, Houel, Houpert, Huré et Laménie, Mme Lamure, M. Lefèvre, Mme Lopez, MM. Mandelli, A. Marc, Milon et Mouiller, Mme Primas et M. Vasselle, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Lorsqu’une personne est présentée publiquement, avant toute condamnation, par le lanceur d’alerte comme étant soit suspectée soit coupable de faits faisant l’objet d’un signalement alors qu’il a la connaissance au moins partielle de leur inexactitude, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser ces agissements, et ce aux frais du lanceur l’alerte responsable de cette atteinte.
La décision de condamnation peut ordonner les mêmes mesures aux frais du lanceur d’alerte condamné.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Il importe de préciser les conditions dans lesquelles la diffusion de fausses informations par un lanceur d'alerte peut être empêchée ou corrigée dans les médias.
En effet, des réputations peuvent être ruinées pour une longue période par de fausses accusations.
Si le recours aux dispositions du droit commun offre des garanties aux personnes lésées, il nous semble nécessaire, pour les cas les plus urgents, d'apporter des précisions, dans un souci de plus grande rapidité.
Cet amendement est satisfait par les dispositions en vigueur, qui permettent au juge des référés de prendre toutes les dispositions utiles.
L’article 9-1 du code civil relatif au référé présomption d’innocence dispose : « Lorsqu’une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte. »
Mais il existe également un référé concernant l’exercice du droit de réponse et l’atteinte à la vie privée.
Ces trois procédures me semblent à même de vous rassurer. C'est la raison pour laquelle la commission vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
Monsieur le rapporteur, je comprends très bien que cette disposition ne s’intègre pas à votre dispositif sur les lanceurs d’alerte.
Toutefois, pour avoir survécu à ce genre d’épreuve, permettez-moi de vous dire qu’il y a loin de la loi à son application en matière de diffamation ou de respect de la vie privée.
Madame Deromedi, je pense qu’il faudrait probablement reprendre cet amendement dans un autre texte.
Si nous avons droit, un jour, à une deuxième lecture convenable du projet de loi sur la justice du XXIe siècle, nous pourrons en profiter pour revoir les dispositions relatives à la diffamation et à la protection de la vie privée. Je peux vous assurer que l’on ne se remet pas très facilement de telles épreuves…
Le lanceur d’alerte est une création relativement récente. Nous manquons de recul pour apprécier la manière dont les juges appliquent le dispositif que nous sommes en train de compléter et de renforcer. Mais l’expérience et la crédibilité du rapporteur en matière de droit nous incitent plutôt à suivre ses avis.
Cela étant, je pense que Mme Goulet n’a pas complètement tort lorsqu’elle considère que les magistrats sont parfois un peu frileux s’agissant de la stricte application du droit. Il serait bon, au vu de l’expérience qui sera la nôtre après la mise en œuvre du droit relatif aux lanceurs d’alerte, de préciser la loi en tant que de besoin.
L’objet de l’amendement déposé par Mme Deromedi est simplement d’apporter certaines précisions, de manière à s’assurer que le droit commun sera effectivement appliqué. Il lui a en effet paru pertinent d’aller un peu plus loin et d’être un peu plus précise, pour que le juge soit enclin à l’appliquer strictement.
Sans doute ma collègue va-t-elle prendre la décision de retirer cet amendement. Toutefois, il était bon que nous échangions sur ce sujet.
L'article 6 A est adopté.
Le chapitre II du titre II du livre Ier du code pénal est complété par un article 122-9 ainsi rédigé :
« Art. 122-9. – N’est pas pénalement responsable la personne qui porte atteinte à un secret protégé par la loi, dès lors que cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause, qu’elle intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi et que la personne répond aux critères de définition du lanceur d’alerte prévus à l’article 6 A de la loi n° … du … relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
« La cause d’irresponsabilité pénale définie au premier alinéa n’est pas applicable lorsque la divulgation porte atteinte au secret de la défense nationale, au secret médical et au secret des relations entre un avocat et son client. »
L'amendement n° 313, présenté par MM. Anziani et Guillaume, Mme Espagnac, MM. Yung, Marie et Sueur, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
, qu'elle intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi
La parole est à M. Alain Anziani.
Conformément à l’esprit qui nous anime, cet amendement vise à ne pas conditionner le bénéfice de l'irresponsabilité pénale au respect des procédures de signalement.
La proposition que nous souhaitons supprimer nous paraît superfétatoire, dans la mesure où elle reprend une disposition déjà inscrite dans le projet de loi.
Votre inspiration, mes chers collègues, est toujours la même : réduire, rétrécir, revenir en arrière, faire en sorte que les lanceurs d’alerte soient les moins nombreux possible et ne fassent pas peur… Pourtant, un jour ou l’autre, ceux-ci pourront nous être très utiles !
Cet amendement est bien évidemment contraire à la position de la commission concernant l’équilibre du dispositif relatif aux lanceurs d’alerte.
Il vise en effet à introduire l’irresponsabilité pénale des lanceurs d’alerte, même si ceux-ci n’ont pas suivi la procédure prévue par le texte, en adressant leur déclaration au référent, au supérieur hiérarchique ou au chef d’entreprise, la presse ne devant être contactée qu’à la toute fin, et seulement si l’alerte n’a pas eu d’effet. C’est précisément ainsi qu’on se protège des faux lanceurs d’alerte et qu’on protège le lanceur d’alerte lui-même d’une éventuelle mauvaise foi.
Si de nombreux débats en commission ont permis d’imaginer de meilleures rédactions concernant la définition du lanceur d’alerte, tel n’est pas le cas s’agissant de la procédure d’alerte, à laquelle la commission tient beaucoup.
La commission émet donc un avis défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 313.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 415 :
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 151 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Lalande, Mmes Claireaux, Lepage et Yonnet, MM. Labazée et Duran, Mme Schillinger, M. Courteau, Mme Monier, M. Mazuir et Mme Tocqueville, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toute obligation de confidentialité faisant obstacle au signalement ou à la révélation d’une information définie au premier alinéa est réputée nulle.
La parole est à M. Roland Courteau.
La nullité de l’obligation de confidentialité, notamment contractuelle, doit être inscrite dans la loi. En effet, son omission laisserait selon nous l’agent public ou le salarié dans une totale incertitude quant à la hiérarchie de ses divers droits et obligations face à l’alerte.
Cet amendement tend à inverser la logique du lanceur d’alerte, qui a vocation à violer un secret professionnel, voire des obligations légales.
En contrepartie, lorsque cette alerte est faite dans l’intérêt général, il bénéficiera non seulement d’une protection pénale contre les éventuels délits ainsi commis, mais également d’une protection dans ses relations de travail. Dès lors, il n’est pas nécessaire de réputer nulle toute obligation de confidentialité, le lanceur d’alerte étant protégé par les éléments que je viens d’évoquer.
