La séance est ouverte à quinze heures cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales m'a informé, par lettre en date du 6 juillet 2007, qu'à la suite de la démission de M. Maurice Blin de son mandat de sénateur des Ardennes, le siège détenu par ce dernier est devenu vacant à compter du 4 juillet 2007 et sera pourvu par une élection partielle organisée à cet effet le 26 août 2007, en application de l'article L.O. 322 du code électoral.
Je vous indique en outre qu'il sera procédé le même jour à une élection partielle dans le département de l'Hérault afin de pourvoir le siège devenu vacant, à la suite de l'élection à l'Assemblée nationale de notre ancien collègue M. André Vézinhet.
J'ai reçu :
- de M. le Premier ministre, le rapport annuel évaluant l'état de la réserve militaire en 2006 ;
- de Mme Marianne Lévy-Rosenwald, présidente du Conseil de surveillance du Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, le rapport annuel pour 2006 de cet organisme ;
- de M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l'énergie, le huitième rapport annuel de cet organisme ;
- de M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, président de l'Observatoire de la sécurité des cartes de paiement, le rapport annuel pour 2006 de cet organisme.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Ils seront transmis respectivement à la commission des affaires étrangères, à la commission des affaires sociales, à la commission des affaires économiques et à la commission des finances, et seront disponibles au bureau de la distribution.
Par ailleurs, M. Michel Prada, président de l'Autorité des marchés financiers, m'a remis le quatrième rapport annuel de cet organisme, afférant à l'année 2006.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il sera transmis à la commission des finances et sera disponible au bureau de la distribution.
Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein de la Commission consultative des archives audiovisuelles de la justice.
La commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Simon Sutour pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Mes chers collègues, lors de sa réunion du 27 juin dernier, la conférence des présidents, conformément au souhait de la commission des finances, a voulu donner toute sa dimension à l'examen de la loi de règlement du budget pour 2006, la première sous l'empire de la loi organique relative à la loi de finances.
Dans l'esprit des initiateurs de la LOLF, la loi de règlement devient un temps fort de l'année parlementaire. La culture du résultat, qui en est le ressort fondamental, conduit à privilégier le contrôle de l'exécution des crédits et l'évaluation des résultats obtenus à partir des autorisations budgétaires accordées initialement par le Parlement.
Cet accent mis sur l'exécution pourrait, d'ailleurs, ne pas être sans conséquences sur les modalités d'examen de la loi de finances elle-même.
L'an dernier, nous avions anticipé la mise en oeuvre de la LOLF en organisant des auditions en commission des finances élargie et des débats en séance publique afin que plusieurs ministres puissent être entendus sur les résultats de leur gestion.
Cette formule ayant donné toute satisfaction, la commission des finances nous a proposé de la reconduire cette année.
Par lettre en date du 4 juillet dernier, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a apporté des précisions sur les modalités d'examen qu'il proposait pour ce projet de loi, dans le cadre des orientations retenues par la conférence des présidents.
En commission élargie, les mardi 17, mercredi 18 et jeudi 19 juillet seront entendus neuf ministres.
Cela dépend de la raison de leur présence ! Si c'est pour jouer aux cartes...
Je rappelle que, de par la Constitution, les ministres sont à la disposition du Parlement !
Ces réunions « en petit hémicycle » seront ouvertes à tous les sénateurs et à la presse, et donneront lieu à une séquence de questions réponses.
En séance plénière dans l'hémicycle, le lundi 23 juillet, interviendront comme prévu deux débats sectoriels interactifs : le premier débat porterait sur la mission « Sécurité » et se déroulerait dans l'après-midi, au début de la discussion des articles, avec Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur ; le second débat aurait lieu le soir sur la mission « Culture », avec Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.
Dans chaque cas, la ministre répondrait à quinze questions réparties à la proportionnelle entre les groupes politiques, ainsi que le veut la démocratie.
Je vous ai fait distribuer, mes chers collègues, un document récapitulant l'organisation de ces deux débats.
Y a-t-il des observations ?...
Il y en aurait beaucoup, mais les faire toutes serait trop long, monsieur le président !
J'informe le Sénat que le projet de loi relatif aux libertés des universités (urgence déclarée) (n° 367, 2006-2007), dont la commission des affaires culturelles est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif aux libertés des universités (urgence déclarée) (n°s 367, 372 et 373).
Madame la ministre, mes premiers mots seront pour vous souhaiter la bienvenue la plus cordiale.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Vous êtes déjà venue au Sénat, fin juin, et voilà que vous revenez pour nous présenter un texte dont chacun mesure l'importance et la portée, puisqu'il s'agit des libertés des universités et de l'avenir de l'enseignement universitaire.
Je me réjouis également que ce projet, qui figure parmi les priorités du Président de la République et du Gouvernement, soit déposé en premier lieu sur le bureau du Sénat. Avec la commission des affaires culturelles, dont je salue le président, M. Jacques Valade,
Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.
Comme le disait Jules Ferry, le Sénat est là pour veiller à ce que la loi soit bien faite. Vous verrez, madame la ministre, qu'il se conformera à cette recommandation !
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.
Monsieur le président, je vous remercie de vos paroles de bienvenue pour mon baptême du feu devant la Haute Assemblée.
Je tiens à remercier également le président de la commission des affaires culturelles, M. Jacques Valade, ancien ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, le rapporteur du projet de loi, M. Jean-Léonce Dupont, le rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Philippe Adnot, ainsi que l'ensemble des membres de la commission des affaires culturelles et des sénateurs, de la majorité comme de l'opposition, d'avoir accepté de travailler selon un calendrier extrêmement resserré, dicté par l'urgence de cette réforme qui est tant attendue.
Je leur sais gré de la qualité des relations que nous avons nouées et des discussions que nous avons eues depuis plusieurs semaines ; je suis sûre qu'elles permettront d'enrichir, de préciser et d'améliorer le projet de loi, conformément aux engagements que vous avez pris, monsieur le président.
« Nous devons favoriser l'avènement d'universités puissantes et autonomes, appelées à jouer un rôle central dans la formation des élites et dans l'effort de recherche. L'autonomie des universités est la clef de voûte de la réforme de notre système d'enseignement supérieur. » Ainsi s'exprimait Nicolas Sarkozy, dans son livre Témoignage.
Le Président de la République s'est aujourd'hui pleinement engagé en plaçant la réforme de l'université à la première page de l'agenda du gouvernement de François Fillon.
Armer nos universités dans la compétition mondiale de l'intelligence, leur permettre de s'adapter aux besoins de la société, de s'ancrer dans leur territoire tout en s'ouvrant au monde, mobiliser chaque membre de la communauté universitaire autour d'un véritable projet d'établissement, offrir à tous nos étudiants une formation de qualité et de véritables perspectives professionnelles, tels sont les objectifs du projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter.
La réforme de l'université est une impérieuse nécessité et nul ne peut nous reprocher de la mener tambour battant, car la bataille pour conserver en France nos emplois, nos centres de décision et nos centres de recherche est déjà lancée. Or, l'université française est un lieu stratégique pour mener cette bataille. À cet égard, voilà quelques semaines, le commissaire européen à l'enseignement supérieur Ján Figel' nous a mis en garde : sans réforme profonde, les universités européennes se trouveront bientôt concurrencées par leurs homologues chinoises et indiennes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, « L'éducation est le point où se décide si nous aimons assez le monde pour en assumer la responsabilité » écrivait Hannah Arendt dans La crise de la culture. Eh bien, le monde d'aujourd'hui interpelle la France : la richesse de demain sera celle de la connaissance, de l'imagination, de la création, et notre pays ne peut plus rester à l'écart de cette ambition.
Certes, je n'ignore pas que la réforme de l'université est difficile et périlleuse ; depuis vingt ans, tous mes prédécesseurs, de droite comme de gauche, l'ont voulue ou l'ont tentée, convaincus qu'ils étaient de son caractère incontournable.
Aujourd'hui, c'est avec humilité, mais aussi fermeté, que je l'affirme et que je m'adresse à chacune et à chacun d'entre vous, quelle que soit la travée sur laquelle vous siégiez : nous n'avons plus le droit d'échouer ; le statu quo comme le renoncement seraient irresponsables, je dirais même coupables.
Disant cela, je pense avant tout à nos étudiants.
Ils sont en effet mal orientés, mal encadrés, trop nombreux à « décrocher » ou à être munis de diplômes qui ne leur ouvrent pas toujours les portes de la vie professionnelle. Ce constat est partagé par tous, et d'abord par les étudiants eux-mêmes et leurs familles.
