Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 11 juillet 2016 à 16h00
Reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages — Discussion en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

… le projet de loi a pris en compte le problème de la pollution marine, notamment par les matières plastiques. Les océans n’ont donc pas été oubliés par ce texte.

C’est fondamental, car, là encore, il y a urgence. Des chercheurs de l’université d’Aberdeen, au Royaume-Uni, ont détecté des polluants d’origine humaine dans des fosses de l’océan indopacifique, à plus de 10 kilomètres de profondeur. Il s’agit notamment de polychlorobiphényles, ou PCB, composés industriels cancérigènes qui servaient à fabriquer du plastique et qui ont été interdits dans de nombreux pays depuis la fin des années 1970. À l’évidence, la Terre conserve tout !

Comme vous le savez, mes chers collègues, en l’état actuel des technologies disponibles, nous ne sommes pas capables de récupérer les déchets plastiques qui s’amoncellent, notamment sous forme de microparticules, dans les mers et les océans.

C’est pourquoi j’ai défendu des amendements visant à agir en amont et à réduire les déchets à la source par l’interdiction des tiges plastiques des cotons-tiges, de produits d’hygiène, de soin et de cosmétique, ainsi que de détergents comportant des particules plastiques solides, y compris biodégradables. De nombreux pays dans le monde prennent des mesures dans ce sens. S’arc-bouter sur ce qui se fait, c’est polluer irrémédiablement les océans et empêcher nos entreprises d’être à la pointe du progrès !

Malgré tous ces éléments, le groupe CRC a voté en commission contre le projet de loi. En effet, sur un certain nombre de sujets d’importance, nous n’avons réussi ni à réduire les difficultés ni à gommer les divergences.

Ainsi, la commission a affaibli de manière regrettable le dispositif de l’article 2. Le principe d’action préventive concerne désormais les seules atteintes « significatives » à la biodiversité. Ce principe – nous en convenons avec vous, monsieur le rapporteur – n’est pas très précis ; tel est le cas des grands principes que le législateur acte et qui sont ensuite définis par la jurisprudence. Avec l’ajout de cet adjectif, on s’expose à des atteintes à la biodiversité causées par une méconnaissance des écosystèmes.

En outre, l’objectif d’absence de perte nette de biodiversité, voire de gain de biodiversité, que doit viser le principe d’action préventive a été supprimé au motif de l’incertitude juridique qu’il entraînerait. Il y a effectivement là une difficulté à quantifier ; pour autant, laissons, là encore, la jurisprudence s’établir et conservons cet objectif. Sinon, on risque de ne pas considérer la perte de biodiversité comme un problème.

La définition du principe de non-régression a elle aussi été supprimée, pour les mêmes motifs. Ce n’est pas une bonne chose, car ce principe permet d’introduire dans la loi l’idée selon laquelle trop de biodiversité se perd, un phénomène qui doit être enrayé. Certes, ces principes sont nouveaux, mais le principe de précaution l’a été avant eux. Ce n’est pas une raison suffisante pour ne pas les poser solennellement dans la loi.

Enfin, l’interdiction des néonicotinoïdes a suscité de vives émotions, mais il y a des avancées dans les esprits. Selon nous, il n’y a pas de solution acceptable et efficace hormis la généralisation de l’interdiction de ces produits dans un délai proche. Nous avions demandé qu’elle soit effective en 2017, mais nous nous rallierons à la date du 1er septembre 2018. Il faut que ce dossier avance, car ces insecticides sont délétères en raison de leurs effets dits « cocktails », de leur rémanence et de leur très grande toxicité.

Les dérogations qui ont été instaurées ne sauraient devenir la règle, et la règle, l’exception. Les solutions de substitution sont déjà expérimentées à travers des pratiques agronomiques intelligentes. Nous pensons que les solutions doivent venir des agriculteurs et non pas de l’industrie chimique, qui ne manque jamais d’ingéniosité pour remplacer, à chaque interdiction, les produits dangereux par de nouvelles molécules plus puissantes et plus nocives.

Dans l’ensemble, nous sommes favorables au texte adopté par l’Assemblée nationale, même si certaines mesures restent en deçà de nos espérances. Une chose est pourtant sûre : personne ne pourra plus considérer la perte de biodiversité comme quelque chose d’anodin. Au fond, notre préférence constante pour le préventif, plutôt que pour le curatif, qui vise à ne pas dégrader pour éviter l’ensemble des coûts de la réparation, trouve un écho dans ce projet de loi.

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