La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article R. 831-4-1 du code rural et de la pêche maritime, M. le Premier ministre, par lettre en date du 5 juillet 2016, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente en matière de recherche appliquée sur le projet de nomination de M. Philippe Mauguin aux fonctions de président de l’Institut national de la recherche agronomique.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission des affaires économiques.
Acte est donné de cette communication.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, dans les textes de la commission, du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (projet n° 691, texte de la commission, n° 713, rapport n° 712, tomes I et II, avis n° 707 et 710) et de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte (proposition n° 683 rectifié, texte de la commission n° 714, rapport n° 712, tomes I et II).
TITRE Ier
DE LA LUTTE CONTRE LES MANQUEMENTS À LA PROBITÉ
Chapitre II
De la protection des lanceurs d’alerte
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II du titre Ier du projet de loi, à un amendement portant article additionnel après l’article 6 FA.
L'amendement n° 418, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 6 FA
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'état d'avancement de la législation définissant et harmonisant les droits, protections et obligations des lanceurs d’alerte.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Il s'agit ici d’une victoire de l’optimisme sur l’expérience ! En effet, cet amendement vise à prévoir la remise d’un rapport au Parlement sur l’état de l’harmonisation des droits, protections et obligations des lanceurs d’alerte.
Je tiens simplement à vous rappeler, mes chers collègues, que les cinq ou six lois qui ont trait aux lanceurs d’alerte comportent des dispositions relatives à leur protection qui sont disparates.
Ainsi, la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé et la loi relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte ont omis de les protéger contre le licenciement.
La loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, quant à elle, a omis de protéger les lanceurs d’alerte en cas de rupture des relations contractuelles. Enfin, la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière omet de les protéger en cas de non-renouvellement de leur contrat, qu’il soit privé ou public.
Bref, le présent projet de loi, qui uniformise l’ensemble des dispositions relatives aux lanceurs d’alerte, ne manquera pas de rattraper en partie les oublis de cette législation mosaïque et disparate.
J’ai certes conscience que le rapport sénatorial sur le bilan annuel de l’application des lois pourrait très bien remplir la fonction du rapport dont je propose la publication par voie d’amendement. J’ai néanmoins souhaité que l’on puisse suivre précisément l’état d’avancement de la législation relative aux lanceurs d’alerte.
L’argumentaire que vient de développer notre collègue Nathalie Goulet montre parfaitement que le Sénat peut lui-même élaborer ce type de rapport…
C’est la raison pour laquelle la commission en restera à sa jurisprudence en matière de demande de rapport : elle émet un avis défavorable sur cet amendement.
(Supprimé)
L'amendement n° 410, présenté par MM. Vincent, Anziani et Guillaume, Mme Espagnac, M. Yung, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. Marie, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
En cas de rupture de la relation de travail résultant d'une alerte mentionnée à l'article 6 A, le salarié peut saisir le conseil des prud'hommes, statuant en la forme des référés. Le conseil des prud'hommes statue dans les vingt et un jours suivant la saisine. Il peut ordonner le maintien du salarié dans l'entreprise ou, en cas de refus du salarié, peut ordonner le maintien du salaire jusqu'au prononcé du jugement.
La parole est à M. Maurice Vincent.
Depuis le début de l’examen de ce texte, nous avons bien compris que la volonté de la majorité sénatoriale était de réduire le plus possible notre capacité d’agir en faveur des lanceurs d’alerte, si bien que nous avons également compris, au stade où nous en sommes, que la commission des lois et la majorité sénatoriale veulent que l’on reste dans le cadre spécifique du droit existant.
À notre sens, ils se privent ainsi de nouvelles possibilités de défendre les lanceurs d’alerte. Par leurs préconisations, ceux-ci couvrent un nouveau champ de risques pour la société, que le droit actuel ne prend pourtant pas en compte.
En supprimant l’article 6 FB qui figurait dans le texte issu de l’Assemblée nationale, la majorité sénatoriale et la commission des lois vont encore plus loin. Ils suppriment en effet une disposition qui s’inscrit clairement dans le cadre des procédures judiciaires en vigueur.
L’article 6 FB permettait aux lanceurs d’alerte de saisir le conseil des prud’hommes en référé et d’obtenir un jugement en vingt et un jours. Nous savons bien qu’il y a très souvent urgence à intervenir pour des lanceurs d’alerte dont l’emploi peut être menacé. La commission a estimé que le droit en vigueur suffisait. Nous ne le pensons pas.
En premier lieu, dans le droit existant, le référé prud’homal ne concerne que certains litiges qui doivent être liés au contrat de travail lui-même. Il ne prévoit donc pas la suppression éventuelle de ce contrat de travail.
En second lieu, nous considérons que la rapidité des procédures est déterminante pour les salariés mis en difficulté parce qu’ils ont lancé une alerte, qui peut être par ailleurs extrêmement utile à la société. Les lanceurs d’alerte méritent que la justice soit rendue très rapidement.
C’est pourquoi je défends cet amendement, qui vise à rétablir l’article 6 FB au bénéfice des lanceurs d’alerte.
Mon cher collègue, votre amendement est satisfaisant. Ses dispositions se situent dans l’exact prolongement de l’objectif de la commission, qui souhaite en rester à un droit qui peut parfaitement suffire en tant que tel. Sur le fond, je ne vois donc aucune difficulté.
Néanmoins, il me semble que les dispositions que vous défendez sont satisfaites par le droit en vigueur.
En effet, en application des articles R. 1455-5 et R. 1455-6 du code du travail, le conseil des prud’hommes peut « ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend » et peut, « même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite ». Il y a là un principe de compétence générale, confirmé par une jurisprudence ancienne et solide.
S’agissant du délai de jugement en référé, l’article L. 1451-1 du code du travail prévoit d’ores et déjà, depuis 2014, que le conseil des prud’hommes saisi d’une demande de qualification de la rupture du contrat de travail « en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur » – nous sommes bien confrontés dans ce cas à une situation de discrimination – statue au fond dans un délai d’un mois.
Enfin, en ce qui concerne la forme, j’indique que toutes les procédures devant les juridictions prud’homales sont régies par le livre Ier du code de procédure civile et relèvent, de ce fait, du domaine réglementaire.
Telles sont les raisons très mesurées pour lesquelles la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’argumentation de M. le rapporteur est impeccable !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Nous le savions !
Sourires.
Le Gouvernement émet donc le même avis défavorable.
À vrai dire, je ne suis pas complètement satisfait des réponses qui m’ont été fournies.
Je souhaite néanmoins éviter un nouveau scrutin public, dans la mesure où chacun en connaît le résultat par avance.
L'amendement n° 410 est retiré.
En conséquence, l’article 6 FB demeure supprimé.
(Supprimé)
(Supprimé)
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 385, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Le Défenseur des droits peut accorder, sur demande du lanceur d’alerte personne physique, une aide financière destinée à la réparation des dommages moraux et financiers que celui-ci subit pour ce motif et à l’avance des frais de procédure exposés en cas de litige relatif à l’application du I de l’article 6 E. Son bénéfice peut être exceptionnellement accordé aux personnes morales à but non lucratif ayant leur siège en France.
II. – L’aide financière prévue au I du présent article peut être totale ou partielle. Elle peut être accordée sans préjudice de l’aide juridictionnelle perçue par le lanceur d’alerte en application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.
Son montant est déterminé en fonction des ressources du lanceur d’alerte et de la mesure de représailles dont il fait l’objet lorsque celle-ci emporte privation ou diminution de sa rémunération. Il est diminué de la fraction des frais de procédure prise en charge au titre d’un contrat d’assurance de protection juridique ou d’un système de protection équivalent.
Pour le recouvrement du montant de cette aide financière, le Défenseur des droits est subrogé dans les droits du lanceur d’alerte.
III. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Un lanceur d’alerte ne peut être la victime ni d’une simple peine ni d’une double peine.
Chacun a sans doute en mémoire le cas de Mme Stéphanie Gibaud, ancien cadre de l’entreprise UBS, qui a subi la première peine d’être licenciée et qui, entre minima sociaux et risque d’expulsion, n’a jamais retrouvé de travail, ce qui a constitué pour elle une double peine, voire une triple peine ! Il faut donc que l’on puisse accorder aux lanceurs d’alerte une aide destinée à la réparation des dommages financiers et moraux dont ils peuvent être victimes en représailles.
Vous avez tous probablement entendu le récit de lanceurs d’alerte malmenés et isolés, comme M. André Cicolella, chercheur réintégré plusieurs années après avoir été licencié sur avis du Conseil d’État, ou M. Pierre Meneton, autre chercheur traîné en justice pour avoir dénoncé l’effet du sel sur nos artères.
Je veux témoigner ici de l’absolue nécessité de faire du Défenseur des droits un interlocuteur et un appui pour ces lanceurs d’alerte, au travers du cas moins médiatisé et pourtant révélateur des souffrances de l’isolement qu’est celui de Mme Denise Schneider.
Vous avez peut-être vu cette simple mère de famille à la télévision il y a une dizaine d’années : riveraine d’une usine de fonte de batteries usagées qui contaminait son village de l’est de la France, l’usine Métal Blanc, elle a presque seule osé lancer l’alerte et subi le discrédit, ainsi que le poids des inquiétudes en ce qui concernait son emploi et les menaces. Elle a obtenu des autorités sanitaires un rapport accablant : sol et rivière contaminés, vingt-deux des quatre-vingt-seize enfants du village atteints de saturnisme.
Du tribunal de grande instance de Charleville-Mézières où elle porta plainte en 1997 à la cour d’appel de Reims où elle obtint la condamnation de l’usine pour mise en danger de la vie d’autrui et sa mise aux normes en 2009, elle a traversé, non sans dommages, douze ans de procédures judiciaires et d’expertises.
Tout le monde n’a pas cette force d’âme. Il faut que le Défenseur des droits puisse accorder une aide juste, afin de garantir aux victimes qu’elles ne sont pas seules, lorsqu’elles prennent des risques pour défendre l’intérêt général.
Telle est la raison pour laquelle le groupe écologiste souhaite rétablir l’article 6 F.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.
L'amendement n° 643, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Le Défenseur des droits peut accorder, sur sa demande, à une personne physique qui engage une action en justice en vue de faire reconnaître une mesure défavorable prise à son encontre au seul motif du signalement qu’elle a effectué en application de l’article 6A une aide financière sous la forme d’une avance sur les frais de procédure exposés.
L’aide financière prévue au premier alinéa peut être accordée sans préjudice de l’aide juridictionnelle perçue en application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.
Cette aide peut être refusée lorsque les faits n’ont pas été signalés dans les conditions prévues au présent chapitre.
Le montant de cette aide est déterminé en fonction des ressources de la personne et en tenant compte de la nature de la mesure défavorable dont elle entend faire reconnaître l’illégalité lorsque cette mesure emporte privation ou diminution de sa rémunération. Il est diminué de la fraction des frais de procédure prise en charge au titre d’un contrat d’assurance de protection juridique ou d’un système de protection équivalent.
II. – Indépendamment des actions en justice engagées par une personne physique afin de faire valoir ses droits, le Défenseur des droits peut lui accorder un secours financier temporaire s’il estime qu’en raison du signalement qu’elle a effectué dans les conditions énoncées au présent chapitre, elle connaît des difficultés financières présentant un caractère de gravité et compromettant ses conditions d’existence.
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement, comme celui de Mme Blandin, a toute son importance, et ses dispositions ont commencé à animer nos discussions dès hier.
Nous sommes d’accord pour dire que le lanceur d’alerte, dès lors qu’il est reconnu comme tel, doit être indemnisé en raison du préjudice subi. Ce n’est donc pas cela qui est en cause. Au fond, la question posée aujourd’hui est de savoir si le lanceur d’alerte doit être laissé seul, avant que le juge compétent ne fixe le montant du préjudice.
Ce lanceur d’alerte doit en effet affronter au moins deux types de difficultés. En premier lieu, il doit faire face aux frais de procédure, puisqu’il est souvent engagé dans des procédures longues et coûteuses.
En second lieu, il y a la vie quotidienne : le lanceur d’alerte est souvent confronté à une situation où il ne peut pas faire face à un certain nombre de besoins immédiats, parce qu’il a été privé de son poste de travail, par exemple, ou qu’il ne dispose pas d’autres revenus.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est à cette question qu’il vous est demandé aujourd’hui de répondre, lorsque nous vous proposons d’autoriser l’autorité publique concernée, en l’occurrence le Défenseur des droits, à accorder aux lanceurs d’alerte un soutien pour les procédures juridiques engagées, ainsi qu’une aide financière immédiate pour faire face aux difficultés rencontrées.
Monsieur le rapporteur, vous me reprendrez si je me trompe, mais j’ai cru comprendre que ce qui a animé les travaux de la commission était la volonté de ne pas faire du Défenseur des droits l’autorité qui aurait à apprécier le montant du préjudice subi par les lanceurs d’alerte.
Je partage pleinement cette préoccupation : il n’appartient pas au Défenseur des droits de jouer ce rôle. En effet, c’est compliqué : il existe nombre de préjudices différents, des préjudices matériels, immatériels ou encore moraux. L’appréciation du préjudice doit donc revenir au juge compétent.
Toutefois, pour tenir compte de l’urgence et de la nécessité d’agir dans l’immédiat, et dès lors que le Défenseur des droits possède les caractéristiques qui sont les siennes, il me paraît légitime de revenir aux dispositions votées par l’Assemblée nationale. C’est pourquoi le Gouvernement propose de rétablir cet article.
En tout cas, à moins que vous ne me contredisiez, il n’existe pas d’autres types de procédures permettant aussi simplement et aussi rapidement d’apporter une aide aux lanceurs d’alerte. En revanche, vous m’opposerez peut-être qu’une interrogation demeure : au bout du compte, lorsque le lanceur d’alerte aura été indemnisé de son préjudice, s’il doit l’être, que deviendra la première aide financière que lui a accordée le Défenseur des droits ?
Le débat permettra probablement de nous éclairer, mais je suis d’ores et déjà prêt à considérer que cette première aide pourrait être déduite du montant du préjudice subi au bout du compte. Ce n’est certes pas au Défenseur des droits de fixer le préjudice subi, mais c’est bien à lui, me semble-t-il, qu’il revient d’apporter tous les éléments permettant de conforter le lanceur d’alerte dans sa démarche et de l’aider à traverser ces moments difficiles.
Il est tout de même choquant qu’une personne ayant pris autant de risques dans le sens de l’intérêt général, puisque c’est ce qui caractérise un lanceur d’alerte, se trouve confrontée à des situations aussi dommageables et douloureuses.
Je vais me permettre d’apporter une réponse globale aux deux amendements, même s’ils sont rédigés un peu différemment.
Pour commencer, monsieur le ministre, je reconnais parfaitement, même si c’est à mon grand regret, que nous ne disposons pas à l’heure actuelle d’un organisme faisant en quelque sorte office de banquier, pour réparer les préjudices subis par les lanceurs d’alerte. Si une structure prenant en charge de tels montants existait au sein d’un ministère quelconque, que ce soit le ministère du budget, celui de l’intérieur ou celui de la justice, cela arrangerait tout le monde, mais tel n’est pas le cas ! Nous nous trouvons par conséquent devant une situation particulière.
Tout d’abord, sur le premier point, celui de l’indemnisation des préjudices, je souhaite revenir sur ce que j’ai expliqué tout à l’heure : un lanceur d’alerte – prenons le cas d’un lanceur d’alerte discriminé dans son travail – peut parfaitement obtenir devant le conseil des prud’hommes statuant en référé, au besoin en référé d’heure à heure, une provision sur tous les types de préjudices que vous avez énumérés, monsieur le ministre, qu’il s’agisse d’un préjudice moral ou financier, parce qu’il aurait été victime d’une sanction ou qu’il ne toucherait pas son salaire.
Il peut même bénéficier d’une provision ad litem, c’est-à-dire d’une somme lui permettant de faire face au paiement de la rémunération de son ou de ses défenseurs. Sur le papier, nous avons donc tout ce qu’il faut au niveau de l’institution judiciaire.
Soit, rectifions le papier si vous le souhaitez, mais, en réalité, l’institution judiciaire, quand elle dispose des moyens matériels et humains d’agir, en a la capacité ! Notre première réserve par rapport à ces amendements tient donc à la cohérence du système judiciaire.
Le second point, qui est plus ennuyeux, concerne l’intervention du Défenseur des droits : on comprend bien le cheminement de votre pensée, qui est parfaitement respectable, et le lien entre Défenseur des droits et lanceurs d’alerte. Toutefois, la Constitution n’a pas du tout créé le Défenseur des droits dans ce but !
Si bien que vous allez attribuer une nouvelle compétence au Défenseur des droits – elle n’est d’ailleurs pas financée –, qui ne correspond pas du tout aux missions que lui confie la Constitution.
Le Défenseur des droits est l’institution impartiale par excellence, car c’est le rôle que lui attribue la Constitution. Si nous adoptions ces deux amendements, il ne le serait plus tout à fait. Notre seconde réserve porte donc sur le respect des dispositions constitutionnelles.
C’est sur le fondement de ces deux réserves, que j’exprime avec une nuance de regret – vous la sentez peut-être –, que la commission émet un avis défavorable sur votre amendement, madame Blandin, ainsi que sur le vôtre, monsieur le ministre, encore que vous ayez fait un effort, de votre côté, pour revoir les dispositions sur la nature et l’évaluation des préjudices.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
J’espère que vous me le pardonnerez, madame Blandin, mais le Gouvernement a une faiblesse pour son amendement, qui est malheureusement incompatible avec le vôtre !
J’émets donc un avis défavorable sur l'amendement n° 385.
Mme Marie-Christine Blandin. J’ai bien sûr entendu M. le ministre, mais j’ai surtout comparé les rédactions de nos amendements respectifs. Or je trouve plus pertinent que nous nous prononcions sur l’amendement du Gouvernement.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.
Je voudrais apporter quelques précisions, notamment par rapport à l’argumentation développée par notre excellent rapporteur.
Il est faux d’affirmer que les lanceurs d’alerte disposent aujourd’hui, dans le droit existant, de solutions leur permettant d’avancer les frais de procédure qu’ils engagent ! En effet, monsieur le rapporteur, les affaires ne relèvent pas toutes du conseil des prud’hommes. Nous discutons du cas des salariés. Certes, les salariés ont la faculté de saisir le conseil des prud’hommes en référé. Mais que fait-on pour les lanceurs d’alerte qui ne sont pas salariés ?
Je ferai observer, à cet égard, que les dispositions de l’amendement du Gouvernement vont bien au-delà du seul cas des salariés, puisqu’elles ne couvrent pas les seuls salariés et vont jusqu’à prévoir d’accorder une aide « aux personnes morales à but non lucratif ayant leur siège en France ». Cet amendement me paraît donc tout à fait pertinent.
J’ajouterai tout de même que je suis d’accord avec ceux qui estiment qu’il ne faut pas trop charger la barque du Défenseur des droits et qu’il ne faut pas le mettre à toutes les sauces, car il a une spécificité et une identité. Si je comprends parfaitement cet argument, il existe également l’argument de l’urgence : aujourd’hui, on ne sait pas comment aider les lanceurs d’alerte. Or, dans un tel cas, il faut se saisir des outils existants.
Je souhaiterais que, à l’issue de ce débat, monsieur le ministre, une réflexion s’engage sur la meilleure manière de restaurer l’identité au Défenseur des droits, donc de trouver une solution de rechange au dispositif sur lequel nous allons nous prononcer.
En l’état actuel des choses, malgré tout, je ne vois pas ce que l’on pourrait faire d’autre à part voter l’amendement du Gouvernement !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.
Autant je me suis battu contre une définition extensive de la notion de lanceur d’alerte, autant je trouve que l’amendement du Gouvernement répond parfaitement à toutes les objections qui lui sont faites. En effet, dès lors que l’on reconnaît à une personne le statut de lanceur d’alerte selon la définition retenue par notre commission, je ne comprends pas les observations de notre excellent rapporteur.
On me dit que la justice peut accorder des provisions aux lanceurs d’alerte. Oui, elle en est capable, mais on sait très bien qu’il vaut mieux ne pas avoir besoin des sommes d’argent qu’elle ordonne de verser !
Est-ce le rôle du Défenseur des droits de fixer le montant du préjudice ? Je n’en sais rien, mais il faut bien trouver une solution ! En tout cas, cette proposition ne me paraît pas contradictoire avec sa mission, qui est de veiller au respect des droits et libertés.
Aider une personne qui a le courage d’affronter de tels obstacles n’est pas incompatible avec la logique générale que défend le Sénat jusqu’ici. Je suis quelque peu étonné de la réticence exprimée par la commission et je voterai en faveur de l’amendement du Gouvernement !
MM. André Gattolin et Jean Desessard applaudissent.
Je mets aux voix l'amendement n° 643.
En conséquence, l'article 6 F est rétabli dans cette rédaction.
I. –
Supprimé
II
Non modifié
III à VI. –
Supprimés
VII
Non modifié
L’article 6 G a fait l’objet de modifications étonnantes de la part de l’Assemblée nationale. Le rétablissement de certaines dispositions par la commission des lois du Sénat est bienvenu.
Créer un socle commun de l’alerte, comme le disent nos collègues députés, revient à rendre ce socle, dont la définition et la qualité de la protection sont indispensables, compatible avec tous les domaines sectoriels. Ce n’est pas nier la spécificité de ceux-ci.
C’est pourquoi supprimer la définition des critères de recevabilité des alertes et de la transmission aux autorités compétentes des alertes mettrait à mal tout le travail de réflexion qui a présidé à son inscription dans les missions de la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d'environnement.
Ces critères peuvent être d’origine scientifique. En matière de toxicologie, par exemple, on parle de « signaux répétés à bas bruit ». Si ce genre de considérations n’a pas lieu de figurer dans la loi, cette dernière doit néanmoins laisser à cette commission le soin de définir de tels critères, dans le respect du dialogue engagé avec les chercheurs et les agences de sécurité sanitaire concernées.
En modifiant l’article 6 G, la commission des lois du Sénat a sauvé cette possibilité. Les écologistes l’en remercient !
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.
Monsieur le président, je le dis très prudemment et très respectueusement, j’ai le sentiment qu’il y a eu une erreur dans le décompte des voix lors du vote de la Haute Assemblée sur l’amendement n° 643 du Gouvernement.
Je tenais à vous le signaler, monsieur le président, et je suggère que le Sénat puisse renouveler son vote sur l’amendement. §Si le sens du vote se confirmait, nous ne pourrions évidemment que nous rallier à ce nouveau décompte.
Je prends acte de votre intervention, monsieur le président de la commission, mais nous ne recommencerons pas le vote.
L'amendement n° 419, présenté par Mme N. Goulet, n’est pas soutenu.
L'amendement n° 658, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par sept alinéas ainsi rédigés :
II. – Les articles L. 1351-1 et L. 1351-2 du code de la santé publique sont ainsi rédigés :
« Art. L. 1351 -1. – Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, ni être sanctionnée ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de traitement, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, soit à son employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives de faits relatifs à un risque grave pour la santé publique ou l’environnement dont elle aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ou pour avoir signalé une alerte dans le respect des dispositions des articles 6 A à 6 C de la loi n° … du … relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
« Toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit.
« En cas de litige relatif à l’application des deux premiers alinéas, dès lors que la personne établit des faits qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné, de bonne foi, ou qu’elle a signalé selon la procédure définie à l’article 6 C de la loi précitée, de faits relatifs à un danger pour la santé publique ou l’environnement, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
« Art. L. 5312 -4 -2. -Aucune personne ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire, être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, ni être sanctionnée ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de traitement, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, soit à son employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives, soit selon la procédure définie à l’article 6 C de la loi n° … du … relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, de faits relatifs à la sécurité sanitaire des produits mentionnés à l’article L. 5311-1 dont elle aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.
« Toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit.
« En cas de litige relatif à l’application des deux premiers alinéas, dès lors que la personne établit des faits qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné de faits relatifs à la sécurité sanitaire, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. »
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au premier alinéa de l’article 226-10 du code pénal, après le mot « dénoncée, », sont insérés les mots : « soit au public, ».
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement de la commission des lois vient d’être salué par Mme Blandin. Il vise à répondre complètement aux attentes exprimées et il a recueilli l’unanimité des suffrages au sein de la commission.
Mes chers collègues, vous n’aurez donc aucune difficulté à l’adopter.
L'amendement est adopté.
L'article 6 G est adopté.
(Suppression maintenue)
L'amendement n° 248 rectifié quinquies, présenté par MM. Vincent, F. Marc, Vergoz, Duran et Labazée, Mme Bataille, MM. Botrel, Assouline, Berson et Marie, Mme Ghali, M. Yung, Mme Lepage, M. Kaltenbach, Mmes Conway-Mouret, Guillemot et Meunier, M. Courteau, Mme Tocqueville, MM. Manable, M. Bourquin et Mazuir, Mme Monier, MM. Masseret, Vandierendonck, Tourenne, Raoul et J.C. Leroy et Mme Yonnet, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article 706-161 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du troisième alinéa est complétée par les mots : « ainsi que des contributions destinées à la mise en œuvre par le Défenseur des droits de la protection juridique des personnes physiques définies comme lanceurs d’alerte selon l’article 6A de la loi n° … du … relative à la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique » ;
2° Après le troisième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour le recouvrement du montant de cette aide financière, le Défenseur des droits est subrogé dans les droits du lanceur d’alerte.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités et les plafonds de prise en charge de la protection juridique des lanceurs d’alerte, en tenant compte des ressources du lanceur d’alerte et de la mesure des représailles dont il fait l’objet. »
La parole est à M. Maurice Vincent.
Il s’agit d’un nouvel amendement visant à résoudre le problème du financement des frais juridiques engagés par les lanceurs d’alerte.
Cet amendement vise à revenir à l’esprit de l’article 6 du projet de loi initial du Gouvernement, qui prévoyait la prise en charge de la protection juridique des lanceurs d’alerte grâce à un versement annuel de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, l’AGRASC, à l’autorité compétente en matière de protection des lanceurs d’alerte, en l’espèce le Défenseur des droits.
La formulation retenue à l’Assemblée nationale posait néanmoins un certain nombre de problèmes. C’est la raison pour laquelle il me paraît plus simple de revenir à la rédaction de l’article 6 du projet de loi initial. Grâce à la contribution de l’AGRASC au budget du Défenseur des droits, absolument indispensable de notre point de vue, l’article ainsi rétabli permettrait en effet de faire face aux dépenses urgentes et contribuerait au financement de la protection juridique des lanceurs d’alerte.
Comme l’indique clairement la commission des finances dans l’avis qu’elle a rendu, notre amendement est tout à fait recevable financièrement, dans la mesure où les réserves de l’AGRASC, qui sont gérées par la Caisse des dépôts et consignations, sont suffisantes : elles s’élevaient à 513 millions d’euros au 31 décembre 2014.
Il ne nous semble pas utile de créer une nouvelle contribution sur les fonds de l’AGRASC. L’article 706-161 du code de procédure pénale prévoit déjà une contribution pour financer la lutte contre la délinquance. Or la lutte contre la délinquance, c’est également l’organisation de procédures visant à signaler des délits ou des violations manifestes de la loi. C’est exactement la définition d’un lanceur d’alerte !
À notre avis, le fait de prélever de l’argent supplémentaire sur les fonds de l’AGRASC relève d’un autre débat, qui est plutôt d’opportunité.
La commission émet donc un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
Le titre III du livre VI du code monétaire et financier est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV
« Signalement des manquements professionnels aux autorités de contrôle compétentes et protection des lanceurs d’alerte
« Art. L. 634 -1. – L’Autorité des marchés financiers et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution mettent en place des procédures permettant que leur soit signalé tout manquement aux obligations définies par les règlements européens et par le présent code ou le règlement général de l’Autorité des marchés financiers et dont la surveillance est assurée par l’une ou l’autre de ces autorités.
« 1°
Supprimé
« 2°
Supprimé
« 3°
Supprimé
« 4°
Supprimé
« 5°
Supprimé
« Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers, pour ce qui concerne cette autorité, et un arrêté du ministre chargé de l’économie, pour ce qui concerne l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, fixent les modalités d’application du présent chapitre.
« Art. L. 634 -2. – Mettent en place des procédures internes appropriées permettant à leurs personnels de signaler tout manquement mentionné à l’article L. 634-1 :
« 1° Les personnes mentionnées aux 1° à 8° et 10° à 17° du II de l’article L. 621-9 ;
« 2° Les personnes mentionnées à l’article L. 612-2, lorsqu’elles exercent des activités soumises aux obligations fixées par les règlements mentionnés à l’article L. 634-1.
« Art. L. 634 -3. – Les personnes physiques ayant signalé de bonne foi à l’Autorité des marchés financiers ou à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution des faits susceptibles de caractériser l’un ou plusieurs des manquements mentionnés à l’article L. 634-1 ne peuvent faire l’objet, pour ce motif, d’un licenciement, d’une sanction, d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération ou d’évolution professionnelle, ou de toute autre mesure défavorable.
« Toute décision prise en méconnaissance du premier alinéa du présent article est nulle de plein droit.
« En cas de litige relatif à l’application des deux premiers alinéas, dès lors que l’auteur du signalement établit des faits qui permettent de présumer qu’il a agi de bonne foi, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces faits, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers au signalement. Le juge peut ordonner toute mesure d’instruction utile.
« Art. L. 634 -4. – Les personnes physiques mises en cause par un signalement adressé à l’Autorité des marchés financiers ou à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution au titre d’un manquement mentionné à l’article L. 634-1 ne peuvent faire l’objet, au seul motif qu’elles ont fait l’objet d’un tel signalement, d’une mesure mentionnée au premier alinéa de l’article L. 634-3.