Si près de un million et demi de nos jeunes sont aujourd'hui inscrits à l'université, deux sur trois ne l'ont pas choisi. Ils auraient préféré être inscrits ailleurs, dans une autre filière, en sections de technicien supérieur, STS, en instituts universitaire de technologie, IUT, ou en classes préparatoires. Pour nombre d'entre eux, l'échec est prévisible dès la première année.
Au total, 90 000 étudiants quittent, chaque année, l'université sans diplôme. Et la majorité des diplômés à bac + 4 recherchent encore un emploi un an après leur sortie de l'université.
Décidément, nous serions irresponsables et coupables de laisser tous ces jeunes dans une telle impasse !
Ce serait faire insulte à l'avenir d'une jeunesse qui nous a dit clairement, l'année dernière, son besoin de sens, de justice et de respect.
Ce serait faire insulte aussi à l'avenir du pays tout entier, qui risque de subir un véritable déclassement dans la bataille mondiale de l'économie du savoir.
La France connaît, en effet, une dégradation sensible de l'attractivité internationale de ses universités et de la visibilité de ses travaux de recherche. Ainsi, selon le dernier et désormais fameux classement de Shanghai, la première université française, l'université Pierre-et-Marie-Curie, occupe seulement la quarante-cinquième place.
Mesdames, messieurs les sénateurs, faut-il alors s'étonner que la France accueille encore trop peu d'étudiants étrangers en provenance des pays qui, demain, seront au coeur de la croissance mondiale ?
Faut-il s'étonner que les salaires et les conditions de travail peu incitatifs des enseignants-chercheurs encouragent, de fait, la fuite des cerveaux ?
Face à une exigence d'attractivité, qui est la condition même de l'excellence, l'université française est handicapée par des pesanteurs trop importantes. Elle est paralysée par sa gouvernance et ses modes de fonctionnement actuels, caractérisés par un manque de pilotage, de transparence et d'ouverture sur la société.
Pour illustrer mon propos, permettez-moi juste de vous donner trois exemples.
Le président d'une université est élu aujourd'hui par cent quarante personnes, parfois au terme de vingt-trois tours de scrutin.
Le conseil d'administration de l'université décide de tout, y compris de l'installation des parcmètres aux abords de ladite université, au détriment de ses missions essentielles que sont le recrutement, les formations et la stratégie de recherche.
Parfois, jusqu'à dix-huit mois sont nécessaires pour recruter un professeur.
Par conséquent, pour réformer l'université, il nous faudra accepter de rompre avec plusieurs comportements.
Il nous faudra, d'abord, rompre avec la complaisance politique qui consiste à faire croire aux étudiants et à leurs familles que l'égalité des chances, c'est le droit, pour tous, de tout faire, aussi longtemps que possible.
Ce n'est pas en laissant s'engouffrer des milliers d'étudiants dans des filières sans issue que nous donnerons à nos jeunes un enseignement de qualité, reconnu, qui leur assurera un avenir digne et une perspective d'emploi.
Il nous faudra rompre aussi avec l'indifférence politique qui nous a trop souvent conduits à jeter un voile pudique sur une situation que chacun savait explosive et à ne pas parler de l'université sous prétexte qu'il ne faut pas parler des sujets qui fâchent.
Si, actuellement, l'État français dépense chaque année 7 000 euros pour un étudiant quand il investit 10 000 euros pour un lycéen et 13 000 euros pour un étudiant de classes préparatoires, c'est aussi parce que nous avons laissé l'université, jugée irréformable, devenir petit à petit le parent pauvre de notre système d'enseignement supérieur.
Or, l'université est aujourd'hui le principal ascenseur social de ce pays, et je n'ai pas l'intention d'en faire descendre les étudiants talentueux à qui l'on n'aurait pas su donner ni le temps de la réussite ni les moyens pour la conquérir.
Mesdames, messieurs les sénateurs, dans le respect du pacte social qui lie notre pays à son université, dans le respect de ses traditions et de ses huit siècles d'histoire, la réforme que propose le Gouvernement fait le pari de la liberté et de la responsabilité, qui sont les valeurs cardinales, les principes fondateurs de notre projet politique.
Assurer la liberté et la responsabilité au coeur d'une gouvernance rénovée, voilà la première condition du redressement de nos universités. À cet égard, le texte que je vous soumets aujourd'hui permet d'y parvenir, par la mise en place d'une organisation rationnelle, fluide et transparente.
Les enseignants-chercheurs vont voir s'alléger le poids des complexités administratives, au bénéfice de leur coeur de métier, à savoir l'enseignement et la recherche, et cela au profit de leurs étudiants.
L'architecture institutionnelle des universités est maintenue, mais elle est rendue plus efficace. La définition de la politique scientifique et de formation sera dévolue à un conseil d'administration à la fois resserré et plus largement ouvert sur la cité.
Pour éclairer ce conseil d'administration dans sa prise de décision, le conseil scientifique se voit conférer une compétence consultative étendue.
Le conseil des études et de la vie universitaire verra ses champs d'expression élargis, avec l'attribution d'une nouvelle mission en matière d'évaluation des enseignements et la présence en son sein d'un vice-président étudiant.
En revanche, les pouvoirs de proposition de ces deux conseils, sources d'incessantes navettes et tractations, sont supprimés.
En outre, la mise en place, dans chaque université, d'un comité technique paritaire, destiné à devenir le lieu privilégié du dialogue social, constitue également une avancée remarquable. Cela aura pour effet de désencombrer singulièrement les ordres du jour des conseils d'administration.
Cette redéfinition et cette clarification des rôles des conseils s'accompagnent d'un renforcement de l'autorité et des compétences du président de l'université, légitimement élu, porteur du projet d'établissement, animateur d'une équipe largement ouverte sur le monde socio-économique et les collectivités locales. Il sera jugé sur ses résultats, dans le cadre d'un mandat de quatre ans renouvelable une fois.
Ce président se verra conférer un pouvoir que seul possède aujourd'hui un directeur d'IUT : celui de refuser, par décision motivée, l'affectation dans son établissement de tout membre du personnel ne correspondant pas au profil du poste.
Fortes d'une gouvernance rénovée, les universités seront enfin en situation d'assumer des compétences nouvelles. La liberté et la responsabilité au coeur d'une autonomie réelle, voilà le dynamisme indispensable que nous voulons pour nos universités.
Dès son entrée en vigueur, le projet de loi permettra aux universités de raccourcir les délais de recrutement de leurs enseignants-chercheurs, pour attirer et retenir les meilleurs d'entre eux. Dans le respect du principe constitutionnel de l'indépendance des professeurs et du statut de la fonction publique, des comités de sélection ad hoc seront créés à cette fin dans les universités, sous le contrôle du conseil scientifique de l'établissement. Cependant, pour éviter la tentation du « localisme », ils comprendront nécessairement une moitié de membres extérieurs à l'université.
Afin de soutenir les étudiants en difficulté et de permettre un meilleur accès aux ressources documentaires de l'établissement, les universités pourront désormais embaucher des étudiants sur des contrats rémunérés, pour remplir des fonctions de tutorat ou de service en bibliothèque. Ces emplois étudiants seront également bénéfiques pour leurs titulaires, qui y trouveront les conditions d'une indépendance financière sur le lieu même de leurs études.
Étape ultime de l'autonomie, d'ici à cinq ans, toutes les universités se verront confier la maîtrise pleine et entière de leur budget, pour le fonctionnement comme pour l'investissement, ainsi que la maîtrise de leur gestion des ressources humaines. Elles pourront ainsi faire appel à des contractuels français ou étrangers pour occuper les emplois de catégorie A qui n'auront pas été pourvus.
De plus, selon des règles générales fixées par le conseil d'administration, le président attribuera les primes de l'ensemble du personnel. Les obligations de service des enseignants-chercheurs pourront être modulées en fonction des besoins de l'université et des étapes de leurs parcours professionnels : devront-ils consacrer plus de temps à la recherche, ou à l'enseignement, ou encore à l'administration de l'établissement ou au suivi pédagogique des étudiants ?
Une telle souplesse dans l'organisation du travail, qui exige bien sûr une évaluation rigoureuse, est une condition indispensable pour assurer la mise en oeuvre d'une véritable stratégie d'établissement.
Enfin, aux universités qui le souhaitent, et à elles seules, l'État transférera la pleine propriété de leurs biens immobiliers, afin qu'elles puissent en faire le meilleur usage.