Par ailleurs, l’adoption de cet amendement pourrait selon moi être dangereuse pour la protection des secrets, en conduisant à une absence totale de confidentialité, même en l’absence d’un lanceur d’alerte.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Je ne suivrai pas M. le rapporteur : j’émets un avis favorable sur cet amendement.
Permettez-moi, mes chers collègues, de vous raconter une anecdote absolument véridique.
Après l’affaire du Mediator, dans les années 2012-2013, l’APFFAPS a muté en Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Alors même que nous venions de voter la loi relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, un salarié de cette nouvelle agence m’a alertée sur le nouveau règlement en cours de rédaction. Il était en effet question de verrouiller complètement les commissions de vigilance relatives au retour d’informations sur les effets néfastes des médicaments.
Heureusement, le directeur de l’agence était à cette époque Dominique Maraninchi, avec lequel j’avais travaillé dans le cadre du Grenelle. Un coup de téléphone a été passé, et les choses se sont arrangées ; le règlement a été modifié. Vous le voyez, les mauvaises habitudes – pas forcément celles d’un président ou d’un directeur, mais celles d’un cadre zélé, avide de tout verrouiller – peuvent revenir très vite.
Cet amendement est donc très utile. Nous le soutiendrons.
Je veux le répéter, la protection apportée aux lanceurs d’alerte ne nécessite pas d’inscrire dans la loi que toute obligation de confidentialité fait obstacle au signalement ou à la révélation d’une information définie à l’article 6 A. Le lanceur d’alerte pourra en effet violer un secret professionnel, tout en bénéficiant d’une immunité pénale. Parallèlement, dans la mesure où il peut être discriminé, il sera protégé au regard des préjudices qu’il pourrait subir sur son lieu de travail.
Ainsi les dispositions prévues par cet amendement n’apportent-elles rien de plus au statut de lanceur d’alerte, si ce n’est une imperfection dans la loi, en laissant supposer que les mesures dont il est question peuvent être utilisées par des personnes qui ne sont pas des lanceurs d’alerte.
Je mets aux voix l'amendement n° 151 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 416 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Monsieur le président, vous pouvez considérer cette intervention comme un rappel à notre futur règlement, dans la mesure où une réflexion est menée actuellement sur la gouvernance et l’évolution du règlement du Sénat.
En effet, après ce que nous avons vécu la semaine dernière et ce que nous continuons de vivre ce soir, il serait important de réfléchir au nombre de scrutins publics autorisés sur un projet de loi. Ceux-ci devraient pouvoir être mis en œuvre sur les principes fondamentaux du texte, et non pas sur chaque amendement.
Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain.
La situation devient intolérable. Soit il y a une majorité dans cet hémicycle – je me demande d’ailleurs où elle se trouve ce soir –, soit tout cela ne sert à rien !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.
Monsieur le président, l’intervention de M. Daniel Raoul n’est pas un rappel au règlement !
Notre règlement précise en effet que nous pouvons organiser autant de scrutins publics que nous le souhaitons.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Le règlement étant parfaitement respecté, les propos de M. Daniel Raoul ne peuvent entrer dans cette catégorie de prises de parole.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 645, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
Il s’agit d’un amendement de cohérence avec l’amendement n° 644.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 92 rectifié est présenté par MM. Adnot, Lefèvre et Doligé.
L'amendement n° 422 est présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
au secret des relations entre un avocat et son client
par les mots :
au secret professionnel de l’avocat
L'amendement n° 92 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. André Gattolin, pour présenter l’amendement n° 422.
Cet amendement vise à introduire une modification rédactionnelle.
L’article 6 B se fixe pour objectif d’assurer l’articulation entre l’alerte éthique et les secrets, notamment professionnels, qui sont pénalement protégés. Il tend ainsi à exonérer de responsabilité pénale le lanceur d’alerte ayant émis un signalement répondant aux critères évoqués précédemment, notamment à celui de la bonne foi.
Aussi, lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale, les députés ont souhaité que les cas relatifs au secret de la défense nationale, au secret médical et au secret des avocats soient expressément exclus de ce dispositif et continuent donc à être opposables aux lanceurs d’alerte.
Nous considérons toutefois que la rédaction actuelle du texte, qui fait référence au « secret des relations entre un avocat et son client », manque de clarté. Cette expression n’est en effet utilisée dans aucun texte de loi. C’est la raison pour laquelle nous proposons d’y substituer l’expression plus générique de « secret professionnel de l’avocat ».
Les amendements identiques n° 272 rectifié quinquies, présenté par MM. Longeot, Luche, Médevielle, Cigolotti, Kern, Canevet, Guerriau, Roche et Marseille, et n° 487, présenté par M. Pellevat, ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements n° 645 et 422 ?
La commission est favorable à l’amendement n° 645, présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 422 vise à étendre la protection absolue dont bénéficient les avocats. Or seul le secret des relations entre un avocat et son client est absolument protégé et non pas l’intégralité de l’activité professionnelle d’un avocat, y compris en dehors de ses relations avec un client.
La commission, estimant que le secret des relations entre l’avocat et son client est nettement et amplement indiqué dans le texte, a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 422.
L'amendement est adopté.
L'article 6 B est adopté.
L'amendement n° 595, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 6 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 323-1 du code pénal est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toute personne qui a tenté de commettre ou commis ce délit est exemptée de poursuites si, ayant averti immédiatement l’autorité administrative ou judiciaire ou le responsable du système de traitement automatisé de données en cause, elle a permis d’éviter toute atteinte ultérieure aux données ou au fonctionnement du système. »
La parole est à M. André Gattolin.
Le présent amendement a pour objet de protéger les lanceurs d’alerte qui découvriraient des failles de sécurité informatique.
En effet, l’absence d’une telle disposition dans notre législation conduit à des situations ubuesques, dans lesquelles des lanceurs d’alerte sont condamnés par la justice, alors qu’ils ont non seulement fait la preuve de n’avoir aucune intention de nuire, mais également rendu un service notable aux responsables des systèmes informatiques concernés.
Le premier alinéa de l’article 323-1 du code pénal sanctionne aujourd'hui tout accès non autorisé à un système de traitement automatisé de données.
Cet amendement vise à prévoir l’immunité pénale pour l’auteur de l’infraction, lorsque celui-ci révèle immédiatement à qui de droit la faille de sécurité découverte et évite ainsi qu’il ne soit porté atteinte au système par ce biais. Bien sûr, il ne s’agit pas de dédouaner un pirate informatique ! Le lanceur d’alerte n’est pas protégé par cette immunité s’il supprime ou modifie les données du système, comme le prévoit l’alinéa 2 de l’article 323-1 du code pénal.