« Toute décision prise en méconnaissance du premier alinéa est nulle de plein droit. » –
Adopté.
L’amendement n° 35 rectifié, présenté par M. Frassa, Mme Giudicelli et MM. Commeinhes, Milon, Lefèvre, Houel, Doligé, Dufaut et Guerriau, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 79 rectifié ter, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Pellevat et Marseille, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Sont confidentiels par nature les avis ou correspondances, quel qu’en soit le support dont le papier ou la communication électronique, émis par un juriste d’entreprise désignés à l’article 98-3° du décret du 27 novembre 1991 et adhérent à une association professionnelle régie par un code de déontologie et reconnue par l’État dans des conditions fixées par décret.
Le juriste d’entreprise est tenu de suivre une formation continue d’au moins vingt heures par an, attestée par l’association professionnelle visée à l’alinéa précédent, et incluant nécessairement un module relatif à la déontologie de la profession et à l’éthique des affaires.
II. – Est considéré comme un avis ou une correspondance bénéficiant du principe de confidentialité au sens de l’alinéa précédent :
- Toute consultation juridique se rapportant à l’activité de l’entité juridique qui l’emploie ou du groupe d’entreprises auquel son employeur appartient, adressée et signée par tout moyen y compris par voie de signature électronique au sens de la directive européenne n° 1999/93/CE par un juriste d’entreprise remplissant les conditions du précédent alinéa, et marquée « confidentiel » ;
- Toute correspondance ou tout échange d’information, sous forme écrite ou orale, avec le juriste d’entreprise dans le cadre de la préparation ou de l’émission d’un avis aux fins de mise en œuvre d’un programme de conformité de l’entreprise ou du groupe d’entreprises qui l’emploie.
- Toute correspondance ou tout échange d’information, sous forme écrite ou orale, entre juristes d’entreprise et également entre juristes d’entreprise et avocats, sauf déclaration unilatérale ou convention contraire préalable et écrite.
III. – N’est pas couvert par le principe de confidentialité l’avis ou la correspondance au sens du présent article d’un juriste d’entreprise établie dans le but de contribuer sciemment à la réalisation ou à la dissimulation d’une infraction pénale.
IV. – La confidentialité de l’avis ou de la correspondance au sens du présent article d’un juriste d’entreprise est opposable à toute autorité judiciaire, administrative ou de contrôle dans le cadre de procédures judiciaires ou administratives visant l’entreprise, le groupe d’entreprises ou l’association qui l’emploie. Toute saisie d’un tel avis est nulle et de nul effet. Le juge des libertés et de la détention est compétent en cas de contestation d’une saisie d’un document couvert par la confidentialité au titre de cet article.
La parole est à M. Olivier Cadic.
Les juristes d’entreprise français assurent la promotion du droit dans l’entreprise et sont, au quotidien, les garants du respect des lois, règlements et normes éthiques au travers de leurs avis et consultations à tous échelons de l’entreprise. Ils le seront encore bien plus du fait de la mise en œuvre de la lettre et de l’esprit du présent projet de loi et seront donc les premiers garants de la sécurité juridique et de l’éthique des affaires.
Dès lors, il serait paradoxal, voire dangereux, de promouvoir le développement des programmes de conformité au sein des entreprises sans décider de reconnaître aux juristes d’entreprise la confidentialité de leurs avis.
En effet, grâce à une telle reconnaissance, l’entreprise pourrait confier préventivement une mission large de conformité à leurs directions juridiques, ainsi que la responsabilité de traiter les dossiers les plus sensibles, y compris au travers de la diffusion d’avis appropriés, sans crainte que ces derniers ne puissent être librement saisis et utilisés par des autorités de poursuite, notamment aux États-Unis, comme ce fut récemment le cas dans diverses affaires.
Ces dossiers sensibles concerneront également les éventuels signalements reçus par l’entreprise dans le cadre des lignes de lanceurs d’alerte instituées dans les dispositifs de mise en conformité.
Bien entendu, le présent amendement vise expressément que le principe de confidentialité ne pourra pas couvrir l’avis ou la correspondance établis dans le but de contribuer sciemment à la réalisation ou à la dissimulation d’une infraction pénale.
Une telle reconnaissance de la confidentialité des avis des juristes d’entreprise est donc indispensable pour permettre un déploiement rapide des programmes de conformité dans l’entreprise, sans craindre que les avis des juristes d’entreprise ne soient utilisés à charge contre ces dernières. Elle permettrait de mettre à niveau notre système avec les principaux pays de l’OCDE et de lutter à armes égales avec nos principaux concurrents.
Cette reconnaissance aurait pour conséquence de favoriser une mise en œuvre plus efficace du dispositif de conformité prévu par le présent projet de loi, tout en plaçant les entreprises françaises sur un pied d’égalité avec leurs concurrents internationaux.
La question du privilège de confidentialité est en effet importante pour nos entreprises, qui doivent pouvoir garder secrets un certain nombre de documents, en particulier les correspondances de leurs juristes d’entreprise.
Pour autant, à l’occasion de l’examen de la loi Macron, nous avions rejeté un amendement similaire, car il nous était apparu que ce sujet méritait une étude plus approfondie de la part du Gouvernement, notamment une consultation des avocats. Il s’agissait, à l’occasion de la loi Macron, d’amendements d’appel, et j’ai l’impression aujourd’hui que vous renouvelez l’appel, mon cher collègue.
Sourires.
La chancellerie nous avait de surcroît alertés sur le fait que des discussions très importantes, et a priori déjà très avancées à l’époque, étaient en cours entre les barreaux, les juristes d’entreprise et le ministère de la justice. Si nous créons ce statut particulier, il faudra sans doute prévoir également des obligations déontologiques spécifiques. Y aura-t-il dans ce cas une association reconnue par l’État pouvant apparaître comme un ordre professionnel ?
Je comprends parfaitement le problème que vous soulevez au travers de votre amendement, mon cher collègue, mais le sujet est vaste et votre proposition ne suffit pas à le traiter.
Si vous le voulez bien, après que le Gouvernement nous aura fourni ses explications et confirmé que le dossier avance, nous pourrons peut-être considérer que votre appel a été entendu, monsieur Cadic, car il aura été répété.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
J’étais convaincu par les arguments du rapporteur, mais celui-ci m’incite à prendre la parole.
Il me demande une information sur le travail gouvernemental, et un regard échangé avec celles et ceux qui sont ici pour m’aider dans ma tâche me permet de vous confirmer que les choses avancent. Ensuite, à quelle vitesse avancent-elles ? Nous nous reverrons peut-être dans quelques jours, pour que je puisse vous donner plus de précisions.
Sourires.
Le Gouvernement demande donc, lui aussi, le retrait de cet amendement.
Je suis ravi de voir que le Gouvernement se hâte lentement sur ce sujet !
L’an dernier, comme M. le rapporteur le rappelait, le Sénat n’avait effectivement pas voté cet amendement, à une voix près. Or l’une de nos collègues, qui n’avait pas partagé alors notre position, a cette fois cosigné cet amendement. Je peux donc espérer que le vote bascule et que nous nous hâtions désormais un peu plus rapidement.
Il s’agit de sécuriser l’avis du juriste d’entreprise, comme c’est le cas dans d’autres pays, où cet avis ne peut pas se retourner contre l’employeur qui l’a utilisé. Je veux bien entendre que l’on travaille sur ce dossier, mais, à un moment donné, il faut faire un pas en avant. C’est précisément ce que permettraient les dispositions de cet amendement.
J’ai bien compris qu’une corporation en particulier ne serait pas franchement satisfaite d’une telle évolution. Méfions-nous toutefois : nous aurons du mal à réformer notre pays si, chaque fois que l’on veut avancer sur un sujet, une corporation bloque.
La dernière fois, cet amendement a été rejeté à une voix. J’ai envie de voir quel sera le résultat aujourd’hui. Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
J’entends bien les arguments de M. Cadic, de même que les avis du Gouvernement et de la commission, d'ailleurs.
Je comprends que vous soyez pressé de faire la moisson des voix que vous avez comptabilisées, monsieur Cadic, mais j’aimerais vous livrer un exemple : les juristes d’une grande firme pharmaceutique ont réalisé des notes – aux termes de votre amendement, celles-ci seraient confidentielles – pour expliquer que les prescriptions médicales d’une amphétamine hors des usages prévus, c’est-à-dire pour assurer l’amaigrissement des personnes obèses, étaient conformes à certains articles de la loi et pouvaient « passer entre les gouttes ».
Les lanceurs d’alerte et les magistrats ont fait leur miel de cette preuve pour montrer qu’il y avait bien eu volonté de diffuser au maximum ce médicament, qu’Irène Frachon a dénoncé et qui a causé de nombreux décès. Dans certains cas, la confidentialité des notes des juristes peut donc être contraire à l’intérêt général, même si j’entends vos arguments, mon cher collègue.
Je ne voterai donc pas votre amendement, non par refus obstiné, mais parce que M. le ministre a raison, me semble-t-il : nous devons prendre le temps.
L'amendement n'est pas adopté.
Sourires.
Chapitre III
Autres mesures de lutte contre la corruption et divers manquements à la probité
I. – Le titre III du livre II du code de commerce est complété par un chapitre XI ainsi rédigé :
« CHAPITRE XI
« De la prévention des faits de corruption et de trafic d’influence
« Art. L. 23-11-1. – Les sociétés qui, à la clôture de deux exercices consécutifs, emploient au moins cinq cents salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français et à l’étranger, et réalisent un chiffre d’affaires net d’au moins 100 millions d’euros mettent en œuvre des mesures proportionnées destinées à prévenir et détecter la commission de faits de corruption ou de trafic d’influence, en France ou à l’étranger, par leurs salariés.
« Les filiales, directes et indirectes, des sociétés mentionnées au premier alinéa mettent en œuvre les mêmes mesures.
« Art. L. 23-11-2. – Les mesures mentionnées à l’article L. 23-11-1 comportent au moins :
« 1° Un code de conduite à l’attention des salariés, annexé au règlement intérieur et établi dans les conditions prévues à l’article L. 1321-4 du code du travail ;
« 2° Un dispositif d’alerte interne permettant le recueil de signalements émanant de salariés de la société, de ses filiales directes et indirectes ainsi que ses clients et fournisseurs ;
« 3° Une cartographie des risques, par secteur d’activité et par zone géographique ;
« 4° Une évaluation des risques pour les principaux clients, fournisseurs et intermédiaires ;
« 5° Des procédures de contrôle comptable ;
« 6° Un dispositif de formation à l’attention des salariés les plus exposés aux risques ;
« 7° Un régime disciplinaire permettant de sanctionner les salariés en cas de manquement au code de conduite.
« Les modalités de mise en œuvre de ces mesures sont précisées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 23-11-3. – De sa propre initiative ou à la demande du ministre chargé de la justice ou du ministre chargé du budget, l’Agence de prévention de la corruption contrôle le respect des obligations prévues au présent chapitre.
« Le contrôle donne lieu à l’établissement d’un rapport, transmis à l’autorité qui a demandé le contrôle et à la société contrôlée. Il contient les observations de l’agence sur la qualité des mesures destinées à prévenir et détecter la commission de faits de corruption ou de trafic d’influence mis en œuvre au sein de la société et, s’il y a lieu, des recommandations visant à leur amélioration.
« Lorsque le contrôle fait apparaître un manquement aux obligations prévues au présent chapitre, le magistrat qui dirige l’agence peut adresser un avertissement à la société, après l’avoir mise en mesure de présenter ses observations en réponse au rapport.
« Art. L. 23-11-4. – Le magistrat qui dirige l’agence, lorsqu’aucune amélioration des mesures destinées à prévenir et détecter la commission de faits de corruption ou de trafic d’influence n’est constatée dans un délai de trois mois à la suite de l’avertissement, ou toute personne intéressée peut demander au président du tribunal statuant en référé d’enjoindre sous astreinte à la société d’améliorer ces mesures. La demande est communiquée au ministère public. »
II. – Après l’article 41 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, il est inséré un article 41-1 ainsi rédigé :
« Art. 41-1. – Les articles L. 23-11-1 à L. 23-11-4 du code de commerce sont applicables aux établissements publics industriels et commerciaux mentionnés à l’article 1er de la présente loi. »
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article 8 prévoit, pour une société qui emploie au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires dépasse 100 millions d’euros, une obligation de prendre « des mesures destinées à prévenir et détecter, en France ou à l’étranger, les faits de corruption ou de trafic d’influence ».
Or, il y a seulement quelques semaines, l’Assemblée nationale adoptait une proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères, qui oblige aussi à établir un plan de vigilance, visant notamment « à prévenir les comportements de corruption ». Cette obligation s’applique aux entreprises de plus de 5 000 salariés, filiales françaises comprises, ou 10 000 salariés, si l’on inclut les filiales étrangères.
Le plan de vigilance prévu dans la proposition de loi ne vise pas seulement à prévenir la corruption, mais aussi « les risques d’atteinte aux droits humains et aux libertés fondamentales, les dommages corporels ou environnementaux graves, ou les risques sanitaires ». Il englobe, en plus, les risques issus des sociétés que l’entreprise contrôle, et même les activités de ses « sous-traitants ou fournisseurs ».
Ces deux textes, le projet de loi Sapin II et la proposition de loi Vigilance, établissent en fait des obligations difficilement compatibles.
Le cabinet ATEXO, à qui la délégation aux entreprises a demandé une étude décrivant la portée économique de cette proposition de loi, a déjà estimé que celle-ci concernerait entre 146 et 243 entreprises, plus leurs filiales. C’est peu, mais ces entreprises représentent tout de même plus de 4 millions de salariés, plus de 33 % de la valeur ajoutée produite en France et plus de 50 % du chiffre d’affaires à l’export !
Or le même cabinet estime le nombre d’entreprises relevant de l’article 8 du projet de loi Sapin II à 2 850 ! Le projet de loi se concentre sur la corruption, alors que la proposition de loi Vigilance multiplie les éléments à prendre en compte dans le plan de vigilance, avec des intitulés très larges. C’est un nid à contentieux, qui crée une très grande incertitude pour les entreprises.
Le projet de loi que nous examinons est moins déraisonnable de ce point de vue, même s’il l’est davantage pour le nombre d’entreprises concernées, soit 2 850. Ce sont pourtant les grandes entreprises actives à l’international qui sont le plus exposées à la corruption. Ce ne sont pas les ETI d’à peine plus de 500 salariés que l’article 8 doit viser – ces entreprises dont nous avons justement besoin pour renforcer notre tissu industriel !
C’est pourquoi je défendrai notamment un amendement qui prévoit de relever ce seuil.
L'amendement n° 596, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Les présidents, les directeurs généraux et les gérants d'une société employant au moins cinq cents salariés, ou appartenant à un groupe de sociétés dont l'effectif comprend au moins cinq cents salariés, et dont le chiffre d'affaires ou le chiffre d'affaires consolidé est supérieur à 100 millions d'euros sont tenus de prendre les mesures destinées à prévenir et à détecter la commission, en France ou à l'étranger, de faits de corruption ou de trafic d'influence selon les modalités prévues au II.
Cette obligation s'impose également :
1° Aux présidents et directeurs généraux d'établissements publics à caractère industriel et commercial employant au moins cinq cents salariés, ou appartenant à un groupe public dont l'effectif comprend au moins cinq cents salariés, et dont le chiffre d'affaires ou le chiffre d'affaires consolidé est supérieur à 100 millions d'euros ;
2° Selon les attributions qu'ils exercent, aux membres du directoire des sociétés anonymes régies par l'article L. 225-57 du code de commerce et employant au moins cinq cents salariés, ou appartenant à un groupe de sociétés dont l'effectif comprend au moins cinq cents salariés, et dont le chiffre d'affaires ou le chiffre d'affaires consolidé est supérieur à 100 millions d'euros.
Lorsque la société établit des comptes consolidés, les obligations définies au présent article portent sur la société elle-même ainsi que sur l'ensemble de ses filiales, au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce, ou des sociétés qu'elle contrôle, au sens de l'article L. 233-3 du même code. Les filiales ou sociétés contrôlées qui dépassent les seuils mentionnés au présent I sont réputées satisfaire aux obligations prévues au présent article dès lors que la société qui les contrôle, au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, met en œuvre les mesures et procédures prévues au II du présent article et que ces mesures et procédures s'appliquent à l'ensemble des filiales ou sociétés qu'elle contrôle.
II. – Les personnes mentionnées au I mettent en œuvre les mesures et procédures suivantes :
1° Un code de conduite définissant et illustrant les différents types de comportements à proscrire comme étant susceptibles de caractériser des faits de corruption ou de trafic d'influence. Ce code de conduite est intégré au règlement intérieur de l'entreprise et fait l'objet, à ce titre, de la procédure de consultation des représentants du personnel prévue à l'article L. 1321-4 du code du travail ;
2° Un dispositif d'alerte interne destiné à permettre le recueil des signalements émanant d'employés relatifs à l'existence de conduites ou de situations contraires au code de conduite de la société ;
3° Une cartographie des risques prenant la forme d'une documentation régulièrement actualisée et destinée à identifier, analyser et hiérarchiser les risques d'exposition de la société à des sollicitations externes aux fins de corruption, en fonction notamment des secteurs d'activités et des zones géographiques dans lesquels la société exerce son activité ;
4° Des procédures d'évaluation de la situation des clients, fournisseurs de premier rang et intermédiaires au regard de la cartographie des risques ;
5° Des procédures de contrôles comptables, internes ou externes, destinées à s'assurer que les livres, registres et comptes ne sont pas utilisés pour masquer des faits de corruption ou de trafic d'influence. Ces contrôles peuvent être réalisés soit par les services de contrôle comptable et financier propres à la société, soit en ayant recours à un auditeur externe à l'occasion de l'accomplissement des audits de certification de comptes prévus à l'article L. 823-9 du code de commerce ;
6° Un dispositif de formation destiné aux cadres et aux personnels les plus exposés aux risques de corruption et de trafic d'influence ;
7° Un régime disciplinaire permettant de sanctionner les salariés de la société en cas de violation du code de conduite de la société.
Indépendamment de la responsabilité des personnes mentionnées au I du présent article, la société est également responsable en tant que personne morale en cas de manquement aux obligations prévues au présent II.
III. – De sa propre initiative ou à la demande du ministre de la justice ou du ministre chargé du budget, l'Agence française anticorruption réalise un contrôle du respect des mesures et procédures mentionnées au II du présent article.
Le contrôle est réalisé selon les modalités prévues au I de l'article 4. Il donne lieu à l'établissement d'un rapport transmis à l'autorité qui a demandé le contrôle et aux représentants de la société contrôlée. Le rapport contient les observations de l'agence sur la qualité du dispositif de prévention et de détection de la corruption mis en place au sein de la société contrôlée ainsi que, le cas échéant, des recommandations visant à l'amélioration des procédures existantes.
IV. – En cas de manquement constaté, et après avoir mis la personne concernée en mesure de présenter ses observations, le magistrat qui dirige l'agence peut adresser un avertissement aux représentants de la société.
Il peut saisir la commission des sanctions afin que soit enjoint à la société et à ses représentants d'adapter les procédures de conformité internes destinées à la prévention et à la détection des faits de corruption ou de trafic d'influence.
Il peut également saisir la commission des sanctions afin que soit infligée une sanction pécuniaire. Dans ce cas, il notifie les griefs à la personne physique mise en cause et, s'agissant d'une personne morale, à son responsable légal.
V. – La commission des sanctions peut enjoindre à la société et à ses représentants d'adapter les procédures de conformité internes à la société destinées à la prévention et à la détection des faits de corruption ou de trafic d'influence, selon les recommandations qu'elle leur adresse à cette fin, dans un délai qu'elle fixe et qui ne peut excéder trois ans.
La commission des sanctions peut prononcer une sanction pécuniaire dont le montant ne peut excéder 200 000 € pour les personnes physiques et un million d'euros pour les personnes morales.
Le montant de la sanction pécuniaire prononcée est proportionné à la gravité des manquements constatés et à la situation financière de la personne physique ou morale sanctionnée.
La commission des sanctions peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de la décision d'injonction ou de sanction pécuniaire ou d'un extrait de celle-ci, selon les modalités qu'elle précise. Les frais sont supportés par la personne physique ou morale sanctionnée.
La commission des sanctions statue par décision motivée. Aucune sanction ni injonction ne peut être prononcée sans que la personne concernée ou son représentant ait été entendu ou, à défaut, dûment convoqué.
Les sanctions pécuniaires sont versées au Trésor public et recouvrées comme créances de l'État étrangères à l'impôt et au domaine.
Un décret en Conseil d'État précise les conditions de fonctionnement de la commission, notamment les conditions de récusation de ses membres.
VI. – L'action de l'Agence française anticorruption se prescrit par trois années révolues à compter du jour où le manquement a été constaté si, dans ce délai, il n'a été fait aucun acte tendant à la sanction de ce manquement.
VII. – Les recours formés contre les décisions de la commission des sanctions sont des recours de pleine juridiction.
La parole est à M. André Gattolin.
Cet amendement vise à rétablir l’article 8 dans la version adoptée par l’Assemblée nationale. Il s’agit en réalité d’un amendement de coordination avec l’article 2.
Hier, nous avons eu un débat assez long sur la commission des sanctions de l’Agence de prévention de la corruption. Il me semble aussi que nous commettons une erreur en confondant prévention et répression, mais, à l’instar de mon excellent collègue, je tire les conséquences du vote majoritaire du Sénat sur mon amendement n° 594, en retirant celui-ci, monsieur le président.
L’amendement n° 596 est retiré.
L'amendement n° 316 rectifié, présenté par Mme Lamure, M. Adnot, Mme Billon, MM. Bouchet, Canevet et Danesi, Mme Deromedi, MM. Nougein, Vaspart et Kennel et Mme Primas, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
cinq cents
par les mots :
mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français, et cinq mille
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Comme je l’ai indiqué à l’instant, la définition des entreprises tenues de mettre en place des procédures internes de prévention et de détection des faits de corruption en France et à l’étranger semble très large, avec des seuils retenus de 500 salariés et 100 millions d'euros de chiffre d'affaires.
Or cette obligation, comme le reconnaît la commission des lois dans son rapport, est relativement intrusive dans l’organisation interne de l’entreprise, puisqu’elle recouvre une série de mesures : code de conduite, formation des cadres, dispositif d’alerte interne, cartographie des risques, etc.
Même si le texte de la commission prévoit que les mesures internes de prévention doivent être « proportionnées », cette précaution ne garantit pas que soit évité un alourdissement indu des obligations pesant sur les entreprises de plus petite taille, pourtant peu exposées au risque de corruption. Attentive aux entrepreneurs qu’elle a rencontrés sur le terrain, la délégation aux entreprises tient à empêcher la création d’un nouveau fardeau administratif injustifié.
Cet amendement vise donc à relever les seuils d’effectif au-delà desquels seraient imposées les nouvelles obligations destinées à lutter contre la corruption, en les fixant à 1 000 salariés dans la société et ses filiales françaises et 5 000 salariés en incluant ses filiales étrangères.
Je vais tenter de dissiper les inquiétudes de ma collègue.
Cet amendement vise à relever de 500 salariés dans le monde à 1 000 salariés en France ou 5 000 dans le monde le seuil des sociétés et groupes de sociétés devant mettre en place des mesures internes de prévention et de détection de la corruption, avec l’assistance de l’Agence de prévention de la corruption.
Je n’avais pas proposé à la commission de relever ce seuil, qui peut certes paraître assez bas, de façon à conserver le même périmètre que celui qui a été adopté par l’Assemblée nationale. En effet, lors de mes auditions, les personnes que j’ai entendues n’ont absolument pas critiqué ce seuil. Ce périmètre me semblait donc globalement accepté.
En revanche, le texte de la commission prévoit tout de même que les mesures de prévention doivent être proportionnées, c’est-à-dire tenir compte, entre autres, de la taille des entreprises, ce qui n’était pas le cas du texte de l’Assemblée nationale. Le détail des mesures ayant été renvoyé au pouvoir réglementaire, il appartiendra au décret de moduler les obligations en fonction de la taille et des spécificités de l’entreprise. Il est bien évident que le niveau d’exigence ne sera pas le même pour Total et pour une entreprise locale de quelques centaines de salariés…
Ma chère collègue, je vous demanderai donc de bien vouloir retirer cet amendement.
Au travers de cet amendement, nous voulions éviter de créer une nouvelle charge pour des entreprises de taille moyenne, comprenant 500 salariés au plan national. J’entends vos arguments, monsieur le rapporteur, et je note l’introduction dans le texte de la commission du terme « proportionné ». Je veux comprendre que les entreprises tenues à ces obligations seront soumises à un jugement proportionné.
Même si c’est avec quelques regrets, j’accepte donc de retirer cet amendement, monsieur le président.
L'amendement n° 316 rectifié est retiré.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 194 est présenté par Mme Lienemann.
L'amendement n° 446 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 489 est présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
1° Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les sociétés mentionnées au premier alinéa mettent également en œuvre des mesures pour identifier, prévenir, atténuer et remédier aux dommages et risques d’atteintes graves à la santé, à l’environnement et aux droits fondamentaux tels qu’établis dans la Charte Européenne des droits fondamentaux et résultant de leurs activités, celles de leurs filiales, sous-traitants ou fournisseurs, directs ou indirects.
2° Alinéa 15
Après le mot :
budget
insérer les mots :
ou sur requête motivée de toute personne démontrant un intérêt à agir
3° Alinéas 16, seconde phrase
Après les mots :
de la société
insérer les mots :
et des mesures destinées à mettre en œuvre les autres obligations prévues au présent chapitre et
4° Alinéa 18, première phrase
Après les mots :
ou de trafic d’influence
insérer les mots :
ou des mesures destinées à mettre en œuvre les autres obligations prévues au présent chapitre,
L’amendement n° 194 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Patrick Abate, pour présenter l’amendement n° 446.
Cet amendement vise à instaurer une obligation de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre à l’égard de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs. Il a pour objet d’étendre le dispositif de contrôle prévu en matière de corruption aux atteintes graves à l’environnement, à la santé et aux droits de l’homme.
Il s’agit en effet de concrétiser les engagements récurrents du Gouvernement en faveur de la responsabilité des maisons mères vis-à-vis des agissements de leurs filiales à l’étranger, lorsque celles-ci provoquent des dommages environnementaux et sanitaires.
De la même manière qu’elle requiert des mesures de prévention et de détection de la corruption et du trafic d’influence, cette proposition instaure donc une obligation d’identification, de prévention, d’atténuation et de réparation des dommages et des risques de dommages suscités par les activités des multinationales via leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs.
Les sociétés mères seraient ainsi responsables en cas de manquement à cette obligation.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l’amendement n° 489.
Les dispositions de cet amendement s’appuient sur une expertise d’usage, lorsque le groupe Glencore s’est totalement lavé les mains des errances environnementales et des dégâts sanitaires monstrueux causés sur les salariés, les sous-traitants, les intérimaires, les riverains, le sol et les rivières par le site de Metaleurop.
Mes chers collègues, savez-vous ce que cela représente de vivre sur un territoire où l’on ne peut construire ni école maternelle ni maison, où il est interdit de consommer les légumes du jardin, où l’on demande aux enfants de se couper les ongles courts et où l’on fait régulièrement des prises de sang pour mesurer la diminution du taux de plomb dans l’organisme ?
Certes, il y a eu un procès et la justice est passée, mais les sociétés mères, en l’état actuel du droit, restent absolument intouchables.
L'amendement n° 315, présenté par MM. Anziani et Guillaume, Mme Espagnac, MM. Yung, Marie et Sueur, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Remplacer cet alinéa par huit alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 23 -11 -4. – Le magistrat qui dirige l’agence peut également saisir la commission des sanctions qui peut :
« 1° Enjoindre à la société et à ses représentants de mettre en œuvre ou d’adapter les procédures de conformité internes à la société destinées à la prévention et à la détection des faits de corruption ou de trafic d’influence, selon les recommandations qu’elle leur adresse à cette fin, dans un délai qu’elle fixe et qui ne peut excéder un an ;
« 2° Prononcer une sanction pécuniaire dont le montant ne peut excéder 200 000 € pour les personnes physiques ou d’un montant maximal équivalent à 1 % du chiffre d’affaires du dernier exercice clos pour les personnes morales. Dans ce cas, la commission des sanctions notifie les griefs à la personne physique mise en cause, et s’agissant d’une personne morale, à son représentant légal.
« Le montant de la sanction pécuniaire prononcée est proportionné à la gravité des manquements constatés et à la situation financière de la personne physique ou morale sanctionnée.
« La commission des sanctions peut ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de la décision d’injonction ou de sanction pécuniaire ou d’un extrait de celle-ci, selon les modalités qu’elle précise. Les frais sont supportés par la personne physique ou morale sanctionnée.
« La commission des sanctions statue par décision motivée. Aucune sanction ni injonction ne peut être prononcée sans que la personne concernée ou son représentant ait été entendu ou, à défaut, dûment convoqué.
« Les sanctions pécuniaires sont versées au Trésor public et recouvrées comme créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.
« Art. L. 23 -11 -5. – Les recours formés contre les décisions de la commission des sanctions sont des recours de pleine juridiction. »
La parole est à M. Alain Anziani.
Rassurez-vous, monsieur le rapporteur, monsieur le président, je ne vais pas rejouer la partie d’hier, et je vais retirer cet amendement. Vous me permettrez toutefois de dire quelques mots sur cette commission des sanctions.