Toutefois, pour être durable, le déploiement d'une telle stratégie d'établissement exige une démocratie interne vivante.
Le président d'université sera tenu, chaque année, de rendre compte à son conseil d'administration du bilan de son action au regard de ses objectifs. La formation des élus étudiants et l'attribution de moyens permettant à ces derniers d'exercer leur mandat seront désormais assurées par la loi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a voulu des universités modernes, ancrées dans leur époque, capables d'intensifier leurs relations avec des partenaires publics et privés, libres de créer plus facilement des fondations qui pourront soutenir leurs projets de formation et de recherche, amplifier leurs actions en faveur de la mobilité internationale, du bien-être et de l'ouverture culturelle des étudiants.
À l'évidence, cette liberté et cette responsabilité ainsi conquises ne seront pas effectives sans un État partenaire, fermement engagé auprès de son système universitaire.
D'abord, l'État doit être le garant des missions que la nation confie à ses universités.
Le caractère national des diplômes habilités par l'État, la fixation par ce dernier des montants des droits d'inscription, le rôle dévolu aux recteurs en matière de contrôle de légalité constituent l'armature d'un service public national de l'enseignement supérieur fidèle à ses valeurs originelles.
Ensuite, l'État doit accompagner les universités dans la véritable révolution culturelle qu'elles s'apprêtent à engager.
Des audits d'organisation seront réalisés dans les établissements qui souhaitent avoir la maîtrise globale de leur budget et de leurs ressources humaines ; des formations seront offertes à leur personnel ; un état du patrimoine immobilier leur sera fourni.
Chaque année, un comité de suivi évaluera la mise en oeuvre de la réforme et accompagnera les universités pour que, dans un délai de cinq ans, elles aient toutes atteint ? c'est notre ambition ?, dans les meilleures conditions, les objectifs fixés par la loi.
Dans ce cadre, le renforcement de l'évaluation, au travers du contrat quadriennal d'objectifs et de moyens scellé entre l'État et l'université, sera le principe structurant de la mise en oeuvre de la réforme.
Enfin, l'État doit consentir un effort budgétaire sans précédent, car c'est aussi cela qui symbolise son engagement auprès des universités.
Le Premier ministre, François Fillon, a rappelé dans son discours de politique générale que l'enseignement supérieur était la priorité budgétaire de la mandature, avec cinq milliards d'euros prévus dans les cinq années à venir. Cette promesse est à la hauteur des choix stratégiques d'un pays développé qui veut investir dans l'économie du savoir.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi est un socle sur lequel nous voulons construire la nouvelle université française. Sur le fondement de l'autonomie, le Gouvernement travaille d'ores et déjà à rebâtir notre service public d'enseignement supérieur et de recherche autour de cinq premiers piliers : les conditions de la vie étudiante ; les carrières des personnels ; la gestion de l'immobilier et des équipements ; la situation des jeunes chercheurs ; la réussite en licence.
Cette année encore, les résultats du baccalauréat sont bons, et c'est une bonne nouvelle, car l'objectif qui nous a été fixé au sommet européen de Lisbonne d'amener 50 % d'une classe d'âge au niveau de la licence est loin d'être atteint. C'est pourtant une nécessité pour tous les pays développés. Nous avons besoin d'étudiants plus nombreux et mieux formés.
Que l'on me comprenne bien : j'ai tout à fait conscience que l'université doit accueillir un public très hétérogène et que le parcours scolaire des jeunes bacheliers ne les prépare pas à une formation académique de haut niveau, en tout cas pas tous et pas immédiatement. Prenons donc nos bacheliers comme ils sont, donnons-leur les connaissances et les compétences à la mesure de leurs talents et des besoins de la société.
Le Premier ministre, qui connaît parfaitement toutes ces questions, l'a rappelé dans son discours de politique générale : la réussite ou l'échec se joue dans les premiers mois de la vie universitaire. C'est pourquoi le projet de loi présenté par le Gouvernement tend à confier deux nouvelles missions aux universités, et non des moindres : l'orientation ? une orientation active ! ? et l'insertion professionnelle.
Dès lors qu'ils envisagent de poursuivre des études supérieures, nos élèves ont besoin d'une information complète et transparente, à la fois sur les exigences des formations qu'ils abordent et sur les possibilités d'insertion qu'elles leur offrent à plus ou moins long terme.
Au début de leur parcours universitaire, les étudiants doivent rencontrer de véritables équipes pédagogiques qui leur proposent une formation à la fois exigeante, respectueuse de la diversité de leurs talents et ouverte sur le monde de l'emploi.
Reconnaître l'inégalité des situations pour donner plus à ceux qui ont moins, avoir une véritable politique de formation compensatrice, ouverte sur des champs de connaissance élargis : voilà les défis qui attendent l'université de demain dans le pacte social qui la lie à la nation.
Un diplôme porteur d'espoir pour tous, accessible au plus grand nombre et qui soit un véritable tremplin vers un emploi ou vers la poursuite d'études, voilà ce que doit être la licence de demain.
C'est dans ces conditions, et dans ces conditions seulement, que l'on pourra, sereinement, faire du mastère et du doctorat les formations d'excellence dont la France a besoin, destinées aux meilleurs et aux plus motivés des étudiants français et étrangers.
L'université, en effet, a deux missions, à la fois complémentaires et, pour une part, antagonistes, car elle doit, selon l'heureuse formule d'Edgar Morin, « s'adapter à la société et adapter à soi la société». À mes yeux, il n'est question de renoncer ni à l'une ni à l'autre.
L'université doit aussi avoir l'ambition de l'excellence, d'une promotion par le mérite et le talent ; plus de la moitié de la recherche en France se fait dans nos universités, qui ont besoin de trouver, dans les rangs de leurs étudiants, les chercheurs de demain.
Ces jeunes chercheurs doivent pouvoir s'exprimer pleinement, être attendus sur les campus du monde entier et avoir envie de revenir dans les laboratoires français. Nous avons besoin d'eux, mais ils ont aussi besoin de nous, nous les responsables politiques de ce pays qui avons entre les mains une partie de leur destin.
Nous avons l'éminent devoir de leur donner la part belle, comme à l'ensemble des personnels de l'université, sans lesquels nous ne pouvons prétendre la rebâtir.
Refonder l'université est une exigence nationale qui doit s'accompagner d'une politique d'aide sociale aux étudiants plus ambitieuse et plus équitable, et, pour tous, de conditions de travail comparables à celles des grands campus du monde développé.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose sans plus tarder de retourner la célèbre phrase de Max Weber ? « la politique n'a pas sa place dans une université ! » ?, en donnant toute sa place à l'université dans le débat républicain.
Je vous soumets aujourd'hui le projet de loi relatif aux libertés des universités avec beaucoup de fierté : la fierté de porter devant vous l'ambition tout entière d'un peuple qui fait le pari de la connaissance et qui a confiance en ses élus pour faire de ses rêves la réalité de demain.
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il était une fois une longue histoire, qui a démarré au Moyen Âge, celle de nos universités. Mais ce n'est ni un conte de fées ni un récit d'avant-garde, certaines de nos universités ayant parfois du mal à se projeter dans le XXIe siècle.
Cette histoire est marquée par d'importantes transformations et de grands bouleversements, comme la loi du 12 novembre 1968, dite loi Edgar Faure, et la loi du 26 janvier 1984, dite loi Savary. Elle est aussi ponctuée de longs épisodes d'inaction ou d'actions inachevées, que je rappelle dans mon rapport écrit.
Depuis 1984, en effet, des textes successifs, les uns adoptés, les autres morts-nés, ont montré que la nation n'avait pas toujours été prête à engager la réforme pourtant nécessaire que de nombreux acteurs, y compris des universitaires, appelaient de leurs voeux.
J'avoue ma stupéfaction lorsque, me replongeant dans le rapport que notre collègue Paul Séramy avait présenté devant notre commission des affaires culturelles à la fin de 1986, j'y ai lu une description de certains défauts ou effets pervers de notre système qui continuent d'être décriés dans des termes similaires depuis vingt ans.
J'ai choisi de faire figurer, en exergue de mon rapport, une citation de Jean Monnet : « il ne s'agit pas d'être optimiste ou pessimiste, mais déterminé ». En effet, ces trois qualificatifs me semblent s'appliquer au cas présent. ; il convient de s'orienter vers le dernier.
