Intervention de Hervé Maurey

Réunion du 11 juillet 2016 à 16h00
Reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages — Discussion en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Hervé MaureyHervé Maurey :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je m’exprimerai dans le temps de parole imparti à mon groupe politique, que je remercie de m’avoir désigné comme orateur. Toutefois, je le ferai, bien entendu, avant tout comme président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, en regrettant que les présidents de commission n’aient plus la possibilité de s’exprimer ès qualités dans la discussion générale.

Nous sommes enfin parvenus à la dernière étape de l’examen par le Sénat du projet de loi Biodiversité.

Cet examen a été un travail au long cours, puisque plus de deux ans se sont écoulés depuis que le texte a été adopté en conseil des ministres en mars 2014. Le Sénat a procédé à la première lecture du projet de loi il y a exactement un an en commission, en juillet 2015, mais l’inscription du texte à l’ordre du jour de la séance publique n’est intervenue qu’au mois de janvier dernier. Depuis lors, il y a eu une deuxième lecture par l’Assemblée nationale et le Sénat. Enfin, la commission mixte paritaire s’est réunie le 25 mai dernier.

Malheureusement, contrairement à la volonté clairement exprimée par les sénateurs de différents groupes de cette assemblée, un accord n’a pas été possible en commission mixte paritaire. Alors qu’il ne restait en discussion qu’une cinquantaine d’articles, nous avons très nettement senti une volonté des députés d’arriver à un échec et de le constater le plus rapidement possible.

Une fois passé l’effet de surprise provoqué par l’adoption du premier amendement, nous avons senti, dès l’examen du deuxième, qu’il était urgent de constater ce désaccord entre l’Assemblée nationale et le Sénat ! Nous en avons été surpris, car nombre de positions communes avaient été trouvées au cours de la navette et il ne nous semblait pas impossible de poursuivre cette recherche de compromis en commission mixte paritaire. En tout cas, nous y étions prêts.

Je rappellerai que, à l’issue de la première lecture par chaque assemblée, le texte comprenait 160 articles. Pour la commission mixte paritaire, nous n’étions plus saisis que de 58 articles. Tous les autres, soit plus d’une centaine, avaient été adoptés conformes par nos deux assemblées.

Après la nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a encore adopté 15 articles dans les mêmes termes que les nôtres. Et, aujourd’hui, pour la nouvelle lecture au Sénat, seuls 18 articles ont été modifiés par des amendements en commission. Autrement dit, nous sommes d’accord sur près de 90 % des articles du projet de loi.

Vous voyez donc, mes chers collègues, que nous sommes bien loin des caricatures qui sont faites de notre travail, non seulement à l’Assemblée nationale, mais aussi sur certaines travées de cet hémicycle et, à mon grand regret, au sein même du Gouvernement. Ainsi, dans un entretien que vous avez accordé à un grand quotidien du soir, madame la secrétaire d’État, vous déclariez que nous avions « un train de retard, si ce n’est deux ou même trois »… C’était inexact et injuste.

Je me permettrai en effet de vous rappeler que c’est tout de même le Sénat qui a introduit la notion de « préjudice écologique » dans le code civil. Ce dispositif ambitieux et nécessaire ne figurait ni dans le projet de loi initial du Gouvernement ni dans le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

Bien sûr, tout le monde veut s’approprier aujourd’hui cet apport du Sénat. Il est pourtant bien issu d’une proposition de loi de M. Bruno Retailleau, adoptée à l’unanimité par notre assemblée le 16 mai 2013. Le Gouvernement n’a jamais cru bon d’inscrire ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ; Mme Taubira, à l’époque garde des sceaux, nous annonçait régulièrement un projet de loi sur le sujet, qui n’est jamais venu.

Autre initiative importante du Sénat, dont tout le monde se félicite aujourd’hui : la ratification du protocole de Nagoya, que nous devons à Jérôme Bignon.

D’autres équilibres ont encore été trouvés dans cet hémicycle sur des éléments clefs, tels que le rôle du Comité national de la biodiversité, l’organisation et les missions de l’Agence française pour la biodiversité, l’ancrage territorial de cette agence ou encore les nouveaux établissements publics de coopération environnementale.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Jérôme Bignon nous a rappelé le travail effectué par l’Assemblée nationale lors de cette nouvelle lecture. Je regrette comme lui que l’Assemblée ait cherché, de manière un peu trop systématique, à revenir au texte qu’elle avait adopté en deuxième lecture, sans prendre en compte les avancées ou les compromis votés par le Sénat.