Hier, vous nous avez expliqué qu’il ne fallait surtout pas confondre le pouvoir judiciaire et le pouvoir administratif, représentés par deux juges différents. Dès l’instant qu’il y a sanction, c’est au pouvoir judiciaire d’intervenir. Nous ne sommes évidemment pas d’accord avec ce raisonnement, pour de multiples raisons, mais surtout pour une raison majeure : notre droit est rempli de sanctions administratives – sur ce point, je n’ai pas obtenu de réponse.
Le droit de la communication audiovisuelle, comme le droit de la concurrence, prévoit des sanctions administratives. Et même si l’on se réfère au code de la route, il apparaît que le retrait de points d’un permis de conduire constitue également une sanction administrative.
Si nous acceptons dans ces cas les sanctions administratives, c’est parce que nous estimons qu’elles sont plus efficaces et plus rapides. Par ailleurs, elles ne mettent pas en cause les droits, car les sanctions administratives sont également soumises au principe de proportionnalité, au principe du contradictoire et à la non-rétroactivité. Tous les droits restent attachés aux sanctions administratives.
Je ne vois donc pas pourquoi l’on se prive de cette voie plus rapide et plus efficace au profit d’une voie judiciaire, dont nous savons aussi qu’elle est particulièrement encombrée, monsieur le rapporteur.
Cela étant, je retire cet amendement, monsieur le président.
L’amendement n° 315 est retiré.
L’amendement n° 553 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Castelli, Collin, Fortassin, Requier, Bertrand, Collombat, Esnol et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Vall et Hue, est ainsi libellé :
Alinéa 18, première phrase
Supprimer les mots :
ou toute personne intéressée
La parole est à M. Yvon Collin.
L’article 8 fixe les conditions de mise en œuvre du contrôle de l’Agence de prévention de la corruption au sein de sociétés privées.
Le dix-huitième alinéa de l’article confère à « toute personne intéressée » et au magistrat qui dirige l’agence la capacité de saisir le juge des référés pour enjoindre sous astreinte une société à prendre les mesures nécessaires à l’amélioration de ses dispositifs de prévention et de détection de la corruption.
Cependant, les alinéas qui précèdent celui-ci ne précisent pas que les rapports et avertissements de l’agence sont publiés. Le nombre de « personnes intéressées » susceptibles de saisir le juge est en réalité très réduit.
Il convient donc, soit de rendre publics ces rapports et avertissements – une piste qui semble écartée à ce stade de notre discussion –, soit de supprimer la mention des « personnes intéressées ». Tel est l’objet de cet amendement.
Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements restant en discussion ?
Les amendements identiques n° 446 et 489 visent à instaurer une obligation de vigilance pour les sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre à l’égard de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs, en France et à l’étranger, en matière de risques sanitaires et environnementaux, ainsi que d’atteinte aux droits fondamentaux.
À titre personnel, je serais assez favorable à un tel dispositif, sous réserve toutefois que la réciprocité prévale.
J’utiliserai à dessein une métaphore « footballistique », puisque l’actualité s’y prête.
Sourires.
Notre problème, c’est celui de l’homogénéisation de nos règles sociales, environnementales et fiscales. Si nous retenons ces amendements identiques, nous pénalisons nos entreprises. Nous devrions certes agir plus vigoureusement dans ce domaine, mais essentiellement au plan européen et mondial.
C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur les amendements identiques n° 446 et 489.
Par ailleurs, mes chers collègues, vous savez que ce texte a déjà fait l’objet d’un vote défavorable du Sénat sur une proposition de loi que nous avons rejetée par cohérence. Vous trouverez peut-être mes explications légères, mais j’ai voulu prendre une comparaison dont j’ai la faiblesse de penser qu’elle explique bien ce que nous vivons.
J’en viens à l'amendement n° 553 rectifié, qui vise à supprimer la faculté, pour toute personne intéressée, de saisir le président du tribunal à des fins d’injonction.
Nous avions retenu une formulation habituelle en droit des sociétés, permettant à toute personne dite « intéressée » d’engager une action. Toutefois, je reconnais qu’il s’agit peut-être, dans le cas présent, d’une hypothèse d’école…
La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. Michel Sapin, ministre. Je suis favorable à l'amendement n° 553 rectifié. Sinon, mêmes avis, mais pas forcément avec les mêmes métaphores !
Sourires.
Je voterai les amendements identiques n° 446 et 489.
J’aurais souhaité, en lieu et place de cette usine à gaz que nous montons, que nous renforcions les peines, afin de nous doter véritablement d’un dispositif répressif bien plus fort que celui qui existe actuellement ou que celui qui sera issu de ce projet de loi.
Tout le monde ne relève pas des mêmes règles, mais l’amélioration du dispositif répressif donnerait sans doute plus à penser à ceux qui auraient envie de transgresser la loi.
Les arguments de M. le rapporteur, très souvent avancés en la matière, sont compréhensibles. En votant cet amendement, nous prendrions peut-être le risque de pénaliser nos entreprises, en particulier quelques groupes multinationaux français qui ne seraient pas à la hauteur des exigences sociétales et éthiques auxquelles on leur demande de se conformer.
Néanmoins, sous ce prétexte, faut-il renoncer à faire avancer le droit dans le bon sens ? Cet amendement vise à traduire en droit la réalité économique moderne des groupes multinationaux, de leurs activités et de leurs impacts. Il ne nous semble pas de nature à mettre le monde économique particulièrement en danger.
Effectivement, à force d’attendre que les choses se passent, on oublie l’audace. Si nous n’en faisons pas preuve dans ce domaine, personne ne le fera pour nous.
Nous parlons beaucoup ces derniers temps de l’Europe que nous devons construire. Il s’agit en l’occurrence de respecter la Charte européenne des droits fondamentaux. En adoptant ce type de mesures, la France ferait le pas en avant permettant de tirer tout le monde vers le haut.
Nous défendons avec force ces amendements.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement est adopté.
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis particulièrement heureux de saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation du Sénat du Canada, conduite par son président, M. George Furey.
Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre des finances et des comptes publics, se lèvent.
Cette délégation est accompagnée par Mme Claudine Lepage, présidente du groupe d’amitié France-Canada.
La délégation a été reçue hier par le président Gérard Larcher.
Elle doit s’entretenir aujourd’hui avec nos collègues Dominique Bailly, questeur, sur la sécurité du Parlement, Michèle André, présidente de la commission des finances, sur le rôle du Sénat dans la discussion budgétaire, et Alain Richard, vice-président du comité de déontologie.
Nous souhaitons à nos homologues canadiens la plus cordiale bienvenue au Sénat de la République française et de fructueux travaux !
Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre, applaudissent.
Nous reprenons la discussion, dans les textes de la commission, du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, et de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen de l’article 8.
L'amendement n° 444, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce code de conduite est élaboré en associant les représentants du personnel de l’entreprise concernée.
La parole est à M. Christian Favier.
Les dispositions de cet amendement vont dans le même sens que celles que nous avons présentées à l’article 6 E. Il s’agit d’associer davantage les instances représentatives du personnel en amont des processus de prévention de la corruption.
Il est ainsi proposé d’associer les représentants du personnel à la rédaction du code de conduite en matière de faits de corruption ou de trafic d’influence. Cette mesure permettrait de reconnaître le rôle propre des institutions représentatives du personnel dans la lutte contre la corruption.
Cet amendement tend à ce que les représentants du personnel soient associés à l’élaboration du code de conduite.
Il est déjà pleinement satisfait par le renvoi à l’article L. 1321-4 du code du travail pour ses conditions d’élaboration : ainsi, on lui appliquera la procédure prévue pour le règlement intérieur, auquel il sera d’ailleurs annexé. Il y aura donc bien un avis préalable du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.
La commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
Même avis, monsieur le président.
M. Christian Favier. Compte tenu des débats en cours sur la loi Travail, je ne sais pas ce qu’il adviendra de cet article du code du travail…
Sourires.
L'amendement n'est pas adopté.
L’amendement n° 445, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce dispositif peut être externalisé auprès de toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date de l’alerte se proposant par ses statuts d’assister les lanceurs d’alerte.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
L’article 8 du projet de loi vise à créer une obligation générale de prévention de la corruption pour les entreprises, dont l’effectif est supérieur à 500 salariés et le chiffre d’affaires à 100 millions d’euros. Il est ainsi prévu que les entreprises mettent en place toute une série de mesures internes, en vue d’identifier les risques potentiels et de prévenir la corruption.
L’alinéa 8, qui contient l’une d’entre elles, propose de mettre en place un dispositif interne destiné à permettre le recueil des signalements émanant d’employés et relatifs à l’existence de conduites ou de situations contraires au code de conduite de l’entreprise.
Or, pour faire en sorte que les langues se délient et que l’alerte en matière d’atteinte au code de conduite de l’entreprise puisse se dérouler sereinement, il pourrait être intéressant de prévoir, dans la loi, la possibilité d’externaliser ce dispositif d’alerte auprès de toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans et habilitée à agir en la matière.
Il s’agit non pas de substituer au dispositif prévu à l’alinéa 8 une externalisation intégrale, mais d’ouvrir la possibilité de cette externalisation auprès d’une association spécialisée en matière de lutte contre la corruption et de protection des lanceurs d’alerte.
Une telle disposition ne pourrait qu’améliorer la protection de ces derniers, puisqu’elle permettrait de garantir l’indépendance de la structure et d’éviter une mauvaise application du code de conduite. Elle serait également de nature à assurer une meilleure confidentialité ou agirait, à tout le moins, comme un bouclier de protection en faveur des employés.
Il ne faut pas confondre les sujets. L’article 8 porte sur la lutte contre la corruption, pas sur la question des lanceurs d’alerte.
Cher collègue, vous proposez qu’une entreprise soumise à l’obligation de conformité puisse déléguer son dispositif d’alerte interne, en matière de prévention et de détection des faits de corruption, à une association régulièrement déclarée. Là encore, je souhaite vous rassurer. Aucun texte ne l’interdit. Cette possibilité existe donc déjà en l’état du projet de loi.
J’ajoute que l’adoption de cet amendement aurait plutôt tendance à restreindre les possibilités, puisque cette délégation ne serait permise qu’à des associations déclarées depuis au moins cinq ans. En tout cas, rien dans les textes n’interdit à une entreprise de confier à une association le soin de mettre en place la procédure de prévention et de détection des faits de corruption.
Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
L'amendement n° 445 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 317 rectifié, présenté par Mme Lamure, M. Adnot, Mme Billon, MM. Bouchet, Canevet et Danesi, Mme Deromedi, MM. Nougein, Vaspart et Kennel et Mme Primas, est ainsi libellé :
Alinéas 9 et 10
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« 3° Une cartographie des risques par secteur d’activité et par zone géographique, en fonction des principaux clients, fournisseurs et intermédiaires ;
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
S’il est souhaitable, et même nécessaire, que la France se dote d’un dispositif anticorruption, les obligations mises à la charge des entreprises visées apparaissent très lourdes, surtout compte tenu du champ large de leur application. En particulier, l’obligation d’établir une évaluation des risques fait doublon avec celle d’établir une cartographie de ces risques.
Dans les lignes directrices françaises visant à renforcer la lutte contre la corruption dans les transactions commerciales qu’il a publiées le 25 mars 2015, le Service central de prévention de la corruption recommande d’effectuer une cartographie des risques de corruption, fondée sur leur évaluation documentée et périodiquement renouvelée.
Dès lors que l’établissement d’une cartographie des risques implique une évaluation des risques, ces deux obligations peuvent être fusionnées, ce qui constituerait déjà un certain allégement. La délégation aux entreprises y est très attentive.
L’amendement n° 554 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Personnellement, je ne pense pas que l’on soit corrupteur ou corrompu par inadvertance…
Rires sur plusieurs travées.
Si j’avais été totalement cohérent, j’aurais présenté un amendement de suppression. Mais un code de conduite, un dispositif d’alerte ou un régime disciplinaire, ça ne mange pas de pain… En revanche, les deux amendements que je propose ici visent à supprimer la cartographie des risques et leur évaluation pour les principaux clients, fournisseurs et intermédiaires.
L’amendement n° 556 rectifié, qui sera examiné ensuite, va dans le même sens et tend à supprimer les procédures de contrôle comptable, car ces trois éléments me paraissent tout à fait lourds et complètement sans intérêt.
Mon objectif est donc d’alléger les procédures, en supprimant les trois alinéas mentionnés, qui ne font que compliquer les choses sans rien améliorer.
L'amendement n° 555 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
En ce qui concerne l’amendement n° 317 rectifié, la commission a reconnu que, tant sur la forme que sur le fond, une telle disposition constitue un progrès. Son avis est donc favorable.
Les deux amendements présentés par M. Collombat visent à supprimer des techniques et modalités de contrôle qui sont à la disposition de l’agence, dont on rognerait alors les ailes… Tel n’est pas l’objectif de la commission.
C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur les amendements n° 554 rectifié et 555 rectifié.
L’amendement n° 317 rectifié de Mme Lamure vise à fusionner l’obligation d’établir une cartographie des risques et celle d’évaluer les partenaires. Toutefois, cette disposition présente, au fond, des problèmes de rédaction. Je considère que cette reformulation des formalités imposées aux entreprises est moins claire que la version actuelle.
Pour de pures raisons rédactionnelles, le Gouvernement ne peut donc que donner un avis défavorable.
En ce qui concerne les amendements n° 554 rectifié et 555 rectifié, mon avis est le même que celui de M. le rapporteur : j’y suis défavorable.
Je suis tout à fait en désaccord avec ce que vient d’indiquer notre rapporteur. Les documents en question, ce sont les intéressés qui les mettent en place… Vous pensez bien que, s’ils ont organisé un trafic d’influence ou une corruption, ils ne donneront pas des informations, par exemple des données comptables, qui permettraient à l’Agence de les identifier !
Ils ne sont pas complètement fous et vont tout de même s’organiser. Ces procédures sont donc complètement inutiles. Je persiste et je signe !
L’argumentation développée par notre collègue Collombat ne manque pas de pertinence, et je fais partie de ceux qui seraient prêts à aller jusqu’à la suppression de ces deux alinéas.
Cela étant, nous avons l’habitude, au Sénat, de trouver des compromis, et la proposition de notre collègue Élisabeth Lamure en constitue un, qui est acceptable. En outre, il est défendu par le rapporteur.
Qui peut le plus peut le moins ! Je préfère donc suivre la position de Mme Lamure, en sachant qu’il est peu probable qu’une majorité se dessine sur les deux autres amendements. Il serait dommage de ne pas voter le premier amendement, sans pour autant trouver une majorité sur les deux autres.
Pour autant, je constate que M. Collombat, comme à son habitude, est très pertinent dans ses analyses…
M. Pierre-Yves Collombat sourit.
Je souhaite réagir aux propos de M. Collombat.
Je crois qu’il existe une confusion. Cher collègue, vous semblez estimer que, en cas de volonté de corrompre, c’est toute l’entreprise qui est impliquée. Toutefois, les mesures qui sont ici mises en place sont justement à vocation interne. Elles visent à éviter, au sein de l’entreprise, l’apparition d’un corrupteur ou, à tout le moins, à permettre de le détecter.
Vous imaginez, dès le départ, que c’est toute une société qui sera corrompue. Soyez rassuré : dans un tel cas, il y aura un lanceur d’alerte…
Sourires.
L'amendement est adopté.
En conséquence, les amendements n° 554 rectifié et 555 rectifié n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 556 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Je l’ai défendu, mais je saisis cette occasion pour dire un mot sur les arguments avancés par le rapporteur.
Finalement, j’étais naïf : je croyais que toutes ces dispositions n’étaient pas faites pour lutter contre la petite délinquance ou la menue corruption, mais contre celle qui sévit au plan international, celle qui, précisément, nous vaut les condamnations que nous connaissons.
S’agissant de ce type de corruption, celle qui apparaît par exemple à l’occasion de ventes d’armes, de sous-marins ou d’équipements de cette nature, mon argumentation vaut complètement. On ne me fera jamais croire que tout cela n’est pas savamment organisé ! Et ce n’est pas avec vos dispositifs que vous allez pallier cette situation. Toutefois, l’objectif n’est peut-être pas là…
Les observations que j’ai formulées au sujet des amendements n° 554 rectifié et 555 rectifié, qui étaient de même nature, valent encore ici.
La commission émet donc un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L’amendement n° 318 rectifié, présenté par Mme Lamure, M. Adnot, Mme Billon, MM. Bouchet, Canevet et Danesi, Mme Deromedi, MM. Nougein, Vaspart et Kennel et Mme Primas, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Parmi les obligations qu’il est prévu d’imposer aux sociétés visées par la lutte contre la corruption, figure l’élaboration d’un code de conduite, annexé au règlement intérieur de l’entreprise, et un régime disciplinaire – c’est le 7° – permettant de sanctionner les salariés en cas de manquement au code de conduite.
Or ce 7° ne se justifie pas, compte tenu de l’annexion du code de conduite au règlement intérieur, qui intègre de facto le respect dudit code dans le champ du pouvoir disciplinaire.
Cet amendement vise donc à supprimer l’obligation, inutile, d’élaborer un régime disciplinaire ad hoc pour violation du code de conduite de l’entreprise destiné à prévenir les faits de corruption.
Mme Lamure a entièrement raison : tout manquement au règlement intérieur, auquel le code de conduite sera annexé, peut donner lieu à une sanction disciplinaire.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Je suis plutôt enclin à être défavorable à cet amendement, monsieur le président.
L'amendement est adopté.
L’amendement n° 355 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Anziani et Guillaume, Mme Espagnac, M. Yung, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Marie, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Un dispositif de contrôle et d’évaluation interne des mesures mises en œuvre.
La parole est à M. Henri Cabanel.
Cet amendement a pour objet de prévoir que les personnes morales et privées assujetties aux obligations de l’article 8 doivent s’assurer elles-mêmes de l’efficacité et de l’effectivité des procédures et mesures mises en place. À défaut de dispositifs internes d’évaluation, on peut raisonnablement craindre qu’un respect a minima des obligations de l’article 8 ne rende l’objectif des nouvelles dispositions totalement illusoire.
C’est pourquoi l’amendement propose de prévoir, au titre des obligations de l’article 8, l’instauration d’un dispositif de contrôle et d’évaluation interne des mesures mises en œuvre.
C’est une bonne proposition. La commission avait souhaité une rectification de nature rédactionnelle, qui a été faite.
J’émets donc un avis favorable.
L'amendement est adopté.
L’amendement n° 86 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Raynal, Vaugrenard et Lalande, Mme Claireaux, M. Botrel, Mme Lepage, M. Labazée, Mmes Guillemot et Yonnet, M. Duran, Mme Schillinger, MM. Courteau, Durain et J. Gillot, Mme Monier, M. M. Bourquin et Mme Tocqueville, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
« Il peut décider de rendre ce rapport public, ainsi que les observations formulées en réponse par la société. »
La parole est à M. Henri Cabanel.
L’article 8 du projet de loi instaure une nouvelle obligation, pour les sociétés d’au moins 500 salariés et 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, de mettre en place des procédures internes précises destinées à prévenir et détecter la commission de faits de corruption ou de trafic d’influence en France ou à l’étranger.
L’Agence française anticorruption sera chargée du contrôle. En cas de manquement décelé, le magistrat qui dirige l’Agence pourra adresser un avertissement à la société, après l’avoir mise en mesure de présenter ses observations en réponse au rapport.
L’objet du présent amendement est simple et de bon sens : préciser que le rapport, qui fait état de manquements aux obligations des sociétés en matière de corruption et de trafic d’influence, peut être rendu public.
La publicité de ce rapport doit permettre d’améliorer l’efficacité du dispositif dans la lignée du principe name and shame. Elle est laissée à la libre appréciation de l’Agence, qui doit en évaluer l’opportunité. Cette publicité doit également avoir un caractère dissuasif.
Lorsque l’Agence délivre un avertissement, elle est encore dans une phase de prévention, de dialogue, d’écoute et de confiance avec l’entreprise. Dès lors, le rapport qui a précédé l’avertissement n’a pas lieu d’être rendu public. Cela n’a d’ailleurs pas beaucoup de conséquences : si l’avertissement n’est pas suivi d’effets, ce rapport sera publié au moment des sanctions qui seront prises par la suite.
En cohérence avec la position de la commission, je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
L’amendement n° 86 rectifié est retiré.
L’amendement n° 38 rectifié bis, présenté par M. Frassa, Mmes Deromedi et Giudicelli et MM. Commeinhes, Milon, Lefèvre, Houel, Doligé, Guerriau et Mandelli, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le présent article entre en vigueur à compter du 1er janvier de la deuxième année suivant la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Faute de dispositions relatives à sa date d’entrée en vigueur, cette obligation devrait être applicable dès le lendemain de la publication de la loi, de sorte que, en principe, les entreprises devraient avoir déjà, à la date de publication de la loi, un programme anticorruption correspondant à celui qui est édicté par le projet de loi.
Il serait préférable de ménager aux entreprises une période d’adaptation suffisante, à l’instar du règlement 2016/679 de l’Union européenne du 27 avril 2016 sur les données personnelles.
En conséquence, afin de laisser le temps aux sociétés concernées de prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre la nouvelle obligation d’avoir un programme de conformité anticorruption, il convient de prévoir que celles-ci disposeront, pour cela, d’un délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi.
Ma chère collègue, vous avez parfaitement raison de proposer une entrée en vigueur différée de l’obligation de conformité, afin que les choses soient, en pratique, réalisables. Nous avions souhaité une rectification rédactionnelle, qui a été faite.
Par conséquent, la commission émet un avis favorable.
L'amendement est adopté.
Je mets aux voix l’article 8, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 417 :
Le Sénat a adopté.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 195 rectifié est présenté par Mme Lienemann.
L’amendement n° 465 rectifié est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 490 rectifié est présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le livre II du code de commerce est complété par un article L. 210-10 ainsi rédigé :
« Art. L. 210 -10– I. – Dans le cadre de ses activités économiques et commerciales, dans lesquelles elle est directement ou indirectement impliquée, en France ou à l’étranger, toute société a l’obligation de prévenir les dommages ou les risques avérés de dommages sanitaires ou environnementaux. Cette obligation s’applique aussi aux dommages résultant d’une atteinte aux droits fondamentaux.
« II. – La responsabilité de la société, dans les conditions définies ci-dessus, est engagée, à titre personnel ou solidaire, à moins qu’elle ne prouve qu’elle n’a pu, en dépit de sa vigilance et de ses efforts, prévenir le dommage, en faisant cesser son risque ou en empêchant sa réalisation, compte tenu du pouvoir et des moyens dont elle disposait. »
L’amendement n° 195 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l’amendement n° 465 rectifié.
En cohérence avec l’amendement n° 446, présenté par Patrick Abate à l’article 8, cet amendement tend à instaurer une obligation de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre à l’égard de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs.
L’adoption d’une telle disposition est un impératif à la fois politique, juridique et économique. Elle vise en effet à concrétiser les engagements récurrents du Gouvernement en faveur de la responsabilité des maisons mères vis-à-vis des agissements de leurs filiales à l’étranger, lorsque celles-ci provoquent des dommages environnementaux et sanitaires.
L’amendement vise par ailleurs à rendre juridiquement transparente la réalité économique moderne des groupes multinationaux, de leurs activités et de leurs impacts.
À la suite de notre discussion de tout à l’heure, je voudrais ajouter que nous avons suffisamment d’exemples, qui sont catastrophiques pour notre environnement, et pas uniquement en France, pour souhaiter que de telles démarches soient affirmées avec force au travers de ce projet de loi.
La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 490 rectifié.
Cet amendement a déjà été très bien défendu. J’ajoute qu’il vise à rendre effectif le devoir de vigilance des multinationales dans leurs relations commerciales et de sous-traitance, notamment en inversant la charge de la preuve. C’est bien aux sociétés mises en cause de prouver qu’elles ont mis en œuvre leurs obligations de vigilance et les mécanismes de prévention adéquats.
On ne peut pas décemment demander à un tiers, victime, de prouver qu’une entreprise n’a pas mis en œuvre son devoir de vigilance. En revanche, il sera plus aisé pour les entreprises de montrer qu’elles ont bien identifié les risques inhérents à leurs activités et qu’elles ont mis en œuvre les actions nécessaires pour les réduire.
Par ailleurs, le positionnement de cette disposition dans le code de commerce, comme nouvel article L. 210-10, est tout à fait pertinent, car elle suit ainsi la définition de ces sociétés. En adoptant cet amendement, nous pourrons nous enorgueillir de leur avoir, enfin, confié la conscience éthique, qui leur faisait défaut depuis que nous leur avions attribué la personnalité morale.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques n° 465 rectifié et 490 rectifié ?
Le débat a eu lieu tout à l’heure, et ces amendements sont en cohérence avec ceux qui ont déjà été présentés.
Comme elle est elle-même cohérente, la commission y est défavorable.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 465 rectifié et 490 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
(Supprimé)
L’amendement n° 409 rectifié, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Une association agréée auprès du ministère de la justice pour la lutte contre la corruption ou auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique peut saisir l’agence mentionnée à l’article 1er à des fins de contrôle de la qualité et de l’efficacité des procédures mentionnées à l’article 3. L’agence informe l’association qui la saisit de la suite donnée à sa demande ; sa réponse est obligatoirement motivée.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Le présent projet de loi ne fait nulle mention de la société civile, qui se trouve pourtant être l’une des premières victimes directes ou indirectes des faits de corruption. Pourtant, l’expertise de certaines organisations est reconnue en matière de lutte contre la corruption et de transparence de la vie publique.
Nous considérons donc que ce texte devrait prévoir la possibilité, pour les associations agréées auprès du ministère de la justice pour la lutte contre la corruption ou auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, de saisir l’agence de faits de corruption ou d’atteinte à la probité commis par des entités économiques ou publiques. Bien entendu, cette saisine ne ferait pas obstacle aux recours judiciaires que pourraient exercer ces mêmes associations.
Finalement, l’objet de cet amendement est bien de reconnaître le rôle et la participation de la société civile au sein du niveau dispositif de lutte contre la corruption.
M. André Gattolin applaudit.
Il est toujours plus agréable pour un rapporteur de dire à celui ou celle de ses collègues qui vient de présenter un amendement que le texte lui donne déjà satisfaction !
En effet, le texte de la commission ne nie absolument pas le rôle de la société civile. Il a simplement intégré cette faculté donnée aux associations au 3° de l’article 3 du présent projet de loi, relatif aux contrôles réalisés par l’agence, en précisant que ces contrôles peuvent être demandés « par une association agréée par le ministre de la justice ».
Je vous suggère donc de retirer votre amendement, chère collègue.
L’amendement n° 409 rectifié est retiré.
En conséquence, l’article 8 bis demeure supprimé.
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° Le 2° de l’article 131-37 est complété par les mots : « et la peine prévue à l’article 131-39-2 » ;
2° La sous-section 1 de la section 2 du chapitre Ier du titre III du livre Ier est complétée par un article 131-39-2 ainsi rédigé :
« Art. 131 -39 -2. – Lorsque la loi le prévoit à l’encontre d’une personne morale, un délit peut être sanctionné par l’obligation de se soumettre à un programme de mise en conformité, pour une durée de cinq ans au plus, destiné à vérifier l’existence et la mise en œuvre en son sein des mesures mentionnées à l’article L. 23-11-2 du code de commerce et, s’il y a lieu, à les renforcer, afin de prévenir et de détecter la commission de faits de corruption ou de trafic d’influence. » ;
3° Après l’article 433-25, il est inséré un article 433-26 ainsi rédigé :
« Art. 433 -26. – Les personnes morales reconnues pénalement responsables dans les conditions prévues à l’article 121-2 des infractions prévues aux articles 433-1 et 433-2 encourent également la peine prévue à l’article 131-39-2. » ;
4° Après l’article 434-47, il est inséré un article 434-48 ainsi rédigé :
« Art. 434 -48. – Les personnes morales reconnues pénalement responsables dans les conditions prévues à l’article 121-2 des infractions prévues au huitième alinéa de l’article 434-9 et à l’article 434-9-1 encourent également la peine prévue à l’article 131-39-2. » ;
5° L’article 435-15 est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° La peine prévue à l’article 131-39-2. » ;
6° L’article 445-4 est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° La peine prévue à l’article 131-39-2. » ;
7° Au premier alinéa de l’article 434-43, après la référence : « 131-39 », sont insérés les mots : « ou la peine prévue à l’article 131-39-2 » ;
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le 7° de l’article 705, il est inséré un 8° ainsi rédigé :
« 8° Délits prévus aux articles 434-43 et 434-47 du code pénal, concernant la peine prévue à l’article 131-39-2 du même code. » ;
2° Après le titre VII quater du livre V, il est inséré un titre VII quinquies ainsi rédigé :
« TITRE VII QUINQUIES
« DE L’EXÉCUTION DE LA PEINE DE MISE EN CONFORMITÉ
« Art. 764 -44. – I. – Le procureur de la République, lors de la mise à exécution de la peine, ou le juge de l’application des peines peut solliciter le concours de l’Agence de prévention de la corruption pour assurer le suivi de la peine prévue à l’article 131-39-2. Dans ce cas, l’agence rend compte de sa mission, au moins annuellement, au procureur de la République et au juge de l’application des peines.
« Pour assurer le suivi du programme de mise en conformité, l’agence peut recourir à des experts, personnes ou autorités qualifiés pour l’assister dans la réalisation d’analyses juridiques, financières, fiscales et comptables. Les frais ainsi occasionnés sont supportés par la personne morale condamnée, sans que le montant de ces frais ne puisse excéder le montant de l’amende encourue pour le délit au titre duquel cette peine est prononcée. Les règles déontologiques applicables à ces experts, personnes ou autorités qualifiés sont précisées par décret en Conseil d’État.
