Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’inscrivant dans une longue série, le présent article laisse le Gouvernement légiférer par ordonnance.
Cette demande s’appuie peut-être sur des raisons tout à fait estimables. Mais de tels procédés ont le défaut de dessaisir un peu plus encore le Parlement de ses prérogatives.
Il y a dans notre pays un débat quant à la lenteur du travail parlementaire, que d’aucuns imputent même au bicamérisme en vigueur. Mais il faut tenir compte d’une autre réalité : depuis mai 2012, la France a vu promulguer rien de moins que 216 ordonnances, soit plus d’une cinquantaine par an.
Ces textes couvrent tous les aspects de notre législation.
La plus récente de ces ordonnances a été promulguée le 24 juin dernier. Elle porte sur les marchés d’instruments financiers. Je relève à ce titre que l’habilitation a failli devenir caduque : la loi de décembre 2014 qui l’avait validée imposait une promulgation avant le 3 juillet 2016, c’est-à-dire avant-hier…
Dans la pratique, la procédure d’habilitation ne semble donc pas une garantie absolue de rapidité dans la conception et la mise en œuvre de la loi.
En outre, à la controverse parlementaire, qui a valeur de controverse publique dans la mesure où elle est rapportée par le Journal officiel des débats, cette procédure substitue une discussion feutrée entre, d’une part, le pouvoir exécutif et, d’autre part, les acteurs sociaux et économiques directement concernés.
Dans le cas qui nous préoccupe, la question en jeu n’est d’ailleurs pas des moindres ! S’il est un domaine où il nous faut veiller à la transparence et prévenir la corruption, c’est bien la gestion du domaine public, notamment pour l’utilisation de ce dernier aux fins d’occupation temporaire ou gracieuse.
Dans son ensemble, ce sujet est doublé des conditions éventuelles de déclassement et de cession des biens du domaine public, ce qui ne manque pas d’évoquer telle ou telle affaire parfois peu transparente dont nous avons pu suivre le déroulement…
L’appareil législatif relatif à la domanialité publique a certes évolué, même si nombre de mesures sont aujourd’hui codifiées. Mais le but essentiel de l’habilitation semble bien de résoudre d’éventuels problèmes nés de jurisprudences en apparence contradictoires, tout en « sécurisant » juridiquement certains contrats de concession.
Je ne donnerai que deux exemples : en ce moment même se déroule une grande compétition sportive dans des enceintes souvent soumises à un statut de partenariat public-privé. Parallèlement, le débat reste ouvert quant à l’aménagement d’une plateforme aéroportuaire à l’Ouest du pays.
Mes chers collègues, vous comprendrez que cet article d’habilitation nous laisse quelque peu réservés.