Le pessimisme à propos de notre système d'enseignement supérieur pourrait se nourrir d'un constat partagé : nous avons des blocages à lever, des défis à relever et des décalages à combler.
Nous devons, tout d'abord, lever des blocages et des rigidités, car nos universités souffrent d'une gouvernance et d'un pilotage trop faibles, d'une autonomie toute relative, de l'insuffisante maîtrise de leurs moyens financiers, de leurs ressources humaines et du patrimoine immobilier qu'elles utilisent.
Il convient, ensuite, de relever d'urgence trois principaux défis : premièrement, le renforcement des moyens de financement, avec une nécessaire remise à niveau de la dépense annuelle par étudiant, qui passe par un effort budgétaire, mais aussi par une diversification des sources de financement ; deuxièmement, l'enjeu de l'égalité des chances des jeunes Français, qui suppose une lutte efficace contre l'échec en premier cycle universitaire et pour l'insertion professionnelle des jeunes diplômés ; troisièmement, le défi de la visibilité internationale, de l'attractivité et de la reconnaissance de la qualité de notre système d'enseignement supérieur. Cela suppose aussi d'admettre que la concurrence globale est devenue une donnée incontournable des systèmes d'enseignement supérieur.
Mais l'optimisme est aussi permis, et ce pour plusieurs raisons.
Les universités françaises ont réussi des évolutions structurelles conséquentes au cours des dernières décennies.
Le nombre d'étudiants accueillis a été multiplié par sept entre 1960 et l'an 2000.
Elles ont su mettre en place de nombreuses formations professionnalisantes : IUT, licences et mastères professionnels, formations d'ingénieurs, notamment.
Elles ont développé progressivement, depuis 1989, des relations contractuelles constructives avec l'État, dans le cadre des contrats quadriennaux d'établissement.
Elles participent activement à la construction de l'espace européen de l'enseignement supérieur et de la recherche, en particulier avec la mise en oeuvre du système licence-mastère-doctorat.
Surtout, l'optimisme peut être désormais de mise dans la mesure où les mentalités ont évolué. L'attente des jeunes et de leur famille est désormais claire : ils souhaitent bénéficier d'une meilleure orientation, d'une formation de qualité, débouchant sur un diplôme non dévalué et leur permettant une insertion réussie dans notre société et dans le monde du travail.
Enfin, notre optimisme est conforté par le courage politique qui nous permet d'évoquer aujourd'hui ces sujets.
Nous en sommes donc au troisième volet du triptyque de Jean Monnet que j'évoquais tout à l'heure : la détermination.
Je salue le fait que l'engagement du Président de la République trouve rapidement sa traduction dans le présent projet de loi et je me réjouis de rapporter ce texte devant vous, car nous attendons depuis de très nombreuses années une réforme de l'université.
Nos partenaires étrangers s'y sont employés avec succès.
Je l'ai constaté dans les différents pays où j'ai pu effectuer de courtes missions au cours de ces dernières années. À cet égard, mon rapport écrit présente une analyse comparée des dispositifs de gouvernance qu'ils ont adoptés. Je vous en livre les principales conclusions.
Les systèmes d'enseignement étrangers sont tous marqués par une évolution des modes de régulation, caractérisée par une différenciation entre des missions de tutelle stratégique, financière et administrative, d'une part, et les missions d'évaluation des établissements et des programmes, d'autre part.
S'agissant de l'autonomie universitaire, les statuts des personnels sont très divers. Ce qui apparaît déterminant, c'est l'existence de dispositifs d'incitation financière permettant de prendre en compte les efforts respectifs des personnels chargés d'enseignement et de recherche.
L'autonomie en matière d'offre de formation progresse, en France comme dans les autres pays. Une plus grande autonomie financière des établissements requiert une augmentation des fonds publics et privés alloués et, par conséquent, une diversification des sources de financement.
S'il existe également une grande disparité de situations dans l'organisation interne des établissements, on relève aussi une autonomie croissante des institutions en matière d'organisation et de gouvernance, avec une tendance internationale caractérisée par une simplification des structures institutionnelles.
L'expression des personnels, enseignants et non enseignants, et des étudiants s'effectue généralement dans des instances collégiales tournées vers des enjeux tenant à la vie universitaire et à l'organisation concrète des études.
En revanche, les pays étrangers mettent de plus en plus souvent en place des structures exécutives plus légères, permettant une réelle efficacité décisionnelle.
Enfin, la capacité d'initiative des établissements se renforce.
Ces comparaisons internationales montrent que le projet de loi s'inscrit dans un mouvement général et je crois que nous pouvons nous en réjouir.
Ce texte que le Premier ministre, M. François Fillon, qualifie de réforme « la plus importante de la législature », a pour ambition de donner aux universités françaises la capacité de remplir pleinement leurs missions et de s'adapter aux mutations du monde dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme la ministre vient de nous exposer, avec beaucoup d'énergie et une force de conviction que j'apprécie, les avancées majeures qui nous sont proposées dans le projet de loi. Il s'agit de donner à nos universités les moyens d'un véritable élan de modernisation, grâce à une gouvernance enfin réformée, à une autonomie désormais réelle et à de nouveaux leviers de financement.
Ce texte constitue une étape essentielle sur un chemin, certes, encore long. Les autres marches de cet « escalier » vers la reconquête et la reconnaissance de l'excellence de l'université française passent également, bien entendu, par un renforcement important de ses moyens de financement. Nous pouvons nous réjouir, à cet égard, de la volonté réaffirmée du Président de la République de doter le budget des universités de 5 milliards d'euros supplémentaires dans les cinq années à venir. Nous veillerons à ce que cet engagement soit concrétisé dans le projet de loi de finances pour 2008.
Je me félicite, par ailleurs, que Mme la ministre ait lancé cinq grands chantiers, qui concernent des sujets essentiels pour l'avenir des universités, des personnels et des étudiants, car le projet de loi ne suffira pas, à lui seul, à répondre à tous les défis.
À l'occasion de ces concertations, je souhaite que ne soient pas évacués des sujets tabous en France, et seulement en France. Je fais allusion à la sélection par le travail et la réussite plutôt que par l'échec. Je pense aussi à la question des frais de scolarité, liée dans mon esprit à la nécessaire refonte du système d'aides sociales pour les étudiants.
Il y a là de quoi nourrir ce que j'appellerai un « nouvel engagement national pour l'université ». Le présent projet de loi en constitue indéniablement le socle.
J'en rappelle les principaux axes.
Le texte complète les missions des universités, en leur en confiant une nouvelle, celle, essentielle, d'orientation et d'insertion professionnelle des étudiants.
Il engage une rénovation de la gouvernance des universités, laquelle repose sur quelques mesures qui seront effectives d'ici à un an : un conseil d'administration à la composition resserrée et aux compétences renforcées, qui se voit ainsi confier un rôle de stratège ; un conseil scientifique et un conseil des études et de la vie universitaire aux missions redéfinies ; la composition et les attributions de ces deux organes sont revues afin de consolider leur compétence consultative et leur rôle d'appui, en vue d'éclairer le conseil d'administration dans sa prise de décision ; un président d'université chef d'orchestre, aux compétences renforcées, ayant vocation à devenir le porteur du projet d'établissement.
Le projet de loi confère au président d'université une légitimité et une autorité accrues, par son nouveau mode d'élection notamment. En contrepartie, le fait que son mandat, fixé à quatre ans, puisse être renouvelable une fois a pour but de renforcer sa responsabilité, puisqu'il pourra ainsi être jugé sur la base des résultats obtenus.
Le texte prévoit la création d'un comité technique paritaire au sein des universités, qui sera un nouveau lieu du dialogue social.
Les universités pourront se saisir de nouvelles responsabilités et compétences, qui s'appliqueront à l'ensemble d'entre elles soit directement, soit d'ici à cinq ans. Il s'agit de la mise en place d'un budget global, incluant la masse salariale ; de la possibilité de mobiliser des sources de financement diversifiées, notamment par la création de fondations, destinées à favoriser le mécénat d'entreprises et de particuliers, et par le biais des ressources issues de la vente de biens ; d'un renforcement du pilotage, via la contractualisation avec l'État et au travers du comité de suivi chargé d'évaluer l'application des dispositions du projet de loi ; d'une gestion plus active et plus réactive des ressources humaines, en termes de recrutement d'enseignants-chercheurs et de personnels contractuels, y compris étudiants.