« II. – Lorsque la peine prévue à l’article 131-39-2 du code pénal a été prononcée à l’encontre d’une société mentionnée à l’article L. 23-11-1 du code de commerce ou d’un établissement public mentionné à l’article 41-1 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, il est tenu compte, dans l’exécution de la peine, des mesures déjà mises en œuvre en application de l’article L. 23-11-2 du code de commerce.
« III. – Lorsque la peine prononcée en application de l’article 131-39-2 du code pénal a été exécutée pendant au moins un an, la personne morale condamnée peut demander au juge de l’application des peines à ce qu’il soit mis fin à la peine de façon anticipée, par jugement motivé conformément à l’article 712-6 du présent code, si elle démontre qu’elle a mis en œuvre les mesures appropriées mentionnées à l’article L. 23-11-2 du code de commerce. Le juge statue au vu, s’il y a lieu, après avis de l’Agence de prévention de la corruption. »
L’amendement n° 659, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 20, première phrase :
Compléter cette phrase par les mots :
du code pénal
La parole est à M. le rapporteur.
L’amendement est adopté.
L’amendement n° 660, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 23, seconde phrase
Remplacer les mots :
après avis
par les mots :
des rapports de suivi
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Sapin, ministre. Avis toujours aussi favorable !
Sourires.
L’amendement est adopté.
L’article 9 est adopté.
Le titre III du livre IV du code pénal est ainsi modifié :
1° AA §(nouveau) À l’intitulé du paragraphe 4 de la section 3 du chapitre II, les mots : « délégations de service public » sont remplacés par les mots : « contrats de concession » ;
1° A Après le mot : « susmentionnées », la fin de l’article 432-14 est ainsi rédigée : «, d’avoir en connaissance de cause et en vue de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié, octroyé cet avantage injustifié, par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics ou les contrats de concession. » ;
1° L’article 432-17 est ainsi modifié :
a) Au 4°, les références : « par les articles 432-7 et 432-11 » sont remplacées par les références : « aux articles 432-7, 432-10, 432-11, 432-12, 432-13, 432-14, 432-15 et 432-16 » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au 1° du présent article, le prononcé de la peine complémentaire d’inéligibilité mentionnée au 2° de l’article 131-26 et à l’article 131-26-1 est obligatoire à l’encontre de toute personne coupable de l’une des infractions définies à la section 3 du présent chapitre. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. » ;
2° L’article 433-22 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au 1° du présent article, le prononcé de la peine d’inéligibilité mentionnée au 2° de l’article 131-26 est obligatoire à l’encontre de toute personne coupable de l’une des infractions définies aux articles 433-1 et 433-2. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »
L’amendement n° 273 rectifié septies, présenté par MM. M. Bourquin, Vaugrenard et Madec, Mme Bonnefoy, M. J. Gillot, Mmes Lienemann, Emery-Dumas, Bataille, Yonnet, Guillemot et Tocqueville et MM. Vincent, Courteau, Labazée, F. Marc, Lalande, Duran, Vergoz, Raoul, Cabanel, Mazuir et Filleul, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
candidats
insérer les mots :
, notamment celles prévoyant le rejet des offres anormalement basses,
La parole est à M. Martial Bourquin.
Cet amendement vise à inciter au déclenchement, par les pouvoirs adjudicateurs, de l’article 55 du code des marchés publics, dès lors que les prix proposés par un candidat semblent anormalement bas.
Le volume financier de la commande publique représente environ 400 milliards d’euros par an. Les PME représentent environ 35 % du chiffre d’affaires de la commande publique, mais elles ne sont titulaires que de 25 % des marchés. Souvent, elles sont victimes d’une concurrence déloyale, au moyen d’offres anormalement basses émanant d’entreprises qui utilisent des travailleurs détachés.
Cette concurrence absolument déloyale fait appel au moins-disant social et met gravement en difficulté nos PME et TPE. La Fédération française du bâtiment a relevé cette situation, mais de nombreuses autres professions sont touchées par ces offres anormalement basses. Les trois directives européennes récentes relatives aux marchés publics et aux concessions représentent un grand progrès dans ce domaine. Leur transposition dans le droit des marchés publics est efficace.
C’est pourquoi nous proposons d’ajouter la lutte contre les offres anormalement basses dans le texte de cet article, pour défendre nos PME et faire échec à la tentative actuelle de délocalisation de l’industrie du bâtiment grâce au recours aux travailleurs détachés. J’ai remarqué que M. le Premier ministre avait pris une position courageuse sur cette question, en menaçant de ne pas appliquer la directive européenne relative au détachement.
Je crains que l’adoption de cet amendement ne provoque, à terme, l’extinction des vocations pour la fonction de président d’une commission d’appel d’offres. En effet, mon cher collègue, vous voulez créer une sanction pénale pour un acheteur public qui ne rejetterait pas une offre anormalement basse.
Une telle mesure pourrait avoir un effet non désiré. On peut envisager, par exemple, que des acheteurs publics qui n’ont pas réussi à démontrer que l’offre est anormalement basse soient sanctionnés. Une telle situation n’est donc pas de nature à participer au climat de confiance que le Sénat souhaite instaurer dans la commande publique.
Je vous indique par ailleurs, pour vous rassurer, que la lutte contre les offres anormalement basses sera évoquée lors de l’examen de l’article 16 bis du présent projet de loi et recevra alors un accord de principe de ma part.
Cher collègue, je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Je ne sais pas si cet amendement sera retiré, mais il me semble de pur bon sens, en tout état de cause.
En tant que maires, nous sommes souvent confrontés à des situations difficiles, où nous ne pouvons pas écarter des offres anormalement basses, fondées sur des dumpings environnementaux ou sociaux. Permettez-moi de rappeler qu’un dispositif adopté dans le cadre de la loi Travail permet à une entreprise, en privilégiant la négociation d’entreprise au détriment de l’accord de branche, beaucoup plus protecteur, de pratiquer un véritable dumping social par rapport à une autre. Cette petite parenthèse visait simplement à vous rappeler un petit point d’histoire !
Sur le fond, nous voterons en faveur de cet amendement de notre collègue du groupe socialiste et républicain.
Monsieur Bourquin, l’amendement n° 273 rectifié septies est-il maintenu ?
Je suis quelque peu surpris par l’explication de M. le rapporteur.
Dans sa décision du 29 mai 2013, le Conseil d’État a considéré que « le fait, pour un pouvoir adjudicateur, de retenir une offre anormalement basse porte atteinte à l’égalité entre les candidats à l’attribution d’un marché public ».
Mes chers collègues, je veux bien que l’on tergiverse sur ces questions, mais je ne sais pas si vous avez une idée précise de la concurrence que doivent affronter les PME-TPE sur nos territoires. Aujourd’hui, une véritable machine de guerre est mise en place contre elles, grâce à un système bien rodé !
Je suis maire d’une ville. J’ai rejeté à plusieurs reprises des offres anormalement basses et je n’ai jamais été inquiété ! Avec tout le respect que je dois à notre rapporteur, je ne vois pas pourquoi l’adoption de cet amendement ferait que plus personne n’oserait être candidat à la présidence d’une commission d’appel d’offres, puisque ces pratiques ont déjà cours !
La directive européenne d’octobre 2015 prévoit explicitement que l’on agisse contre les offres anormalement basses. Je ne comprends pas cette argumentation et je maintiens donc évidemment mon amendement.
Je mets aux voix l’amendement n° 273 rectifié septies.
L’amendement n° 90 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Montaugé, Mmes Monier et Meunier, M. Vaugrenard, Mmes Ghali et Emery-Dumas, M. Lalande, Mme Claireaux, M. Botrel, Mmes Lepage et D. Gillot, MM. Raoul, Vergoz et Labazée, Mme Yonnet, MM. Durain, Duran et M. Bourquin, Mmes Perol-Dumont et Schillinger, MM. Courteau et Mazuir, Mme Lienemann, M. Filleul et Mme Tocqueville, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 154 du code électoral est ainsi complété :
« Est également joint un bulletin n° 2 du casier judiciaire.
« Nul ne peut être candidat si ce bulletin comporte la mention d’une condamnation pour manquement au devoir de probité.
« Les condamnations pour manquement à la probité sont :
« 1° Les infractions traduisant un manquement au devoir de probité, réprimées aux articles 432-10 à 432-15 du code pénal ;
« 2° Les infractions de corruption et trafic d’influence, réprimées aux articles 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-10 et 445-1 à 445-2-1 du même code ;
« 3° Les infractions de recel ou de blanchiment, réprimées aux articles 321-1, 321-2, 324-1 et 324-2 dudit code, du produit, des revenus ou des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° et 2° du présent article ;
« 4° Les infractions réprimées aux articles L. 106 à L. 109 du code électoral ;
« 5° Les infractions fiscales. »
La parole est à M. Henri Cabanel.
Je salue le renforcement, à l’article 10, de la répression de certains manquements à la probité. Cet article élargit les possibilités de publication des condamnations et rend obligatoires les peines complémentaires d’inéligibilité. Nous souhaitons cependant aller plus loin.
Alors que la démocratie est ébranlée par des affaires concernant des élus de tous bords politiques, cet amendement a pour objet de renforcer la confiance des citoyens envers leurs représentants.
De même qu’un citoyen ne peut être candidat à une fonction publique si son casier judiciaire comporte des mentions incompatibles avec l’exercice de cette fonction, de même il ne doit pas pouvoir se porter candidat à une fonction élective. La probité des représentants du peuple doit être au-dessus de tout soupçon.
L’inéligibilité n’est pas constitutionnelle et le caractère automatique de ce type de sanction pourrait être jugé contraire à la Constitution. En 2010, en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a jugé que « la peine d’inéligibilité ne peut être rendue automatique et ne peut être appliquée que si le juge l’a expressément prononcée ». Le caractère fortement automatisé de la sanction est contraire au principe d’individualisation des peines. Toutefois, les conditions d’éligibilité peuvent être modifiées.
C’est donc la solution que je propose, avec mes collègues. Il s’agit de prévoir que, lors du dépôt d’une candidature à une élection, le candidat fournisse le bulletin n° 2 du casier judiciaire. Nul ne doit pouvoir être candidat si ce bulletin comporte la mention d’une condamnation pour manquement au devoir de probité.
Les condamnations visées font l’objet d’une liste limitative : il s’agit des infractions traduisant un manquement au devoir de probité, des infractions de corruption et de trafic d’influence, des infractions de recel ou de blanchiment et des infractions fiscales.
Mme Gisèle Jourda applaudit.
Cet amendement tend à priver du droit d’éligibilité les candidats condamnés pour un délit de manquement au devoir de probité, même lorsque la juridiction n’aurait pas prononcé de peine.
Or le Conseil constitutionnel a fixé les hypothèses dans lesquelles une candidature ne doit pas être retenue. Il a estimé que « la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et l’éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n’en sont pas exclus pour une raison d’âge, d’incapacité ou de nationalité, ou pour une raison tendant à préserver la liberté de l’électeur ou l’indépendance de l’élu ». Vous ajoutez donc une cinquième condition, qui n’est pas retenue par le Conseil constitutionnel.
Permettez-moi d’insister enfin sur un point. Vous prenez comme référence un bulletin du casier judiciaire sur lequel figure une condamnation à laquelle le juge n’a pas ajouté de peine d’inéligibilité. Vous savez que, depuis quelque temps, le Parlement n’adopte plus de lois d’amnistie : la condamnation figurera donc ad vitam aeternam sur le casier judiciaire. Il s’agira donc d’une inéligibilité à vie, ce qui est contraire à la Constitution et aux règles définies par le Conseil constitutionnel.
Ce débat a également lieu à l’extérieur de cet hémicycle. Une telle proposition est défendue par de nombreux acteurs politiques et montre l’intérêt que nous voyons tous à garantir que les candidats sont irréprochables, ce qui nous assurerait, par définition, que les élus le sont également.
Malgré tout, il me semble que l’adoption de cet amendement ne serait pas sans inconvénient. M. le rapporteur a évoqué une forme de peine automatique, qui serait contraire à la Constitution. On pourrait lui opposer que votre amendement tend à créer une nouvelle condition d’éligibilité, ce qui relève d’un autre débat que celui portant sur la peine.
Compte tenu de l’intérêt que présente cet amendement, et malgré les difficultés que suscite sa rédaction, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
La décision du Conseil constitutionnel de 1982 trouve des fondements très forts dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ainsi que dans les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
Quand quelqu’un subit une condamnation, il n’est pas condamné à perpétuité : il est sanctionné, il purge sa peine et il redevient un citoyen normal. C’est la raison pour laquelle le juge constitutionnel n’admet pas de restrictions à l’éligibilité au-delà de quatre motifs : l’âge, c’est-à-dire la minorité ; l’incapacité – une personne atteinte de désordres psychiques graves peut être écartée pendant la durée, parfois définitive, de ses troubles de la possibilité d’être électeur ; la nationalité, mais, dans ce cas, on ne porte pas atteinte aux droits d’un citoyen français ; enfin, le Conseil constitutionnel a ajouté des raisons relatives à la préservation de la liberté et à l’indépendance de l’électeur.
En l’espèce, nous ne sommes pas dans l’un de ces quatre cas. Nous devons être attentifs, en dépit du caractère très séduisant de cet amendement, à ne pas introduire de dérogations à ces grands principes.
Enfin, j’insiste sur un point : pourquoi rendre inéligibles uniquement les personnes faisant l’objet d’une condamnation pour manquement à la probité ? Bien sûr, il est très grave d’avoir manqué à la probité, mais pourquoi ne pas étendre cette exclusion aux personnes ayant fait l’objet d’une condamnation pour attouchements sexuels sur des enfants, ou pour participation à une association de malfaiteurs en vue de commettre un attentat terroriste, ou que sais-je encore ?
De très nombreuses condamnations peuvent nous paraître rendre une personne indigne d’être élue, mais en distinguant, pour l’éligibilité, les condamnés pour manquement à la probité des autres, nous créerions une différenciation entre citoyens ayant purgé leur peine et dont nous pouvons espérer qu’ils aient repris leur place au sein de la société et se comportent désormais en citoyens à part entière. Or cette différenciation ne repose sur rien de solide !
C’est la raison pour laquelle nous devons écarter toute tentation démagogique et rejeter cet amendement.
Je ne pense pas que cet amendement ait uniquement un caractère séduisant. Il vise à répondre à une aspiration de nos concitoyens et au besoin des élus de faire valoir une certaine probité.
Reste un point que je ne comprends pas. Peut-être M. le président de la commission ou M. le rapporteur pourront-ils m’apporter des éclaircissements ?
L’objet de l’amendement établit un parallèle entre les candidats à une fonction publique et les candidats à une fonction élective. Je comprends l’argument selon lequel la fourniture du bulletin du casier judiciaire reviendrait à rendre les personnes concernées inéligibles ad vitam aeternam, ce qui aurait un caractère rédhibitoire aux yeux de la commission. Toutefois, si cette exigence est imposée aux candidats à des concours de la fonction publique, pourquoi ne le serait-elle pas à des candidats à des fonctions électives ?
Si l’on doit considérer comme condamnable et malsain le fait d’imposer ce genre de sanction pour la vie entière, il faut changer la loi, afin que les candidats à des concours de la fonction publique ne soient pas non plus exclus des concours toute leur vie. Je demande donc une explication sur ce point.
Sous réserve de la réponse à cette question, mon groupe serait plutôt favorable à l’adoption de cet amendement.
J’ai bien entendu les explications de M. le rapporteur, selon lesquelles nous risquions d’introduire une inéligibilité à vie.
Cependant, un citoyen condamné ne peut-il pas demander que sa peine soit effacée de son casier judiciaire au bout d’un certain temps ? Dans cette hypothèse, cet amendement pourrait être adopté, ce qui nous permettrait d’affirmer notre volonté de garantir complètement la probité des candidats.
Je mets aux voix l’amendement n° 90 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 418 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’article 10, modifié.
L’article 10 est adopté.
Le livre IV du même code est ainsi modifié :
1° à 9°
Supprimés
10° L’article 435-2 est ainsi modifié :
a) Après la seconde occurrence du mot : « public », sont insérés les mots : « dans un État étranger ou » ;
b)
Supprimé
11°
Supprimé
12° L’article 435-4 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après la seconde occurrence du mot : « public », sont insérés les mots : « dans un État étranger ou » ;
b) (Supprimé)
(Supprimés) –
Adopté.
L’amendement n° 578 rectifié bis, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le livre IV du code pénal est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article 432-10, les mots : « cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 € » sont remplacés par les mots : « dix ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 000 000 € » ;
2° Au premier alinéa de l’article 433-2, les mots : « cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 € » sont remplacés par les mots : « dix ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 000 000 € » ;
3° Au premier alinéa de l’article 445-1, les mots : « cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 € » sont remplacés par les mots : « dix ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 000 000 € » ;
5° Au premier alinéa de l’article 445-2, les mots : « cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 € » sont remplacés par les mots : « dix ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 000 000 € ».
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Actuellement, les délits de corruption active ou passive et de trafic d’influence commis par des personnes exerçant une fonction publique ou des particuliers sont punis d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 euros, ce qui rend ces délits éligibles à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ou CRPC.
Si l’on veut vraiment lutter contre la corruption, le trafic d’influence, etc., il convient d’augmenter les quantums de peine et de les appliquer fermement. Tel est le fil de mon raisonnement. Ce n’est certainement pas en adoptant des mesures de prévention du type de celles que nous avons analysées il n’y a pas si longtemps que l’on réglera le problème. En tout cas, nous devons envoyer un signal suffisamment fort pour manifester que c’en est fini du traitement privilégié accordé aux délits à caractère financier.
La commission va émettre un avis défavorable sur cet amendement, comme sur les amendements de même type qui seront présentés ensuite, dans la mesure où ils visent tous à augmenter le quantum des peines.
Si nous examinons les mesures que nous avons adoptées depuis quelques années en matière pénale, cette législature est certainement la plus répressive que l’on ait connue depuis longtemps. Nous avons augmenté toutes les peines et créé des délits et des infractions de toutes sortes. Il y a des raisons à cela, mais le résultat est un code pénal dont l’échelle des peines est totalement injustifiable.
Mon argumentation est donc très simple.
Premièrement, cette augmentation du quantum des peines n’est pas demandée par les juridictions spécialisées, qui, au demeurant, ne les prononcent pas, ou restent bien en deçà du maximum de la peine.
Deuxièmement, si nous voulons faire un travail sérieux, qui ne risque pas d’être contesté par le Conseil constitutionnel ou la Cour européenne des droits de l’homme, il faut revoir toute l’échelle des peines, qui a subi de nombreuses distorsions, au fur à mesure de l’adoption de lois qui ont introduit des délits nouveaux et des peines nouvelles. Notre code pénal n’a plus d’échelle des peines !
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement, non pas parce que je refuse l’évolution que vous proposez, cher collègue, mais parce que, pour travailler correctement, il faut d’abord réétudier l’échelle des peines du code pénal.
Je constate que l’on ne prend pas autant de précautions lorsqu’il s’agit de punir les délits de caractère sexuel. Aujourd’hui, ces délits sont plus sévèrement sanctionnés que les crimes de sang. C’est la réalité ! Pour ces crimes, on prend très peu de précautions. Nous avons même récemment voté, ou laissé voter, une loi qui permet, lorsqu’il y a le moindre soupçon, que l’on fasse de la publicité autour !
Ce constat confirme une de mes observations : les délits à caractère financier ne sont pas considérés comme de vrais délits. On nous explique que c’est la vie des affaires, qu’il faut tenir compte des risques du métier, que la plupart des manquements sont commis par inadvertance… Il faudrait donc procéder avec beaucoup plus de précautions.
Ce n’est pas le traitement qui est réservé aux autres types d’infractions. Depuis que je suis sénateur, j’ai l’impression que nous passons notre temps à aggraver les peines, ce qui n’est pas forcément dans ma nature d'ailleurs. J’estime donc qu’il faut envoyer un signal fort sur la délinquance financière, mais on préfère faire de la prévention : on va donner des conseils, créer des agences, etc., mais toutes ces mesures ne serviront à rien !
Monsieur Collombat, je souscris tout à fait à votre démarche, comme à celle d’autres collègues qui ont déposé des amendements similaires.
Cela dit, j’irai plutôt dans le sens préconisé par M. le rapporteur. En effet, nous l’avons déjà dit lors de l’examen de plusieurs autres textes, et nous n’avons pas été entendus, nous sommes opposés à une augmentation du quantum des peines sans refonte globale de l’échelle des peines. Notre groupe ne cesse de le demander, dès lors qu’un texte aborde la question des crimes et des délits.
Le groupe CRC s’abstiendra donc sur cet amendement.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 423, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le premier alinéa de l’article 432-12 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 1 000 000 € d’amende, et au double du produit tiré de l’infraction lorsque cette situation est de nature à compromettre le respect des dispositions législatives ou réglementaires en matière de santé publique par ladite entreprise ou à porter atteinte à l’information sincère du public en matière de santé publique. »
II. – À l’article L. 6117-2 du code de la santé publique, les mots : « au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « aux premier et second alinéas ».
III. - Au 2°de l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième ».
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Je m’étonne de l’argumentation développée par M. le rapporteur. En effet, j’estime que ce n’est pas aux représentants d’un corps de métier, fussent-ils magistrats, qu’il appartient de définir l’échelle des peines, mais bien à la représentation nationale. Cette observation faite, j’en viens à l’objet de mon amendement.
Il vise à relever le quantum de la peine, lorsque la prise illégale d’intérêts est susceptible de compromettre le contrôle effectif et impartial que l’agent public ou l’élu exerce en matière de santé publique ou la mission d’information au service du public qui lui est impartie.
Au-delà de leur qualification pénale, ces agissements délictueux portent plus gravement atteinte à la démocratie, de sorte que les Français ne comprendraient pas l’impunité accordée à leurs auteurs, a fortiori si ces pratiques concernent directement leur santé. L’atteinte directe à la santé des Français pour des raisons bassement mercantiles est insupportable et doit donc constituer une circonstance aggravante.
Le dépôt de cet amendement a été motivé par des faits graves, qui se sont produits dans l’enceinte même du Sénat lors d’une audition de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, présidée par M. Jean-François Husson, et dont j’ai été rapporteur. À cette occasion, un pneumologue d’un grand hôpital public a menti sur les intérêts économiques qui le liaient à des compagnies.
Nous répondons ici à une réelle demande des médecins, qui souhaitent moraliser ce secteur et éradiquer tous les conflits d’intérêts qui salissent leur profession.
Plus encore, il s’agit d’entendre les Français. Lutter contre les extrêmes, mes chers collègues, c’est aussi lutter contre l’injustice que peuvent ressentir nos concitoyens devant l’impunité et la cupidité de certains. Faisons un geste en ce sens !
Je tiens enfin à rappeler que cet amendement, comme les trois qui suivront, a été examiné et adopté dans cet hémicycle au moment de la réforme pénale, voilà quelques mois, et ce contre l’avis du Gouvernement.
Monsieur le ministre, M. le garde des sceaux, Jean-Jacques Urvoas, sans remettre en question le fond de cet amendement, avait considéré que votre texte serait « un cadre plus pertinent », et il m’avait donc invité à le déposer de nouveau à l’occasion de cette discussion. C’est chose faite, et j’espère que le Gouvernement tiendra parole.
Chère collègue, je pense que nous nous sommes mal compris ou, en tout cas, que je me suis mal fait comprendre : il ne s’agit pas de laisser le soin de définir l’échelle des peines au juge, lequel a, de toute façon, toujours à sa disposition une fourchette dans laquelle il choisit la peine qu’il juge la plus adaptée.
De fait, avec le mécanisme des circonstances atténuantes, un prévenu peut se trouver condamné à un travail d’intérêt général, même s’il a commis une infraction passible de dix ans d’emprisonnement. Ainsi, des infractions avec des quantums extrêmement élevés n’entraînent pas forcément des condamnations lourdes.
Par ailleurs, je confirme ce que j’ai dit précédemment, à savoir que nous devons avant tout revoir l’échelle des peines. Notre droit, qui est assez simple et précis, distingue, pour déterminer les peines, entre les atteintes aux biens et les atteintes aux personnes.
La corruption fait partie de la seconde catégorie, donc, si nous allons jusqu’aux peines que vous proposez – elles sont peut-être légitimes –, il faudra augmenter les peines correspondant aux atteintes aux personnes. Voilà le débat ! Il faut revoir toute l’échelle des peines ; en l’absence de révision globale, nous ne pouvons agir uniquement au coup par coup, sinon nous allons faire de notre droit pénal un véritable patchwork.
Monsieur le rapporteur, précisément, est-ce que la classification entre atteintes aux biens et atteintes aux personnes est pertinente ? La corruption, qui aboutit à des catastrophes, avec des centaines, voire des millions de personnes jetées à la rue, est-elle moins grave que certains délits sexuels mineurs ?
Actuellement, oui ! Les délits financiers ne sont pas considérés comme très graves, car ils ne touchent que les biens. On estime donc qu’ils peuvent continuer.
Par ailleurs, je ne me suis pas étendu jusque-là sur la prise illégale d’intérêts, qui fait l’objet de cet amendement. Nous en avons discuté plusieurs fois ici, pour aboutir au constat qu’il s’agissait désormais d’une infraction appelant des peines quasi automatiques, pour le simple motif que l’on n’a pas respecté la réglementation. Il y a condamnation pour prise illégale d’intérêts même sans intention, et même sans enrichissement personnel.
Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.
Dans les autres cas, il y a manifestement une intention, une volonté. Il n’y a pas de hasard ; l’infraction n’est pas le produit d’un enchaînement dû à une réglementation tellement compliquée que personne n’y comprend rien. Il faut bien distinguer les cas.
Précisément, cet amendement vise bien les atteintes aux personnes, puisqu’il s’agit d’une question de santé publique. Si nous avions eu une législation adaptée, peut-être n’aurions-nous pas connu les scandales des prothèses PIP, de l’amiante ou du Mediator.
Porter atteinte à la santé de nos concitoyens, est-ce moins grave que casser une voiture ou voler un autoradio ?
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 424, présenté par Mme Aïchi, est ainsi libellé :
Après l'article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 433-2 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 1 000 000 € d’amende, et au double du produit tiré de l’infraction lorsque les faits ont pour but d’influencer une autorité, une administration publique ou une commission d’enquête parlementaire s’agissant de questions de santé publique. »
La parole est à Mme Leila Aïchi.
En complément logique de l’amendement précédent, nous visons ici à relever le quantum de la peine lorsque le trafic d’influence s’inscrit dans une volonté d’altérer les données publiques relatives à la santé publique ou de porter atteinte à l’information sincère du public en la matière.
Nous souhaitons en effet sanctionner toute tentative d’influence tendant à induire en erreur, pour des raisons d’intérêts privés bien compris, une autorité, une administration publique ou une commission d’enquête parlementaire. Je le rappelle, droite et gauche confondues ont unanimement condamné le faux témoignage d’un pneumologue devant une commission d’enquête parlementaire.
En conséquence, mes chers collègues, nous vous proposons de durcir les sanctions envers ces personnes qui bafouent l’essence même et l’éthique de leur profession. Les élus de la République et le Gouvernement ont le droit et le devoir d’exiger des informations fiables et objectives pour servir l’intérêt général ; ils n’ont pas vocation à protéger des intérêts particuliers.
Il serait inacceptable qu’une autorité, une administration publique ou une commission d’enquête parlementaire puisse être, sur des questions de santé publique, influencée de manière frauduleuse par des individus peu scrupuleux et simplement mus par des intérêts personnels.
Nous pensons donc que l’objectif dissuasif visé par cet amendement serait un signal fort envoyé à l’ensemble de ces individus.
Je comprends la volonté des auteurs de l’amendement, mais j’en reste aux explications que j’ai données.
J’ajoute toutefois que, en l’espèce, il s’agirait d’une circonstance aggravante, qui, en droit, doit être rédigée très précisément pour être conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Or le simple ajout de la formule « s’agissant de questions de santé publique » ne me semble pas répondre à cette exigence.
La commission émet donc un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 425, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 445-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 1 000 000 € d’amende, et au double du produit tiré de l’infraction lorsque les faits décrits aux deux premiers alinéas visent à porter atteinte à l’information sincère du public en matière de santé publique. »
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 426.
J’appelle donc en discussion l’amendement n° 426, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, et ainsi libellé :
Après l'article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 445-2 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 1 000 000 € d’amende, et au double du produit tiré de l’infraction lorsque les faits visent à porter atteinte à l’information sincère du public en matière de santé publique. »
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Dans le même esprit que nos deux amendements précédents, nous souhaitons ici appliquer le doublement des peines, mais, cette fois, en matière de corruption active, pour ce qui concerne l’amendement n° 425, et de corruption passive, pour ce qui est de l’amendement n° 426, d’une personne privée, lorsque cette dernière consent ou est incitée à porter atteinte à l’information sincère du public en matière de santé publique ou à s’abstenir de révéler une information de santé publique dont elle a eu connaissance lors de son activité professionnelle.
Il s’agit donc élargir le champ de l’aggravation de peine prévue pour les agents publics et les élus aux personnes privées.
Là encore, je précise que ces amendements avaient déjà été adoptés dans cet hémicycle ; j’espère que le Gouvernement fera preuve d’une grande sagesse à leur égard.
J’aurai les mêmes explications que précédemment, et les mêmes avis défavorables.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Le chapitre V du titre III du livre IV du même code est ainsi modifié :
1° La sous-section 3 de la section 1 est complétée par un article 435-6-2 ainsi rédigé :
« Art. 435 -6 -2. – Dans le cas où les infractions prévues aux articles 435-1 à 435-4 sont commises à l’étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable en toutes circonstances, par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6, et l’article 113-8 n’est pas applicable.