Si nous n’adoptons pas cet amendement, les lanceurs d’alerte qui trouveraient des failles de sécurité informatique seraient dissuadés de les signaler, ce qui serait dommageable à la sécurité nationale, en raison de l’augmentation du nombre de failles de sécurité qui ne seraient pas corrigées, car elles ne seraient pas signalées aux responsables des systèmes informatiques.
Cet amendement vise à rétablir une disposition introduite par l’Assemblée nationale dans le projet de loi pour une République numérique et supprimée par le Sénat.
S’il était adopté, toute personne qui accèderait frauduleusement et intentionnellement à un système de traitement automatisé de données, ou STAD, afin de supprimer des données ou d’altérer le fonctionnement du système, devrait être exemptée de peine dès lors qu’elle aurait contacté, après son forfait, le responsable du traitement en cause ou l’autorité administrative.
Ce dispositif créerait ainsi une immunité pénale pour tous les hackers, dès lors que ces derniers préviennent une autorité après leur acte. Une telle immunité ne peut qu’encourager le développement des attaques informatiques, puisqu’il suffirait d’un simple courriel pour échapper à toute peine.
Enfin, ce dispositif offrirait une immunité même à ceux qui attaquent un STAD sans succès, du fait d’une sécurité convenable.
La commission est donc radicalement défavorable, si j’ose dire, à cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
I. – Le signalement d’une alerte éthique est porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, ou de l’employeur.
En cas de mise en cause des supérieurs hiérarchiques par le signalement ou en l’absence de diligences de l’entité à, dans un délai raisonnable, vérifier la recevabilité du signalement, celui-ci peut être effectué auprès d’une personne de confiance désignée par l’employeur, chargée de recueillir de manière confidentielle les alertes.
En l’absence de personne de confiance ou de diligences de sa part à, dans un délai raisonnable, vérifier la recevabilité du signalement, le signalement est adressé à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels.
En dernier ressort, à défaut de traitement par l’un des organismes mentionnés au précédent alinéa dans un délai de trois mois, en cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles, le signalement peut être rendu public. La légitimité de la divulgation au public est déterminée en fonction de l’intérêt prépondérant du public à connaître de cette information, du caractère authentique de l’information, des risques de dommages causés par sa publicité et au regard de la motivation de la personne révélant l’information.
II
III
IV. – Des procédures appropriées de recueil des alertes émises par les membres de leur personnel ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels sont établies par les personnes morales de droit public d’au moins cinquante salariés, les administrations de l’État, les communes de plus de 10 000 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres, les départements et les régions, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
V. – Toute personne peut adresser son signalement au Défenseur des droits afin d’être orientée vers l’organisme approprié de recueil de l’alerte.
Cet article vise la procédure de remontée des alertes.
Le Sénat prévoit une gradation. Celle-ci a le mérite de présupposer que, dans la majeure partie des cas, le fonctionnement et la communication interne d’une entreprise ou d’une instance sont à même de permettre le traitement du problème.
Toutefois, la loi se doit de prévoir la gestion des exceptions dommageables à l’intérêt public et de protéger les faibles. Lors du débat à l’Assemblée nationale, on a bien senti que le ministère était préoccupé par la résolution législative de récents scandales financiers, dont les victimes ont pu être le budget de la Nation, l’image des institutions bancaires, voire de Bercy, enfin, ce qui est profondément injuste, des individus vertueux ayant rendu publics ces scandales.
La présentation qui a été faite de cette partie du texte, inspirée par les recommandations du rapport du Conseil d’État, témoigne aussi d’une autre ambition : il s’agit d’installer une définition et une procédure compatibles avec tous les types d’alertes. Je remercie au passage la commission des lois d’avoir rétabli un alinéa indispensable de la loi, supprimé un peu hâtivement par l’Assemblée nationale.
Les amendements que j’ai déposés sur cet article visent à prendre en compte les spécificités des alertes d’un type autre que financier, ainsi que leurs exigences propres. Songez, mes chers collègues, au Mediator, aux alertes internes des agences sanitaires, aux risques à la fois imminents et récurrents – je pense aux irradiés de l’hôpital d’Épinal –, et vous comprendrez que, dans certains cas, trois mois, c’est trop long !
Dans le texte qui nous est proposé, le respect de la procédure est constitutif de la bonne foi. Toutefois, et ce sera l’objet de l’amendement n° 381, il faut prévoir tous les cas de figure, notamment la consultation d’associations spécialisées, de type Transparency International ou Les Périphériques vous parlent. Ces associations ne constituent pas un palier de signalement : elles jouent le rôle de consultants.
Enfin, on peut retenir les trois premiers critères de la qualification, dans notre droit de la presse, de la bonne foi, afin de ne pas enfermer celle-ci dans le respect, en toutes circonstances, d’une procédure. Il s’agit, en vertu de l’arrêt du 6 juin 2007, de la légitimité du but poursuivi, de l’absence d’animosité personnelle, ainsi que de la prudence et la mesure dans l’expression.
L'amendement n° 589 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Toute personne qui, dans le cadre de ses relations de travail, prend personnellement connaissance de faits susceptibles de constituer un crime, un délit ou une violation grave et manifeste de la loi et du règlement, a fortiori s’ils présentent le risque de causer un dommage grave, imminent et irréversible, en alerte son supérieur hiérarchique direct ou indirect ou son employeur.
Lorsque l’alerte met en cause un supérieur hiérarchique ou l’employeur, elle est signalée à la personne de confiance désignée par l’employeur chargée de recueillir de manière confidentielle les alertes. L’alerte n’ayant pas fait l’objet de traitement est adressée à l’Agence de prévention de la corruption ou de la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement au-delà du délai de trois mois, sans délai en cas de risque de dommage imminent.
En dernier ressort, au-delà d’un délai de trois mois après le signalement de l’alerte par la voie hiérarchique et interne, à défaut d’avoir fait l’objet d’un traitement, et après avoir été transmise à l’autorité judiciaire selon la procédure prévue à l’article 40 du code de procédure pénale, l’alerte peut être rendue publique.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Cet amendement a pour objet de clarifier la procédure de lancement de l'alerte, dans le cadre des relations de travail.
Il s’agit de préciser la gradation des opérations à mettre en œuvre, pour arriver, in fine, à la révélation au public de l’alerte. L’originalité des dispositions proposées ici tient au nombre réduit des différentes phases, la procédure étant ainsi raccourcie. Par ailleurs, nous faisons référence à la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement, ainsi qu’à l’Agence de prévention de la corruption, qui fait l’objet de ce projet de loi.
