Intervention de François Pillet

Réunion du 5 juillet 2016 à 14h30
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique – orientation et protection des lanceurs d'alerte — Article 12 bis

Photo de François PilletFrançois Pillet, rapporteur :

Ces deux amendements identiques visent à supprimer l’article 12 bis, qui instaure la procédure de transaction judiciaire.

Je ne nie pas qu’il s’agisse d’une institution nouvelle dans notre droit, même s’il existe déjà des modes alternatifs de poursuite.

Pourquoi une telle procédure ? Il faut être pragmatique et concéder que notre influence juridique est parfois limitée par celle, quelque peu plus prégnante, des États-Unis. Il importe que nos sociétés qui exportent ou qui ont des filiales à l’étranger puissent régulariser leur situation lorsqu’elles ont commis ou lorsque l’on a la quasi-certitude qu’elles ont commis des faits pouvant être qualifiés de corruption. C’est important, car en cas de condamnation pénale ou sans régularisation de leur situation, elles n’auront plus d’agrément pour démarcher ou continuer leur activité à l’étranger.

Je vais même plus loin : si nous n’instaurons pas cette transaction pénale, toutes ces amendes qui pourraient aller dans les caisses du trésor public français finiront dans celles du trésor américain.

Être pragmatique, cela ne veut pas dire abandonner l’État de droit. C’est la raison pour laquelle la commission des lois a fait en sorte que cette transaction soit renforcée au regard des fondements de notre ordonnancement juridique, pour qu’elle ne puisse pas constitutionnellement être remise en cause.

Ainsi, il ne faut pas oublier que cette transaction dépend non pas de l’administration, mais de l’autorité judiciaire. Y a-t-il en France autorité plus transparente, plus indépendante et plus impartiale ?

Il s’agit bien d’une transaction judiciaire, ce qui la différencie d’une transaction en matière de contributions indirectes. En l’occurrence, c’est le procureur qui l’autorise, et nous avons fait en sorte que la transaction obtienne l’imprimaturdu juge en audience publique. Il y aura donc un contrôle du juge, qui vérifiera si, en équité, il est bien normal de transiger, et si, en termes de quantum, la transaction est bien d’un montant satisfaisant.

Cette procédure, je le répète, est entre les mains de l’autorité judiciaire et elle s’inscrit parfaitement dans le cadre du pouvoir réservé au procureur de juger de l’opportunité des poursuites.

N’est-il pas plus pertinent de choisir cette transaction, plutôt que des poursuites pénales qui aboutiront peut-être dans dix ans, avec le risque que, au bout de tout ce temps, on s’aperçoive qu’une faute de procédure fait tomber tout le dossier ? Et quand bien même la procédure aboutirait, l’infraction serait trop lointaine et la peine ne voudrait plus rien dire.

Un second point a son importance. Certes, il n’y a pas de déclaration de culpabilité lorsque la transaction entre le procureur et l’entreprise est soumise au juge pour homologation. C'est heureux, d’ailleurs, car elle ne pourrait alors plus intervenir à l’étranger. En revanche, lorsque l’entreprise fait l’objet d’une instruction devant un juge d’instruction, ce qui n’est nullement interdit par le texte, la transaction ne pourra se faire qu’avec une reconnaissance de culpabilité.

C’est pourquoi je ne pense pas qu’il faille supprimer cet article. J’avoue que, moi aussi, au départ, j’ai considéré ce dispositif comme un OVNI, mais j’ai choisi d’être pragmatique, sans oublier les principes de notre État de droit.

Or, mes chers collègues, il me semble que la commission des lois vous fournit un système équilibré, susceptible de s’insérer dans notre État de droit sans attenter à ses principes. Les entreprises, qui seront certes condamnées au travers d’une transaction, pourront néanmoins continuer à exercer leur activité à l’étranger.

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