« Pour la poursuite de la personne qui s’est rendue coupable sur le territoire de la République, comme complice, d’une infraction prévue aux articles 435-1 à 435-4 commise à l’étranger, la condition de constatation de l’infraction par une décision définitive de la juridiction étrangère prévue à l’article 113-5 n’est pas applicable. » ;
2° La sous-section 3 de la section 2 est complétée par un article 435-11-2 ainsi rédigé :
« Art. 435 -11 -2. – Dans le cas où les infractions prévues aux articles 435-7 à 435-10 sont commises à l’étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable en toutes circonstances, par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6, et l’article 113-8 n’est pas applicable.
« Pour la poursuite de la personne qui s’est rendue coupable sur le territoire de la République, comme complice, d’une infraction prévue aux articles 435-7 à 435-10 commise à l’étranger, la condition de constatation de l’infraction par une décision définitive de la juridiction étrangère prévue à l’article 113-5 n’est pas applicable. » –
Adopté.
(Supprimé)
Le livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° A §(nouveau) Au 2° de l’article 40-1, après la référence : « 41-1 », est insérée la référence : «, 41-1-2 » ;
1° Après l’article 41-1-1, il est inséré un article 41-1-2 ainsi rédigé :
« Art. 41 -1 -2. – I. – Tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, le procureur de la République peut proposer à une personne morale mise en cause pour un ou plusieurs délits prévus aux articles 433-1, 433-2, 435-3, 435-4, 435-9, 435-10, 445-1, 445-1-1, 445-2 et 445-2-1, au huitième alinéa de l’article 434-9 et au deuxième alinéa de l’article 434-9-1 du code pénal ainsi que, le cas échéant, pour des infractions connexes, une transaction judiciaire imposant une ou plusieurs des obligations suivantes :
« 1° Verser une amende de transaction au Trésor public. Le montant de cette amende est fixé en fonction de la gravité des faits et de manière proportionnée aux avantages tirés de ces faits, dans la limite de 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date du constat de ces faits. Son versement peut être échelonné, selon un échéancier fixé par le procureur de la République, sur une période qui ne peut être supérieure à un an ;
« 2° Se soumettre, pour une durée maximale de trois ans, à un programme de mise en conformité, tel que prévu à l’article 131-39-2 du code pénal, le cas échéant avec le concours de l’Agence de prévention de la corruption dans les conditions prévues au I de l’article 764-44 du présent code. Les frais ainsi occasionnés sont supportés par la personne morale dans la limite d’un plafond fixé par le procureur de la République.
« Lorsque la victime est identifiée, et sauf si la personne morale mise en cause justifie de la réparation de son préjudice, le procureur de la République propose également à la personne morale de réparer les dommages causés par les faits dans un délai qui ne peut être supérieur à un an.
« La victime est informée de la décision du procureur de la République de proposer une transaction judiciaire à la personne morale mise en cause. Elle transmet au procureur de la République tout élément permettant d’établir la réalité et l’étendue de son préjudice.
« Les représentants légaux de la personne morale mise en cause sont informés, dès la proposition du procureur de la République, qu’ils peuvent se faire assister d’un avocat avant de donner leur accord à la transaction.
« II. – Lorsque la personne morale mise en cause donne son accord à la proposition de transaction, le procureur de la République saisit par requête le président du tribunal de grande instance aux fins de validation de la transaction. La proposition de transaction est jointe à la requête. La requête contient un exposé précis des faits ainsi que la qualification juridique susceptible de leur être appliquée. Le procureur de la République informe de cette saisine la personne morale mise en cause et, le cas échéant, la victime.
« Le président du tribunal procède à l’audition de la personne morale mise en cause et de la victime, assistés, le cas échéant, de leur avocat. À l’issue de cette audition, le président du tribunal prend la décision de valider ou non la proposition de transaction, en vérifiant le bien-fondé du recours à cette procédure, la régularité de son déroulement, la conformité du montant de l’amende aux limites prévues au 1° du I du présent article et la proportionnalité des mesures prévues à la gravité des faits. La décision du président du tribunal, qui est notifiée à la personne morale et, le cas échéant, à la victime, n’est pas susceptible de recours.
« Si le président du tribunal rend une ordonnance de validation, la personne morale dispose, à compter du jour de la validation, d’un délai de dix jours pour accepter ou non la proposition de transaction. Le refus est notifié au procureur de la République par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Si la personne morale mise en cause accepte la proposition de transaction, les obligations qu’elle comporte sont mises à exécution. Dans le cas contraire, la proposition devient caduque.
« L’ordonnance de validation n’emporte pas déclaration de culpabilité et n’a ni la nature ni les effets d’un jugement de condamnation.
« La transaction judiciaire n’est pas inscrite au bulletin n° 1 du casier judiciaire. Elle fait l’objet d’un affichage ou d’une diffusion soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique.
« La victime peut, au vu de l’ordonnance de validation, demander le recouvrement des dommages et intérêts que la personne morale s’est engagée à lui verser suivant la procédure d’injonction de payer, conformément aux règles prévues par le code de procédure civile.
« III. – Si le président du tribunal ne valide pas la proposition de transaction, si la personne morale n’accepte pas la proposition de transaction validée par le président du tribunal ou si, dans le délai prévu par la transaction, la personne morale ne justifie pas de l’exécution intégrale des obligations prévues, le procureur de la République met en mouvement l’action publique, sauf élément nouveau. Si la transaction a été conclue dans le cadre d’une information judiciaire, le dernier alinéa de l’article 180-2 est applicable. En cas de poursuites et de condamnation, il est tenu compte, s’il y a lieu, de l’exécution partielle des obligations prévues par la transaction.
« À peine de nullité, le procureur de la République notifie à la personne morale mise en cause l’interruption de l’exécution de la transaction lorsqu’elle celle-ci ne justifie pas de l’exécution intégrale des obligations prévues. Cette décision prend effet immédiatement. Le cas échéant, elle entraîne de plein droit la restitution de l’amende de transaction. Elle n’entraîne cependant pas la restitution des éventuels frais supportés par la personne morale et occasionnés par le recours par l’Agence de prévention de la corruption.
« IV. – La prescription de l’action publique est suspendue durant l’exécution de la transaction.
« L’exécution des obligations prévues par la transaction éteint l’action publique. Elle ne fait cependant pas échec au droit des personnes ayant subi un préjudice du fait des faits constatés, sauf l’État, de poursuivre la réparation de leur préjudice devant la juridiction civile.
« Le président du tribunal peut désigner, aux fins de validation de la transaction judiciaire, tout juge du tribunal.
« Pour l’application du présent article, est considérée comme victime la partie civile au sens de l’article 85 du code de la procédure pénale.
« V. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° Après l’article 180-1, il est inséré un article 180-2 ainsi rédigé :
« Art. 180 -2. – Lorsque le juge d’instruction est saisi de faits qualifiés constituant un des délits mentionnés au I de l’article 41-1-2, que la personne morale mise en examen reconnaît les faits et qu’elle accepte la qualification pénale retenue, il peut, à la demande ou avec l’accord du procureur de la République, prononcer, par ordonnance, la transmission de la procédure au procureur de la République aux fins de mise en œuvre de la procédure prévue à l’article 41-1-2.
« La demande ou l’accord du procureur de la République en vue de la mise en œuvre de la procédure prévue à l’article 41-1-2 peut être exprimé ou recueilli au cours de l’information ou à l’occasion de la procédure de règlement prévue à l’article 175. Les représentants légaux de la personne morale mise en cause sont informés, dès la proposition du procureur de la République, qu’ils peuvent se faire assister d’un avocat avant de donner leur accord à la transaction.
« L’instruction est suspendue en ce qu’elle concerne la personne morale faisant l’objet de la transmission pour mise en œuvre de la procédure prévue à l’article 41-1-2. Les mesures prononcées, le cas échéant, au titre du contrôle judiciaire sont maintenues à l’égard de cette personne jusqu’à la validation de la transaction.
« L’instruction se poursuit à l’égard des autres parties à la procédure.
« Si, dans un délai de trois mois à compter de la transmission, aucune proposition de transaction n’a été acceptée ou si, dans le délai prévu par la transaction, la personne morale ne justifie pas de l’exécution intégrale des obligations prévues, le procureur de la République transmet la procédure au juge d’instruction, accompagnée des réquisitions aux fins de reprise de l’information. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 447 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 558 rectifié est présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour présenter l’amendement n° 447.
Après ce débat sur l’échelle des peines, nous touchons là à un autre problème.
Alors que le projet de loi a pour objet la lutte contre la corruption, cet article est pour le moins curieux – c’est un euphémisme ! En effet, il vise à importer en droit français une procédure américaine, qui prévoit l’abandon des poursuites pénales contre des entreprises se rendant coupables de corruption, en échange du paiement d’une amende
La philosophie de cet article est très simple : contre un chèque, on efface l’ardoise, en quelque sorte. Il ne s’agit de rien de moins que de monnayer son impunité. Une telle procédure existe d’ailleurs en matière de fraude fiscale, un domaine où il y a très peu de condamnations, des arrangements avec le fisc étant possibles.
Nous avons pu constater que ce dispositif a été très largement approuvé par les représentants des entreprises entendus par le rapporteur, car une condamnation pénale nuirait évidemment à la réputation des entreprises françaises fautives… Pour notre part, nous répondons que la corruption est un fléau et que, pour préserver leur réputation, il leur suffirait de respecter la loi !
En effet, comme le souligne le rapporteur, avec ce mécanisme de transaction pénale, il n’y a aucune reconnaissance de culpabilité, ni aucune inscription au casier judiciaire. Ainsi, les entreprises françaises concernées pourront fournir aux autorités étrangères, en cas de besoin, un extrait du bulletin n° 2, où il apparaîtra qu’elles n’ont fait l’objet d’aucune condamnation pénale, alors même que les faits de corruptions seraient avérés. C’est le monde à l’envers !
En outre, comme l’a également relevé le rapporteur, cette disposition n’a recueilli ni accord unanime ni enthousiasme de la part de l’autorité judiciaire.
On nous dit que ce dispositif permettra de pallier les lenteurs de la justice, mais si la justice ne fonctionne pas ou pas bien, c’est parce que l’on ne lui donne pas de moyens – M. le garde des sceaux lui-même est obligé de le reconnaître –, et ce texte n’apparaît alors que comme une fuite en avant.
Enfin, cet article révèle tout simplement l’absence de volonté politique de poursuivre les faits de corruption commis par de grandes entreprises, afin de conquérir des marchés à l’étranger. Il ne faut pas minimiser cette réalité.
Cet article 12 bis contribuera à mettre en place une justice à deux vitesses, l’une pour ceux qui auront les moyens de payer et l’autre pour ceux que l’on enverra au pénal, un peu comme en matière de fraude fiscale.
Mes chers collègues, vous comprendrez donc que nous en demandons la suppression.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l’amendement n° 558 rectifié.
Pour pallier les lenteurs de la justice, il faut donner à cette dernière les moyens d’agir !
Je le répète, c’est en agissant au niveau du droit pénal que l’on peut arriver à faire évoluer les choses. Or, une fois encore, on invente une procédure ad hoc, en considérant qu’il ne s’agit pas vraiment de délits. C’est une procédure qui se trouve hors du cadre judiciaire, puisqu’elle intervient tant que l’action publique n’a pas été mise en œuvre. Par ailleurs, les résultats ne sont pas inscrits au casier judiciaire.
Au lieu de prendre le problème à bras-le-corps, on invente, je le répète, des solutions ad hoc pour régler des problèmes que l’on n’a pas vraiment la volonté de régler.
Ces deux amendements identiques visent à supprimer l’article 12 bis, qui instaure la procédure de transaction judiciaire.
Je ne nie pas qu’il s’agisse d’une institution nouvelle dans notre droit, même s’il existe déjà des modes alternatifs de poursuite.
Pourquoi une telle procédure ? Il faut être pragmatique et concéder que notre influence juridique est parfois limitée par celle, quelque peu plus prégnante, des États-Unis. Il importe que nos sociétés qui exportent ou qui ont des filiales à l’étranger puissent régulariser leur situation lorsqu’elles ont commis ou lorsque l’on a la quasi-certitude qu’elles ont commis des faits pouvant être qualifiés de corruption. C’est important, car en cas de condamnation pénale ou sans régularisation de leur situation, elles n’auront plus d’agrément pour démarcher ou continuer leur activité à l’étranger.
Je vais même plus loin : si nous n’instaurons pas cette transaction pénale, toutes ces amendes qui pourraient aller dans les caisses du trésor public français finiront dans celles du trésor américain.
Être pragmatique, cela ne veut pas dire abandonner l’État de droit. C’est la raison pour laquelle la commission des lois a fait en sorte que cette transaction soit renforcée au regard des fondements de notre ordonnancement juridique, pour qu’elle ne puisse pas constitutionnellement être remise en cause.
Ainsi, il ne faut pas oublier que cette transaction dépend non pas de l’administration, mais de l’autorité judiciaire. Y a-t-il en France autorité plus transparente, plus indépendante et plus impartiale ?
Il s’agit bien d’une transaction judiciaire, ce qui la différencie d’une transaction en matière de contributions indirectes. En l’occurrence, c’est le procureur qui l’autorise, et nous avons fait en sorte que la transaction obtienne l’imprimaturdu juge en audience publique. Il y aura donc un contrôle du juge, qui vérifiera si, en équité, il est bien normal de transiger, et si, en termes de quantum, la transaction est bien d’un montant satisfaisant.
Cette procédure, je le répète, est entre les mains de l’autorité judiciaire et elle s’inscrit parfaitement dans le cadre du pouvoir réservé au procureur de juger de l’opportunité des poursuites.
N’est-il pas plus pertinent de choisir cette transaction, plutôt que des poursuites pénales qui aboutiront peut-être dans dix ans, avec le risque que, au bout de tout ce temps, on s’aperçoive qu’une faute de procédure fait tomber tout le dossier ? Et quand bien même la procédure aboutirait, l’infraction serait trop lointaine et la peine ne voudrait plus rien dire.
Un second point a son importance. Certes, il n’y a pas de déclaration de culpabilité lorsque la transaction entre le procureur et l’entreprise est soumise au juge pour homologation. C'est heureux, d’ailleurs, car elle ne pourrait alors plus intervenir à l’étranger. En revanche, lorsque l’entreprise fait l’objet d’une instruction devant un juge d’instruction, ce qui n’est nullement interdit par le texte, la transaction ne pourra se faire qu’avec une reconnaissance de culpabilité.
C’est pourquoi je ne pense pas qu’il faille supprimer cet article. J’avoue que, moi aussi, au départ, j’ai considéré ce dispositif comme un OVNI, mais j’ai choisi d’être pragmatique, sans oublier les principes de notre État de droit.
Or, mes chers collègues, il me semble que la commission des lois vous fournit un système équilibré, susceptible de s’insérer dans notre État de droit sans attenter à ses principes. Les entreprises, qui seront certes condamnées au travers d’une transaction, pourront néanmoins continuer à exercer leur activité à l’étranger.
Il s’agit évidemment d’une mesure importante de ce texte. Je rappelle qu’elle a été introduite à l’Assemblée nationale par les députés et qu’elle a fait l’objet d’un travail très précis au sein de la commission. Il y a donc une volonté que je considère comme commune des majorités de l’Assemblée nationale et du Sénat de travailler sur ce sujet, ce qui n’allait pas de soi.
Je comprends tout à fait les interrogations des uns et des autres sur cette nouveauté. D’ailleurs, dès lors qu’il y a une nouveauté, il paraît légitime que chacun en pèse les avantages et les inconvénients.
Néanmoins, je pense qu’il faut prendre garde à ne pas se laisser tenter par des caricatures, qui ne correspondent pas aux intentions des parlementaires, notamment, me semble-t-il, à celles des membres de votre commission.
La première caricature serait de laisser penser qu’il y aurait une justice à deux vitesses : d’une part, les voleurs de mobylettes, qui iraient forcément devant le juge pénal – entre nous soit dit, il y a aussi des mécanismes de transaction pour des cas comme ceux-là, et heureusement ! –, et, d’autre part, les puissants, qui ne risqueraient pas d’être condamnés à de la prison.
Je le répète, même si cela va de soi, il s’agit en l’espèce non pas de personnes physiques, mais de personnes morales. Or je n’ai encore jamais vu une personne morale condamnée à aller en prison… Il faut bien avoir ce point en tête, de manière à éviter d’entretenir simplifications et caricatures à l’extérieur de cette enceinte.
Ensuite, j’entends souvent l’argument selon lequel nous proposerions de tels mécanismes pour pallier les lenteurs, les insuffisances ou l’absence de moyens de la justice. C’est inexact, permettez-moi de le dire.
Je me suis beaucoup intéressé aux exemples étrangers, et pas seulement à celui des États-Unis. Je puis vous dire que la plupart des pays européens ont des dispositifs de cette nature. Je suis allé au Royaume-Uni et en Allemagne et j’ai rencontré un certain nombre de magistrats qui mettent en œuvre ces dispositions.
Tous ont exactement le même raisonnement, que je vais m’efforcer de tenir devant vous rapidement. Lorsque des faits sont commis à l’étranger, parfois par des étrangers travaillant pour une société française, et que les personnes corrompues sont des responsables publics étrangers, il est assez compliqué d’apporter des preuves. C’est même extrêmement compliqué ! Et vous ne pouvez pas compter sur la bonne collaboration de l’administration ou des responsables politiques du pays en question, puisqu’ils sont par définition quelque peu corrompus.
C’est la raison fondamentale pour laquelle existe en France, depuis 2000, un délit de corruption d’agent public étranger. Or, comme vous le savez, aucune entreprise française n’a pu être condamnée définitivement – une affaire se trouve pendante devant la Cour de cassation actuellement – pour des faits de corruption considérés comme évidents. Et ce n’est pas par défaut de moyens !
L’objectif de ce dispositif est l’efficacité, mais cette dernière ne serait pas légitime si elle mettait en cause en même temps des principes fondamentaux du fonctionnement de notre justice, comme l’a souligné M. le rapporteur. Il faut donc concilier cette nécessaire efficacité avec le respect des règles fondamentales de notre État de droit, qui ne sont pas forcément les mêmes qu’aux États-Unis.
M. le rapporteur a bien décrit les deux grands principes qui doivent régir ce type de procédure.
Tout d’abord, le juge du siège doit être présent, en particulier aux moments les plus importants de la procédure, c’est-à-dire, notamment, lors de l’homologation de la décision, de manière à vérifier sa régularité et son équité. L’indépendance du juge du siège garantira que la transaction est équilibrée.
J’ajoute – c’était une volonté des députés, que vous avez conservée – que le juge d’instruction, magistrat par définition indépendant, a la capacité de mettre en œuvre ce mécanisme, s’il considère qu’il lui permet d’être plus efficace, compte tenu de la difficulté à rapporter des preuves.
En résumé, le juge du siège, garant d’un certain nombre de grands principes auxquels nous tenons tous, doit être présent.
Le second principe permet d’éviter un reproche, qui pourrait apparaître comme légitime, à savoir que cette procédure ressemblerait à une sorte de tambouille, faite dans l’obscurité d’un prétoire. Pour parer à cette critique, il doit y avoir une publicité des moments importants, pour que l’extérieur ait un regard sur la qualité du débat et l’équité de la décision. C’est ce qui est prévu par ce texte.
Je me dois de dire que le Gouvernement a beaucoup hésité sur ce point. En outre, comme vous le savez, le Conseil d’État a fait des remarques qui, au bout du compte, se sont révélées légitimes. Aussi, dans un premier temps, nous avons souhaité disjoindre l’examen de ces dispositions, avant que l’Assemblée nationale, tenant compte de la position du Conseil d’État, ne fasse cette proposition, que vous avez vous-même améliorée, même si, et nous y reviendrons, il peut y avoir quelques évolutions sur un ou deux points.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est la raison pour laquelle le Gouvernement vous appelle à voter cet article, qui sera gage d’efficacité, dans le respect des libertés et des grands principes de fonctionnement de notre justice.
Je vais compléter et prolonger ce qui vient d’être dit à l’instant.
Pour ma part, j’ai toujours eu beaucoup de réticence vis-à-vis du « verrou de Bercy ». Nous en avions parlé dans cet hémicycle, et, en tant que rapporteur, j’avais dit qu’il ne me semblait pas pertinent de laisser l’action du pouvoir judiciaire à la merci de Bercy. On m’avait alors expliqué en long et en large qu’il s’agissait d’une mesure dont la suppression nous ferait perdre des milliards d’euros. Après tout, je me dois aussi d’avoir une approche réaliste.
En l’espèce, nous sommes dans une tout autre configuration, puisque trois garanties existent.
Premièrement, comme M. le ministre vient de le rappeler, cette transaction judiciaire ne concerne pas les personnes physiques. Toutes les polémiques, toutes les digressions sur la justice à deux vitesses, qui conduiraient certains en prison et d’autres non, sont sans fondement. D’ailleurs, même lorsque les personnes morales sont condamnées pour de tels délits, les peines sont relativement faibles. À cet égard, on peut espérer obtenir davantage de recouvrement par cette voie.
Deuxièmement, à la différence de toutes les procédures fiscales que nous connaissons aujourd’hui, cette procédure est entre les mains du juge judiciaire, ce qui me semble très important. Je le répète, c’est le président du tribunal de grande instance qui, in fine, dit oui ou non. Il peut bien évidemment refuser la transaction judiciaire ou réévaluer le montant de l’amende. C’est bien le pouvoir judiciaire qui décide, après une procédure contradictoire. C’est un élément essentiel.
Troisièmement, il faut bien distinguer avant et après l’ouverture d’une procédure, s’agissant de la reconnaissance de culpabilité. Avant, si quelqu’un accepte la transaction, il ne peut y avoir de reconnaissance de culpabilité. C’est la voie de la transaction, que nous connaissons dans bien des domaines, y compris sur le plan civil. Franchement, il s’agit d’une technique habituelle en matière de droit.
En revanche, si un juge d’instruction a été saisi, il peut faire avancer la procédure, et le premier élément dont il s’assure, c’est que la personne qui va être poursuivie accepte la qualification pénale ; c’est inscrit dans le texte en toutes lettres. S’il l’accepte, cela veut dire qu’il reconnaît sa culpabilité.
Avec ces trois garanties, il me semble que cette procédure, introduite par Sandrine Mazetier à l’Assemblée nationale, mérite de subsister.
Je ne remets pas en cause la bonne foi et la sincérité de tous les interlocuteurs qui m’ont précédé. Il n’est pas forcément question de justice à deux vitesses, les voleurs de mobylettes ayant aussi les moyens de faire des transactions.
Je suis d’accord, une personne morale ne va pas en prison, bien qu’il y ait des personnes physiques derrière…
Je vous le concède, il ne s’agit pas uniquement de pallier les insuffisances de la justice, même si, que l’on le veuille ou non, il y a bien un problème de fond en la matière. Enfin, il y a effectivement la présence du juge et une certaine publicité. Dont acte !
Toutefois, nous sommes ici les représentants du peuple. Notre Haute Assemblée ne peut pas ne prendre en compte que des préoccupations techniques et des soucis d’efficacité.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous discutons d’une loi fondamentale pour la lutte contre la corruption. Je vous demande donc d’être attentifs au message que nous sommes sur le point d’envoyer à nos concitoyens, cela dit sans vouloir faire de procès d’intention. Le débat n’est pas celui de l’influence du droit anglo-saxon ; je ne veux pas être dans une posture juridique.
Mes chers collègues, soyons très attentifs, car notre message tient en quelques mots : négocier une amende peut permettre d’éviter un procès ! Que l’on le veuille ou non, c’est ce message que vont recevoir nos concitoyens.
Est-ce l’urgence absolue ? Alors que nous partageons tous cette volonté de lutter, en toute bonne foi, contre la corruption, avons-nous besoin de faire passer le message selon lequel il vaut mieux « négocier une amende et ainsi éviter un procès » ?
Premièrement, je ne me préoccupe pas des puissants et des forts. Mais je sais les dégâts que font la corruption et le trafic d’influence, ces procédés absolument néfastes qui faussent la concurrence – car il y a ceux qui respectent la loi et les autres. Et cette dimension criminelle, on la retrouve dans tous les processus de crise. Autant dire que ce n’est pas une mince affaire !
Deuxièmement, je veux bien être pragmatique, mais cela suppose de faire exactement comme les Américains et de prévoir des peines à la hauteur des délits. Au cours de la discussion générale, j’ai cité les montants comparés des amendes infligées par les autorités de régulation en France et aux États-Unis. La fourchette se situe en France autour de deux dizaines et demie de millions d’euros, alors qu’elle atteint deux dizaines de milliards de dollars aux États-Unis ! Je veux bien accepter votre proposition si vous m’assurez que les peines seront effectivement à la hauteur des délits.
Sans faire une fixation, je sais que tel ne sera pas le cas ! Et vous ne m’enlèverez pas de l’idée que la transaction est une procédure d’arrangement ! Si l’on veut en finir avec le trafic d’influence et la corruption – ou du moins leur porter un véritable coup –, eh bien, il faut le montrer en prenant des mesures précises. Or cet article envoie un signal totalement contraire !
Je voudrais expliquer mon vote sur ce dispositif qui a, au départ, suscité une certaine méfiance auprès d’un assez grand nombre d’entre nous – méfiance d'ailleurs partagée sur d’autres travées que les nôtres !
Cette méfiance reposait en partie sur les réserves du Conseil d’État dont nous avons eu connaissance et sur le fait que ce dispositif nous apparaissait comme une nouvelle intrusion du droit anglo-saxon dans notre droit au détriment de notre tradition latine.
Cette idée de transaction est venue après que l’Europe a béatement accepté de se voir imposer des normes comptables en grande partie responsables des pires moments de la crise. Elle est venue aussi après qu’on a tenté de nous imposer différents traités visant à nous contraindre d’adopter un certain nombre de normes et standards juridiques que nous refusons d’accepter, car ils sont en dehors de notre tradition juridique.
Si notre avis a évolué, c’est, d’abord, parce que la commission des lois et son rapporteur ont très bien travaillé et que nous leur faisons confiance. C’est ensuite parce que – j’ai entendu le plaidoyer d’Alain Anziani – nous ne sommes pas du tout dans le système du « verrou de Bercy » auquel certains d’entre nous reprochaient de porter atteinte à la séparation des pouvoirs et de passer outre l’article 40 du code de procédure pénale.
Dans le système qui nous est proposé, il est prévu un encadrement par le procureur de la République, lequel a l’initiative et peut saisir le juge judiciaire. Nous estimons que ce dispositif comporte assez de garanties pour pouvoir accepter de l’inscrire dans notre droit sans porter en quoi que ce soit atteinte aux valeurs auxquelles nous tenons.
Monsieur le ministre, je vous ai entendu parler de « tambouille dans l’obscurité de prétoire ».
Oui, mais je ne suis pas sûr que ce texte permette de substituer la lumière à l’obscurité !
Il faut dire les choses carrément. Comme le président Retailleau l’a rappelé, ce qui est proposé, c’est quand même une évolution vers le droit anglo-saxon. Et les évolutions qui ont eu lieu ces dernières années, quels que soient les gouvernements, ont conduit à privilégier, en matière de délits financiers, des transactions pour lesquelles, dans l’immense majorité des cas, le montant maximum de la peine est de cinq ans au pénal. Cela veut dire que le parquet a toujours la possibilité de transiger jusque-là.
Il faut le dire tout aussi clairement, la procédure est très atypique : une fois qu’il est saisi, « le président du tribunal procède à l’audition de la personne morale mise en cause et de la victime, assistées, le cas échéant, de leur avocat », mais cela se passe là dans l’obscurité. La procédure n’est pas ouverte ; elle n’est pas publique. On est bien dans l’obscurité ! Et puis, « l’ordonnance de validation n’emporte pas déclaration de culpabilité et n’a ni la nature ni les effets d’un jugement de condamnation ». Et il s’agit de personnes morales.
Il faut quand même, là aussi, appeler un chat un chat ! Voilà une procédure avec une validation rendue par le président du tribunal qui n’emporte pas déclaration de culpabilité et n’a pas la nature ni les effets d’un jugement de condamnation, et il s’agit de personnes morales !
Cela me paraît quand même poser un véritable problème par rapport à notre droit et à notre tradition juridique ! Certes, vous pouvez considérer que c’est plus d’efficacité, mais la meilleure efficacité ce serait que notre justice fonctionne normalement !
Beaucoup de choses ont déjà été dites. Un premier débat très important a eu lieu sur l’article 8. Or quand je le rapproche de l’article 12 bis, je me dis que nous sommes décidément en train de glisser sur une mauvaise pente !
Faisons abstraction du vocabulaire juridique et demandons-nous ce que cela signifie au fond pour le commun des mortels. Ils comprennent que celui qui a fait une bêtise peut payer pour la racheter. Tant mieux pour celui qui peut payer et tant pis pour celui qui n’en a pas les moyens ! Autrement dit, qu’on le veuille ou non, qu’on se récrie ou non, il y a bien une justice à deux vitesses !
Pour changer, on change ! On glisse en effet tout doucement, lentement mais sûrement, sans le dire, vers le droit anglo-saxon, et on l’accepte ! On accepte de dire qu’au fond c’est cette manière de travailler qui est la bonne, toujours au nom du pragmatisme et de l’efficacité.
Je voudrais bien en être sûre. Comme on a, dans le même temps, refusé d’accroître le quantum des peines et de revoir le droit sur le devoir de vigilance et la responsabilité des entreprises, je me dis que l’on envoie décidément un bien mauvais signal !
Je ne veux pas relancer les débats, même si, je le sais, certains dans cet hémicycle seront tentés de répondre au ministre, comme il est parfaitement légitime de le faire. Si je veux m’exprimer à nouveau, c’est parce que ce sujet est très important.