Telles sont, pour l’essentiel, les modalités proposées au travers de cet amendement.
Cet amendement est une réécriture de la procédure de signalement. Or, chaque fois qu’il s’agira de réécrire l’article 6 C, auquel la commission tient beaucoup, j’émettrai un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 314, présenté par MM. Anziani et Guillaume, Mme Espagnac, MM. Yung, Marie et Sueur, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 4
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
I. – L’alerte peut être portée à la connaissance du référent désigné par l’employeur ou, à défaut, de tout supérieur hiérarchique ou de l’employeur.
En cas de crainte de représailles ou de destruction de preuves, celle-ci peut être adressée à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative, au Défenseur des droits, aux instances représentatives du personnel, aux ordres professionnels ou à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date de l’alerte se proposant par ses statuts d’assister les lanceurs d’alerte.
À défaut de prise en compte par l’un des organismes mentionnés au deuxième alinéa ou en cas d’urgence, l’alerte peut être rendue publique.
La parole est à M. Alain Anziani.
Il s’agit d’un amendement d’appel. Si nous sommes persuadés qu’il faut une gradation dans l’alerte, principe retenu dans la plupart des pays, nous nous interrogeons sur la gradation la plus appropriée. En effet, celle qui nous est proposée nous paraît beaucoup trop rigide.
Aux termes de l’article 6 C, « le signalement d’une alerte éthique est porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, ou de l’employeur. » Ainsi, nous sommes globalement dans le cadre d’une relation de travail. Quid lorsque tel n’est pas le cas, comme le permet l’article 6 A du texte ? Aucune gradation et aucune méthode de transmission de l’alerte ne sont prévues !
Revenons au cas d’une relation de travail, pour lequel la rédaction pourrait être améliorée, bien qu’elle ait déjà été beaucoup travaillée. Si le signalement doit être porté à la connaissance de l’employeur, il faut auparavant passer par un certain nombre de phases. Toutefois, que se passe-t-il si l’employeur est lui-même l’objet de l’alerte ? Il convient de s’adresser à une personne de confiance, laquelle est désignée par l’employeur faisant justement l’objet de l’alerte ! Il y a donc bien là une difficulté.
Le texte précise donc que, « en l’absence de personne de confiance ou de diligences de sa part », on pourra s’adresser à l’autorité judiciaire ou à l’autorité administrative. Que se passera-t-il si l’autorité judiciaire ne témoigne pas d’un certain empressement ou si l’autorité administrative a autre chose à faire ? Telle est pourtant la réalité, aujourd'hui, de notre société.
Certes, dans ce cas, il existe une solution : à défaut de traitement dans un délai de trois mois, le signalement peut être porté à la connaissance du public.
Attention, néanmoins : cela vaut seulement « en cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles ». Qui en jugera ? Cela revient en quelque sorte à dire aux lanceurs d’alerte : « Lancez l’alerte si vous voulez, mais vous risquez d’en prendre plein la figure ; le mieux est donc que vous restiez chez vous et gardiez le silence ». J’estime qu’il s’agit d’une incitation au secret, plutôt qu’à la révélation des faits incriminables.
Je dois reconnaître que je ne dispose pas vraiment moi-même de la solution et que la rédaction de notre amendement pourrait être améliorée – c’est pourquoi j’ai dit qu’il s’agissait d’un amendement d’appel.
Quoi qu’il en soit, la solution à laquelle nous sommes parvenus sur ce sujet n’est pas bonne. En définitive, celle de l’Assemblée nationale me convient davantage.
L'amendement n° 438, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Rédiger ainsi ces alinéas :
I. – L’alerte est préalablement effectuée par voie interne auprès de la personne de confiance désignée par l’employeur, les instances représentatives du personnel, les supérieurs hiérarchiques ou l’employeur lui-même.
En cas d’impossibilité d’emprunter la voie interne ou si aucune suite n’est donnée à l’alerte dans un délai de deux mois, celle-ci peut être adressée à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative, au Défenseur des droits, aux ordres professionnels, à un parlementaire ou à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date de l’alerte se proposant par ses statuts d’assister les lanceurs d’alerte.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Monsieur le président, mes explications vaudront également pour l’amendement n° 439.
La question posée ici est celle de l’articulation entre les différentes procédures de signalement de l’alerte. À l’instar de la formule retenue par la commission de l’Assemblée nationale, nous proposons deux paliers de signalement : un palier interne, au sein de l’entreprise, et un palier externe, en dehors de l’entreprise.
Notre amendement vise à introduire dans les canaux de signalement interne les instances représentatives du personnel, ainsi que l’ensemble des supérieurs hiérarchiques, et non seulement le supérieur hiérarchique direct.
En l’état actuel du texte, l’employeur vis-à-vis duquel le lanceur d’alerte peut entretenir des craintes légitimes de représailles est largement surreprésenté dans la procédure, puisque le signalement de l’alerte peut être porté, au sein de l’entreprise, à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, ou de l’employeur. En cas de mise en cause de l’employeur, le signalement peut être effectué auprès d’une personne de confiance désignée par l’employeur.
Cette première étape du signalement nous semble phagocytée par l’employeur, ce qui pourrait saper l’efficacité de la procédure et de l’ensemble même du dispositif. En permettant au lanceur d’alerte de s’adresser aux instances représentatives du personnel ou à un autre supérieur hiérarchique, nous créerions les conditions d’une protection plus efficace.
Par ailleurs, dans les cas où il n’est pas possible d’emprunter le canal interne, notamment en cas de crainte de représailles, ou dans les cas où aucune suite n’est donnée au signalement, le présent amendement vise à prévoir la possibilité d’un signalement par voie externe.
La liste déjà prévue par le texte comporte l’autorité judiciaire, l’autorité administrative et les ordres professionnels. Nous proposons d’y ajouter le Défenseur des droits, un parlementaire, ainsi que toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date de l’alerte.
L’amendement n° 439 est un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 438. Il vise, a minima, à donner aux lanceurs d’alerte la possibilité d’effectuer tout signalement auprès des instances représentatives du personnel. Cela nous paraît la moindre des choses, et parfaitement du ressort de ces instances.
Le lanceur d’alerte doit pouvoir trouver une oreille attentive au sein même de son entreprise, en dehors de ses supérieurs. Il doit pouvoir se sentir en confiance et s’adresser à la personne de son choix au sein des instances représentatives du personnel.
Ces deux amendements visent donc à garantir l’efficacité de la procédure de signalement et son caractère protecteur pour les lanceurs d’alerte, dont l’importance du rôle n’est plus à démontrer.