En outre, le texte confie au président d'université la responsabilité de l'attribution des primes du personnel et donne au conseil d'administration la possibilité de moduler les obligations de service des enseignants-chercheurs.
Enfin, l'État pourra transférer aux universités qui en feront la demande la pleine propriété des biens mobiliers et immobiliers qui leur sont affectés.
Je crois que nous pouvons partager l'ambition de ce projet de loi et souscrire à son esprit. Je vous proposerai, mes chers collègues, de soutenir l'essentiel de ses dispositions, assorties néanmoins de près d'une cinquantaine d'amendements adoptés par la commission.
Je vous précise brièvement que ces amendements tendent à compléter et à actualiser les missions du service public de l'enseignement supérieur ; à mieux asseoir la légitimité du président du conseil d'administration ; à conforter le conseil scientifique ; à lutter contre le « localisme » s'agissant de la promotion des enseignants-chercheurs ; à accorder également l'autonomie aux autres établissements à caractère scientifique, culturel et professionnel qui le souhaitent ; à renforcer les outils de pilotage et de suivi ; à rassurer les personnels et les acteurs de l'université ; à accentuer l'ouverture des universités vers l'extérieur.
La commission vous proposera aussi une modification du titre du projet de loi, qui serait le suivant : « Libertés et responsabilités des universités ». En effet, les unes ne vont pas sans les autres, et j'ai constaté avec satisfaction, madame la ministre, que dans votre intervention vous aviez associé les deux termes.
Nous étudierons, bien entendu, le détail de ces amendements lors de la discussion des articles.
En conclusion, je tiens à souligner l'esprit de dialogue qui prévaut au sein de notre commission. Je souhaite en remercier tout particulièrement son président, M. Jacques Valade, qui m'a apporté son soutien constant ainsi que ses conseils et avis éclairés tout au long de nos travaux.
Je tiens à associer à mes remerciements le rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Philippe Adnot, avec qui les échanges ont toujours été extrêmement constructifs.
Nous avons aussi développé un dialogue très stimulant et fructueux avec vous, madame la ministre. Je suis sûr qu'il se poursuivra tout au long de ce débat.
Présentant à l'Assemblée nationale, en 1968, son projet de loi d'orientation, M. Edgar Faure s'exprimait ainsi : « L'université n'est pas seulement l'affaire des universitaires, mais de la nation tout entière ». Je forme le voeu que, dans cet esprit, nous examinions ce projet de loi avec le souci sincère de l'avenir de notre pays.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Madame la ministre, je vous le dis d'entrée : nous n'allons pas bouder notre plaisir !
Tout le monde le sait, cette réforme était nécessaire et urgente.
Il est inutile d'insister longuement sur les enjeux : notre réussite dans la compétition mondiale pour la conquête de parts de marché, pour la compétitivité des entreprises et donc pour la création d'emplois pour nos concitoyens dépend de notre capacité à utiliser la recherche, fondamentale et appliquée, et à la mettre en valeur en assurant son transfert.
Cela suppose que l'innovation soit en oeuvre.
La compétition mondiale pour avoir les meilleurs chercheurs, les meilleurs enseignants et les meilleurs étudiants est une réalité. Si nous ignorons qu'aujourd'hui le marché des chercheurs, enseignants et étudiants est mondial, ...
...nous ne serons pas capables de nous inscrire dans la problématique qui est la nôtre à l'heure actuelle. Nous participons d'ailleurs à ce marché, puisque nous accueillons nous aussi, et il faut s'en réjouir, d'excellents étudiants qui viennent de l'étranger.
Madame la ministre, je n'ai pas besoin d'insister sur l'intérêt de votre texte. Vous en avez parfaitement présenté toutes les facettes et Jean-Léonce Dupont vient de procéder à un examen particulièrement intéressant du projet de loi. Je me limiterai donc à quelques remarques préliminaires avant d'indiquer les observations de la commission des finances.
D'abord, l'autonomie des universités suppose la qualité de la gouvernance, ce qui implique que le conseil d'administration soit véritablement un lieu de rencontre et d'ouverture entre le monde universitaire et le monde extérieur.
Cela suppose, madame la ministre, des personnalités extérieures choisies d'une manière consensuelle par le conseil d'administration.
Cela suppose des personnalités extérieures pleinement responsables, qui votent pour élire le président. À défaut, elles ne se sentiront pas impliqués.
Cela suppose des personnalités extérieures en mesure d'apporter leur expérience en matière de besoins professionnels et, notamment, de méthodes de gestion.
Je suis, madame la ministre, vice-président du conseil d'administration d'une université dont le président a tenu récemment à mettre en place une organisation matricielle.
Je vous laisse imaginer les questions suscitées par la présentation de cette intéressante réforme au conseil d'administration ! Eh bien, ce sont les chefs d'entreprises participant au conseil d'administration qui ont expliqué à l'ensemble de ses membres pourquoi ils avaient mis en oeuvre cette forme d'organisation dans leurs entreprises et son intérêt pour conduire des projets. Et c'est l'un des membres extérieurs qui a été chargé, par le conseil d'administration, d'engager la médiation pour expliquer l'intérêt de l'organisation matricielle dans les différents services.
Cet exemple montre que l'apport des membres extérieurs dans un conseil d'administration peut être remarquable et efficace.
C'est extrêmement important. Si la gouvernance n'est pas bonne, s'il n'est pas possible de choisir des personnalités extérieures à l'université et de retenir le meilleur manager, la réforme de l'université pourrait avoir des effets redoutables et contradictoires.
Les meilleures intentions peuvent se retourner contre nous, si nous n'y prenons garde. C'est la raison pour laquelle j'ai voulu insister sur ce point, bien qu'il relève de la responsabilité de la commission saisie au fond. Je ne déposerai donc pas, à cet égard, d'amendement au nom de la commission des finances, mais nous serons particulièrement attentifs aux vôtres, monsieur le rapporteur, et nous les appuierons.
L'autonomie de l'université suppose aussi des moyens.
L'intérêt de votre texte, madame le ministre, est qu'il prévoit les moyens, mais sans inverser l'ordre des facteurs, puisque vous avez choisi de faire d'abord la réforme structurelle et d'apporter ensuite les moyens.
M. Philippe Adnot, rapporteur pour avis. L'inverse aurait été dramatique et complètement inefficace. Prévoir des moyens sans réforme structurelle préalable pour améliorer la qualité de l'organisation serait du gâchis ; le fonctionnement pourrait éventuellement être amélioré, mais on n'attendrait jamais à l'excellence dans le rapport qualité-prix.
Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
La démarche que vous avez adoptée, madame la ministre, est la bonne et vous savez que nous vous soutenons : il faut commencer par mettre en place les structures propres à engager une dynamique vertueuse.
La souplesse et la réactivité que permet votre texte à travers la dotation globale, la gouvernance, la responsabilité dans la gestion du personnel nous donnent satisfaction et, madame la ministre, comme je l'ai dit d'entrée, nous n'allons pas bouder notre plaisir !
Une discussion générale n'a pas pour vocation de se substituer à la discussion des articles, qui nous donnera l'occasion de nous expliquer longuement. Je vais donc me contenter, madame la ministre, d'indiquer l'esprit des amendements que je présenterai, au nom de la commission des finances.
Pour accroître leur effet de levier, nous proposerons des amendements visant à compléter les excellentes dispositions, qui favorisent rapidité et souplesse, relatives aux fondations, notamment pour que ces dernières puissent bénéficier de tous les avantages fiscaux et pour faciliter les relations contractuelles. Sur ces points, nous devrions pouvoir nous rejoindre et atteindre nos objectifs.
Nous défendrons également des amendements pour améliorer les financements extérieurs, notamment en reprenant, pour l'inscrire dans le présent projet de loi, la proposition de Philippe Marini visant à autoriser les dations en faveur des universités et du monde académique, ce qui devrait permettre de dégager davantage de moyens.
Quelques amendements concerneront l'approche professionnelle : pour que la réforme réussisse, les présidents d'université doivent pouvoir s'appuyer sur d'excellents professionnels, capables de gérer les ressources humaines, de procéder à des analyses financières, de tenir des comptabilités analytiques, de faire du contrôle de gestion, etc. Grâce à la souplesse qu'il offre, le projet de loi devrait justement permettre d'adapter les contraintes financières pour assurer une bonne gestion des ressources humaines.
La France a besoin de cette réforme. Les Français le savent et ils sauront nous juger : ils n'ignorent pas que leur emploi et l'avenir de la jeunesse dépendent de notre action, maintenant. Madame la ministre, je vous le dis simplement : dans cette réforme, nous serons à vos côtés.
Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
Madame la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, je tiens d'emblée à m'associer aux paroles d'accueil qu'a formulées à votre endroit le président Poncelet et souligner à mon tour la qualité des relations que nous avons déjà établies.
Permettez-moi, tout d'abord, de vous remercier d'avoir accepté, comme nous l'avions souhaité, de déposer ce texte en première lecture sur le bureau du Sénat, reconnaissant ainsi non seulement l'expertise de notre assemblée, en particulier dans ce secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche, mais également le résultat des travaux qui ont été accomplis ainsi que les propositions émanant de la commission des affaires culturelles du Sénat.
Concernant le texte lui-même, mon premier mot sera pour dire : « Enfin ! ». En effet, faut-il le rappeler, nous attendions ce projet de loi depuis plusieurs années. « Enfin », car qui d'entre nous peut se satisfaire du mode de fonctionnement que l'État ? la France, notre pays ? a adopté depuis de trop nombreuses années pour former nos jeunes et les mettre en situation d'aborder leurs responsabilités, d'assumer les missions qui seront les leurs dans leur activité professionnelle, pour que nous assumions notre place dans la compétition internationale ?
Étrange situation qui perdure : notre pays prône l'égalité des chances pour ses jeunes tout en organisant un système qui ne garantit pas la réussite et aboutit à l'échec, à l'insatisfaction et à l'amertume des intéressés, de leur famille et de tous ceux, de bonne volonté, qui constatent l'immense gâchis de notre fonctionnement universitaire, alors que, dans le même temps, les Français acceptent un processus de sélection très sévère pour les grandes écoles ou les études médicales, sans parler des formations à bac+2 ou bac+3 -? BTS et DUT ? dont les élèves sont recrutés sur d'exigeants critères d'excellence.
Ce paradoxe n'a que trop duré. La sélection par l'échec est insupportable ; il est urgent de changer de système.
Une volonté politique a été affichée afin de faire bouger les lignes, toutes les lignes, au premier rang desquelles celle de l'université.
Je salue la détermination dont fait preuve le Président de la République pour faire entrer notre pays dans le XXIe siècle en plaçant l'enseignement supérieur au coeur de son engagement. La priorité reconnue à l'éducation et à la recherche a été clairement affichée pendant la campagne électorale et le Premier ministre a su traduire cet engagement en vous demandant, madame la ministre, de préparer, puis de présenter, en votre nom et au nom du Gouvernement, un projet de loi, qualifié de réforme la plus importante de la législature, relatif au renouveau de l'université.
Nombre de spécialistes, comme nombre de nos concitoyens, s'accordent à reconnaître qu'il s'agit là d'une chance historique pour nos universités et pour notre pays.
Il n'est que de constater les prises de position significatives formulées tout récemment. Je retiendrai tout particulièrement, parmi beaucoup d'autres, celle de Gilbert Béréziat, que l'on ne peut accuser de complaisance particulière à l'égard du pouvoir en place, incitant à l'autonomie universitaire et à la nouvelle gouvernance politique qu'il a toujours souhaitée pour l'université Paris VI Pierre-et-Marie-Curie, dont il a été le président de nombreuses années.
Ce qui nous est proposé aujourd'hui constitue un changement de modèle, car nous avons changé d'époque, la nouvelle donne, dans l'ordre économique mondial, imposant d'adapter les mentalités et les cadres juridiques d'une université encore régie par la loi Savary de 1984.
Tous ceux qui ont travaillé sur ce dossier sont, en effet, unanimes : il faut privilégier l'économie du savoir.
Le rapport Jouyet-Lévy sur l'économie de l'immatériel, publié au début de l'année 2007, prônait l'enrichissement de notre capital humain pour renforcer l'attractivité de notre pays. Les auteurs de ce rapport affirmaient l'urgence pour la France de réformer son enseignement supérieur, précisant que ce dernier devait pouvoir bénéficier de moyens financiers accrus et, dans le même temps, d'une organisation entièrement remaniée. Ils préconisaient la création, par le regroupement des établissements d'enseignement et par le renforcement de leur autonomie, de pôles d'excellence visibles au niveau national, voire mondial. Ils recommandaient, enfin, que l'organisation de la recherche publique soit rénovée dans le sens d'une concentration des moyens autour d'une dizaine de centres et d'une valorisation moderne des travaux et des résultats de la recherche française.
De la même façon, la mission commune d'information du Sénat sur les centres de décision économique, conduite par nos collègues Philippe Marini et Christian Gaudin, préconise, dans ses récentes conclusions, d'internationaliser la recherche et les universités, en prenant soin de développer des synergies autour des pôles de compétitivité.
Elle propose, en outre, au niveau des territoires, de promouvoir des écosystèmes susceptibles de s'autorenforcer en vue de faciliter les adaptations, ce qui passe, naturellement, par la réforme des universités, le renforcement des actions en faveur des chercheurs étrangers et l'amélioration de l'accueil des étudiants et des scientifiques à haut potentiel, et ce quelle que soit leur origine.
La recherche et l'université sont, en effet, étroitement liées. Il n'est pas d'enseignement supérieur de haute qualité qui ne soit nourri par une recherche de haut niveau.
Dans beaucoup de pays à fort potentiel scientifique, ce sont les meilleurs professeurs ? aux États-Unis, par exemple, les lauréats du prix Nobel ? qui enseignent dans les premières années d'université.
Les universitaires en sont parfaitement conscients.
Jean Pisani-Ferry analyse lucidement la situation actuelle, quand il écrit, à propos des dirigeants français : « Ils ont soudainement réalisé que, face à des pays émergents qui misent sur la formation, la France risquait de n'être bientôt plus qu'un pays semi-développé. Ils ont découvert que les Britanniques misaient sur l'attractivité de leurs universités pour attirer les meilleurs talents mondiaux et, éventuellement, les retenir sur leur sol. Ils ont appris que, pour un pays avancé, la qualité du système universitaire était un enjeu de croissance au moins aussi important que celle des infrastructures ».
M. Jean-Luc Mélenchon s'exclame.
C'est par l'amélioration du niveau d'éducation supérieure qu'un pays peut progresser tant au plan général que dans des secteurs en développement. L'exemple de certains pays émergents qui ont réussi est, à cet égard, significatif : l'Inde et la Corée du Sud ont gagné le pari de la croissance en développant leurs élites dans les secteurs de l'informatique ou des nouvelles technologies.
Ce projet de loi doit donc être en cohérence avec le Pacte pour la recherche et le nouveau paysage né de la loi de programme pour la recherche d'avril 2006. Il nous faut affirmer la cohérence du dispositif : la communauté scientifique bénéficiant d'ores et déjà d'un ensemble rénové, il nous faut nous efforcer de le mettre en oeuvre.
Le nouveau Haut Conseil de la science et de la technologie doit aider à décrypter l'avenir et à fixer des priorités. Ses objectifs seront mis en oeuvre à travers l'Agence nationale de la recherche, agence de moyens qui doit donner un nouvel élan et une dimension internationale à la recherche française.
Enfin, l'indispensable évaluation est confiée à l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, l'AERES, qui vient de se constituer et qui sera un instrument décisif pour assurer la compétitivité de notre enseignement supérieur, tant il est vrai qu'il n'y a pas de compétition possible sans évaluation.
Le texte que vous nous proposez va dans le bon sens, madame la ministre, et je ne reviendrai pas sur les avancées soulignées par vous-même ainsi que par nos rapporteurs.
Toutes les universités ? y compris celle de Marseille ? vont progressivement se doter de nouvelles prérogatives, de nouvelles compétences, de moyens financiers et juridiques leur permettant de remplir avec plus d'efficacité les missions qui sont les leurs et qu'elles seront amenées à redéfinir.
Les conseils d'administration vont devenir plus responsables et les présidents d'université vont pouvoir s'appuyer sur des équipes qu'ils auront choisies et qui seront en situation de définir une véritable stratégie au service de leur université en y associant toute la communauté scientifique et, au travers des personnalités qualifiées, les forces vives de leur territoire.
Le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui entérine la démarche prospective qui trace le chemin, mais nécessite d'être complété.
L'ouverture de cinq chantiers, en concertation avec la communauté universitaire, traduit l'intention qui est la vôtre de ne pas en rester là ; nous y sommes particulièrement favorables.
