Intervention de James Kenneth Galbraith

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 26 mai 2016 : 1ère réunion
Audition de james kenneth galbraith économiste

James Kenneth Galbraith, économiste :

Mon père a eu cette phrase : « Les économistes économisent surtout leurs idées. Ils font en sorte que celles qu'ils ont retenues à l'université leur servent toute la vie. »

Je suis favorable à la mise en oeuvre d'un contrôle du système financier et d'une définanciarisation de l'économie. Cela a été fait une fois, entre les années trente et soixante-dix. Le système bancaire a alors été placé sous le contrôle des États, surtout ici en France. J'ai conduit une étude sur le système bancaire et financier dans la France d'après-guerre. Il intégrait les opérations des banques en visant des objectifs publics de reconstruction et de gouvernement du pays. Mis en place avec, notamment, la Caisse des dépôts et consignations, le Crédit foncier et le Crédit agricole, il a fonctionné jusqu'à un certain point.

Dans un contexte où le développement de l'économie doit prendre une autre direction, ce genre d'instruments est utile. Les banques actuelles ne servent que les objectifs fixés par leurs dirigeants. Il est injustifiable que les gouvernements de nos pays, de nos continents, soient dirigés par nos banques. Cette situation mènera à la ruine.

Comment réformer le système ? Je ne prétends pas avoir toutes les solutions. Dans un monde bouleversé par la révolution numérique, les banques sont devenues, aussi incroyable que cela puisse paraître, des institutions conçues pour échapper au droit national, régional et continental. J'ai réalisé une étude s'échelonnant sur une vingtaine d'années sur l'évolution des inégalités dans le monde. Ma conclusion est que les inégalités sont liées de façon très étroite à l'évolution du système financier. Ce sont les industries de haute technologie, financées par les banquiers, qui ont donné les milliardaires de la Silicon Valley. Les statistiques aux États-Unis le montrent très clairement, ceux qui ont profité le plus sont ceux qui ont su capitaliser sur les innovations technologiques et sur le pouvoir financier.

Quelles sont les conséquences de cette révolution numérique ? Les économistes ont été beaucoup trop optimistes sur la capacité du marché privé à remplacer les emplois en train d'être détruits par les avancées technologiques. La situation actuelle fait penser à celle qu'a connue le transport à cheval au moment de l'arrivée de l'automobile. Sauf que, aujourd'hui, il s'agit de trouver du travail à des êtres humains, à ceux qui sont ou vont être déplacés. De nouvelles institutions dédiées à cet objectif sont à créer. Toute révolution technologique apporte des opportunités énormes à la population, du moins à celle qui est en activité et a une source de revenus personnelle. D'où la nécessité d'augmenter la proportion du revenu national dédiée à l'environnement, à la culture et aux soins des personnes âgées, autant de secteurs qui ne peuvent être automatisés avec les ordinateurs et les smartphones. Comme le secteur privé ne le fera pas spontanément, cette responsabilité revient à des institutions publiques ou qui relèvent du secteur non lucratif.

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