L'amendement n° 538 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer le mot :
éthique
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Le terme « éthique » me paraît un peu trop vague. Sont en jeu, ici, des infractions ou des manquements graves : il ne s’agit pas d’un simple problème de moralité. L’usage du terme « éthique » revient à poser le problème d’une façon un peu trop générale et à ouvrir la porte à toute forme d’intervention.
L'amendement n° 439, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après les mots :
direct ou indirect,
insérer les mots
des instances représentatives du personnel, lorsqu’elles existent,
Cet amendement a été précédemment défendu,
L'amendement n° 655, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 1
Remplacer les mots :
ou de l'employeur
par les mots :
de l'employeur ou d'un référent désigné par celui-ci
II. - Alinéa 2
1° Remplacer les mots :
auprès d'une personne de confiance désignée
par les mots :
auprès du seul référent désigné
2° Remplacer le mot :
chargée
par le mot :
chargé
III. - Alinéa 3
Remplacer les mots :
personne de confiance
par les mots :
référent désigné
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement vise, notamment, à préciser la procédure de signalement. En effet, il tend à permettre aux entreprises de préférer une première médiation du signalement par un référent désigné – cette solution, d’ailleurs, est susceptible de satisfaire un certain nombre de personnes.
À supposer que cette hypothèse ne s’applique pas, cet amendement vise à autoriser que les supérieurs hiérarchiques ne soient pas prévenus du signalement dans deux situations seulement : en l'absence de diligences des supérieurs hiérarchiques à traiter le signalement dans un délai raisonnable, ou dans les cas où ceux-ci seraient mis en cause.
Enfin, cet amendement tend à substituer le terme de « référent » à celui de « personne de confiance ».
L'amendement n° 380, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Si le risque imminent, le délit ou le danger sont du fait d’un supérieur hiérarchique, le lanceur d’alerte peut s’adresser directement aux instances publiques ou au défenseur des droits.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Le présent texte est destiné à protéger l’exception ; chacun, ici, s’entend à préférer que les systèmes ne dysfonctionnent pas, qu’il n’existe pas de comportements indélicats et que, en cas de signalement d’une alerte, la chaîne hiérarchique entende, diagnostique, puis traite le problème.
Ce projet de loi a vocation à protéger le lanceur d’alerte, voire le lanceur d’alerte non entendu. Présumant le système vertueux, ses auteurs invitent l’auteur du signalement à respecter les différents paliers de la procédure, au rang desquels est d’ailleurs inscrit le Défenseur des droits.
L’objet de cet amendement est de proposer une gestion du pire, à savoir du cas où le désordre est causé par une personne en position hiérarchique de receveur d’alerte. Le lanceur d’alerte doit alors pouvoir « sauter » cette étape. Une autre situation devrait justifier l’alerte directe aux instances publiques : celle du risque imminent ou du danger.
À titre d’exemple, prenons le cas, qui s’est posé dans les années 2000, des prothèses PIP, emplies d’un gel inapproprié : une salariée qui s’en serait émue auprès du supérieur qui s’est depuis rendu célèbre aurait risqué le pire, le projet de loi Sapin II n’étant pas voté. Néanmoins, il n’est pas certain que le texte actuel, qui dresse une liste de destinataires d’alertes à suivre dans l’ordre chronologique, aurait d’emblée protégé ladite salariée, laquelle n’aurait pas pu respecter la chronologie prévue.
L'amendement n° 381, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
ou un professionnel ou à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date de l’alerte proposant par ses statuts d’assister les lanceurs d’alerte
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Sur l’initiative d’ONG internationales spécialisées dans l’alerte, une journée d’étude en droit comparé a été organisée à l’université Paris-Descartes le 10 juin dernier.
La confrontation des environnements juridiques de l’alerte aux États-Unis d’Amérique, au Canada, en Afrique du Sud, au Royaume-Uni et en Russie a permis de relever un point commun : le lanceur d’alerte a souvent besoin de conseil et d’appui pour objectiver sa démarche, rassembler ses observations, les mettre en forme, rester dans le rationnel, ne pas tomber dans la calomnie, s’entourer.
Des associations font ce travail de conseil. Il est donc nécessaire que le lanceur d’alerte puisse recourir à leurs services. Je précise qu’il ne s’agit pas d’en faire un palier nécessaire, mais de reconnaître leur rôle de conseil, afin d’éviter l’isolement du lanceur d’alerte.
L'amendement n° 382, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le signalement peut être rendu public à défaut de traitement par l’un des organismes mentionnés au précédent alinéa dans un délai raisonnable, ou en cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Le principe de cette proposition avait été adopté à l’occasion de la discussion à l’Assemblée nationale de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et pluralisme des médias. Ce vote avait été complété, au Sénat, par celui d’un amendement du Gouvernement, Mme Azoulay ayant proposé, à juste titre, que des peines d’enfermement et d’amende soient appliquées dans les cas de dénonciation calomnieuse. Tout cela a néanmoins disparu, la commission mixte paritaire sur ce texte ayant échoué.
Pourtant, il s’agissait d’un point consensuel. L’amendement n° 382 vise à réintroduire cette disposition dans le présent texte, l’expression publique du signalement pouvant se justifier en cas d’absence de traitement.
En outre, si un délai de trois mois nous semble approprié en cas de dénonciation d’un scandale financier, nous proposons malgré tout de lui substituer la mention d’un délai « raisonnable », afin de couvrir des cas où il est nécessaire d’agir plus vite : émanation toxique, présence d’un mélange inadéquat dans un processus de fabrication ou, plus généralement, « danger grave et imminent », circonstance mise en avant par le Conseil d’État dans son étude Le Droit d’alerte : signaler, traiter, protéger, adoptée en février 2016.
L’amendement n° 314 de notre collègue Alain Anziani est peut-être le plus fondamental, puisqu’il vise à réécrire le dispositif du signalement de l’alerte dans un sens contraire à la position défendue par la commission. Or cette dernière est très attachée à sa position.
Cher collègue, je comprends vos préoccupations. Je vous demande toutefois de bien vouloir retirer votre amendement : je pense que la liste d’acteurs que vous proposez est inadaptée.
J’évoquerai ce seul point : pourquoi un signalement devrait-il être adressé à une association ? De quel pouvoir est dotée l’association pour arrêter le délit ou le crime ? Aucun, bien entendu. Tout lanceur d’alerte peut évidemment s’adresser à une association, mais une communication à une association ne saurait en aucun cas être considérée comme une étape « normale » de la procédure de signalement. En outre, une association n’est pas habilitée à connaître un secret protégé par la loi.
Enfin – vous avez pu constater, cher collègue, que ce point risquait de faire problème dans la suite du débat –, cet amendement tend à replacer le Défenseur des droits, à son corps défendant, ainsi que les instances représentatives du personnel, au même rang que l’autorité judiciaire.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Au bénéfice de la modération de mes propos, peut-être M. Anziani acceptera-t-il de le retirer.
