Je veux brièvement réagir à un certain nombre d’observations qui viennent d’être faites.
Tout d’abord, je remercie Thierry Carcenac et Jean-Claude Requier, à l’instant, d’avoir souligné quelques éléments qu’on oublie un peu vite. En particulier, M. Requier nous a fait part de sa satisfaction que les recettes soient en ligne avec les prévisions. Au mois de juin 2015, je le rappelle, on entendait beaucoup de membres de l’opposition – pas forcément ici, quoique, mais plutôt à l’Assemblée nationale ou ailleurs – nous dire qu’il manquerait 10 milliards d’euros de recettes. Or on a enregistré 1 milliard d’euros de recettes supplémentaires, ce que personne ne devrait ici regretter.
Monsieur Requier, je vous remercie également d’avoir rappelé – vous êtes le seul à l’avoir fait – que le résultat de l’exécution de 2015 est meilleur que ne l’étaient les prévisions, aussi bien de la loi de programmation des finances publiques que de la loi de finances initiale : nous avions tablé sur 3, 8 % de déficit ; nous sommes à 3, 6 %. Ce n’est quand même pas si fréquent, et c’est pourquoi il faut s’en réjouir.
Sur le sens général du vote, au sujet duquel vous vous êtes exprimés, monsieur le rapporteur général et monsieur Delahaye, permettez-moi de vous rappeler que le projet de loi de règlement et d’approbation des comptes – c’est son intitulé ! – est une photographie de l’année écoulée. Alors, vous pouvez contester les propos de ceux qui commentent positivement ces résultats, qui soulignent que l’amélioration a été de x pour cent ou de tant de milliards, et c’est d’ailleurs l’objet du débat légitime entre le Gouvernement et la Cour des comptes, avec laquelle nous nous sommes expliqués, mais prétendre que la diminution du déficit est insatisfaisante, je ne sais pas ce que cela veut dire ! Je donne aux mots un sens, Thierry Carcenac leur donne un deuxième sens, André Gattolin probablement un troisième et des mots comme « insuffisant » ou « insatisfaisant » ne veulent pas dire grand-chose objectivement.
En période de crise, alors qu’il fallait traiter des questions liées à la sécurité, à la crise agricole, réagir à un certain nombre d’événements internationaux – je pense à l’engagement de nos forces armées sur les théâtres d’opérations extérieures –, pouvait-on réduire plus rapidement ou autrement le déficit public ? Chacun aura son point de vue, et c’est là que le débat est légitime.
Monsieur Delahaye, vous avez fait un parallèle entre la loi de règlement du budget et d’approbation des comptes et un compte administratif : l’approuver, ce serait donner quitus et reconnaître que l’autorisation d’engagement de dépenses et de perception de recettes qui a été donnée par le Parlement a été respectée. De là vient notre désaccord sur le sens à donner à un vote favorable ou défavorable. Chacun sait ici que la majorité sénatoriale n’a pas approuvé la loi de finances initiale, ce n’est pas un scoop. Souvent, dans les collectivités territoriales, les élus d’opposition, lorsqu’ils n’ont pas voté le budget, s’abstiennent sur le compte administratif, ce que je peux comprendre dans la mesure où cela traduit un positionnement relativement équilibré. Pour votre part, vous avez fait le choix de voter contre ; je le respecte, sachant que l’Assemblée nationale aura le dernier mot.
Je voudrais réagir à un passage de votre intervention sur lequel je ne partage pas votre analyse, monsieur Delahaye.
Vous nous avez dit – j’entends cela très souvent – que le recours à des primes d’émission de la dette avait pour objectif de reporter à plus tard le paiement de la charge en résultant. C’est faux, et c’est même tout le contraire. Je vais tenter de vous expliquer pourquoi, ou en tout cas de vous livrer mon analyse.
Aujourd’hui, les taux d’intérêt sont très faibles. Tout à l’heure, les taux d’intérêt à dix ans étaient de 0, 16 % et ils sont même passés sous la barre des 0, 10 % dernièrement. La semaine dernière, nous avons emprunté 10 milliards d’euros à 0, 16 % environ.
Retenons, pour simplifier notre calcul, l’hypothèse d’un taux à 0 %. Si l’on emprunte 100 sur dix ans à un taux de 0 %, que se passe-t-il ? Pendant dix ans, on ne rembourse rien et, au bout de cette période, on rembourse 100. Utiliser des souches anciennes, comme disent les spécialistes, et emprunter aujourd’hui en renouvellement de lignes soumises à un taux de 1 %, par exemple, qu’est-ce que cela signifie ? Cela veut dire qu’on vous donne une prime d’émission : vous rembourserez 90 au bout de dix ans, mais après avoir remboursé 1 chaque année auparavant. Au bout du bout, vous aurez remboursé 100, mais au lieu de rembourser tout d’un seul coup, vous aurez remboursé 1 tous les ans et la dixième année vous ne rembourserez que 90.
Selon la méthode de comptabilisation de la dette de l’INSEE, d’Eurostat et de tous les organismes respectant les normes comptables publiques communément acceptées par tous, c’est bien à hauteur de 90 qu’il faut comptabiliser la dette puisque c’est ce que vous rembourserez au bout de dix ans, et non 100.