Pour avoir partagé les hésitations qui ont été exprimées, je tiens à dire combien je respecte les arguments des uns et des autres. Il faut simplement prendre garde à ne pas nous caricaturer les uns les autres sur ce sujet.
J’entends, par exemple, un argument qui consiste à réfuter notre proposition parce qu’elle relève non de la tradition française, mais de la tradition américaine. Je sais que je caricature en parlant ainsi, mais je ne dois pas être très loin de ce que pensent certains – peut-être, d'ailleurs, sur ces deux travées.
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
Que se passe-t-il aujourd'hui ? Il y a eu des enquêtes, il y a même eu des condamnations en première instance, …
… et ce sans qu’il s’agisse d’une question de moyens. L’origine du problème, c’est la difficulté à apporter les preuves et la complexité des circuits juridiques qui aboutit parfois à des accidents de procédure et, ensuite, à des nullités.
Aujourd'hui, dans la réalité, c’est le droit anglo-saxon qui s’applique à nous.
En effet, les entreprises françaises qui ont déjà été condamnées – et je pourrais vous donner les noms – l’ont été non par des magistrats français, mais aux États-Unis, …
M. Michel Sapin, ministre. … en Grande-Bretagne ou aux Pays-Bas. Pouvons-nous être fiers d’une situation dans laquelle nous abandonnons à d’autres – pardon d’employer des grands mots, mais malgré tout, c’est la vérité ! – une part de notre souveraineté, je veux parler de notre capacité à juger et à punir. Car cette part de souveraineté est exercée non par nous-mêmes, mais par d’autres
M. Alain Vasselle opine.
C’est la raison pour laquelle ce qui est proposé ici, ce n’est pas de copier – la copie n’est jamais un bon exercice. Nous avons nos traditions, nous avons nos principes, nous avons notre Constitution et il faut évidemment respecter tout cela. Il s’agit non de copier, mais de mettre en œuvre des dispositifs efficaces. L’efficacité, ce n’est pas un mot honteux, ce n’est pas un gros mot dès lors qu’elle s’inscrit dans le respect de nos principes. Voilà le cœur de cette situation. Je ne reviens pas sur la place du juge, sur la publicité d’un certain nombre d’audiences qui sont absolument indispensables.
J’ai rencontré beaucoup de chefs d’entreprises françaises qui ont été condamnées à l’étranger sur ces sujets et pour des faits qu’elles reconnaissent. Prenons le cas de l’entreprise Technip. Elle a été condamnée aux États-Unis pour des faits qui auraient été commis – ou qui ont été commis – au Nigeria.
Dans les semaines qui ont suivi non pas la condamnation, mais le début de la procédure, l’ensemble de l’équipe a été balayée par le conseil d’administration. Il a eu raison de le faire !
Ont été mises en place un ensemble de procédures – elles sont d’ailleurs proches de celles que nous souhaitons voir aujourd'hui respectées par toutes les entreprises concernées–, formation des personnels, mise en œuvre d’un référant, bref, tout ce qu’il faut pour prévenir de telles situations et éviter qu’elles ne se reproduisent.
Fallait-il attendre deux ans, trois ans, cinq ans, peut-être même dix ans, la condamnation de cette entreprise, alors que la nouvelle équipe a pris toutes les mesures qui s’imposaient et continue à se battre pour conquérir des marchés. « Conquérir des marchés », ce n’est pas non plus un gros mot, dès lors que cela se fait dans le respect de la moralité, de la concurrence, voire des populations et des institutions locales. Non seulement ce n’est pas un gros mot, mais il y a à la clé des créations d’emplois en France !
Technip agit ainsi aujourd'hui. Vous vous rendez compte que la reconduction du dispositif actuel signifierait que le soupçon continuerait de peser sur l’entreprise pendant une décennie, une décennie de mauvaise réputation ! Ce n’est pas bon pour l’emploi, ce n’est pas bon pour notre réputation, ce n’est pas bon pour nos entreprises, ce n’est pas bon pour l’image de la France !
Voilà les raisons pour lesquelles le dispositif extrêmement équilibré, fruit du travail de l’Assemblée nationale et du Sénat, me paraît, sur ce point, devoir être adopté.
MM. Michel Bouvard et Michel Vaspart applaudissent.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n° 559 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article 495-7 du code de procédure pénale, il est inséré un article 495-… ainsi rédigé :
« Art. 495 -… – Pour les délits mentionnés aux articles 433-1, 433-2, 435-3, 435-4, 435-9, 435-10, 445-1, 445-1-1, 445-2 et 445-2-1, au huitième alinéa de l’article 434-9 et au deuxième alinéa de l’article 434-9-1 du code pénal, le procureur de la République peut, d’office ou à la demande de l’intéressé ou de son avocat, recourir à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité conformément aux dispositions de la présente section à l’égard de toute personne convoquée à cette fin ou déférée devant lui en application de l’article 393 du présent code, lorsque cette personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés. »
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Si on pense que l’on va arrêter l’imperium US simplement avec ce type de texte, je crois qu’on se trompe ! La seule manière d’y mettre un terme, ce serait effectivement de prononcer une condamnation tout à fait sévère !
S’il est entendu que cette procédure de bargaining est maintenue, nous proposons, au travers de cet amendement, d’utiliser tout simplement la procédure qui existe, c'est-à-dire le plaider-coupable, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
La commission ne peut, à l’évidence, qu’être défavorable à cet amendement de suppression, qui nous renvoie à tout le débat précédent.
Je veux, sans prolonger la discussion, insister sur un point qui n’a jamais fait l’objet au Sénat de la moindre proposition de loi : alors que les douanes ne sont pas des juges, personne ne s’émeut à l’idée qu’elles peuvent transiger ! Et personne ne s’émeut à l’idée que les fonctionnaires des contributions indirectes peuvent transiger sans la venue d’un juge !
Or, là, tout démarre d’un choix et d’une décision d’un procureur de la République. Un magistrat prend une décision, laquelle est homologuée par un autre magistrat. La pratique est extrêmement différente de ce que l’on voit dans d’autres domaines. Le dispositif peut ne pas être satisfaisant, mais cette transaction est assortie d’une protection et d’un contrôle judiciaires profonds qui lui donnent une valeur telle qu’elle ne nous semble pas de nature à faire avaler leur chapeau aux amoureux du droit que nous sommes !
Sourires.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 278 rectifié quater est présenté par MM. Longeot, Luche, Médevielle, Cigolotti, Kern, Canevet, Guerriau et Roche.
L'amendement n° 486 est présenté par M. Pellevat.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5, deuxième phrase
Remplacer le taux :
par le taux :
La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 278 rectifié quater.
Le présent amendement vise à améliorer la possibilité de conclure une convention judiciaire d’intérêt public lorsqu’une personne morale a été convaincue de corruption.
En effet, ce dispositif permet aux entreprises accusées de corruption d’éviter un procès en échange d’une amende, une condamnation étant synonyme d’exclusion de certains marchés publics. Concrètement, le procureur de la République pourra proposer à une personne morale mise en cause pour corruption le versement d’une simple amende. De plus, la personne morale concernée devra également se soumettre à un programme de mise en conformité et réparer les dommages causés par l’infraction.
Toutefois, cette démarche volontaire se trouve vidée de tout effet incitatif dans la version actuelle du texte compte tenu du plafond des amendes, qui est fixé à un niveau déraisonnablement élevé : 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel des trois derniers chiffres d’affaires annuels. S’il convient de sanctionner la personne morale convaincue de corruption, il n’est cependant pas utile, il est même contre-productif, de fixer un plafond aussi élevé.
Voilà pourquoi cet amendement vise à aligner le plafond des amendes sur des plafonds déjà en vigueur dans de nombreux cas similaires, que ce soit dans le cadre d’atteinte au droit de la concurrence ou encore d’atteinte au droit de la consommation. Il est donc nécessaire de réduire le plafond des amendes de 30 % à 10 % du chiffre d’affaires.
Enfin, alors que les entreprises de l’Hexagone peuvent être frappées de lourdes peines pour des faits analogues par d’autres États, cet amendement me semble pragmatique et constructif pour favoriser à l’avenir la conclusion de conventions judiciaires d’intérêt public.
L’amendement n° 486 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 136 rectifié ter, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, G. Bailly, Cantegrit, Cardoux, Charon, Chasseing, Commeinhes, Danesi, Darnaud, Delattre, de Nicolaÿ, de Raincourt et Doligé, Mme Duchêne, MM. Duvernois, Grand, Houel, Houpert, Huré, Husson et Laménie, Mme Lamure, M. Lefèvre, Mme Lopez, MM. Mandelli, A. Marc et Milon, Mme Morhet-Richaud et M. Vasselle, est ainsi libellé :
Alinéa 5, deuxième phrase
Remplacer le pourcentage :
par le pourcentage :
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Cet article prévoit la possibilité pour le procureur de la République, tant que l'action publique n'est pas mise en mouvement, de proposer aux personnes morales mises en cause une transaction judiciaire pouvant imposer le versement d'une amende de transaction dans la limite de 30 % du chiffre d'affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date du constat de ces faits. Un échelonnement peut être prévu. En outre, le montant de cette amende est fixé en fonction de la gravité des faits et de manière proportionnée aux avantages tirés de ces faits.
Nous proposons de ramener le plafond de cette amende à 20 %, un montant de 30 % paraissant disproportionné par rapport aux amendes prononcées en matière fiscale.
Notre amendement permettra de tenir compte de la situation particulière des PME-TPE qui n'ont pas la capacité financière nécessaire pour faire face à de telles amendes et ne sont pas préparées à la mise en œuvre de ce nouveau dispositif.
Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements restant en discussion ?
Nous avons repoussé des amendements qui visaient à augmenter les peines pour des personnes physiques. Il s’agit ici de diminuer la fourchette haute d’une amende infligée à une personne morale.
Effectivement, pourquoi retenir tel taux plutôt que tel autre : pourquoi 30 % ? Pourquoi pas 40 % ou 10 % ? Je réponds à cela que nous sommes dans un système de transaction et que peu importe le montant ou le taux qui sera fixé : si l’entreprise ne veut pas de la transaction, elle ne l’acceptera pas. Elle laissera la procédure suivre son cours et aller devant le juge d’instruction.
Pourquoi ne pas laisser une fourchette extrêmement large qui permet précisément de faire la différence entre les entreprises dont les chiffres d’affaires sont faibles et qui seront amenées à payer, à l’issue de la transaction, un montant modique, et les grandes entreprises qui peuvent être amenées à payer plus ?
Dans ces conditions, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir retirer ces amendements. J’espère que vous comprendrez que cela n’affectera ni le mécanisme de transaction ni l’opportunité d’y recourir. De toute façon, c’est le procureur de la République qui prendra la décision, sous réserve de l’appréciation du tribunal et sous son contrôle.
Enfin, je tiens à préciser qu’au cours de toutes les auditions que j’ai menées, je n’ai entendu aucune critique sur ce taux.
Monsieur Longeot, l'amendement n° 278 rectifié quater est-il maintenu ?
Eu égard aux explications données par M. le rapporteur, je retire cet amendement, monsieur le président.
L'amendement n° 278 rectifié quater est retiré.
Madame Deromedi, l'amendement n° 136 rectifié ter est-il maintenu ?
Je remercie Mme Deromedi de me permettre de m’exprimer.
Je veux m’adresser brièvement à M. le rapporteur. Lors d’une précédente discussion, vous avez dit avoir introduit la notion d’amende proportionnée pour éviter que des amendes ou des pénalités ne soient sans rapport avec la surface financière de l’entreprise. Cet amendement défend un plafond qui permet cette proportionnalité.
Vous nous dites que le texte prévoit un pourcentage du chiffre d’affaires, ce qui devrait permettre de rester dans la proportionnalité. Je pense, pour ma part, qu’en inscrivant dans le texte un plafond plus bas, nous tirerions les conséquences de ce que disait Mme Évelyne Didier. Elle a défendu l’idée que le dispositif proposé serait un marché de dupes car seules les entreprises très riches pourront s’acquitter de l’amende.
Je ne sais pas si d’ici à la commission mixte paritaire, cette notion de proportionnalité pourrait être introduite dans ce texte. Cela permettrait de satisfaire, au moins pour partie, les objectifs poursuivis par ceux qui souhaitent l’abaissement du plafond.
Je veux répondre à M. Vasselle. C’est prévu à l’alinéa 5 du texte : « Verser une amende de transaction au Trésor public. Le montant de cette amende est fixé en fonction de la gravité des faits et de manière proportionnée aux avantages tirés de ces faits, dans la limite de 30 % du chiffre d’affaires moyen… »
Madame Deromedi, l’amendement n° 136 rectifié ter est-il toujours maintenu ?
L’amendement n° 136 rectifié ter est retiré.
L'amendement n° 39 rectifié, présenté par M. Frassa, Mmes Deromedi et Giudicelli et MM. Commeinhes, Milon, Lefèvre, Houel, Doligé et Guerriau, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 2° Concevoir et mettre en œuvre, sous le contrôle d’un moniteur indépendant, un programme de conformité propre à prévenir, détecter et réprimer de manière efficace les faits visés dans la transaction judiciaire. Le moniteur indépendant est désigné par l’Agence de prévention de la corruption au sein d’une liste de trois candidats proposés par la personne morale concernée.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Le contrôle de la mise en place du programme de conformité par un moniteur indépendant permettrait de donner une plus grande efficacité à ce dernier.
Les porteurs des amendements ont bien noté l’engagement de M. le ministre des finances lors de l’audience publique de l’Assemblée nationale du 6 juin 2016 qu’une circulaire viendra préciser les conditions de sélection des agents extérieurs, dont le moniteur indépendant fait partie, et en particulier qu’une vérification d’absence de conflit d’intérêt sera prévue dans cette circulaire.
Le moniteur doit être un tiers de confiance entre les autorités et l’entreprise concernée. La pratique à l’étranger a montré que le choix du moniteur se faisait de manière efficace lorsque l’entreprise concernée propose une liste de trois candidats parmi lesquels l’Agence exerce son choix ultime. Laisser le choix ultime à l’entreprise peut se révéler inefficace et risque de paralyser le dossier. Bien entendu, comme on le verra au titre de l’alinéa 6, il appartiendra à l’entreprise concernée de prendre en charge les frais d’intervention du moniteur.
Par l’utilisation du verbe « se soumettre », l’alinéa 6 dans sa rédaction actuelle laisse entendre que le programme de conformité est imposé de l’extérieur. Or, au contraire, l’entreprise doit le concevoir, l’améliorer et le mettre en œuvre sous sa propre responsabilité – et dans le respect de sa liberté de gestion –, mais en restant à l’intérieur du cadre imposé par les autorités, et notamment sous le contrôle du moniteur indépendant.
Par cet amendement, il est proposé que soit désigné un moniteur indépendant pour superviser l’exécution du programme de conformité dans le cadre de la transaction judiciaire par l’Agence de prévention de la corruption sur une liste de trois noms proposés par la société concernée.
Si cette procédure est transactionnelle, nous restons tout de même dans le domaine pénal. Le programme de conformité doit donc s’apprécier du point de vue de l’exécution des sanctions pénales, comme la commission l’a prévu à l’article 9 pour la peine de conformité.
L’exécution de la sanction pénale relève du procureur de la République, ce qui est aussi le cas dans l’hypothèse de transactions. Le procureur de la République pourra toujours solliciter le concours de l’Agence, laquelle pourra recourir à des experts dont nous avons dit qu’il faudrait préciser les conditions de recrutement et les règles déontologiques.
Cette transaction est déjà une innovation à certains égards. Il est difficile d’imaginer un mécanisme de supervision de l’exécution des obligations prévues par la transaction qui échapperait au contrôle de l’autorité judiciaire.
Vous voyez la cohérence de la commission : nous sommes dans le champ de compétence de l’autorité judiciaire, nous lui laissons le soin de vérifier l’exécution de la transaction.
Donc, c’est le procureur de la République qui intervient, comme en matière d’exécution de toutes les sanctions, sauf que là, s’il y a des éléments particuliers, le procureur de la République peut demander à l’Agence de prévention contre la corruption de bien vouloir vérifier. Et l’Agence de prévention de la corruption, face à une société aux rouages extrêmement complexes, peut également solliciter l’intervention d’un expert.
Votre proposition est obligatoire, alors que la nôtre est optionnelle et se situe dans le cadre de la procédure pénale.
Je demande le retrait de cet amendement. Sinon, l’avis serait défavorable.
Même avis. M. le rapporteur est très convaincant.
L'amendement n° 39 rectifié est retiré.
L'amendement n° 40 rectifié, présenté par M. Frassa, Mmes Deromedi et Giudicelli et MM. Commeinhes, Milon, Lefèvre, Houel, Doligé, Guerriau et Mandelli, est ainsi libellé :
Alinéa 10, première phrase
Après le mot :
instance
insérer les mots :
de Paris, qui a compétence exclusive
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Compte tenu de l’enjeu de l’homologation des futures transactions judiciaires, il est essentiel que la validation de ces dernières soit effectuée par des juges spécialisés ayant des connaissances et des compétences étendues en matière économique et internationale, compétence accrue par le fait qu’ils entendront l’ensemble des affaires en la matière.
À cet effet, afin d’apporter une réponse plus spécialisée depuis 2015 aux infractions financières, un parquet national financier a été créé par la loi de 2013.
Les porteurs des amendements ont bien noté que le rapporteur de la commission des lois devant l’Assemblée nationale, M. Denaja, a confirmé l’importance du parquet national financier. Ils ont également relevé les propos du ministre des finances, M. Sapin, lors de l’audience publique de l’Assemblée nationale du 6 juin, selon lequel la bonne administration de la justice veut que lorsqu’il existe une compétence concurrente, il revienne au garde des sceaux, qui a un pouvoir d’instruction dans le cadre de sa politique pénale, de bien déterminer comment sont réparties ces compétences.
Ce parquet national se voit confier les affaires d’une grande complexité et exerce ses attributions près le tribunal de grande instance de Paris, assurant le ministère public devant les juridictions parisiennes du premier degré.
À la suite de cette réforme, et dans le cadre de son organisation administrative, le tribunal de grande instance de Paris a, pour répondre aux besoins de rapidité et de spécialisation du parquet national financier, mis en place une 32e chambre correctionnelle.
L’expérience de ce tribunal en matière de délinquance financière transnationale nous amène logiquement à émettre deux suggestions. Il faudrait d’une part que la compétence du parquet national financier soit ainsi confirmée par la politique pénale du Gouvernement. D’autre part, ce tribunal doit se voir offrir par la voie législative une compétence exclusive.
C’est pourquoi, afin d’assurer une homogénéité des décisions en matière de validation des transactions judiciaires, il est proposé par cet amendement de donner une compétence exclusive au tribunal de grande instance de Paris pour la validation de ces transactions.
Cet amendement vise à confier au seul président du tribunal de grande instance de Paris la compétence de validation des transactions judiciaires. Cela est tout à fait cohérent avec l’amendement précédent, qui visait à donner une compétence exclusive au parquet national financier en matière de corruption. Néanmoins, telle n’est pas la voie suivie par la commission, qui a supprimé la compétence exclusive du parquet national financier et a préféré maintenir une compétence partagée. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point lors de l’examen de l’article 12 ter.
Cet amendement est donc contraire à la logique choisie par la commission. Pour autant, dans les faits, 95 % des affaires de corruption, sinon plus, seront traitées à Paris par le procureur national financier. Dans la quasi-totalité des cas, le président du tribunal de grande instance de Paris aura donc compétence pour valider les transactions judiciaires. Toutefois, certaines affaires seront traitées dans d’autres tribunaux. Pourquoi, dès lors, priver de cette compétence, par exemple, le président du tribunal de grande instance de Marseille ?
Sourires.
M. Michel Sapin, ministre. Même avis. Le président du tribunal de grande instance de Châteauroux pourrait lui aussi bénéficier de cette compétence !
Sourires.
L’amendement n° 40 rectifié est retiré.
L’amendement n° 661, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 11, première phrase
Après le mot :
audition
insérer les mots :
, en audience publique,
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement devrait rassurer tout le monde : du fait d’une erreur de plume, le texte de cet article négligeait de mentionner que, conformément à la position de la commission, l’homologation de la transaction se ferait bien entendu en audience publique. Cet amendement vise à remédier à cet oubli.
L’amendement est adopté.
L’amendement n° 597, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. André Gattolin.
La procédure, déjà fameuse puisqu’on ne parle que de cela, de transaction judiciaire, qui est inspirée, comme il a déjà été rappelé, du droit anglo-saxon, soulève de légitimes interrogations. Il est difficile de comprendre et, par conséquent, d’expliquer à celles et ceux de nos concitoyens qui doutent déjà de l’équité de la justice, pourquoi seule une riche multinationale pourrait acheter l’abandon de poursuites sans autre forme de procès.
Cette procédure a pour objet non pas simplement d’éviter une très longue procédure mais bien de sauver des entreprises françaises d’une condamnation pour corruption. Elles n’auraient pas même à reconnaître leur culpabilité, ce qui leur permettrait, quand bien même elles seraient mises en cause, de préserver leur accès à certains marchés publics.
Tout comme pour les banques dans un autre contexte, on introduit ainsi un aléa moral plutôt que de faire planer des sanctions dissuasives. Le système transactionnel qui découlera de ce texte dispensera de reconnaissance de culpabilité les entreprises potentiellement coupables de corruption, mais pas les simples citoyens accusés de délits mineurs.
Certes, il nous faut peut-être nous montrer pragmatique sur ce point et trouver un compromis. J’admets volontiers que, comme l’a rappelé M. le ministre, notre système actuel de répression de la corruption n’a encore jamais permis de condamner définitivement une entreprise ; on ne peut donc pas davantage s’en satisfaire.
C’est la raison pour laquelle nous proposons au travers de cet amendement un compromis consistant à rapprocher la transaction judiciaire du système de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Cette dernière serait possible sans que la transaction soit inscrite au casier judiciaire, comme cela peut d’ailleurs être le cas pour nos concitoyens. Cela permettrait de limiter la rupture d’égalité qu’entraîne la rédaction actuelle de ce texte. On parle en effet beaucoup ici du Conseil constitutionnel : j’aimerais à ce propos connaître l’avenir du système prévu, mais aussi préserver la mise en place, voulue par le Gouvernement, d’une démarche transactionnelle en matière de répression de la corruption.
M. Jean Desessard applaudit.
La commission est défavorable à cet amendement. En effet, il tend à supprimer ce qui fait la spécificité de la transaction judiciaire par rapport à la composition pénale ou à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
L’amendement n’est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 598, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 14, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Elle est rendue accessible au public de manière permanente, notamment par tout moyen de communication par voie électronique.
La parole est à M. André Gattolin.
Dans le système de transaction judiciaire, nul ne doute que le fait de rendre public le contenu de l’accord représente un élément capital de l’équilibre et de la transparence du dispositif, puisque l’entreprise est dispensée de procès. Or la commission des lois a retenu à cet alinéa une formulation qui permet la publicité par voie d’affichage ou de parution dans un encart de presse. Mais enfin, on a l’impression d’écrire le droit de la fin du XIXe siècle !
Une telle disposition ne semble en effet pas de nature à assurer un accès satisfaisant à l’information. Même si cette formulation a l’avantage d’unifier depuis 150 ans un certain nombre de dispositions du code pénal, il nous semble néanmoins préférable, compte tenu de l’innovation que constitue l’introduction d’un système de transaction judiciaire, de prévoir expressément que l’information puisse être accessible au public de manière exploitable et permanente, notamment par voie numérique.
Si nous entendons écrire la loi du XXIe siècle, il nous faudra bientôt éviter de trop nous appuyer sur la presse, qui sera de moins en moins importante : ce n’est pas la parution d’un encart dans le journal le 15 août ou la publication de petites affiches qui vont résoudre les choses !
Pour qu’il y ait réelle publicité, il faut l’ouvrir aux moyens numériques, qui permettent également de conserver ces jugements et de les rendre plus accessibles.
L’amendement n° 448, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
« L’ordonnance de validation, le montant de l’amende pénale de la compensation d’intérêt public et la convention sont publiés sur le site internet de l’Agence de prévention de la corruption. »
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Comme nous l’avons exposé lors de la présentation de notre amendement de suppression de l’article 12 bis, nous pensons que ce mécanisme de transaction, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit, met en place une sorte de dédouanement, de déresponsabilisation des entreprises mises en cause pour des faits de corruption. Mieux vaudrait qu’elles soient tout simplement vertueuses : ce serait plus simple pour tout le monde !
C’est pourquoi nous estimons que la publication sur internet de la convention validée par l’Agence française anticorruption est opportune, quand bien même la publicité relève du champ de la justice pénale et que cette agence sera un service administratif. Cette publication s’ajouterait aux dispositions du code pénal qui prévoient déjà « l’affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique ».
En effet le mécanisme proposé ne se limite pas à la seule corruption internationale mais vise tous les délits de corruption active ou passive et certains délits de trafic d’influence. Il inclut ainsi la corruption d’agent public national ou étranger, le trafic d’influence de fonctionnaire international, la corruption et le trafic d’influence de magistrat étranger ou d’une juridiction internationale, ou encore la corruption et le trafic d’influence dans le domaine sportif : la liste n’est malheureusement pas exhaustive. La publication de la convention sur le site de l’Agence française anticorruption aura le mérite d’une certaine pérennité et d’une facilité d’accès : elle témoignera donc d’une réelle transparence. Ce serait en outre un signal assez fort !
Ces deux amendements sont inspirés par une même philosophie et ont tous deux reçus un avis défavorable de la commission, et ce pour plusieurs raisons.
En premier lieu, mes chers collègues, je souhaiterais vous le rappeler, même si cela n’a pas tout à fait la même portée, dans le projet de loi pour une République numérique, le Sénat et l’Assemblée nationale se sont accordés pour rendre obligatoire la publication, certes anonymisée, de toutes les décisions judiciaires, même non définitives, dans le cadre de l’open data.
Deuxièmement, l’homologation de la transaction se fera en audience publique. Croyez-vous que les journalistes intéressés par les transactions en question manqueront d’assister à ces audiences ? À l’évidence, leur publicité sera également ainsi assurée.
Enfin, une fois de plus, laissons le juge apprécier chaque situation ! Toutes les transactions ne seront pas de même nature, de même portée ou de même gravité. Par conséquent, le juge aura la possibilité de prévoir ou non leur publication dans tel ou tel média, que ce soit Le Monde, Le Figaro, ou même un site internet.
Outre ce pouvoir du juge, la publicité de l’audience constituera bien le premier gage de la publicité de la transaction. Le tribunal aura les portes ouvertes, l’homologation ne se fera pas en catimini et sa publication sur requête gracieuse ; la publicité existera !
Je comprends tout à fait l’esprit positif qui préside à l’amendement n° 598 sinon à l’ensemble de la présentation qui en a été faite. Cela dit, je m’en remets sur cet amendement aux explications qui ont été apportées à l’instant par M. le rapporteur : selon moi, le dispositif prévu dans la rédaction actuelle est plus efficace pour mettre en œuvre votre volonté, monsieur Gattolin. Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
L’amendement n° 448 reprend quant à lui une disposition qui avait été souhaitée par le Gouvernement. Même si sa présentation ne m’a pas semblé, pour ainsi dire, être tout à fait en phase avec les arguments que j’ai pu avancer, je me concentre pour ma part sur le dispositif prévu, qui me paraît bon. Par conséquent, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 42 rectifié bis, présenté par M. Frassa, Mmes Deromedi et Giudicelli et MM. Commeinhes, Milon, Lefèvre, Houel, Doligé, Guerriau et Mandelli, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Si le président du tribunal ne valide pas la proposition de transaction ou si la personne morale n’accepte pas la proposition de transaction validée par le président du tribunal, le procureur de la République ne peut faire état devant la juridiction d’instruction ou de jugement des déclarations faites ou des documents remis par la personne morale au cours de la procédure prévue au présent article. »
La parole est à M. Éric Doligé.
En vertu du principe de loyauté de la preuve et du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, il est souhaitable de préciser dans la loi que, en cas d’échec de l’homologation de la transaction judiciaire, les documents transmis durant la négociation resteront confidentiels et ne pourront en aucun cas être transmis à la juridiction d’instruction ou de jugement.
En effet, si seul un risque de sanctions pénales sévères est de nature à inciter les entreprises à prendre la décision de ne plus commettre des actes de corruption, seule une véritable protection des droits de la défense et la garantie du secret de la négociation de l’accord les conduiront à jouer le jeu et à transiger avec le procureur de la République.
Un système de garanties similaires existe pour la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ou CRPC ; il pourrait servir de modèle à la transaction judiciaire.
La circulaire du 2 septembre 2004 portant application de la CRPC précise ainsi que les pièces qui ne doivent pas être transmises sont celles qui font apparaître les déclarations de la personne et la proposition de peine du parquet, c’est-à-dire les procès-verbaux de comparution et, le cas échéant, les documents qui y sont annexés, notamment la lettre recommandée demandant de recourir à une CRPC.
Également, par principe, chacune des parties – procureur de la République, défense ou partie civile – doit s'abstenir de faire référence, devant la juridiction correctionnelle, au contenu de la procédure de CRPC qui a antérieurement échoué.
Ainsi, en cas d’échec de la CRPC, le prévenu pourra contester devant la juridiction d’instruction ou de jugement les faits qui lui sont reprochés et son avocat pourra plaider pour une peine moins sévère que celle qu’il avait précédemment acceptée.
Il est par conséquent proposé d’ajouter une disposition similaire dans le présent projet de loi.
Compte tenu du caractère transactionnel de la procédure et du fait qu’elle se conclut sur une absence de reconnaissance de culpabilité, on peut effectivement envisager, pour les raisons très juridiques que vous avez développées, mon cher collègue, que les informations révélées par l’entreprise ne puissent pas être utilisées dans le cas de poursuites engagées ultérieurement à l’échec d’une telle transaction.
