Intervention de Jérôme Bignon

Réunion du 11 juillet 2016 à 16h00
Reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages — Discussion en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jérôme BignonJérôme Bignon, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, mes chers collègues, nous arrivons aujourd’hui presque au terme de la longue procédure parlementaire sur le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

Nous y avons travaillé pendant plusieurs mois, puisque le Gouvernement a déposé ce texte sur le bureau de l’Assemblée nationale au printemps de 2014 et que nous l’examinons aujourd’hui en nouvelle lecture, après l’échec de la commission mixte paritaire le 25 mai dernier.

Nos débats furent longs, parfois vifs, car les positions sur chacune des travées n’étaient pas toujours les mêmes, mais toujours passionnants. Si je tiens à le souligner, c’est parce que cette procédure normale d’examen a pu sembler fastidieuse, car elle fut trop étalée dans le temps. Toutefois, elle nous aura aussi permis d’approfondir un grand nombre de sujets, d’échanger entre nous, de confronter ce que nous pensons, chacun en notre for intérieur, sur ce sujet tellement important qu’est la préservation de notre biodiversité, de nos ressources, donc de notre avenir, par leur mise en valeur de ces dernières.

Après tout, la dernière grande loi sur la nature date de 1976. C’était il y a tout juste quarante ans. À ce compte, un peu de temps supplémentaire pour aborder le fond des choses n’était pas superflu.

Je ne souhaite pas revenir sur le détail des articles du projet de loi, ni sur les différentes étapes de l’examen de notre texte, même si, je dois le redire, je crois sincèrement que l’échec de la commission mixte paritaire est dû à une absence de volonté de l’Assemblée nationale de trouver un compromis sur les deux ou trois vrais sujets qui restaient en discussion.

Je ne m’y attarderai pas, car on ne refait pas l’histoire ! C’est la troisième fois que je suis à cette tribune pour vous présenter un texte que vous connaissez désormais sur le bout des doigts. Je voudrais donc plutôt en profiter pour rappeler et illustrer trois points qui resteront pour moi les apports indiscutables de cette loi.

Avant cela, je tiens à adresser un remerciement particulier à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je sais gré à son président et à toutes celles et tous ceux qui m’ont accordé leur confiance pour être le rapporteur de ce texte et qui m’ont aidé à y travailler. Ensemble, nous avons fait en sorte d’apporter l’instruction la plus complète possible sur les sujets en discussion. Ce fut un honneur pour moi.

J’ai tenté de rencontrer le plus possible d’acteurs. J’ai associé mes collègues de la commission des affaires économiques, saisie pour avis sur les problèmes agricoles, et de la commission des lois, laquelle est intervenue sur le préjudice écologique. J’ai travaillé au fur et à mesure des lectures, en tentant de demeurer ouvert et sans préjugé. Cela n’a pas toujours été très facile, mais c’était incroyablement enrichissant. Même si ce fut parfois fatigant, j’en garderai un souvenir intense.

J’en viens aux trois marqueurs de ce texte qui, selon moi, feront date.

Le premier – on ne le dit pas assez –, c’est la création de l’Agence française pour la biodiversité, qui est l’un des apports essentiels de ce texte. Évidemment, il y a tout l’aspect technique : la création d’un établissement public – sujet qui ne passionne guère les foules ! – est l’occasion de nombreux débats entre spécialistes, qui doivent se prononcer sur les missions, le personnel, les moyens, l’organisation, la déclinaison territoriale…

Lorsqu’a été abordée la question de son périmètre, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage a exprimé sa volonté de rester en retrait et de ne pas intégrer ce nouvel opérateur public, ce que, personnellement, j’ai regretté, et que je continue de regretter, mais je suis sûr que les choses évolueront, car c’est le sens de l’histoire.

La création d’une agence est une véritable aventure. Commencée avec humilité, celle-ci se poursuivra avec des projets ambitieux, une dynamique et un optimisme qui permettent parfois de déplacer des montagnes. J’en parle en connaissance de cause, car j’ai moi-même présidé l’Agence des aires marines protégées, que j’avais contribué à créer en 2006, lorsque je siégeais à l’Assemblée nationale, et qui va rejoindre l’Agence française pour la biodiversité.

À cette époque, je m’en souviens très bien, les aires marines protégées en France représentaient quelque 0, 03 % des espaces maritimes sous la juridiction française. En adoptant, en janvier dernier, l’article 62 bis de ce projet de loi, nous avons permis l’extension des espaces naturels protégés, des réserves naturelles, des parcs nationaux et des aires marines protégées. En allant jusqu’à la limite de la zone économique exclusive et du plateau continental, nous allons passer de 20 000 kilomètres carrés à 500 000 kilomètres carrés !

J’ai participé, la semaine dernière, au conseil consultatif des Terres australes et antarctiques françaises, les TAAF, qui statuait précisément sur l’extension de la réserve mise en œuvre par Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’écologie et du développement durable. Mon sentiment est que cet article va permettre des progrès décisifs.

Mesurons le chemin parcouru en dix ans : au début, en 2006, il n’y avait rien. Aujourd'hui, nous allons protéger 20 % de l’espace maritime français, dans des conditions absolument extraordinaires en termes de survie de la biodiversité.

Au-delà du titre III de ce projet de loi, plusieurs missions de préfiguration ont tenté d’imaginer comment pourrait fonctionner ce nouveau paquebot, qui permettrait une politique de la nature protégée. En effet, si l’Agence des aires marines protégées était un gentil petit navire, là, c’est un super Panamax que nous mettons à l’eau !

Des personnes de qualité travaillent depuis longtemps et continuent de travailler d’arrache-pied sur ce projet, qui a quelque chose de titanesque. J’en connais quelques-unes et sais leur engagement sincère sur ces sujets. Je suis heureux que ce texte vienne donner corps à ce magnifique projet, qui sera d’ailleurs le cœur de la réussite de cette nouvelle impulsion. Dès demain, une fois le texte voté, l’Agence sera le révélateur de la réussite de ce nouvel élan – j’en suis, à titre personnel, complètement convaincu.

Le deuxième point, qui se situe dans un autre registre, quelque peu différent, est relatif au protocole de Nagoya. En effet, ce projet de loi parle aussi de solidarité. Et cette solidarité s’illustre tout particulièrement dans les apports de la commission au titre IV, qui introduit dans le code de l’environnement un dispositif d’accès aux ressources génétiques et de partage des avantages.

Sur mon initiative, et j’en suis très fier, nous avons autorisé le Gouvernement à ratifier le protocole de Nagoya. Que la commission du développement durable s’occupe de ratifier un accord international, ce n’était pas banal et cela a d'ailleurs suscité quelques remous dans l’océan de ceux qui nous gouvernent !

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