Les problèmes de la condition sociale de l'étudiant, de l'insertion professionnelle et de la lutte contre l'échec à l'université doivent faire l'objet de tous nos soins, et ce de façon urgente. Il nous faut, bien entendu, reconsidérer les conditions d'accès à l'enseignement professionnel et repenser son rôle dans la formation.
Si nous souhaitons atteindre l'objectif de former 50 % d'une classe d'âge dans l'enseignement supérieur, afin de permettre le renouvellement des cadres partant à la retraite, il conviendra de consolider l'ensemble de notre enseignement supérieur professionnel, c'est-à-dire d'ouvrir plus de classes de BTS ou de revoir les conditions d'accès aux STS et aux IUT pour y faciliter l'entrée des bacheliers technologiques.
Mme la ministre approuve.
Madame la ministre, vous nous avez indiqué que tous ces chantiers étaient ouverts et je souhaite qu'ils soient menés dans la plus grande concertation ; nous sommes prêts, en ce qui nous concerne, à nous y associer.
Je note avec une certaine satisfaction, à cet égard, le lancement récent des assises de l'enseignement supérieur et de la recherche qui, réunies depuis le 2 juillet à la Sorbonne, sont destinées à « débattre des enjeux majeurs d'une réforme plus globale, définir des démarches communes, peser sur la suite de cette réforme et faire émerger des convergences de la communauté universitaire et de la société civile ».
Cette démarche montre l'intérêt de ceux-là mêmes qui s'opposent ? ou qui tentent de s'opposer ? au projet de loi tendant à proposer une réforme dont ils reconnaissent la nécessité et ne peuvent arrêter le cours !
J'ai évoqué précédemment l'obligation pour notre enseignement supérieur de contribuer à animer la recherche française : l'application de textes récents va le permettre afin que notre positionnement dans la concurrence internationale soit amélioré et devienne plus visible.
Le Gouvernement vient d'annoncer des moyens supplémentaires à hauteur d'un milliard d'euros par an pendant cinq ans dont il appartiendra aux nouvelles universités, grâce à des contrats pluriannuels avec l'État, d'optimiser l'utilisation.
Les enseignants, les chercheurs, les personnels et les étudiants sont, en France, d'excellente qualité. Il s'agit de leur renouveler notre confiance, de confirmer à chacun la place qu'il doit occuper dans la nation et de fournir à tous les moyens de réaliser leurs objectifs selon une démarche plus volontariste et plus autonome.
Je voudrais souligner combien l'opération de définition, puis de reconnaissance des pôles de compétitivité régionaux a permis de rassembler territorialement les énergies et de faire travailler ensemble universités, écoles d'ingénieurs, centres de recherche, entreprises et collectivités territoriales.
La définition de ces pôles de compétitivité, leur reconnaissance par l'État, qui vient d'ailleurs d'être confirmée récemment, ce dont s'est réjoui M. le sénateur-maire de Marseille, puisqu'il en a bénéficié, ...
... ont suscité un grand élan volontariste qu'il ne faut pas décevoir.
Par ailleurs, la mise en place de pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES, va dans le sens de cette meilleure efficacité et lisibilité qui nous sont indispensables. Le présent texte favorisera à coup sûr ce type de rapprochement en permettant à chacun d'apporter sa contribution au succès de l'ensemble.
Par ailleurs, grâce à l'autonomie des universités, les réseaux thématiques de recherches avancées, les RTRA, pourront se développer, offrant un cadre de comparaison satisfaisant pour replacer la France au rang qu'elle mérite dans des classements internationaux fondés sur des critères qui, s'ils nous sont appliqués, nous déclassent irrémédiablement.
Je voudrais, enfin, redire quelle a été, et quelle est en permanence, la préoccupation du Sénat, à savoir effectuer le meilleur travail parlementaire possible, grâce non seulement à la réflexion préalable qui est la nôtre, mais également au climat de confiance et de respect mutuel qui caractérise les travaux de notre commission.
Certes, le temps nous a été mesuré au niveau de la mise en forme, ...
...mais qui peut oublier ou négliger la qualité de notre réflexion en amont et, d'une façon générale, notre compétence et notre expérience ?
Madame la ministre, mes chers collègues, si les hommes de l'Ouest que sont François Fillon et Josselin de Rohan ont, lors du débat de politique générale, cité Chateaubriand, car c'est leur culture, les hommes du Sud-Ouest, dont je suis, trouvent souvent leur inspiration chez Montesquieu. §Aussi, pour conclure, permettez-moi d'emprunter à Montesquieu ces mots qui résument si bien l'état d'esprit de la commission des affaires culturelles dans sa très grande majorité : « Les moeurs font toujours de meilleurs citoyens que les lois ».
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Faisons la loi, c'est notre rôle. Appliquons-la dans le meilleur esprit, c'est notre devoir.
Bravo ! et applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Non, mais je préfère Montesquieu à Marx !
Sourires
M. Jean-Luc Mélenchon. Et moi Montaigne à Montesquieu ? même si je ne renie pas Marx !
Nouveaux sourires
M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 75 minutes ;
Groupe socialiste, 49 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 20 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 8 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
Madame la ministre, M. François Fillon, Premier ministre, a affirmé que le projet de loi que vous présentez était « peut-être le plus important de la législature ».
Je l'aurais cru volontiers il y a quelques semaines, parce que la réforme des universités est nécessaire et qu'une loi relative à notre enseignement supérieur et à notre recherche a toute son importance.
Mais à quel prix, cette réforme ? Et avec quelle méthode et quelles priorités ? Cette loi sera-t-elle à la hauteur des difficultés auxquelles doit faire face l'université française, à savoir, d'une part, le manque criant de moyens humains et financiers et, d'autre part, les conditions de vie, de réussite et d'insertion de nos étudiants dans le monde professionnel ? Sera-t-elle à la hauteur de l'objectif essentiel que nous devons viser, c'est-à-dire la démocratisation de l'enseignement supérieur ?
Ces questions soulèvent chez moi des doutes, ainsi qu'un certain scepticisme. Comment pourrait-il en être autrement, d'ailleurs, eu égard non seulement au contexte politique dans lequel cette réforme est menée, mais aussi tout à la fois au calendrier parlementaire qui nous est imposé, aux articles de loi qui nous sont soumis et aux moyens financiers qui seront éventuellement octroyés ?
Scepticisme, disais-je, en raison tout d'abord du contexte politique dans lequel la réforme a été conduite, tambour battant, au pas de course, conformément, en quelque sorte, à l'image de sportivité que nous offre le Président de la République. Une concertation de trois semaines a été lancée mais aucun texte de travail n'a été proposé ; quelques axes devaient être développés, mais il n'existe aucun compte rendu.
Quant aux partenaires consultés, ils n'ont eu que soixante-douze heures pour prendre connaissance de l'avant-projet du Gouvernement et rendre leur copie, le jour même ? soit le 22 juin dernier ? où ce texte passait devant le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui l'a massivement rejeté.
Ce calendrier, trop serré, a conduit inévitablement à un sentiment de frustration et à une situation de blocage légitime, d'autant que la mouture présentée remettait en cause le caractère national de notre service public de l'enseignement supérieur.
En effet, alors que chacun s'accordait sur la nécessité d'une réforme, cette première mouture consacrait un recul de la démocratie dans les conseils centraux de l'université, en particulier au sein du conseil d'administration, limité à vingt membres, contre soixante actuellement. En outre, on y rendait l'autonomie optionnelle, ce qui revenait à créer une université à deux vitesses, et introduisait une sélection à l'entrée du master.
Madame la ministre, sans vouloir être désobligeant à votre égard, nous avons vu soudain le Président de la République endosser les habits d'un « super secrétaire d'État aux universités » ...
... et supprimer les éléments les plus provocants du projet de loi, à la satisfaction de l'UNEF et de la conférence des présidents d'université, afin d'éviter le pire, c'est-à-dire que les étudiants ne descendent dans la rue et que les universités ne soient fermées par leurs propres présidents !
Pour autant, si la disparition des principaux points d'achoppements du texte suscite une certaine satisfaction, votre projet de loi modifié n'emporte toujours pas une forte adhésion. Certes, ce nouveau texte, édulcoré, convient, certes, aux présidents d'université, mais force est de constater que ceux-ci ne font pas preuve d'un grand enthousiasme, alors même qu'ils réclamaient cette réforme !
