Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’ordonnance du 10 février 2016 dont le projet de loi prévoit la ratification illustre, selon nous, un acharnement à vouloir démanteler les tarifs réglementés de l’énergie et les opérateurs historiques qui sont toujours en situation de quasi-monopole – c’est bien cela qui gêne ! – malgré l’ouverture du marché de l’énergie en France. C’est également vrai pour les ELD qui desservent près de 5 % de la population.
Dans la même logique qui a imposé à EDF de vendre le quart de sa production à ses concurrents à des tarifs défiant toute concurrence, dans le cadre de la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, dite loi NOME, cette ordonnance propose un montage complexe dont l’objet affiché serait d’assurer la protection des consommateurs, alors qu’il s’agit avant tout d’accroître la concurrence là où elle n’existe pas par choix des consommateurs.
Comme cela a été rappelé, ce texte prévoit que tous les sites sans contrat de marché au 1er juillet seront affectés à des fournisseurs désignés par la Commission de régulation de l’énergie, après mise en concurrence. Le terme « affecté » a de quoi surprendre en termes de liberté contractuelle, mais il semble que nous ne soyons pas, avec cette ordonnance, à une contradiction près…
Afin d’obliger – même si l’ordonnance parle d’incitation – les abonnés, désormais appelés clients, à rechercher une offre de marché, ce mécanisme leur impose un contrat dégradé, puisque le prix payé sera majoré de 30 % par rapport aux prix usuellement pratiqués.
Il nous est dit que ce mécanisme est concurrentiel. Or, dans le même temps, il a été interdit aux fournisseurs de candidater à tous les appels d’offres. Ainsi, un fournisseur a pu ne pas remporter un lot sur lequel il avait pourtant fait la meilleure offre.
En outre, selon le rapport, même l’Autorité de la concurrence a émis des réserves sur le mécanisme envisagé, le considérant contraire aux règles de concurrence. Elle a souligné les limites d’une « répartition administrative des clients inertes », « l’incertitude des résultats et le risque juridique non négligeable ». En effet, nous constatons une rupture manifeste d’égalité en termes de tarifications selon les consommateurs.
Il est vrai que le mécanisme évite une surrémunération des fournisseurs imposés en limitant leurs marges à un niveau équivalent ou proche de celui qui est appliqué dans leurs offres de marché habituelles. Ainsi, la majoration de 30 % sera reversée pour partie à l’État, ce qui transforme les opérateurs en collecteurs d’impôt, et alimentera le budget général. Nous avions d’ailleurs envisagé de déposer un amendement pour que cette recette soit fléchée, mais il nous a été confirmé que celui-ci aurait été déclaré irrecevable.