Madame Assassi, vous proposez, avec l’amendement n° 438, une réécriture du dispositif du signalement de l’alerte.
En vertu de cette réécriture, l’information devrait d’abord être transmise soit à l’employeur, soit aux instances représentatives du personnel, soit à la « personne de confiance ». Cette hiérarchie du signalement me semble inappropriée – j’ai déjà expliqué la position de la commission concernant les instances représentatives du personnel. Mon avis est donc défavorable sur cet amendement.
Monsieur Collombat, avec l’amendement n° 538 rectifié, vous proposez de supprimer le terme « éthique ». La commission a considéré qu’il n’était en effet sans doute pas nécessaire de le maintenir, et cela quand bien même l’éthique doit bel et bien constituer un élément majeur dans la motivation et la décision du lanceur d’alerte. La commission émet donc un avis favorable.
L’amendement n° 439 vise à réintroduire le rôle des instances représentatives du personnel dans la procédure de signalement. Celles-ci ne sont pourtant pas des autorités administratives ou judiciaires aptes, comme telles, à juger de la véracité ou de la fausseté du signalement.
Par ailleurs, après tout, cela n’empêche en rien les instances représentatives du personnel d’œuvrer à la mise en place d’une procédure interne de signalement : elles sont ainsi parfaitement dans leur rôle. Mais il s’agit d’un problème distinct. Pour cette seule raison, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Madame Blandin, avec l’amendement n° 380, vous conditionnez la possibilité de s’adresser aux instances publiques ou au Défenseur des droits aux seuls cas de « risque imminent ». En définitive, votre rédaction est extrêmement restrictive ; elle est donc contraire à la vision plus large qui est celle de la commission. Mon avis est donc défavorable.
Il est défavorable également pour l’amendement n° 381 : chère collègue, vous intégrez deux nouveaux acteurs dans la procédure, dont le premier, « un professionnel », me paraît excessivement large.
Quant à l’amendement n° 382, il vise à remplacer le délai de trois mois par un délai « raisonnable ». Qu’est-ce qu’un délai « raisonnable » ? Trois mois peuvent paraître en effet trop longs ; néanmoins, la notion de « délai raisonnable » me semble trop sujette à des jurisprudences parfois diverses et évolutives…
En outre, ce délai de trois mois n’a pas été choisi au hasard : il s’agit du délai d’attente nécessaire, à compter du dépôt d’une plainte devant le procureur de la République, à partir duquel il devient possible, en l’absence de réponse, de saisir le juge d’instruction. Ce choix relève donc d’une certaine cohérence. La commission émet donc un avis défavorable.
Monsieur Anziani, votre proposition est intéressante, mais, comme vous le disiez vous-même, elle pose des problèmes de rédaction. Je vous demande donc de bien vouloir retirer l’amendement n° 314.
En ce qui concerne l’amendement n° 438, l’avis du Gouvernement est défavorable, pour les raisons qui ont été invoquées par M. le rapporteur.
S'agissant de l’amendement n° 538 rectifié de M. Collombat, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Sur l’amendement n° 439, le Gouvernement émet le même avis que la commission, à savoir un avis défavorable.
Il est en revanche favorable à l’amendement n° 655 de la commission.
Enfin, pour les mêmes raisons que la commission, il émet un avis défavorable sur les amendements n° 380, 381 et 382.
Non, je le retire, monsieur le président, même si je souhaite que nous réfléchissions à une meilleure rédaction.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 135 rectifié bis, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, G. Bailly, Béchu, Cambon, Cantegrit, Cardoux, Charon, Chasseing, Commeinhes, Danesi, Darnaud, Delattre, de Nicolaÿ, de Raincourt et Doligé, Mme Duchêne, MM. Grand, Houel, Houpert, Huré et Laménie, Mme Lamure, M. Lefèvre, Mme Lopez, MM. Mandelli, A. Marc, Milon et Mouiller, Mme Primas et M. Vasselle, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Lorsqu’une personne est présentée publiquement par le lanceur d’alerte comme étant soit suspectée soit coupables de faits faisant l’objet d’un signalement alors qu’il a la connaissance au moins partielle de leur inexactitude, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser ces agissements, et ce aux frais du lanceur l’alerte responsable de cette atteinte.
La décision de condamnation peut ordonner les mêmes mesures aux frais du lanceur d’alerte condamné.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
En cas de signalement d'une alerte éthique, il importe de préciser les conditions dans lesquelles la diffusion de fausses informations par un lanceur d'alerte peut être empêchée ou corrigée dans les médias. En effet, des réputations peuvent être ruinées pour une longue période par de fausses accusations.
Certes, le recours aux dispositions de droit commun offre des garanties aux personnes lésées, mais il nous a paru nécessaire d’y apporter des précisions, au nom de la rapidité des décisions dans les cas les plus urgents.
Chère collègue, je vous demande d’appliquer l’excellente jurisprudence que vous avez constituée précédemment en retirant l’amendement n° 134 rectifié ter, dont l’objet était très proche de celui du présent amendement.
Je demande, moi aussi, le retrait de cet amendement.
L'amendement n° 135 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 383, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer les mots :
de plus de 10 000 habitants
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Vous conviendrez, mes chers collègues, que les modalités du signalement d’une alerte ne peuvent être fonction de la taille de la commune concernée. À ce jour, environ 33 500 communes ont moins de 3 500 habitants, et seules 900 communes sont au-dessus du seuil envisagé de 10 000 habitants.
Les procédures appropriées de recueil des alertes émises par les membres du personnel ou les collaborateurs des communes doivent pouvoir être accessibles facilement, partout sur le territoire. Le Sénat a coutume de défendre l’allégement des contraintes pour les collectivités ; mais, en l’occurrence, il ne s’agit vraiment pas d’une contrainte : nous ne demandons pas aux communes d’installer une instance, mais de tenir un registre et d’en informer le public. Cela ne coûte rien et cela permet à chacun de se faire entendre.
Mme Blandin ne sera pas étonnée que la commission émette un avis défavorable. Dans le département du Cher, certaines communes comptent vingt ou trente habitants. Supprimer purement et simplement le seuil de 10 000 habitants reviendrait à leur imposer ce type de procédure !
Au moment où les maires, lors de toutes leurs assemblées générales, se plaignent de façon quasi systématique de l’explosion des normes, il me paraît excessif d’instaurer celle-ci, alors même qu’elle n’aura pas beaucoup d’importance dans les petites communes.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Je comprends les propos de M. le rapporteur, mais les remarques de Mme Blandin ne sont pas sans fondement. En effet, un certain nombre de très petites communes ont sur leur territoire des sites classés Seveso, par exemple, ce qui peut poser des difficultés.