En revanche, cela ne serait évidemment pas envisageable en cas de mauvaise exécution de la transaction du fait de l’entreprise. D’ailleurs, dans la procédure de CRPC, lorsque celle-ci aboutit, ce mécanisme existe. Il faudrait que le dispositif que vous proposez ici concorde avec la procédure en vigueur pour la CRPC. Voilà pourquoi nous vous avions proposé de procéder à une modification rédactionnelle de votre amendement. Comme cette modification a été faite, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Je souhaiterais simplement obtenir une explication. M. le ministre s’en est remis à notre sagesse sur cet amendement. Or nous avons adopté, il y a tout juste quelques minutes, un amendement tendant à préciser que l’homologation de la transaction par le président du tribunal de grande instance s’effectue en audience publique.
Je peine à percevoir une cohérence entre la nature publique des informations fournies à cette audience et l’impossibilité de les utiliser par la suite s’il n’y a pas eu validation de la transaction.
L’amendement est adopté.
L’amendement n° 662, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 17, dernière phrase
Compléter cette phrase par les mots :
à des experts, personnes ou autorités qualifiés
La parole est à M. le rapporteur.
L’amendement est adopté.
L’amendement n° 41 rectifié, présenté par M. Frassa, Mmes Deromedi et Giudicelli et MM. Commeinhes, Milon, Lefèvre, Houel, Doligé, Guerriau et Mandelli, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’ordonnance de validation est motivée par les constatations, d’une part, que la transaction judiciaire est dans l’intérêt de la justice et, d’autre part, que les termes négociés avec le procureur de la République sont raisonnables et proportionnés au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur, notamment eu égard à la coopération de la personne morale et des mesures correctives mises en œuvre.
La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Après le succès que je viens d’obtenir sur l’amendement n° 42 rectifié bis, je me permets de présenter un deuxième amendement ; j’espère que M. le ministre voudra bien se montrer aussi bienveillant !
Sourires.
L’homologation de la transaction par un magistrat du siège garantit aujourd’hui la transparence de l’accord négocié et permet par là même de le légitimer. Aussi est-il est important de définir plusieurs critères de validation afin non seulement d’aider le juge dans sa tâche mais aussi d’assurer une homogénéisation de la procédure. Afin de définir de tels critères, il est possible de s’inspirer de systèmes similaires français et étranger.
Les auteurs de cet amendement recommandent en outre l’adoption par le garde des sceaux d’une circulaire à l’intention des procureurs de la République, complémentaire de celle qu’il a publiée le 2 juin 2016, visant à préciser les facteurs que les procureurs de la République seront encouragés à prendre en compte avant de s’engager dans la négociation d’une transaction. Parmi ces facteurs doit notamment figurer la pleine et entière coopération de l’entreprise : la défense non coopérative doit être lourdement sanctionnée. Cette nouvelle circulaire devrait également offrir des orientations sur la manière de conduire les négociations ou encore sur les modalités d’exécution de la transaction.
Nous proposons donc cet amendement afin d’assurer une validation des transactions judiciaires dans l’intérêt public ainsi qu’une séparation effective des pouvoirs.
Cet amendement est à mes yeux satisfait. Vous voulez, mon cher collègue, que le juge motive sa décision. Or la rédaction à laquelle la commission est parvenue précise déjà l’ensemble des vérifications auxquelles doit procéder le juge chargé de valider la transaction. Il doit d’abord vérifier le bien-fondé du recours à cette procédure ; il doit également vérifier la régularité de son déroulement, la conformité du montant de l’amende aux limites prévues ainsi que la proportionnalité des mesures prévues à la gravité des faits. De fait, nous avons ainsi été jusqu’à dicter au juge le plan de sa motivation.
Je vous invite donc, mon cher collègue, à retirer cet amendement.
Même avis. À mes yeux, cet amendement est véritablement satisfait par la rédaction actuelle. Il me paraît donc possible pour son auteur de le retirer dans le respect même de ses motivations.
Sourires.
L’amendement n° 41 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 12 bis, modifié.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 419 :
Le Sénat a adopté.
Le chapitre II du titre XIII du livre IV du même code est ainsi modifié :
1° Le 1° de l’article 704 est ainsi rédigé :
« 1° Délits prévus par les articles 222-38, 223-15-2, 313-1 et 313-2, 313-6, 314-1 et 314-2, 321-6-1, 323-1 à 323-4-1, 324-1 et 324-2, 432-10 à 432-15, 433-1 et 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-10, 442-1 à 442-8 et 445-1 à 445-2-1 du code pénal ; »
2° L’article 705–4 est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« En cas de conflit positif ou négatif de compétence entre le procureur de la République financier et un autre procureur de la République, il lui appartient de mettre fin au conflit en concertation avec le procureur général concerné. En cas de désaccord, le procureur général près la cour d’appel de Paris désigne le procureur de la République compétent. Il est rendu compte des cas de conflits et de leur règlement dans le rapport annuel du parquet général de Paris. »
L’amendement n° 37 rectifié bis, présenté par M. Frassa, Mmes Deromedi et Giudicelli et MM. Commeinhes, Milon, Lefèvre, Houel, Doligé, Guerriau et Mandelli, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le procureur de la République financier se voit reconnaître une compétence exclusive pour les délits de corruption d’agents publics étrangers prévus aux articles 435-1 à 435-10 du code pénal, compétence jusqu’à présent partagée avec les tribunaux de grande instance de droit commun.
La parole est à M. Éric Doligé.
Cet amendement de rédaction globale a pour objet de reconnaître une compétence exclusive au procureur de la République financier. Cela écrase la rédaction issue des travaux de la commission.
La compétence concurrente actuellement prévue par le code de procédure pénale présente plusieurs avantages, que l’adoption d’un amendement du Gouvernement devrait encore améliorer. Elle permet tout d’abord une centralisation du parquet national financier, qui doit être informé de toutes les infractions entrant dans sa compétence concurrente d’attribution. Elle permet ensuite de réserver l’intervention du parquet national financier aux seules affaires complexes, assurant ainsi une organisation souple qui n’entraîne pas de dessaisissement obligatoire. Surtout, elle permet de garantir la validité des actes d’instruction ou d’enquête effectués antérieurement – c’est un aspect important du point de vue de la procédure – à la saisine du procureur national financier.
En l’occurrence, le Gouvernement a la main : il peut, par ses circulaires, imposer aux procureurs d’avoir une meilleure coordination, voire une préférence.
Pour l’ensemble de ces raisons, l’avis de la commission sur cet amendement est défavorable.
L’amendement n’est pas adopté.
L'amendement n° 641, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement vise à supprimer du texte la compétence du procureur général près la cour d’appel de Paris pour trancher les conflits de compétence entre le procureur de la République financier et un autre procureur de la République.
Ce mécanisme constituerait en effet une remise en cause importante de l’organisation judiciaire et du rôle respectif des procureurs de la République et des procureurs généraux.
D’une part, les conflits de compétence liés à l’existence d’une compétence concurrente existent depuis longtemps. Les critères de compétence des juridictions pénales sont en effet multiples ; ils peuvent dépendre du lieu de l’infraction, du domicile du mis en cause, etc.
D’autre part, l’hypothèse d’un conflit de compétence entre les parquets locaux et le procureur de la République financier avait été envisagée dès la création de ce dernier par la loi du 6 décembre 2013. C’est ainsi qu’un mécanisme de résolution des conflits a été prévu dans le cadre des circulaires de janvier et septembre 2014.
Dans l’hypothèse où les deux procureurs généraux chargés d’arbitrer entre le parquet financier et le parquet local sont en désaccord, il leur appartient de rendre compte de la difficulté à la direction des affaires criminelles et des grâces.
Il convient selon moi de préciser que cette architecture, qui a été expressément validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 4 décembre 2013, s’est avérée jusqu’à présent efficace, puisque seuls deux cas de conflits de compétence ont été soumis à l’appréciation de la Chancellerie.
La commission des lois avait voulu résoudre en pratique les problèmes qui ont pu naître d’un dialogue, perfectible, entre le parquet national financier et les autres parquets.
Je comprends néanmoins les arguments avancés, qui, d’ailleurs, sont similaires à ceux qui avaient été développés lors de l’examen d’un amendement identique défendu dans le cadre de la discussion de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière en 2013. Mais là encore, à titre personnel, je pense qu’il est préférable de permettre une meilleure application des circulaires gouvernementales sur ce point.
En conséquence, j’émets un avis favorable.
L'amendement est adopté.
L'article 12 ter est adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 572 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Après l’article 12 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales est ainsi rédigé :
« Les plaintes tendant à l’application de sanctions pénales en matière d’impôts directs, de taxe sur la valeur ajoutée et autres taxes sur le chiffre d’affaires, de droits d’enregistrement, de taxe de publicité foncière et de droits de timbre sont déposées par le procureur de la République financier sur avis simple de la commission des infractions fiscales. »
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Je pense que je vais avoir beaucoup de succès…
Sourires.
Cet amendement vise à modifier une réglementation en vigueur. Actuellement, s’agissant de la fraude fiscale, les poursuites judiciaires ne peuvent être déclenchées qu’avec l’accord du ministère du budget. Nous proposons tout simplement de transformer cet avis conforme en avis simple, donnant ainsi au parquet la possibilité de déclencher les poursuites s’il le désire.
L'amendement n° 471 rectifié, présenté par M. Bocquet, Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 12 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le début du premier alinéa de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales est ainsi rédigé :
« À peine d’irrecevabilité, hors les cas de connexité avec d'autres infractions faisant l'objet d'une procédure judiciaire ou de découverte incidente dans le cadre d'une procédure pénale, les plaintes (le reste sans changement). »
La parole est à M. Patrick Abate.
Monsieur le ministre, vous le savez, nous avons quelques raisons de ne pas être totalement satisfaits – pour le moins ! – des politiques publiques menées depuis 2012.
Ni avant, d’ailleurs !
Nous notons tout de même que la constitution d’un parquet national financier, doté d’un certain nombre de prérogatives, a constitué une des avancées les plus significatives du droit sur ce sujet au cours de ces dernières années.
Instrument essentiel de la lutte contre la fraude fiscale et la délinquance financière, dont les réseaux, dans leur complexité, peuvent aussi alimenter la corruption, le parquet national financier demeure confronté aux problèmes posés par l’article L. 228 du livre des procédures fiscales
Mme Nathalie Goulet s’exclame.
Il importe donc, nous semble-t-il, que cette exclusive à la nécessaire prolongation de l’investigation lancée dans le cadre d’autres contrôles ou enquêtes soit levée afin que les administrations ou les services qui, dans leurs activités courantes, auraient repéré une situation constitutive d’une fraude fiscale avérée puissent engager les poursuites nécessaires.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, cet amendement vise à mettre fin à ce que l’on appelle le « verrou de Bercy »
Mme Nathalie Goulet applaudit.
, un point dont nous avions déjà débattu lors de l’examen du projet de loi visant à renforcer la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement.
Mme Nathalie Goulet opine.
Cet amendement, qui avait été défendu au nom du groupe CRC par mon collègue Éric Bocquet, …
… avait d’ailleurs retenu l’attention de la Haute Assemblée, recueillant un avis favorable de la commission, mais il a malheureusement été rejeté par la commission mixte paritaire. C’est pourquoi nous proposons ici de le réintroduire, afin que certaines infractions puissent être poursuivies dans la globalité de leurs implications, notamment quand la fraude fiscale et économique est associée à d’autres activités criminelles ou délictuelles.
M. François Pillet, rapporteur. Qu’est-ce que le « verrou de Bercy » ? C’est la Commission des infractions fiscales, la CIF. Ce tamis oblige l’administration fiscale lorsqu’elle désire déposer plainte pour fraude fiscale, et non pas pour blanchiment de fraude fiscale, d’obtenir un avis favorable de cette instance, avant de transmettre le dossier au procureur de la République.
Mme Nathalie Goulet opine.
Cela revient à dire que c’est non plus le procureur de la République, mais l’administration fiscale qui juge de l’opportunité des poursuites en cas de fraude fiscale. §De nombreux praticiens ont dénoncé cette situation, qui n’est pas satisfaisante au regard de notre droit.
Personnellement, j’ai toujours combattu cette institution. Il m’est donc très agréable d’indiquer que la commission des lois suit mon avis, à l’instar de ce qu’a fait le Sénat à d’autres occasions sur ce sujet.
C’est pourquoi j’émets un avis favorable sur les amendements de nos collègues, ayant une préférence pour la rédaction de l’amendement n° 471 rectifié d’Éric Bocquet, qui me paraît plus ciselée. Mais il est vrai que notre collègue avait été rapporteur de la commission d’enquête sur l’évasion fiscale, dont les conclusions avaient été adoptées à l’unanimité par la Haute Assemblée.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.
M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement est évidemment défavorable à ces deux amendements.
Marques d’étonnement sur plusieurs travées.
Mais il ne suffit pas d’exprimer une opinion, encore faut-il la défendre !
Ce débat ne date pas d’aujourd'hui, les arguments sont connus, ils ont déjà été échangés ici il n’y a pas si longtemps, lors de l’examen du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, un texte que j’avais suivi de près et que je connais donc bien.
Lors de la réunion de la commission mixte paritaire, les deux assemblées se sont accordées à considérer que ce n’était peut-être pas dans un texte de cette nature qu’il convenait d’adopter une telle disposition ou que le moment n’était pas venu. J’ai tendance à penser que nous sommes aujourd'hui exactement dans la même situation.
Sans nier l’intérêt du débat, ni les arguments des uns et des autres, qui peuvent être pris en compte, il ne me semble pas aujourd'hui opportun de remettre en cause un dispositif qui a montré son efficacité.
Le nombre des poursuites pénales pour fraude fiscale n’a cessé d’augmenter. Évidemment, vous avez eu raison de le souligner, monsieur le rapporteur, lorsqu’il s’agit de blanchiment de fraude fiscale – cela paraît un peu abscons, mais chacun voit bien la différence ! –, les affaires relèvent du pur pénal, si je puis dire. Aujourd'hui, des procédures pour blanchiment de fraude fiscale ont été ouvertes par le parquet dans des conditions parfaitement légitimes.
Le nombre de transmission de dossiers par l’administration fiscale ne cesse croître. Comme vous le savez, il est tenu compte à la fois de l’ampleur de la fraude, de son caractère astucieux et de l’exemplarité des personnes visées – ai-je besoin de nommer les personnalités étant aujourd'hui poursuivies devant les tribunaux à la suite d’une saisine par la Commission des infractions fiscales, qui a elle-même transmis le dossier au parquet ? Je ne suis pas là pour les montrer du doigt, mais sont concernées des personnalités de toute nature, y compris, bien sûr, dans le monde politique.
En l’occurrence, le travail est fait, et je ne souhaite pas qu’on y touche.
La question de savoir si le dispositif avait un caractère constitutionnel s’est posée à un moment.
Cette question a été posée dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité initiée par un ancien ministre du budget. Le Conseil constitutionnel a très précisément analysé l’ensemble du dispositif et a considéré, dans les conditions que je viens de décrire, que ce dispositif était parfaitement constitutionnel, et qu’il permettait de marier efficacité, au regard de la capacité de l’administration à recouvrer les sommes dues et les pénalités afférentes, et respect d’un certain nombre de principes relatifs au bon fonctionnement de notre société, en particulier des institutions administratives et judiciaires.
Le dispositif est donc constitutionnel : il a été validé comme tel voilà dix jours par le Conseil constitutionnel. Il n’y a donc plus aucune raison de le remettre en cause eu égard aux principes – cela pouvait être le cas ; ce débat n’était pas illégitime.
Le dispositif a montré son efficacité ; il ne cesse d’être utilisé et, chaque année, on y a de plus en plus recours.
Le dispositif fait partie de ceux qui contribuent à faire aujourd'hui en sorte que les recouvrements et les pénalités pour fraude fiscale ne cessent de croître : en l’espace de cinq ans, ce sont plus de 6 milliards d’euros qui ont été recouvrés, soit un peu plus de 1 milliard par an depuis quelques années. Le dispositif est donc efficace et respectueux des principes.
Je vous prie de m’excuser, monsieur le président, d’avoir été un peu long, mais chacun comprendra qu’il est légitime que le ministre des finances et, surtout, des comptes publics argumente sur ce sujet.
Je souhaite vraiment le maintien de ce dispositif, que le Conseil constitutionnel a estimé parfaitement conforme aux grands principes qui animent la France que nous aimons.
Je veux dire pourquoi nous ne suivrons pas l’avis du rapporteur sur ces deux amendements. J’abonderai dans le sens du ministre, en citant un extrait de deux auditions récentes que la commission des finances a organisées à la suite de l’affaire des « Panama papers ».
Ainsi, le 18 mai dernier, Mme Éliane Houlette, avocat général à la Cour de cassation, procureur de la République financier près le tribunal de grande instance de Paris, indiquait : « S’agissant du ″verrou de Bercy″, depuis 2013, nous avons constaté une diversification des plaintes, et si j’en juge par la dimension de certaines des personnes morales ou la qualité de certaines des personnes physiques concernées, je puis dire que rien n’est caché. Les types d’impôts visés se diversifient également : tant la fiscalité personnelle que la fiscalité professionnelle sont concernées, puisque nous avons aussi à connaître de questions touchant aux prix de transfert ou à la notion d’établissement physique stable en France.
« Le rôle de ″filtre″ assuré par la Commission des infractions fiscales est une bonne chose, dans la mesure où il faut être pragmatique : nous serions dans l’incapacité de traiter l’ensemble des plaintes. »
Et, le 15 juin dernier, Daniel Lebègue, président de Transparency International France nous confiait : « Penser que l’on combattra mieux la fraude fiscale en transférant à la justice les dizaines de milliers de dossiers traités chaque année par notre administration fiscale est plus que contre-productif. C’est une idée extrêmement dangereuse, parce que la justice est tout simplement incapable de faire face à ce travail !
« Cherchons plutôt à soutenir au mieux notre belle administration fiscale, qui n’a pas besoin de recruter des centaines de personnes, mais plutôt de se doter des moyens informatiques indispensables à ses missions. »
Au total, en tant que présidente de la commission des finances, il me semble prématuré de faire sauter le « verrou de Bercy » sans disposer de solution alternative viable. Peut-être faudra-t-il engager une réflexion, comme nous l’avons fait pour la répression des abus de marché, mais, en tout état de cause, il ne convient pas aujourd'hui de légiférer sur ce sujet. Je rejoins donc le ministre des finances sur ce point, et je tiens à rendre hommage à son administration, dont le travail a été salué par Daniel Lebègue.
MM. Jean-Jacques Filleul et Daniel Raoul applaudissent.
Je veux d’abord saluer la constance du rapporteur, qui a présidé la commission d’enquête sur l’évasion fiscale, dont Éric Bocquet était le brillant rapporteur : en 2013 et à chaque occasion, il n’a cessé de défendre la suppression du verrou de Bercy.
La position de M. Lebègue est extrêmement intéressante, mais c’est un ancien de Bercy…
Dans cette affaire, nous avons donc deux clubs, si je puis dire, qui travaillent ensemble, dans l’intérêt général évidemment. Mais l’opacité de Bercy, que notre collègue Alain Anziani avait contribué à réduire par ses nombreux amendements à la loi de 2013, existe aussi.
Je suis très favorable aux amendements visant à supprimer le « verrou de Bercy », et je l’ai toujours été. Dans l’hypothèse où l’un de ces amendements ne serait pas adopté ou s’il était repoussé par l'Assemblée nationale, il faudrait continuer, monsieur le ministre, à donner plus de transparence.
En effet, on n’a pas de données ; on ne connaît pas le nombre de dossiers traités, ni l’ampleur des affaires, ni celle des transactions dont on vient de parler longuement. Cette absence de transparence contribue à cristalliser et à crisper certaines positions sur ce sujet.
Pour ma part, je soutiendrai donc bien sûr énergiquement et des deux mains la position du rapporteur.
J’indique tout d’abord que je m’efface devant le spécialiste : je vais retirer mon amendement, pour me rallier à la rédaction proposée par M. Bocquet et ses collègues du groupe CRC.
La situation est assez surréaliste : il ne s’agit pas d’empêcher les services de Bercy de fonctionner, ni de faire leur travail.
M. Pierre-Yves Collombat. Ils font du bon travail. D’ailleurs, ils sont tellement bons qu’ils finissent, pour un certain nombre d’entre eux, par aller travailler dans les banques !
Sourires.
Enfin bon… On en reparlera, car il y a des choses à dire !
Nous proposons simplement, en cas d’oubli – cela peut arriver ! –, que la justice puisse se saisir. Voilà le fond de l’affaire.
Mais, pour être un peu facétieux, je dirai que je constate que le changement n’est pas encore pour aujourd'hui.
Sourires sur les travées du groupe CRC.
L'amendement n° 572 rectifié est retiré.
La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote sur l’amendement n° 471 rectifié.
Monsieur le ministre, je ne doute pas du tout de votre volonté de vouloir faire avancer les choses ; je ne vous fais pas de mauvais procès. Et je ne mets surtout pas en doute la sincérité ni l’engagement de Christian Eckert, que je connais bien en la matière et qui s’est suffisamment exprimé.
Madame la présidente de la commission des finances, je comprends votre souci d’efficacité.
Le travail est fait. Le système est efficace, on récupère de l’argent. Tant mieux pour le budget de l’État !
Le cadre législatif est constitutionnellement reconnu. Mais quel message voulons-nous faire passer ? Serait-ce un risque énorme que de faire sauter le verrou de Bercy ? Est-ce que cela ne vaut pas le coup de prendre le risque d’une transition compliquée entre deux systèmes successifs ?
En tout état de cause, il convient de noter le manque de transparence, ainsi que l’a évoqué notre collègue Nathalie Goulet. Le « verrou de Bercy » n’est pas si sain que cela, même s’il est efficace et n’est en aucune manière synonyme d’une vilaine complicité.
L’amendement n° 471 rectifié va dans le bon sens, car il va dans le sens de l’Histoire. Peut-être est-il prématuré de l’adopter ? Mais la Haute Assemblée a déjà validé un tel amendement. Aussi, il mérite qu’on lui accorde attention, et je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir l’adopter.
Je corrigerai quelque peu les propos du ministre.
Certes, le Conseil constitutionnel a jugé la question prioritaire de constitutionnalité déposée dans l’affaire Cahuzac, mais il doit statuer le 22 juillet sur une affaire pendante, qui porte précisément sur le verrou de Bercy.
Elle a eu lieu hier, mais le Conseil constitutionnel rendra le 22 juillet sa décision sur la question de la constitutionnalité du fameux verrou de Bercy.
Au-delà de ces observations, je m’attacherai à évoquer, à l’instar de la présidente de la commission des finances, l’efficacité.
Aujourd'hui, deux voies existent. La voie fiscale est efficace, avec des procédures permettant le recouvrement des impôts et de pénalités importantes, la majoration pouvant aller, en cas de mauvaise foi, je le rappelle, jusqu’à 80 %. Et dans les affaires les plus graves, il est possible de poursuivre au titre du blanchiment de fraude fiscale.
Comme vient de le rappeler Mme la présidente de la commission des finances, le procureur national financier nous a confié ne pas avoir aujourd'hui les moyens de traiter l’ensemble des infractions fiscales qui lui seraient ipso facto transmises si cet amendement était adopté.
Nous avons eu récemment, monsieur le président de la commission des lois, une audition commune du garde des sceaux.
Il nous a dressé un tableau apocalyptique de la justice : manque de moyens, absence de budget, incapacité à traiter les affaires.
Je m’interroge donc aujourd'hui sur la véritable capacité de la justice, compte tenu de ses moyens limités – le constat du garde des sceaux est tout à fait éclairant ! –, à traiter le contentieux fiscal, qui est un contentieux de masse.
Je le répète, les affaires les plus graves, à travers le blanchiment de fraude fiscale, sont poursuivies par le parquet. D’ailleurs, l’administration fiscale dépose des plaintes, elle l’a fait récemment contre Google, une affaire qui a donné lieu à médiatisation. Concernant les autres affaires, qui font l’objet d’un contentieux de masse, l’administration fiscale assure le recouvrement des sommes dues et des pénalités, qui peuvent être importantes.
À vouloir faire sauter ce fameux verrou, je crains qu’on ne veuille résoudre un faux problème et que cela ne conduise qu’à engorger la justice. C'est la raison pour laquelle je voterai contre cet amendement.
MM. Daniel Raoul et Bernard Lalande applaudissent.
J’aimerais verser quelques éléments au débat, avec toutes les précautions qui ont été données par mon collègue et que je reprends volontiers.
Il s’agit ici non pas de jeter la suspicion, mais de dire que nous ne sommes pas des techniciens : nous sommes des hommes et des femmes politiques. La justice est rendue au nom du peuple français. La transparence permet aussi aux gens de vérifier que ce que nous faisons, au nom de la justice, en tant que législateur, est conforme au souhait des personnes que nous représentons. On est en permanence dans le débat technicien et on oublie qui on est.
Je ne veux pas ici donner des leçons à qui que ce soit. Mais je veux simplement que nous nous rappelions qui nous sommes. Laisser aux techniciens, fussent-ils les meilleurs des experts, le soin de traiter ce genre de questions, ce n’est pas bien eu égard à notre rôle de représentant du peuple français.
Je mets aux voix l'amendement n° 471 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 420 :
Nombre de votants345Nombre de suffrages exprimés342Pour l’adoption228Contre 114Le Sénat a adopté.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12 ter.
Au 1° de l’article 706–1–1 du code de procédure pénale, après la référence : « 432–11, », est insérée la référence : « 432-15, ». –
Adopté.
(Supprimé)
Titre II
DE LA TRANSPARENCE DES RAPPORTS ENTRE LES REPRÉSENTANTS D’INTÉRÊTS ET LES POUVOIRS PUBLICS
I. – Après la section 3 du chapitre Ier de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, est insérée une section 3 bis ainsi rédigée :
« Section 3 bis
« De la transparence des rapports entre les représentants d’intérêts et les pouvoirs publics
« Art. 18–1. – Un répertoire assure l’information des citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les pouvoirs publics.
« Ce répertoire est rendu public par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Cette publication s’effectue dans un format permettant la réutilisation des informations, dans les conditions prévues au titre II du livre III du code des relations entre le public et l’administration.
« Ce répertoire fait état, pour chaque représentant d’intérêts, des informations communiquées à la Haute Autorité en application des règles prévues à la sous-section 2 et de celles transmises par le Président de la République, l’Assemblée nationale, le Sénat et le Conseil constitutionnel en application des règles déterminées sur le fondement des articles 18-2 à 18-4.
« Sous-section 1
« Détermination et mise en œuvre des règles applicables aux pouvoirs publics constitutionnels
« Art. 18–2. – Le Président de la République détermine les règles applicables aux représentants d’intérêts entrant en communication avec lui ou un de ses collaborateurs. Il s’assure de leur respect par les représentants d’intérêts.
« Il peut se faire communiquer toute information ou tout document nécessaire à l’exercice de sa mission.
« Lorsque le Président de la République constate qu’un de ses collaborateurs a répondu favorablement à une sollicitation effectuée par un représentant d’intérêts en méconnaissance des règles qu’il a déterminées, il peut en aviser son collaborateur et, sans les rendre publiques, lui adresser des observations.
« Art. 18–3. – Les règles applicables au sein de chaque assemblée parlementaire sont déterminées et mises en œuvre dans les conditions fixées à l’article 4 quinquies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
« Art. 18–4. – Le Conseil constitutionnel détermine les règles applicables aux représentants d’intérêts entrant en communication avec ses membres ou son secrétaire général. Le président du Conseil constitutionnel s’assure de leur respect par les représentants d’intérêts.
« Le président peut se faire communiquer toute information ou tout document nécessaire à l’exercice de sa mission.
« Lorsque le Conseil constitutionnel constate qu’un de ses membres ou son secrétaire général a répondu favorablement à une sollicitation effectuée par un représentant d’intérêts en méconnaissance des règles qu’il a déterminées, le président du Conseil constitutionnel peut en aviser la personne concernée et, sans les rendre publiques, lui adresser des observations.
« Sous-section 2
« Règles applicables aux autorités gouvernementales et administratives
« Art. 18–5. – Sont des représentants d’intérêts, au sens de la présente sous-section, les personnes morales de droit privé, les établissements publics ou groupements publics exerçant une activité industrielle et commerciale, les organismes mentionnés au chapitre Ier du titre Ier du livre VII du code de commerce et au titre II du code de l'artisanat dont l'activité principale ou accessoire a pour finalité d'influer, pour leur compte propre ou celui de tiers, sur l’élaboration d'une loi ou d'un acte réglementaire, en entrant en communication avec :
« 1° A
supprimé
« 1° Un membre du Gouvernement ;
« 2° Un membre de cabinet d’un membre du Gouvernement ;
« 3° Le directeur général, le secrétaire général, ou leur adjoint, ou un membre du collège ou d’une commission investie d’un pouvoir de sanction d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante mentionnée au 6° du I de l’article 11 de la présente loi ;
« 4° Une personne titulaire d’un emploi ou d’une fonction mentionné au 7° du même I ;
« 5° à 9°
Supprimés
« 10° Un membre d’une section administrative du Conseil d’État.
« Sont également des représentants d’intérêts, au sens du présent article, les personnes physiques qui ne sont pas employées par une personne morale mentionnée au premier alinéa de l’article 18-5 et qui exercent à titre individuel une activité professionnelle répondant aux conditions fixées au même article 18-5.
