Le Sénat n’a pas peur. Il fait preuve de mesure, recherche l’équilibre, réfléchit et se pose en rempart de certaines libertés.
Encore une fois, il faut trouver une définition qui permette de protéger les lanceurs d’alerte, mais sans négliger qu’une définition mal rédigée ou un dispositif défaillant feraient des victimes collatérales.
Nous avons le devoir de trouver une définition. Des conceptions se heurtent. Peut-être n’aboutirons-nous pas aujourd'hui.
Votre proposition est contraire à la position de la commission. Vous définissez comme lanceur d’alerte toute personne dénonçant un manquement au droit en vigueur. Mais qu’est-ce que le droit en vigueur ? Est-ce que cela inclut les conventions internationales rectifiées, la Convention internationale des droits de l’enfant, la coutume internationale ? La définition de la commission précise que le lanceur d’alerte dénonce la violation d’une loi ou d’un règlement. Il s’agit bien du droit en vigueur, mais c’est clairement défini.
Votre amendement vise à élargir encore la définition du lanceur d’alerte à la dénonciation de « menace ou préjudice graves pour l’intérêt général ». C’est tout de même ouvrir une faille. Comment interpréter le mot « menace » ? Il n’est pas certain que votre définition, en étant trop peu précise, protège vraiment les lanceurs d’alerte. Qu’est-ce que les juges considéreront comme une menace ? Votre définition est plus large, mais celle de la commission est plus protectrice pour les victimes et les lanceurs d’alerte.
De plus, de la définition du lanceur d’alerte naît une irresponsabilité pénale. Or on ne peut pas faire reposer un tel effet juridique sur une définition aussi imprécise. Au demeurant, la jurisprudence constitutionnelle, qui est particulièrement exigeante en matière pénale, risque, je le crains, de trouver votre texte insuffisamment précis.
La commission propose une définition faisant référence à une « violation grave et manifeste de la loi ou du règlement », de l’intérêt général et de la bonne foi du lanceur d’alerte. Tous ces éléments visent à préserver les lanceurs d’alerte. Chacun peut avoir de la sympathie pour ces derniers. Mais les exemples que je vous ai donnés et que je pourrais multiplier à l’envi montrent qu’il y a un problème. N’adoptons pas une loi que nous serons obligés de réécrire dans cinq ans parce que trois ou quatre personnes n’étant pas de vrais lanceurs d’alerte auront mis au tapis des entreprises importantes et fait supprimer deux cents ou trois cents emplois !
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.