Certes, monsieur Pillet, il est important de maintenir un seuil, et il ne faut pas alourdir le travail des maires. Je suivrai donc l’avis de la commission en ce qui concerne le vote de l’amendement. Néanmoins, il n’est pas absurde de considérer que des communes de moins de 10 000 habitants peuvent rencontrer des problèmes de ce genre.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 384, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Toute personne physique ou morale a le droit de rendre publique ou de diffuser de bonne foi une information concernant un fait, une donnée ou une action tel que défini à l’article 6 A de la loi n° … du … relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Ne me faisant aucune illusion au sujet du sort qui sera réservé à cet amendement, dont la rédaction comprend d'ailleurs une coquille, je le retire, monsieur le président.
L'article 6 C est adopté.
I. – Les procédures et les outils informatiques mis en œuvre pour recueillir les signalements, dans les conditions mentionnées à l’article 6 C, garantissent une stricte confidentialité de l’identité des auteurs du signalement, des personnes visées par celui-ci et des informations recueillies par l’ensemble des destinataires du signalement.
Les éléments de nature à identifier le lanceur d’alerte ne peuvent être divulgués qu’avec le consentement de celui-ci.
Les éléments de nature à identifier la personne mise en cause par un signalement ne peuvent être divulgués qu’en cas de renvoi de la personne concernée devant une juridiction de jugement.
II. – Le fait de divulguer les éléments confidentiels définis au I est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.
L'amendement n° 656, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer les mots :
et les outils informatiques
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 30 rectifié ter, présenté par MM. Vasselle, Milon, Morisset, Lefèvre et Houel, Mme Morhet-Richaud, MM. D. Laurent, B. Fournier et Bizet, Mmes Deromedi et Cayeux, M. Laménie, Mmes Gruny et Duchêne et MM. Pellevat et Chaize, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Le caractère fondé de l’alerte est établi par l’autorité judiciaire ou administrative compétente, dans le respect de l’obligation de confidentialité et des règles procédurales en vigueur.
Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de transmission de l’alerte entre la personne l’ayant recueilli et l’autorité publique compétente pour en vérifier le caractère fondé.
La parole est à M. Alain Vasselle.
Cet amendement a pour objet de parfaire le dispositif adopté à l’Assemblée nationale pour garantir le respect des droits de la défense et éviter l’instrumentalisation du dispositif du lanceur d’alerte.
Le traitement de l’alerte a pour principal objet d’en vérifier le bien-fondé et, lorsque cela est vérifié, d’engager les procédures judiciaires – pénales ou civiles – ou administratives nécessaires afin de faire cesser ou de sanctionner le comportement grave ainsi mis en évidence. La vérification du bien-fondé de l’alerte est donc une phase essentielle du processus de traitement d’une alerte, afin de ne pas mettre en cause, à tort, une personne physique ou morale.
La procédure de traitement de l’alerte prévoit, dans ce sens, l’obligation de confidentialité. Cependant, bien que cette obligation soit nécessaire, elle n’est pas suffisante pour garantir un respect strict des droits de la défense et des libertés individuelles.
Afin d’assurer la légitimité du dispositif de lanceur d’alerte, il est nécessaire que le processus de vérification du bien-fondé de l’alerte soit formellement encadré, pour éviter toute dérive et instrumentalisation du dispositif.
La commission partage, depuis le début, le souci des auteurs de cet amendement. Il s’agit ici de rappeler que le caractère fondé de l’alerte est établi par l’autorité judiciaire ou par l’autorité administrative. C’est un rappel évident !
Néanmoins, il ne me semble pas approprié d’insérer cette précision au sein de l’article qui définit la procédure graduée. En effet, nul n’est compétent a priori, pas même l’autorité judiciaire, pour apprécier le caractère fondé ou non de l’alerte. Seule une juridiction, à l’occasion d’un litige particulier, pourrait retenir ou non le motif de défense invoqué, fondé sur le signalement de l’alerte. C’est alors un argument de défense.
Il n’existe pas de statut a priori du lanceur d’alerte. Il n’y a qu’une protection pénale et une protection disciplinaire ou contractuelle dans le cadre du contrat de travail. Aussi, l’insertion de cet amendement reviendrait à affirmer qu’il est possible de déterminer a priori le bien-fondé de l’alerte, ce qui n’est évidemment pas concevable – je suis sûr que vous en conviendrez, monsieur Vasselle.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Comme M. le rapporteur est un expert sur ces sujets, ce qui n’est pas mon cas, je me plierai à sa demande.
Je me permets néanmoins de faire remarquer que l’objet de cet amendement, qui semble poser quelques difficultés, était bien de veiller à ce que l’alerte lancée par le lanceur d’alerte soit appréciée par la justice quant à son bien-fondé. Tel était notre souci. En effet, l’article n’évoque pas du tout le bien-fondé de l’alerte lancée par le lanceur d’alerte.
La commission estime que les autres dispositions du droit permettent de prendre en considération ce point. Le lanceur d’alerte n’ayant pas de statut, M. le rapporteur s’appuie sur cet argument pour affirmer que le caractère fondé de l’alerte n’a pas à être apprécié par un magistrat. Cela me surprend, mais, comme M. Pillet est un spécialiste du droit, je m’en remets à son expertise. Je reste malgré tout interrogatif et je me demande s’il n’y aura pas lieu, le moment venu, au vu de la jurisprudence, de prévoir de nouvelles dispositions.
En attendant, je retire cet amendement, monsieur le président.
L'article 6 D est adopté.
L’article L. 1132-3-3 du code du travail est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir signalé une alerte éthique dans le respect des dispositions des articles 6 A à 6 C de la loi n° … du … relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. » ;
2° La première phrase du dernier alinéa est ainsi rédigée :
« En cas de litige relatif à l’application des premier et deuxième alinéas, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, ou une alerte éthique, dans le respect des dispositions précitées, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé. »
L'amendement n° 440, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas de révocation, de licenciement ou de non-renouvellement de contrat faisant suite à une alerte de bonne foi, la nullité emporte la réintégration de l’agent public ou du salarié dans son emploi, ou sa réaffectation à un poste équivalent qui ne peut être inférieur ni en termes de rémunération ni en termes d’ancienneté ni en termes de droit à la retraite, ou le dédommagement intégral du préjudice qui en résulte.
« Ce dédommagement est assuré par l’employeur, public ou privé, mis en défaut et fixé par l’autorité judiciaire compétente.
La parole est à M. Patrick Abate.
