Madame la ministre, M. François Fillon, Premier ministre, a affirmé que le projet de loi que vous présentez était « peut-être le plus important de la législature ».
Je l'aurais cru volontiers il y a quelques semaines, parce que la réforme des universités est nécessaire et qu'une loi relative à notre enseignement supérieur et à notre recherche a toute son importance.
Mais à quel prix, cette réforme ? Et avec quelle méthode et quelles priorités ? Cette loi sera-t-elle à la hauteur des difficultés auxquelles doit faire face l'université française, à savoir, d'une part, le manque criant de moyens humains et financiers et, d'autre part, les conditions de vie, de réussite et d'insertion de nos étudiants dans le monde professionnel ? Sera-t-elle à la hauteur de l'objectif essentiel que nous devons viser, c'est-à-dire la démocratisation de l'enseignement supérieur ?
Ces questions soulèvent chez moi des doutes, ainsi qu'un certain scepticisme. Comment pourrait-il en être autrement, d'ailleurs, eu égard non seulement au contexte politique dans lequel cette réforme est menée, mais aussi tout à la fois au calendrier parlementaire qui nous est imposé, aux articles de loi qui nous sont soumis et aux moyens financiers qui seront éventuellement octroyés ?
Scepticisme, disais-je, en raison tout d'abord du contexte politique dans lequel la réforme a été conduite, tambour battant, au pas de course, conformément, en quelque sorte, à l'image de sportivité que nous offre le Président de la République. Une concertation de trois semaines a été lancée mais aucun texte de travail n'a été proposé ; quelques axes devaient être développés, mais il n'existe aucun compte rendu.
Quant aux partenaires consultés, ils n'ont eu que soixante-douze heures pour prendre connaissance de l'avant-projet du Gouvernement et rendre leur copie, le jour même ? soit le 22 juin dernier ? où ce texte passait devant le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui l'a massivement rejeté.
Ce calendrier, trop serré, a conduit inévitablement à un sentiment de frustration et à une situation de blocage légitime, d'autant que la mouture présentée remettait en cause le caractère national de notre service public de l'enseignement supérieur.
En effet, alors que chacun s'accordait sur la nécessité d'une réforme, cette première mouture consacrait un recul de la démocratie dans les conseils centraux de l'université, en particulier au sein du conseil d'administration, limité à vingt membres, contre soixante actuellement. En outre, on y rendait l'autonomie optionnelle, ce qui revenait à créer une université à deux vitesses, et introduisait une sélection à l'entrée du master.
Madame la ministre, sans vouloir être désobligeant à votre égard, nous avons vu soudain le Président de la République endosser les habits d'un « super secrétaire d'État aux universités » ...