Reporter la charge de la dette sur les générations futures consisterait à profiter des taux faibles actuellement en vigueur pour rembourser le moins possible dans les années qui viennent. La conséquence serait différente.
Pour conclure sur cette question, sachez que la plupart des pays utilisent ce dispositif, dans des volumes comparables aux nôtres. L’Espagne et la Grande-Bretagne les ont utilisés à hauteur de 1 % de leur PIB, ordre de grandeur comparable à la France, qui a souscrit pour 22 milliards d’euros de primes d’émission. Il n’y a là ni entourloupe, ni malice, ni tripatouillage ; c’est une méthode d’optimisation qui a d’ailleurs d’autres avantages sur lesquels je ne m’étendrai pas afin de ne pas allonger nos débats.
Cette explication doit être donnée aux Français, qui pourraient voir dans cette méthode une manœuvre. Or l’objectif est celui que je viens d’indiquer.
Concernant les reports, je vous renvoie au rapport de la Cour des comptes. D’ailleurs, vous l’avez dit vous-même, ils ont baissé entre 2014 et 2015. Par ailleurs, monsieur Delahaye, je vous rappelle que la dette de l’État envers la sécurité sociale a été ramenée à zéro à la fin de l’année 2015.
Enfin, vous vous êtes interrogé sur les perspectives pour les années 2016 et 2017, allant même jusqu’à vous livrer à des pronostics. Les pronostics sont toujours intéressants, mais je voudrais quand même vous rappeler que ceux que vous avez faits pour les dernières années se sont révélés inexacts : on nous a toujours dit que nous ne respecterions pas en 2014 l’objectif de 4 % que nous nous étions fixé, or nous l’avons respecté ; on nous a dit que nous ne respecterions pas l’objectif de 3, 8 % que nous nous étions fixé pour 2015, or nous avons fait mieux – ou moins mal, c’est selon – en contenant le déficit à 3, 6 %.
Pour 2016, nous avons prévu 3, 3 %, et je n’ai entendu personne remettre en cause ce chiffre. En revanche, les prévisions pour 2017 ont été contestées : dans le cadre du débat d’orientation des finances publiques pour 2017, je vous ai transmis le tableau d’équilibre, monsieur le rapporteur général. Certes, cet équilibre est obtenu au moyen de quelques recettes que vous avez l’habitude d’appeler des économies « de constatation », même si vous n’avez pas repris cette expression aujourd’hui, mais, lorsque la charge de la dette est inférieure de plusieurs milliards d’euros à ce qui était prévu, il y a lieu d’utiliser ces marges pour couvrir un certain nombre de dépenses supplémentaires, que nous assumons parfaitement, dans le domaine de la sécurité, de l’éducation, dans le soutien aux politiques en faveur du travail et de la formation – avec le plan emploi. Si vous souhaitez en critiquer ou en dénoncer certaines, libre à vous de le faire en toute responsabilité.
Monsieur Bocquet, évoquant la lutte contre la fraude, vous avez qualifié le projet de loi Sapin II de texte timoré et abordé la question du « verrou de Bercy ». Même si le débat a eu lieu lors de l’examen de ce projet de loi, permettez-moi, en tant que secrétaire d’État chargé du budget et donc concerné par ces questions, de m’exprimer à ce sujet.
Toutes les analyses démontrent que, dans la lutte contre la fraude, les administrations obtiennent des résultats plus rapides et plus importants que ceux qui sont obtenus à la suite des poursuites engagées par la justice. Et l’on sait pourquoi, vous l’avez dit vous-même : les montages étant très complexes, il faut des spécialistes pour les décrypter et la justice n’a pas forcément les mêmes compétences au sens propre du mot – ce n’est pas une critique, c’est un constat. Certes, elle est en train de les acquérir grâce à l’arrivée au Parquet national financier d’un certain nombre de fonctionnaires de Bercy, et les choses vont donc s’améliorer.
Mais, je le répète, tout démontre que, lorsque les poursuites sont exercées par l’administration fiscale, elles sont nettement plus rapides et presque toujours plus coûteuses pour les contribuables qui ont fraudé. Si vous comparez les peines prononcées par la justice et les pénalités infligées par l’administration, vous serez surpris du résultat. Je sais que vous avez beaucoup travaillé sur ce sujet, mais je vous le dis avec aplomb : les sanctions fiscales sont beaucoup plus lourdes. C’est un constat.
Il faudra probablement se pencher sur la question du non bis in idem, qui a déjà été traitée pour l’AMF et les abus de marchés, mais non pour la question fiscale. Les décisions rendues par le Conseil constitutionnel dans les affaires Cahuzac et Wildenstein, les deux plus emblématiques en la matière, confortent plutôt notre analyse sur la possibilité de recourir à un dispositif qui, certes, évoluera un peu, mais devrait rester plutôt stable par rapport au fonctionnement actuel.
Le débat est ouvert. Toutes les analyses se défendent s’agissant de la conduite à tenir : être timoré ou non. En tout cas, les résultats sont là ; en outre, un certain nombre d’affaires en cours ou à venir démontreront la vigueur du travail du Gouvernement et de nos administrations, judiciaire et fiscale, sur le sujet.