Intervention de Michel Sapin

Réunion du 5 juillet 2016 à 14h30
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique – orientation et protection des lanceurs d'alerte — Article 6 F

Michel Sapin, ministre :

Cet amendement, comme celui de Mme Blandin, a toute son importance, et ses dispositions ont commencé à animer nos discussions dès hier.

Nous sommes d’accord pour dire que le lanceur d’alerte, dès lors qu’il est reconnu comme tel, doit être indemnisé en raison du préjudice subi. Ce n’est donc pas cela qui est en cause. Au fond, la question posée aujourd’hui est de savoir si le lanceur d’alerte doit être laissé seul, avant que le juge compétent ne fixe le montant du préjudice.

Ce lanceur d’alerte doit en effet affronter au moins deux types de difficultés. En premier lieu, il doit faire face aux frais de procédure, puisqu’il est souvent engagé dans des procédures longues et coûteuses.

En second lieu, il y a la vie quotidienne : le lanceur d’alerte est souvent confronté à une situation où il ne peut pas faire face à un certain nombre de besoins immédiats, parce qu’il a été privé de son poste de travail, par exemple, ou qu’il ne dispose pas d’autres revenus.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est à cette question qu’il vous est demandé aujourd’hui de répondre, lorsque nous vous proposons d’autoriser l’autorité publique concernée, en l’occurrence le Défenseur des droits, à accorder aux lanceurs d’alerte un soutien pour les procédures juridiques engagées, ainsi qu’une aide financière immédiate pour faire face aux difficultés rencontrées.

Monsieur le rapporteur, vous me reprendrez si je me trompe, mais j’ai cru comprendre que ce qui a animé les travaux de la commission était la volonté de ne pas faire du Défenseur des droits l’autorité qui aurait à apprécier le montant du préjudice subi par les lanceurs d’alerte.

Je partage pleinement cette préoccupation : il n’appartient pas au Défenseur des droits de jouer ce rôle. En effet, c’est compliqué : il existe nombre de préjudices différents, des préjudices matériels, immatériels ou encore moraux. L’appréciation du préjudice doit donc revenir au juge compétent.

Toutefois, pour tenir compte de l’urgence et de la nécessité d’agir dans l’immédiat, et dès lors que le Défenseur des droits possède les caractéristiques qui sont les siennes, il me paraît légitime de revenir aux dispositions votées par l’Assemblée nationale. C’est pourquoi le Gouvernement propose de rétablir cet article.

En tout cas, à moins que vous ne me contredisiez, il n’existe pas d’autres types de procédures permettant aussi simplement et aussi rapidement d’apporter une aide aux lanceurs d’alerte. En revanche, vous m’opposerez peut-être qu’une interrogation demeure : au bout du compte, lorsque le lanceur d’alerte aura été indemnisé de son préjudice, s’il doit l’être, que deviendra la première aide financière que lui a accordée le Défenseur des droits ?

Le débat permettra probablement de nous éclairer, mais je suis d’ores et déjà prêt à considérer que cette première aide pourrait être déduite du montant du préjudice subi au bout du compte. Ce n’est certes pas au Défenseur des droits de fixer le préjudice subi, mais c’est bien à lui, me semble-t-il, qu’il revient d’apporter tous les éléments permettant de conforter le lanceur d’alerte dans sa démarche et de l’aider à traverser ces moments difficiles.

Il est tout de même choquant qu’une personne ayant pris autant de risques dans le sens de l’intérêt général, puisque c’est ce qui caractérise un lanceur d’alerte, se trouve confrontée à des situations aussi dommageables et douloureuses.

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