Grâce à ce dispositif, les entreprises qui avaient choisi – mal leur en avait pris ! – de basculer vers l’offre de marché ont pu revenir à une forme de tarif réglementé plus avantageux.
N’oubliez pas que nous avons toujours été obligés d’agir pour contrecarrer les effets négatifs d’un certain laisser-faire. Plus récemment encore, nous avons même dû prendre des dispositions en faveur des électro-intensifs, pour que ces derniers ne soient pas soumis aux forces du marché et proposés à des prix qui pourraient nuire à leur activité.
Certes, à l’heure actuelle, les prix de marché sont inférieurs aux tarifs réglementés. Mais qui peut garantir que cette situation sera durable ou qu’elle est viable ?
Sur les marchés de gros, les prix sont bas et exposés à une forte volatilité, laquelle est préjudiciable aux investissements à long terme.
De surcroît, le gain que les nouveaux tarifs représentent pour les ménages n’est pas à la hauteur de la baisse des prix sur le marché.
Ce constat milite en faveur du maintien des tarifs réglementés.
Cela étant, j’en suis convaincu : à l’heure du Brexit, nous ne souffrons pas de « trop d’Europe », mais de « pas assez d’Europe ». §Nous avons besoin d’une Europe qui ne se limite pas à la formation d’un marché et à la libéralisation de nos économies. Au contraire, nous avons besoin d’une Europe plus solidaire, plus coopérative, capable par exemple, dans le domaine énergétique, d’investir à long terme et de promouvoir un autre modèle de production plus respectueux de l’environnement, donc à faible intensité de carbone.
Or, force est de le constater, il y a loin de la coupe aux lèvres !
L’Union européenne n’a pas su se doter d’outils efficaces pour promouvoir une économie bas carbone ou une décarbonation de nos économies. À l’inverse, nous avons assisté à l’augmentation de notre dépendance vis-à-vis des importations, au maintien, voire à l’accroissement du recours au charbon dans certains États membres. Parallèlement, nous avons observé des lenteurs quant à la maîtrise de la consommation et des dysfonctionnements du marché carbone.
La situation européenne a fini par devenir préoccupante aux yeux mêmes des grands groupes énergétiques du continent. En 2014, ces derniers ont lancé un appel pour qu’émerge une véritable politique commune européenne de l’énergie. D’autres acteurs ont insisté sur le fait qu’il ne fallait pas seulement donner la priorité à l’ouverture à la concurrence et à la libéralisation des marchés énergétiques, mais aussi se doter d’outils plus volontaristes que le seul marché carbone.
Les mêmes considèrent qu’en érigeant en priorité la politique de la concurrence, en accordant au marché plus de vertus qu’il n’en possède, l’Union européenne a fait l’impasse sur le projet d’une Europe durable. Certes, depuis 2014, la Commission européenne a relancé l’Europe de l’énergie. De nouvelles propositions à l’horizon 2030 ont été réunies dans le nouveau paquet climat-énergie. Ces objectifs sont connus, je n’y reviendrai pas. La France les a traduits dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Il convient de relever que notre pays a mis en place une tarification carbone assortie d’une trajectoire ambitieuse à l’horizon 2020 et 2030. Oui, la France montre l’exemple !
Le Gouvernement a raison de plaider pour l’instauration d’un corridor tarifaire, avec un prix plancher de 20 à 30 euros et un prix plafond à 50 euros, permettant une stabilisation du prix carbone à un niveau suffisamment incitatif pour réorienter les investissements vers le bas carbone. En effet, dans cette zone de prix, le charbon cesse d’être rentable. Or c’est l’une des conditions d’un retour à une croissance durable, pourvoyeuse d’emplois et socialement plus inclusive.
D’une certaine manière, l’Union européenne s’était fixé une telle ambition, sans succès hélas ! Pour renouer avec ce projet, elle doit faire preuve d’un réel volontarisme politique à même de transcender les égoïsmes nationaux.
L’Union européenne est à la croisée des chemins : il lui faut relancer le projet européen, notamment celui d’une Europe de l’énergie. Ce faisant, elle pourra garantir la sécurité de ses approvisionnements et assurer des prix compétitifs pour nos entreprises tout en préservant le pouvoir d’achat des ménages.
Les lignes bougent, on peut le dire, et je reconnais que la France a engagé une action volontariste à l’échelon européen en vue de forger une véritable politique européenne de l’énergie.
Le chemin n’est pas des plus faciles, mais nous avançons ; ce ne sont pas Delphine Bataille et Yannick Vaugrenard qui me contrediront !