Je pense, par exemple, à des mesures aussi importantes et novatrices que la compensation des atteintes à la biodiversité, les obligations réelles environnementales, les zones prioritaires pour la biodiversité ou encore les activités de recherche associées à l’exploitation de la zone économique exclusive.

À cet égard, la taxation de l’huile de palme représente un exemple tout à fait révélateur de l’attitude de l’Assemblée nationale. Lors de notre deuxième lecture de ce texte, Jérôme Bignon nous avait convaincus, par un argumentaire comme toujours extrêmement détaillé, qu’il existerait un réel risque de contentieux avec l’OMC si nous adoptions telle quelle cette taxation. Nous avions donc supprimé l’article correspondant.

Nos collègues députés ont bien entendu rétabli cet article en commission. Ce point avait d’ailleurs été identifié comme l’un des sujets de désaccord les plus durs pour la commission mixte paritaire : il était inimaginable de parvenir à un accord sur cet article.

Toutefois, lors de la nouvelle lecture en séance publique à l’Assemblée nationale, cette taxation a été de nouveau supprimée, sur l’initiative du Gouvernement, mais aussi de députés issus de différents groupes, et cela pour les raisons mêmes que Jérôme Bignon avait pointées ici. Il a été décidé par l’Assemblée nationale de renvoyer cette question à une réforme globale de la taxation des huiles. Une fois de plus, le Sénat a eu le tort d’avoir raison trop tôt !

Je regrette donc les prises de position très dogmatiques de la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, qui se situent aux antipodes de l’état d’esprit avec lequel le Sénat a, depuis l’origine, abordé ce projet de loi.

Je voudrais à ce propos rappeler les trois priorités qui nous ont guidées dans l’examen de ce texte.

La première était de ne pas séparer la préservation de la biodiversité de la prise en compte de la réalité économique et, par là même, de ses acteurs, qu’ils soient agriculteurs, chasseurs ou encore gestionnaires d’espaces naturels. Nous avons voulu faire preuve de pragmatisme et tenir compte de la réalité du terrain, aspect qui manquait considérablement dans le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.

Notre deuxième priorité était un souci permanent de simplification. Chaque fois que cela était possible, nous avons voulu alléger les procédures, en rendant plus souples et plus lisibles les dispositifs proposés par le texte.

Notre troisième priorité était de faire confiance aux acteurs et, singulièrement, aux acteurs de terrain.

Nous n’avons à aucun moment, madame la secrétaire d'État, remis en question l’ambition portée par le projet de loi. J’en veux pour preuve le compromis trouvé en commission sur le sujet, ô combien délicat, des néonicotinoïdes. Là aussi, nos positions ont été particulièrement caricaturées par la presse et les réseaux sociaux, qui n’ont pas hésité à considérer que nous étions des réactionnaires, des ringards et, bien sûr, des tueurs d’abeilles.

Nous avons choisi de faire confiance à l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail : nous lui avons demandé de présenter régulièrement un bilan des risques et avantages des produits concernés, ainsi que d’évaluer les méthodes et produits de substitution. En contrepartie, nous avons clairement inscrit dans le texte une perspective d’interdiction de ces produits, afin que tous les acteurs concernés puissent s’y préparer. C’était une solution sage et responsable, à l’image de notre travail. Nous souhaitons qu’elle puisse être conservée dans le texte final de cette loi.

Avant de conclure, je voudrais une nouvelle fois saluer le travail et l’engagement du rapporteur Jérôme Bignon. Je voudrais également remercier chacun des membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui ont contribué à enrichir le texte que nous examinons aujourd’hui. La qualité de ce texte leur doit beaucoup.

Je suis persuadé que, tout au long de la navette, le Sénat a vraiment joué son rôle sur ce projet de loi. Aussi aimerais-je, madame la secrétaire d'État, que soit reconnue cette volonté très claire des sénateurs de chercher à préserver, de manière pragmatique et équilibrée, le patrimoine naturel inestimable de notre pays.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI-UC votera, dans sa très grande majorité, en faveur de ce texte.

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