Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’ordonnance que le Gouvernement demande au Sénat de ratifier aujourd’hui porte sur un sujet extrêmement important pour nos concitoyens : la fin des tarifs réglementés de vente de gaz et d’électricité pour les plus gros consommateurs particuliers et pour les clients professionnels. M. le rapporteur l’a rappelé, depuis le 1er janvier 2016, les intéressés ne peuvent plus bénéficier des tarifs réglementés.
Heureusement, le régime transitoire établi entre le 1er janvier dernier et la fin du premier semestre 2016 a permis d’apurer largement le nombre des clients dont le régime changeait obligatoirement. Néanmoins, vous le savez, environ 30 000 consommateurs doivent encore souscrire une offre de marché. C’est là l’objet de l’ordonnance qui nous est proposée aujourd’hui.
Je tiens à saluer le travail accompli par M. le rapporteur : il nous a rassurés dans une large mesure quant aux conditions d’application de ce nouveau dispositif. La protection des consommateurs sera bel et bien garantie. À l’issue de la mise en œuvre de cette ordonnance, notre pays sera quasiment en règle pour ce qui concerne la suppression des tarifs réglementés.
Des sursis ont été accordés, mais, à l’heure de franchir l’échéance des offres transitoires et compte tenu du nombre élevé de clients restants, nous nous devions d’élaborer un nouveau système pour assurer la continuité de la fourniture. Certes, qu’ils soient particuliers ou professionnels, les consommateurs concernés ont été largement prévenus en amont de ce changement de système, toutefois, il était essentiel de ne pas les pénaliser.
Il est positif d’avoir attribué à la CRE la charge de désigner les fournisseurs à l’issue d’une procédure de mise en concurrence. Les relations contractuelles entre fournisseurs et clients, en particulier les obligations des premiers à l’égard des seconds, sont clairement définies. Elles sont de nature à garantir la protection des consommateurs.
Avant d’en revenir aux questions de fond, je formulerai quelques remarques de forme. Je tiens notamment à revenir sur diverses réticences qui ont déjà été largement évoquées en commission.
D’une part, il va sans dire que l’usage récurrent des ordonnances n’est pas acceptable pour nous, parlementaires, qui sommes attachés au débat démocratique. Nous entendons les arguments de technicité ou de calendrier que le Gouvernement avance. Pour autant, les ordonnances ne sont pas satisfaisantes : elles ne nous permettent pas d’exercer notre mission de parlementaires et d’aboutir au travail transparent qu’offrirait un projet de loi débattu et largement amendé.
D’autre part, en termes de calendrier, cette ratification intervient après la mise en œuvre du dispositif de continuité de fourniture d’énergie.
Monsieur le secrétaire d’État, cette méthode n’est pas respectueuse des institutions, en particulier du Parlement. Vous le savez : notre rôle n’est pas de valider les choix opérés au préalable par le Gouvernement, il consiste au contraire à prendre part à un dialogue, une discussion, pour construire la loi ensemble.
Nous savons bien que, si cette ratification n’est pas accordée aujourd’hui, les consommateurs et les entreprises concernés seront mis en difficulté.
J’en viens au fond du sujet, à savoir la tarification de l’énergie et la fin progressive des tarifs réglementés.
À ce jour, cette suppression ne concerne que les grands comptes, c’est-à-dire les entreprises. De plus, jusqu’à présent, cette ouverture a permis une diminution des tarifs de fourniture : elle a donc eu un effet positif pour les consommateurs.
Néanmoins, on constate que ces tarifs varient, parfois de manière très importante. En résulte un facteur d’insécurité pour les entreprises : a contrario, nous le savons, ces dernières ont besoin de visibilité et de stabilité.
Pour ce qui concerne les ménages, rien n’est prévu, ni à l’échelon national ni à l’échelon européen. Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous préciser si des discussions sont en cours à cet égard ? Bien sûr, il ne faut rien précipiter sur cette question, mais il nous semble nécessaire de ne pas nous laisser prendre de vitesse. Un élargissement de l’ouverture à la concurrence pourrait être bénéfique à condition d’être préparé et encadré.
Enfin, après le Brexit, qu’un certain nombre d’orateurs ont évoqué, la construction européenne doit prendre un nouveau virage. Nous l’espérons tous. Les réflexions sur l’avenir de l’Union européenne doivent inclure le facteur énergétique. L’énergie est un domaine pour lequel une politique européenne est non seulement possible, mais souhaitable. Au demeurant, les grands opérateurs et fournisseurs d’énergie l’ont largement compris : pour leur part, ils ont déjà élaboré des stratégies européennes.
À nos yeux, il est donc essentiel que les États membres mettent en œuvre des stratégies communes en la matière, et ce dans l’intérêt des consommateurs et du développement de nos territoires.
Parallèlement, je souhaite évoquer un phénomène qui se développe, la production locale d’énergie. Cette stratégie consiste à investir en complémentarité des importantes centrales irriguant le pays, dans de plus petits sites de production locale, pour alimenter des territoires plus réduits.
Cette décentralisation de la production énergétique soulève deux questions auxquelles je souhaite que vous puissiez répondre, monsieur le secrétaire d'État. D’une part, des productions de cette nature sont-elles adaptées et en mesure de satisfaire les demandes, même locales ? D’autre part, les tarifs de l’énergie sont-ils susceptibles d’être infléchis par le développement de ces capacités de production ?
En effet, pour réaliser ces projets locaux, qui nous semblent vertueux et qui, dans la plupart des cas, sont défendus par des élus, il est bien entendu nécessaire de disposer des capacités d’investissement nécessaires.
Dans de nombreux départements, des sociétés d’économie mixte ou des syndicats d’énergie s’organisent, avec l’appui de la Caisse des dépôts et consignations ou des réseaux bancaires, pour soutenir et mettre en œuvre de tels projets de production localisée.
Selon nous, ces démarches méritent d’être étudiées : elles pourraient répondre aux problématiques énergétiques des territoires ruraux isolés.
En conclusion, les sénateurs du groupe UDI-UC voteront en faveur de cette ratification, au regard de son urgence et de sa nécessité dans l’intérêt des consommateurs !