L’article 6 E entend protéger les lanceurs d’alerte contre les éventuelles mesures de représailles, notamment dans le milieu professionnel. Et nous savons tous à quel point cela peut être compliqué.
Les risques sont hors normes. D’un point de vue professionnel, le signalement est loin d’être anodin, et des mesures de représailles peuvent être prises par l’entreprise à l’égard du lanceur d’alerte. C’est malheureusement une réalité !
En l’état, la protection à l’égard des représailles doit être consolidée, la mouture actuelle du projet de loi ne prévoyant aucune règle en cas de licenciement ou de mesure disciplinaire injustifiée.
Cet amendement tend d’abord à prévoir qu’en cas de licenciement, de révocation ou de non-renouvellement de contrat faisant suite à une alerte, la décision disciplinaire prise est frappée de nullité, ce qui entraînera la réintégration ou le dédommagement intégral du préjudice qui en résulte. Il vise ensuite à préciser que le dédommagement du préjudice est assuré par l’employeur mis en défaut, qu’il soit public ou privé. Ce dédommagement est bien entendu fixé par l’autorité judiciaire compétente.
Comme M. le rapporteur, qui a souhaité supprimer l’article 6 F en commission, nous considérons qu’il n’est pas forcément du ressort du Défenseur des droits de financer les frais de procédure, ainsi que la réparation des dommages moraux et financiers des lanceurs d’alerte.
C’est pourquoi nous proposons une solution de rechange, pour le moins logique, en prévoyant d’attribuer ce rôle aux principaux concernés, fautifs de tels dommages. De nouveau, il s’agit d’un amendement de bon sens et de justice, dont l’adoption doit permettre d’améliorer la protection des lanceurs d’alerte.
Les dispositions de cet amendement vont tout à fait dans le sens des propositions de la commission, qui estime, par exemple, que le conseil de prud’hommes fera mieux le travail que le Défenseur des droits.
Toutefois, il vise à entrer dans le détail du droit à la réintégration. De telles dispositions sont redondantes avec le droit commun de la justice administrative et prud’homale sur cette question, me semble-t-il. Je suggère de laisser au juge son plein pouvoir de réintégrer ou non ; à lui de déterminer dans quelles conditions tout cela se fera.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 583 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 5
Supprimer le mot :
éthique
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Cet amendement a été défendu et même d’une certaine façon adopté, monsieur le président, puisque le mot « éthique » a déjà été supprimé précédemment.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 657, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Aucun fonctionnaire ne peut être sanctionné ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir signalé une alerte dans le respect des dispositions des articles 6 A à 6 C de la loi n° … du … relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. » ;
2° La première phrase du quatrième alinéa est ainsi modifiée :
a) Le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre » ;
b) Les mots : « ou d’une situation de conflit d’intérêts » sont remplacés par les mots : «, d’une situation de conflits d’intérêts ou d’un signalement constitutif d’une alerte au sens de l’article 6 A de la loi précitée ».
3° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Le fonctionnaire qui relate ou témoigne de faits relatifs à une situation de conflit d’intérêts de mauvaise foi ou de tout fait susceptible d’entraîner des sanctions disciplinaires, avec l’intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l’inexactitude des faits rendus publics ou diffusés est puni des peines prévues au premier alinéa de l’article 226-10 du code pénal. »
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement tend à appliquer aux fonctionnaires la protection des lanceurs d'alerte, prévue par le texte de la commission, contre toute mesure discriminatoire.
Le Gouvernement partage tout à fait l’objectif de la commission.
Pour autant, sauf erreur de ma part, cet amendement est d’ores et déjà satisfait par la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires. Dans un souci de stabilité du droit, il ne serait pas de bonne législation de modifier encore des dispositions législatives.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement.
En fait, il s’agit ici d’intégrer la notion de violation grave des lois et règlements. Cette violation ne figure pas dans le texte évoqué par M. le ministre.
Je maintiens donc cet amendement, monsieur le président.
Je formulerai deux remarques.
Tout d’abord, l’intervention de M. le rapporteur laisse à penser que nous n’aurions pas été suffisamment attentifs lors de la rédaction du texte relatif à la déontologie des fonctionnaires, puisque nous avons omis d’y intégrer le terme « violation ».
M. le rapporteur le conteste.
Par ailleurs, je m’interroge sur la nécessité de prévoir une disposition spécifique pour les fonctionnaires. J’avais la naïveté de penser que, à partir du moment où le droit commun vise toute personne, cela comprend à la fois ceux qui travaillent dans les entreprises privées et les fonctionnaires. La loi sur la déontologie des fonctionnaires est-elle incomplète, comme l’a souligné M. le rapporteur ?
Quoi qu’il en soit, le droit commun devrait s’appliquer invariablement à tous. Il n’y a pas deux catégories de Français !
Monsieur Vasselle, les fonctionnaires ne sont pas soumis au code du travail.
Telle est la raison d’être de cet amendement. Cela ne remet nullement en cause le travail réalisé précédemment, qui ne prenait pas en compte l’hypothèse des lanceurs d’alerte.
L'amendement est adopté.
L'article 6 E est adopté.
(Non modifié)
Après l’article L. 911-1 du code de justice administrative, il est inséré un article L. 911-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 911 -1 -1. – Lorsqu’il est fait application de l’article L. 911-1, la juridiction peut prescrire de réintégrer toute personne ayant fait l’objet d’un licenciement, d’un non-renouvellement de son contrat ou d’une révocation en méconnaissance du I de l’article 6 E de la loi n° … du … relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, y compris lorsque cette personne était liée par une relation à durée déterminée avec la personne morale de droit public ou l’organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public. » –
Adopté.
Mes chers collègues, nous avons examiné 68 amendements au cours de la journée ; il en reste 528.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Je rappelle au Sénat que le groupe UDI-UC a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale aux entreprises.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Anne-Catherine Loisier membre de la délégation sénatoriale aux entreprises, en remplacement de Mme Valérie Létard, démissionnaire.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 5 juillet 2016, à quatorze heures trente et à vingt et une heures :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (n° 691, 2015-2016) et de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte (n° 683 rectifié, 2015-2016) ;
Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 712, tomes I et II, 2015-2016) ;
Textes de la commission (nos 713 et 714, 2015-2016) ;
Avis de M. Daniel Gremillet, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 707, 2015-2016) ;
Avis de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n° 710, 2015-2016).
Par ailleurs, je vous informe que la séance de l’après-midi sera suspendue à dix-neuf heures, compte tenu de la réunion, ouverte à tous les sénateurs, de la commission des affaires européennes, pour l’audition de M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes, sur les conclusions du Conseil européen des 28 et 29 juin derniers. La séance reprendra à vingt et une heures.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mardi 5 juillet 2016, à zéro heure cinq.