« Ne sont pas des représentants d’intérêts au sens du présent article :
« a) Les élus, dans le strict exercice de leur mandat ;
« b) Les partis et groupements politiques, dans le cadre de leur mission prévue à l’article 4 de la Constitution ;
« c) Les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs en tant qu’acteurs du dialogue social, au sens de l’article L. 1 du code du travail ;
« d) Les associations à objet cultuel, dans le respect des principes fixés à l’article 1er de la Constitution.
« Art. 18–6. – Tout représentant d’intérêts communique à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique les informations suivantes :
« 1° Son identité, lorsqu’il s’agit d’une personne physique, ou celle de ses dirigeants et des personnes physiques chargées des activités de représentation d’intérêts en son sein, lorsqu’il s’agit d’une personne morale ;
« 2° Le champ de ses activités de représentation d’intérêts ;
« 3° La présentation des activités relevant du champ de la représentation d’intérêts menées l’année précédente auprès des personnes exerçant l’une des fonctions mentionnées à l’article 18-5, en précisant les coûts liés à l’ensemble de ces actions ;
« 4° Le nombre de personnes employées par les personnes mentionnées au premier alinéa du même article 18–5 et, le cas échéant, le chiffre d’affaires de l’année précédente ;
« 5° Les organisations professionnelles ou syndicales ou les associations en lien avec la représentation d’intérêts auxquelles appartient le représentant d’intérêts.
« Toute personne exerçant, pour le compte de tiers, une activité de représentation d’intérêts au sens du présent article communique en outre à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique l’identité de ces tiers et le budget lié aux activités de représentation d’intérêts exercées pour chacun de ces tiers.
« Une délibération de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique publiée au Journal officiel de la République française précise :
« a) Le rythme et les modalités de transmission ainsi que les conditions de publication des informations qui lui sont communiquées ;
« b) Les modalités de présentation des activités du représentant d’intérêts.
« Art. 18–7. – Les représentants d’intérêts exercent leur activité avec probité et intégrité.
« Ils respectent les règles déontologiques déterminées par délibération de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique publiée au Journal officiel de la République française, en matière :
« 1° De transparence dans les contacts entre les représentants d’intérêts et les personnes exerçant les fonctions mentionnées à l’article 18-5 ;
« 2° D’accès aux institutions mentionnées au même article 18-5 ;
« 3° De sollicitation d’informations, de décisions et de documents officiels et leur diffusion à des tiers ;
« 4° D’intégrité de l’information transmise ;
« 5° De libéralités, dons et avantages aux personnes exerçant les fonctions mentionnées à l’article 18-5 ;
« 6° D’organisation d’événements ou de création d’organismes incluant la participation des institutions mentionnées à l’article 18-5 ou de leurs représentants.
« Art. 18–8. – La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’assure du respect des articles 18-5 à 18-7 par les représentants d’intérêts.
« Elle peut se faire communiquer par les représentants d’intérêts toute information ou tout document nécessaire à l’exercice de sa mission, sans que le secret professionnel puisse lui être opposé.
« Ce droit s’exerce sur pièces ou sur place. Dans le cas où ce droit est exercé auprès d’un avocat, les demandes de communication s’exercent seulement sur pièces et sont présentées par la Haute Autorité auprès, selon le cas, du président de l’ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation ou du bâtonnier de l’ordre auprès duquel l’avocat est inscrit. Le président ou le bâtonnier de l’ordre auprès duquel le droit de communication a été exercé transmet à la Haute Autorité les informations demandées. À défaut du respect de cette procédure, l’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation ou l’avocat est en droit de s’opposer à la communication des pièces demandées par la Haute Autorité.
« La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique protège la confidentialité des informations et documents auxquels elle a accès pour l’exercice de cette mission, hors ceux dont la publication est prévue au présent article.
« Quiconque fait obstacle, de quelque façon que ce soit, à l’exercice des missions et prérogatives de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique prévues au présent article est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
« La Haute Autorité peut être saisie :
« 1° Sur la qualification à donner, au regard de l’article 18-5, à l'activité d'une personne physique ou d'une personne morale mentionnée au premier alinéa du même article 18-5, par les personnes mentionnées audit article 18-5 ;
« 2° Sur le respect des obligations déontologiques déterminées en application de l’article 18-7 par les personnes qui y sont assujetties.
« La Haute Autorité ou, par délégation, son président rend son avis dans un délai de deux mois à compter de sa saisine.
« Art. 18–9. – Lorsque la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique constate, de sa propre initiative ou à la suite d’un signalement, un manquement aux obligations prévues aux articles 18-6 et 18-7, le président de la Haute Autorité :
« 1° Adresse au représentant d’intérêts une mise en demeure de respecter les obligations auxquelles il est assujetti, après l'avoir mis en état de présenter ses observations ;
« 2° Avise la personne mentionnée à l’article 18–5 qui aurait répondu favorablement à une sollicitation effectuée par un représentant d'intérêts mentionnée au 1°, et, le cas échéant, lui adresse des observations, sans les rendre publiques.
« Art. 18–10. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, fixe les modalités d’application de la présente sous-section.
« Sous-section 3
« Sanctions pénales
« Art. 18–11. – Le fait, pour une personne répondant à la qualification de représentant d’intérêts prévue à l’article 18-5, de ne pas communiquer, de sa propre initiative ou à la demande de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, les informations qu’elle est tenue de communiquer, est puni de 50 000 euros d’amende pour les personnes physiques ou d’un montant maximal équivalent à 1 % du chiffre d'affaires du dernier exercice clos pour les personnes morales.
« Les mêmes peines sont applicables à une personne qui, répondant à la qualification de représentants d’intérêts prévues par les règles déterminées en application des articles 18-2 à 18-4, ne communique pas, de sa propre initiative ou à la demande de l’autorité compétente, les informations qu’elle est tenue de communiquer.
I bis (nouveau). – Après l’article 4 quater de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 4 quinquies ainsi rédigé :
« Art. 4 quinquies. – Le bureau de chaque assemblée parlementaire détermine les règles applicables aux représentants d’intérêts entrant en communication avec un parlementaire, un collaborateur du président de l’assemblée intéressée, d’un parlementaire ou d’un groupe constitué au sein de cette assemblée ainsi que les agents titulaires des services des assemblées parlementaires dont la liste est déterminée par le bureau.
« L’organe chargé, au sein de chaque assemblée, de la déontologie parlementaire s’assure du respect par les représentants d’intérêts de ces règles. Il peut, à cet effet, être saisi par les personnes mentionnées au premier alinéa. Il peut se faire communiquer toute information ou tout document nécessaire à l’exercice de sa mission.
« Lorsqu’il est constaté un manquement aux règles déterminées par le bureau, l’organe chargé de la déontologie parlementaire saisit le président de l’assemblée concernée. Les poursuites sont exercées à la requête du président de l'assemblée intéressé, après avis du bureau.
« Lorsque l’organe chargé de la déontologie parlementaire constate qu’une personne mentionnée au premier alinéa a répondu favorablement à une sollicitation effectuée par un représentant d’intérêts en méconnaissance des règles arrêtées par le bureau, il peut en aviser la personne concernée et, sans les rendre publiques, lui adresser des observations. »
II. – À la seconde phrase du 5° du I de l’article 20 de la même loi, après le mot : « intérêts », sont insérés les mots : «, au sens de l’article 18-5, ».
III. – L’article 18-1, la sous-section 2 et la sous-section 3, à l’exception du deuxième alinéa de l’article 18-11, de la section 3 bis de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, dans leur rédaction résultant du présent article, et le II du présent article entrent en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication du décret en Conseil d’État prévu à l’article 18-10 de la même loi.
Par dérogation au premier alinéa du présent III :
1° L’article 18–9 et le premier alinéa de l’article 18-11 entrent en vigueur le premier jour du sixième mois suivant la publication du même décret ;
2°
Supprimé
IV §(nouveau). – Entrent en vigueur :
1° Au 1er janvier 2017, les articles 18-2 à 18-4 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique dans leur rédaction résultant du présent article et le I bis du présent article ;
2° Au 1er octobre 2017, le deuxième alinéa de l’article 18-11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique dans sa rédaction résultant du présent article.
Nous abordons l’article 13 de ce projet de loi, un article qui prévoit la création d’un registre des représentants d’intérêts auprès du Gouvernement. Je souscris à une telle mesure, mais j’ai été sollicité par l’Association des maires du Morbihan au sujet de l’inscription d’élus sur ce registre aux côtés des représentants d’intérêts privés.
Cette similitude pose un véritable problème de principe puisque les associations de maires sont guidées par la recherche de l’intérêt général. Elles sont par ailleurs composées de personnes élues au suffrage universel, ce qui constitue une différence de nature évidente avec d’autres lobbys.
En outre, ces associations départementales d’élus portent auprès des pouvoirs publics les préoccupations des exécutifs élus des collectivités locales.
Les élus locaux répondent quotidiennement aux sollicitations des représentants de l’État…
… pour contribuer à la réflexion partagée qui doit présider à l’élaboration des textes législatifs, sans ignorer non plus la mise en œuvre localement des politiques publiques.
Par ailleurs, ces associations d’élus, reconnues d’utilité publique, sont déjà contrôlées dans leur gestion et leur fonctionnement.
Mes collègues du groupe CRC et moi-même ne sommes pas opposés au nécessaire besoin de transparence, bien au contraire. Toutefois, nous pensons que la défense de l’intérêt général ne doit pas être assimilée à celle d’intérêts purement privés. C’est pourquoi nous espérons que nos débats permettront d’amender cet article, afin d’exclure les associations d’élus locaux de la liste visée.
L'amendement n° 561 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Je suis tout simplement pour la suppression de ce registre, qui ne sert strictement à rien.
M. Pierre-Yves Collombat. Très franchement, une fois encore, on fait de la fumée ! Nous y reviendrons au cours de notre discussion, mais, par exemple, les élus, en particulier les élus nationaux, devraient demander la permission de rencontrer des gens ? C’est complètement loufoque ! Quant à ceux qui veulent corrompre, ce n’est pas parce qu’ils sont inscrits sur un registre ou qu’ils doivent rendre des comptes qu’ils seront empêchés de le faire !
M. le rapporteur pour avis de la commission des finances manifeste son approbation.
Très franchement, ce genre de proposition me paraît pour le moins curieuse. C’est…
M. Pierre-Yves Collombat. … faire croire qu’on veut faire quelque chose alors qu’on ne fait rien !
M. le rapporteur pour avis de la commission des finances et Mme Sophie Primas applaudissent.
Notre collègue Pierre-Yves Collombat propose de supprimer l’article 13 ; mon explication de vote vaudra donc intervention sur cet article.
À rebours de ce qui vient d’être dit, je voudrais souligner l’importance de cet article, qui, une fois enrichi de quelques amendements, mettra la France au niveau des meilleurs standards internationaux en matière de transparence.
Marques d’ironie sur quelques travées du groupe Les Républicains.
L’ambition de cet article est de faire la pleine lumière sur des activités que chacun connaît, dont la presse se fait souvent l’écho plutôt défavorable, et sur lesquelles nos concitoyens souhaitent que le voile soit levé. Les représentants d’intérêts, que l’on peut appeler lobbyistes, existent. Nous les connaissons ; nous tenons, ici même, un registre les concernant, et nous savons, pour chaque type de texte, quels sont ceux qui sont souvent sollicités.
Il faut d’abord lever toute ambiguïté : il ne s’agit pas de stigmatiser leur activité : les représentants d’intérêts sont utiles. Néanmoins, leur activité n’est possible et comprise qu’à condition d’être transparente, encadrée et contrôlée. Il y va du lien de confiance indispensable au bon fonctionnement de notre démocratie et à la légitimité de la décision publique.
Je profite de cette intervention pour remercier les associations et les ONG qui, depuis des années, plaident en faveur d’une telle transparence et, par là même, féliciter les députés pour leur travail : le texte qu’ils nous ont transmis est très intéressant.
Cependant, il nous faut encore renforcer et clarifier le cadre légal des rapports entre ces représentants d’intérêts et les pouvoirs publics.
Une définition large des représentants doit être établie, via la suppression de certaines exclusions du répertoire, en particulier – nous y reviendrons – celle des associations à vocation cultuelle. Un dispositif permettant à l’acteur public d’obtenir toutes les informations nécessaires concernant le représentant d’intérêts doit également être institué.
Enfin, un mécanisme de sanction efficace doit être mis en place. Dans une tribune publiée dans un journal du soir, M. Jean-Louis Nadal, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, a d’ailleurs invité l’ensemble des acteurs publics à généraliser la disposition de l’article 26 de la loi de modernisation de notre système de santé, qui oblige les industriels du tabac à déclarer leurs dépenses de lobbying, en précisant notamment l’identité et la rémunération des personnes qui les conduisent. Si cette mesure vaut pour le secteur du tabac, il n’y a aucune raison qu’elle ne vaille pas pour l’ensemble des autres activités industrielles et commerciales !
Je me permettrai, sur cet amendement, de développer un peu plus largement mon propos, ce qui m’évitera d’y revenir.
Il faut cesser d’imaginer que le lobbyiste est par essence fourbe, corrompu ou infréquentable. Le lobbyiste est parfois celui qui nous permet de corriger l’insuffisance de certaines études d’impact.
Il est normal que tout parlementaire ait la possibilité d’écouter les personnes de son choix, et, par la suite, d’en faire ce qu’il veut.
Nous ne discutons, ce soir, que de la meilleure façon d’améliorer la transparence de la décision publique, celle de l’élaboration des lois et règlements, et l’image que s’en font nos concitoyens.
Le Sénat n’avait pas de leçon à recevoir, pas plus que l’Assemblée nationale : depuis très longtemps, nous avons créé notre propre registre de représentants d’intérêts. En revanche, un tel répertoire n’existait pas pour le Gouvernement : s’agissant des relations entre le Gouvernement et les groupes d’intérêts, l’information n’était pas disponible.
C’est donc à juste titre que le Gouvernement a présenté son projet de loi ; mais celui-ci a été radicalement transformé par l’Assemblée nationale : à l’origine, le Gouvernement ne souhaitait absolument pas réglementer la manière dont les différentes assemblées organisent leurs relations avec les lobbyistes. C’est l’Assemblée nationale qui a imaginé la création d’un répertoire unique. Qu’a fait la commission des lois du Sénat ?
Nous sommes en République : il existe des principes, et des pouvoirs constitutionnels dont l’indépendance doit être respectée. Il n’appartient donc à personne d’autre qu’au Sénat lui-même, et notamment pas à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique – le président Nadal a d’ailleurs bien dit que telle n’était pas sa volonté –, de fixer la liste de ceux qui auront le droit d’entrer dans la salle des conférences pour nous contacter. Cela restera de la compétence du Sénat.
La commission des lois a donc sanctuarisé ce principe. Quant à l’idée d’un répertoire unique, pourquoi pas ? À partir des registres respectifs du Sénat et de l’Assemblée nationale, et de celui qui sera créé par la Haute Autorité pour le Gouvernement, la Haute Autorité publiera une liste, qui pourra, par exemple, être présentée par ordre alphabétique, et qui sera transmise à nos concitoyens.
De toute façon, il n’est pas en notre pouvoir d’empêcher la publication d’une telle liste : n’importe quelle association ou les sites nossenateurs.fr et nosdeputes.fr peuvent parfaitement publier la liste des personnes inscrites sur les registres des différentes assemblées.
Nous avons donc veillé au bon respect de la compétence et surtout de l’indépendance de nos assemblées. Je note d’ailleurs avec intérêt que, conformément à une tradition républicaine respectée et respectable, le Gouvernement – il faut dire les choses agréables lorsque l’occasion s’en présente – s’est abstenu de déposer des amendements sur les dispositions que j’ai proposées, que la commission des lois a retenues et qui, s’inscrivant dans cette architecture, intéressent donc les assemblées.
La commission a donc été guidée par quelques idées maîtresses, dont la première est la suivante : un répertoire commun est souhaitable.
Pour reprendre la formule employée par le président Nadal, il s’agit de ne surtout pas toucher à l’indépendance, et de construire une simple « plate-forme technique ».
M. Bruno Sido fait la moue.
En revanche, la Haute Autorité gérera les groupes d’intérêts entrant en communication avec le Gouvernement.
Voilà donc l’ossature de ce texte tel qu’issu des travaux de la commission des lois. Je vous indique d’ailleurs que nous avons distrait les collectivités territoriales de ce dispositif.
J’aurai l’occasion, lors de l’examen des amendements suivants, de donner des précisions supplémentaires. Concernant l’amendement de M. Collombat, à l’évidence, il est contraire à la position de la commission, puisqu’il prévoit tout simplement de supprimer l’article 13 dans sa rédaction adoptée en commission.
Il s’agit d’un moment important de notre débat. Je ne répéterai pas ce qu’a dit votre rapporteur : je suis d’accord avec la totalité de ses arguments. Je vais tenter de les compléter ou, éventuellement, de les préciser.
Avons-nous inventé quelque chose de totalement nouveau ? La réponse est non. D’abord, un tel dispositif existe à l’étranger. Je ne suis pas favorable à ce que nous copiions toujours ce qui se fait à l’étranger ; mais, de temps en temps, nous faisons des comparaisons. Il vous arrive à vous aussi, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, de nous comparer à tel ou tel autre pays, et vous avez raison de le faire. Certes, comparaison n’est pas raison, mais la comparaison peut être utile.
Les institutions européennes, en particulier le Parlement européen – peut-être certains d’entre vous ont-ils été parlementaires européens –, fonctionnent en se dotant d’un tel registre. Et les bureaux des deux assemblées, le Sénat et l’Assemblée nationale, ont décidé d’eux-mêmes, librement, de mettre en place un registre qui leur est propre – cet argument, que votre rapporteur vient de donner, me paraît décisif.
Le dispositif existe donc déjà ; comme votre rapporteur vient très bien de le dire, il n’est d’ailleurs pas question de modifier les registres existants, que ce soit celui de l’Assemblée nationale ou celui du Sénat : ce qui existe continuera à fonctionner de la même manière, et seule la volonté libre et protégée du Sénat, pour ce qui le concerne, ou de l’Assemblée nationale, pour ce qui la concerne, pourra faire évoluer le dispositif.
Les associations ou groupes qui apparaissent déjà sur votre registre – ils sont en très grand nombre – n’hésitent pas à dire qu’il est nécessaire qu’ils puissent prendre contact avec vous pour éclairer votre jugement. Que votre jugement puisse être éclairé par d’autres lumières n’ôte évidemment rien à sa liberté !
Tout ce que nous proposons, c’est que – j’allais dire « ce n’est que », mais ce n’est pas rien ! – le même dispositif que celui que vous avez choisi de vous appliquer à vous-mêmes soit aussi appliqué au Gouvernement.
Oui, au Gouvernement, et non au Parlement qui, quant à lui, a déjà décidé librement d’appliquer pour lui-même un tel dispositif ! Je veux vraiment que les choses soient claires pour tous. J’ai en effet parfois eu le sentiment, à écouter vos interventions, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous considériez que le dispositif vous concernait.
Non, monsieur Collombat ! Vous avez déjà décidé, en toute liberté ! C’est déjà comme cela, ici, que les choses se passent ! §Que vous soyez en désaccord avec le dispositif, je veux bien le croire, mais c’est ainsi qu’a choisi librement de procéder votre bureau, il y a déjà plusieurs années.
Par ailleurs, mais votre rapporteur a déjà dit tout ce qu’il fallait dire sur ce point, un représentant d’intérêts ne doit pas être considéré comme un délinquant potentiel. Il fait valoir des arguments ; mais même des arguments de défense d’intérêts privés – je ne sais si ce dernier terme est approprié : des arguments peuvent concerner des personnes privées mais être collectivement défendus – sont des arguments utiles, et même nécessaires.
À vous écouter, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis le début de notre débat, et à lire vos amendements, j’ai d’ailleurs le sentiment – ce n’est en aucun cas une critique – que des représentants d’intérêts vous ont rencontré et ont permis que votre jugement et même, parfois, votre plume soient éclairés. S’ils vous sont utiles, pourquoi ne le seraient-ils pas également au Gouvernement ? Voulez-vous un Gouvernement fermé aux autres ? On en a parfois fait le reproche aux différents gouvernements, quelle qu’en soit la couleur politique. Mais non ! Le Gouvernement doit être ouvert aux autres, mais dans la transparence, comme vous l’avez décidé pour vous-mêmes.
Le Gouvernement vous propose donc d’appliquer au Gouvernement les mêmes règles que celles que vous avez décidé de vous appliquer à vous-mêmes.
Très bien ! sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.
Je ne suis pas contre la transparence, mais je suis contre l’apparence de la transparence !
Ah, les exemples étrangers ! Une anecdote : lorsque le délire déontologique a commencé à régner sur ce pays, les membres de la commission des lois se sont rendus à l’étranger, parce que, à l’étranger, on fait des choses absolument extraordinaires… Avec une mission de la commission des lois menée par le doyen Gélard, nous sommes allés à Washington rendre une visite aux sénateurs américains – ils remplissent des pavés de 1 000 pages avant de pouvoir exercer leur mandat –, et notamment au président de la commission de déontologie – il est bien logé !
Sourires.
Je lui ai demandé combien de sénateurs avaient été inquiétés depuis la création de la commission, vingt ans auparavant. Sa réponse ? Trois, dont un pour harcèlement sexuel !
Ah ! sur plusieurs travées.
Quand on sait qu’aux États-Unis les lobbys sont parfaitement légaux, que la Cour suprême a levé tout plafonnement des dépenses de financement des campagnes électorales, qu’il existe des fondations financées par les lobbys pour entretenir le train de vie des parlementaires, n’est-ce pas se moquer du monde ?
Avez-vous lu le classement publié par Transparency International ? C’est le résultat d’enquêtes d’opinion ! C’est donc le ressenti qui est étudié : on interroge les gens sur leur sentiment concernant le niveau de corruption dans leur pays, et on agrège les données pour en faire un classement. Dans la dernière édition de ce classement, la France, en 23e position, est devancée par le Luxembourg, le Qatar, Hong Kong, …
… et précède d’un souffle seulement les Émirats arabes unis ! La lecture de cette liste devrait nous inciter à regarder d’un peu plus près la qualité des enquêtes menées ! Mais non, la rengaine tourne en boucle : « la France est corrompue ! ». Conclusion : on décide d’imiter les dispositifs adoptés par ces pays étrangers ; comme ça, au moins, les journaux seront satisfaits !
Eh bien non ! Pour ma part, je suis contre ce type de pratiques, et contre le développement de cette ère du faux-semblant !
Mme Sophie Primas applaudit.
Je ne résiste pas au plaisir de prendre la parole après Pierre-Yves Collombat. Nous étions tous les deux du même voyage.
M. Alain Anziani. À l’évidence, nous n’avons pas les mêmes lunettes ! Ou plutôt, Pierre-Yves Collombat a des lunettes ; je n’en ai pas. Mais je pense avoir une aussi bonne vue que lui.
Sourires.
Il s’agissait d’une mission officielle du Sénat !
J’ai fait le même voyage que Pierre-Yves Collombat, mais je n’en garde pas les mêmes souvenirs. Ce fut, à mon sens, une expérience très intéressante.
Aux États-Unis, le système est complètement différent de ce que nous connaissons : ce qui est exigé, c’est la transparence. Un parlementaire lié par tel ou tel intérêt doit prendre la parole pour dire, avant tout débat concernant cet intérêt, qu’il n’y prendra pas part et s’abstiendra de voter. Telle est la règle américaine ; celui qui ne la respecte pas est sanctionné. Des publications avec des registres, cher Pierre-Yves Collombat, et ensuite – c’est la différence avec notre pays – c’est livré à l’opinion publique.
Certes, il n’y a eu que trois condamnations pour non-respect de cette règle. Mais en disant cela il ne dit que la moitié de la vérité : les ennuis, procès…
… et démissions relatifs à de telles situations sont beaucoup plus nombreux que ne le laisse penser le chiffre des condamnations, parce que la presse et l’opinion s’en emparent. Les parlementaires concernés se retrouvent donc très sévèrement sanctionnés. Ce peut même être le cas pour des ministres, y compris en Europe, et par exemple en Espagne : des ministres y ont démissionné pour des questions de transparence.
M. Alain Anziani. Je voulais simplement, mes chers collègues, vous livrer ce témoignage qui montre que la transparence est vraiment, en démocratie, une vertu indispensable.
MM. Richard Yung et Henri Cabanel applaudissent.
C’est l’honnêteté qui est indispensable, pas l’apparence de l’honnêteté !
À écouter les différents collègues qui m’ont précédé, je me pose la question, et je la pose au Gouvernement : à quand la prochaine loi de lutte contre la corruption ? Je n’étais pas présent dans cet hémicycle lorsque la dernière en date de ces lois a été votée, en 2013. Que l’on légifère dans ce domaine, cela n’est pas nouveau : en 1992 et 1993, Christian Bonnet fut le rapporteur, au Sénat, du premier texte de lutte contre la corruption, visant à prévenir les situations telles que celles qui ont été dénoncées récemment. Sans l’affaire Cahuzac, aurions-nous légiféré dans ce domaine ? Je n’en suis pas certain.
Je trouve donc que nous faisons preuve d’un certain excès de zèle. À en rajouter en permanence, à voter des textes de loi de cette nature, nous créons et renforçons dans l’opinion le doute à l’égard de la probité des parlementaires.
… il faut faire avec ! Je remercie le rapporteur de nous avoir éclairés sur les motifs qui l’ont animé dans la rédaction de cet article 13.
La proposition de notre collègue Collombat a le mérite d’être une solution radicale ; mais, en l’état actuel de la législation, et compte tenu des dispositions qui ont été votées dans le passé, je ne pense pas qu’il s’agisse de la bonne solution. Il vaut mieux procéder aux aménagements proposés par le rapporteur.
C’est la raison pour laquelle je ne suivrai pas la proposition de M. Collombat, même si j’apprécie nombre de ses interventions.
M. Pierre-Yves Collombat sourit.
Je ne voudrais pas prolonger outre mesure ce débat, qui est par ailleurs très riche et très intéressant.
Je souhaite toutefois souligner qu’il y va d’une question de principe : l’organisation du travail parlementaire ne peut être régie par la loi. Ce qui régit l’organisation du travail parlementaire, c’est principalement l’ordonnance de 1958, dont le statut est très particulier. En effet, il ne s’agit pas d’une ordonnance prise sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, donc publiée sur la base d’une loi d’habilitation, mais d’une ordonnance publiée sur la base d’une disposition constitutionnelle adoptée en vue de la mise en place des institutions de la Ve République.
Cette ordonnance, de manière tout à fait dérogatoire et exceptionnelle, intervient dans un domaine qui relève normalement du règlement de chacune de nos assemblées ; seul le règlement de nos assemblées, en effet, doit normalement pouvoir régir l’organisation du travail des députés et des sénateurs.
Par exception, nous avons continué à faire reposer une partie des règles relatives à notre travail sur l’ordonnance de 1958, qui a été modifiée plusieurs fois.
Mais, ce que nous ne pouvons admettre, c’est que le législateur ordinaire interfère avec les règles fixées par l’ordonnance de 1958 et avec les règles établies par le règlement intérieur de notre assemblée, et régisse les modalités de notre travail. Cela s’appelle la séparation des pouvoirs !
Cela vaut d’ailleurs de la même façon pour la présidence de la République et pour le Conseil constitutionnel : il s’agit de pouvoirs publics constitutionnels, institués par la Constitution elle-même, rouages du fonctionnement de notre démocratie.
Par ailleurs, et même si l’Assemblée nationale l’a prévu d’une manière d’ailleurs extraordinairement timide, il ne nous paraît pas possible d’habiliter la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique à faire la moindre observation à un membre du Parlement sur la manière dont il organise, dans le cadre de son travail, les relations qu’il entretient avec les représentants des forces vives de notre pays.
C’est la raison pour laquelle la commission a tenu à écarter toute interférence de la Haute Autorité avec le travail des parlementaires. La Haute Autorité peut naturellement se prononcer sur le comportement des représentants des groupes d’intérêts, mais pas sur la manière dont nous organisons, nous, parlementaires, nos relations avec eux, relations nécessaires et même indispensables à la qualité du travail législatif. La Haute Autorité n’a donc pas à formuler d’avis ou de conseils aux parlementaires sur ces relations tout à fait légitimes.
Enfin, je précise que le Sénat n’a pas attendu le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui pour se préoccuper de la régulation de ses relations avec les représentants des groupes d’intérêts.
Dès 2009, sur l’initiative du président Larcher, et sous l’impulsion de notre collègue Jean-Léonce Dupont, une instruction générale du bureau a été élaborée, qui figure dans les documents statutaires de notre assemblée, pour régir les modalités de l’inscription de groupes d’intérêts sur la liste des groupes d’intérêts habilités à accéder à un certain nombre de locaux du Sénat. Nous vérifions – il y a d’ailleurs eu des refus d’inscription – que ces groupes d’intérêts sont fréquentables, ce qui est tout de même la moindre des choses !
Tout le sens du travail de la commission a donc consisté à vous proposer de rattacher à l’ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires la fixation des règles relatives aux relations des assemblées avec les groupes d’intérêts, lesquelles relèvent donc, à ce titre, de la seule compétence du bureau de chaque assemblée. Cela revient à exclure que le législateur ordinaire puisse intervenir dans ce domaine.
C’est la raison pour laquelle, naturellement, je souhaite que la position de la commission soit suivie.
L'amendement n'est pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux.
Je vous rappelle que la commission des affaires européennes auditionne à dix-neuf heures M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes, sur les conclusions du Conseil européen des 28 et 29 juin. Cette audition est ouverte à tous les sénateurs.
Nous reprendrons nos travaux à vingt et une heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-et-une heures, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.