La lutte contre les paradis fiscaux, sortes de « trous noirs » dans lesquels s’engloutissent parfois des sommes très importantes, est l’une des questions essentielles de ces dernières années.
Le travail très important effectué par les deux commissions d’enquête sénatoriales sur le sujet, d’ailleurs relayé par celui d’une commission d’enquête de l’Assemblée nationale, a montré plusieurs aspects décisifs de la situation.
Premièrement, la fraude fiscale – et sociale pour une large part – est le fait d’entités économiques à vocation transnationale, en situation de faire jouer les critères actuels de la mondialisation. Nous disposons d’ailleurs, dans le présent texte, si nous y accordons l’attention requise, des moyens de prévenir cette « optimisation » fiscale qui nuit tant aux comptes publics de bien des pays, en adoptant un dispositif de transparence comptable digne de ce nom et cohérent avec l’organisation interne même des groupes concernés.
Deuxièmement, le montant des sommes en jeu met en péril les équilibres financiers de bien des nations, à commencer par les pays de l’Union européenne touchés par une fraude organisée en grande partie depuis le territoire même de l’Union. On pourrait d’ailleurs, en pourchassant avec détermination la fraude fiscale et sociale, parvenir à une réduction nette des déficits publics en plaçant dans un premier temps la France dans les « clous » des normes européennes.
À la vérité, la fraude fiscale et sociale est surtout un obstacle à toute réforme durable de notre système de prélèvements.
On ne peut pas réformer l’impôt sur le revenu de manière juste et égalitaire tant que certains revenus disposent de plusieurs outils d’optimisation et, pour certains, de défiscalisation intégrale.
On ne peut pas réformer l’impôt sur les sociétés avec l’hypothèque que continue de faire peser le régime d’intégration des groupes à comptabilité consolidée qui usent et abusent des prix de transfert, de la délocalisation d’actifs et de valeur ajoutée pour s’épargner d’avoir à consacrer trop d’argent à la solidarité nationale.
Dans cet article du projet de loi, on nous invite à travailler sur la question des États et territoires dits non coopératifs, c’est-à-dire à fixer régulièrement la liste de ces « paradis fiscaux » qui n’en sont, faut-il le préciser, que pour ceux qui en ont besoin et, le plus souvent, certainement pas pour ceux qui y vivent ou y travaillent.
Comme l’affaire prendra la forme d’un arrêté, les commissions chargées des affaires étrangères et des finances des deux assemblées seront saisies pour avis sur le contenu effectif de la liste « noire ». Nous souhaitons pour notre part que l’avis soit rendu conforme – tel est le sens de la modification de l’alinéa 7 que nous proposons –, en accord entre les deux assemblées, ce qui est d’autant plus possible, me semble-t-il, que je ne crois pas qu’on puisse trouver aujourd’hui le moindre partisan de l’optimisation fiscale au sein de notre Parlement.