Intervention de Jean-Pierre Bosino

Réunion du 5 juillet 2016 à 14h30
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique – orientation et protection des lanceurs d'alerte — Article 12 bis

Photo de Jean-Pierre BosinoJean-Pierre Bosino :

Après ce débat sur l’échelle des peines, nous touchons là à un autre problème.

Alors que le projet de loi a pour objet la lutte contre la corruption, cet article est pour le moins curieux – c’est un euphémisme ! En effet, il vise à importer en droit français une procédure américaine, qui prévoit l’abandon des poursuites pénales contre des entreprises se rendant coupables de corruption, en échange du paiement d’une amende

La philosophie de cet article est très simple : contre un chèque, on efface l’ardoise, en quelque sorte. Il ne s’agit de rien de moins que de monnayer son impunité. Une telle procédure existe d’ailleurs en matière de fraude fiscale, un domaine où il y a très peu de condamnations, des arrangements avec le fisc étant possibles.

Nous avons pu constater que ce dispositif a été très largement approuvé par les représentants des entreprises entendus par le rapporteur, car une condamnation pénale nuirait évidemment à la réputation des entreprises françaises fautives… Pour notre part, nous répondons que la corruption est un fléau et que, pour préserver leur réputation, il leur suffirait de respecter la loi !

En effet, comme le souligne le rapporteur, avec ce mécanisme de transaction pénale, il n’y a aucune reconnaissance de culpabilité, ni aucune inscription au casier judiciaire. Ainsi, les entreprises françaises concernées pourront fournir aux autorités étrangères, en cas de besoin, un extrait du bulletin n° 2, où il apparaîtra qu’elles n’ont fait l’objet d’aucune condamnation pénale, alors même que les faits de corruptions seraient avérés. C’est le monde à l’envers !

En outre, comme l’a également relevé le rapporteur, cette disposition n’a recueilli ni accord unanime ni enthousiasme de la part de l’autorité judiciaire.

On nous dit que ce dispositif permettra de pallier les lenteurs de la justice, mais si la justice ne fonctionne pas ou pas bien, c’est parce que l’on ne lui donne pas de moyens – M. le garde des sceaux lui-même est obligé de le reconnaître –, et ce texte n’apparaît alors que comme une fuite en avant.

Enfin, cet article révèle tout simplement l’absence de volonté politique de poursuivre les faits de corruption commis par de grandes entreprises, afin de conquérir des marchés à l’étranger. Il ne faut pas minimiser cette réalité.

Cet article 12 bis contribuera à mettre en place une justice à deux vitesses, l’une pour ceux qui auront les moyens de payer et l’autre pour ceux que l’on enverra au pénal, un peu comme en matière de fraude fiscale.

Mes chers collègues, vous comprendrez donc que nous en demandons la suppression.

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