Les principaux syndicats d'étudiants demeurent circonspects. Les syndicats d'enseignants s'inquiètent toujours, notamment s'agissant de la faculté laissée aux présidents d'université de recruter des personnels contractuels. Et, au bout du compte, comme le relève un syndicat : « le projet de loi n'aura reçu l'approbation d'aucune force importante de la communauté universitaire »
Madame, vous auriez pu être la ministre ayant fait aboutir la réforme des universités, mais vous avez malheureusement gâché votre chance en confondant vitesse et précipitation !
Oui, une telle réforme ne peut se mener qu'en début de législature. Toutefois, madame la ministre, comme vous l'avez reconnu vous-même lors de votre audition devant la commission des affaires culturelles, une crise sanitaire ou un attentat pourrait renvoyer aux calendes grecques la priorité absolue du Gouvernement, ainsi que les cinq chantiers pourtant essentiels pour l'avenir de notre pays. Vous disposiez d'une fenêtre de tir que vous ne retrouverez pas de sitôt.
Avec les remous suscités tour à tour par la première mouture du projet de loi et l'intervention présidentielle qui s'est ensuivie, on aurait pu penser que la leçon avait été comprise, à savoir qu'il ne faut jamais se précipiter pour réussir une réforme approuvée massivement ! Pourtant, votre gouvernement « remet le couvert » en imposant un calendrier parlementaire inacceptable et qui, je le répète, me laisse sceptique !
Votre méthode de travail ? Proposer un projet de loi rédigé à la va-vite et qui ne respecte pas le rôle du Parlement.
Protestations sur certaines travées de l'UMP.
Il ne suffit pas d'affirmer haut et fort, à l'instar du Premier ministre : « Je me fais une haute idée du Parlement » ou : « L'opposition n'est pas un adversaire mais un contradicteur nécessaire, et je le souhaite constructif ». Encore faut-il donner à cette opposition les conditions d'un travail constructif, puisque le Gouvernement est maître de l'ordre du jour !
Or, ce n'est assurément pas le cas : nous entamons la discussion de ce projet de loi alors que le rapport de la commission des affaires culturelles n'a été porté à notre connaissance qu'hier. Pire, la commission se réunira seulement ce soir pour examiner des amendements que nous ignorons toujours ! Et, pour couronner le tout, le Gouvernement déclare l'urgence sur ce texte, privant les parlementaires d'une navette législative qui constituerait pourtant une nécessité, tant ce texte, même édulcoré, reste perfectible.
L'article 21 du projet de loi en offre un exemple caricatural, puisqu'il substitue aux actuelles commissions de spécialistes un comité de sélection qui ne satisfait personne. Madame la ministre, vous souhaitez lutter contre le localisme dans le recrutement universitaire, et nous partageons cet objectif. Malheureusement, ce nouveau dispositif institue une procédure très lourde et ne correspond absolument pas au but visé. Il aurait été nécessaire d'approfondir le dialogue sur ce point, afin d'aboutir à une procédure de recrutement plus ouverte, plus juste et plus équilibrée, en évitant ainsi de dresser les corporatismes les uns contre les autres. Mes chers collègues, nous proposerons plusieurs amendements afin de remédier aux aspects néfastes du projet de loi.
Madame la ministre, vos bonnes intentions sont en train de produire les effets inverses de ceux que vous escomptiez. Vous comprendrez dès lors notre scepticisme, qui ne naît pas d'une volonté d'être des opposants bêtes et méchants. Car, non, madame la ministre, je vous l'ai affirmé d'emblée, l'université doit être réformée, c'est là une nécessité dont plus personne ne discute. Elle a besoin d'une loi d'orientation et de programmation, et il aurait fallu lui consacrer, dès ce mois-ci, un collectif budgétaire.
En effet, nous voulons contribuer à améliorer les conditions de vie et de réussite de nos étudiants, traiter de l'échec en premier cycle, de l'orientation et du suivi des étudiants, enfin faire progresser les relations entre les universités et les autres acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche. Notre rôle, dans cet hémicycle, sera de rester vigilants, afin que ces objectifs soient atteints. Nous ne voulons pas d'une loi dont la portée serait excessivement restreinte. Nous souhaitons que ce texte apporte des garanties fortes !
Proposer une loi au rabais pour prétendre avoir fait quelque chose, c'est tromper la communauté universitaire ! Madame la ministre, avec votre gouvernement, c'est « qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse ».
Qu'importent les termes de ce projet de loi pourvu qu'on fasse croire dans les médias qu'on est parvenu à une réforme forte !
Mais quel crédit peut-on apporter à la politique éducative d'un gouvernement qui, au moment même où il s'engage à accorder davantage de moyens à l'université française, supprime 17 000 postes dans l'enseignement scolaire ? Est-ce en préparant moins bien les élèves dans le secondaire que vous prétendez les faire réussir ensuite à l'université ?
La France est l'un des pays développés qui dépensent le moins pour ses étudiants, soit 1, 1 % de son PIB. Voilà l'urgence, madame la ministre !
Oui, cette urgence est d'abord et avant tout budgétaire, car tous les dysfonctionnements de notre système d'enseignement supérieur et de recherche découlent du manque criant de moyens humains et financiers.
L'urgence budgétaire commande, en premier lieu, un rattrapage des universités les moins bien dotées, les plus sous-encadrées et les plus dégradées ; il s'agit de corriger les inégalités entre les établissements avant l'absorption de toute compétence nouvelle.
La même urgence exige, en second lieu, un audit, puis une loi de programmation, afin de financer l'application des dispositions visant à transférer la propriété des bâtiments dévolus aux universités, dont la réhabilitation préalable par l'État s'impose. En effet, la situation de vétusté et d'insalubrité de nombre de ces bâtiments est notoire.
Madame la ministre, comment entendez-vous financer ces travaux massifs de remise à niveau ? La réponse à cette question ne figure pas dans le présent projet de loi. De fait, le risque est grand de voir se développer une université à plusieurs vitesses, dans la mesure où seuls certains établissements auront eu la chance de signer des contrats quadriennaux.
Madame la ministre, le projet de loi que vous nous proposez est loin de répondre à cette urgence budgétaire. Lors du conseil des ministres du 4 juillet dernier, M. Fillon a salué « l'ampleur de la révolution portée par ce texte », mais comment peut-il parler de révolution, alors que le Gouvernement ne prévoit de débloquer que cinq milliards d'euros supplémentaires d'ici à 2012, soit un milliard d'euros en plus des dix milliards du budget annuel de l'enseignement supérieur et de la recherche ? Avec donc une telle augmentation de 10 %, on est bien loin des 50 % promis par Nicolas Sarkozy durant sa campagne !
Comment le Premier ministre peut-il parler de révolution quand on sait que ce texte, qui s'appliquera dès la rentrée de septembre 2007, ne consacrera aucun euro supplémentaire aux universités avant 2008 ? Pourquoi attendre que les nouveaux crédits promis par le Président de la République soient votés lors de la loi de finances pour 2008, alors que les lois de finances rectificatives et autres collectifs budgétaires se succèdent ?
Comment peut-on parler de révolution quand MM. Sarkozy et Fillon, dans la lettre de mission qu'ils vous ont adressée, madame la ministre, annoncent que les cinq milliards seront finalement des bons points distribués aux établissements les plus méritants ?
Mes chers collègues, on marche sur la tête ! Nos universités doivent être complémentaires, non se concurrencer. La concurrence se joue en effet à l'échelle internationale. Chacune de nos universités doit être compétitive et attractive, mais nos présidents d'université et nos étudiants ne sont pas des ânes que l'on ferait avancer avec des carottes !
Madame la ministre, soit on fait de l'enseignement supérieur et de la recherche une priorité et, dans ce cas, on débloque des fonds immédiatement, soit on attend que les mois passent en douceur, ce qui est a priori la voie que vous avez choisie, celle des fausses bonnes intentions. À ce rythme, nous n'aurons ni le flacon ni l'ivresse !
Pour le groupe socialiste, une réforme de l'université réussie, c'est, premièrement, un collectif budgétaire ; deuxièmement, un travail de concertation de tous les acteurs de l'enseignement supérieur, sur le modèle des états généraux de la recherche ou des assises de l'enseignement supérieur, qui se déroulent en ce moment, afin de mener un dialogue approfondi ; troisièmement, l'élaboration d'un projet de loi de programmation voté avant la fin de l'année 2007 au Parlement.
Aussi, nous proposerons d'ajouter un article préliminaire au projet de loi, adossant ce texte relatif aux libertés des universités à une loi de programmation.
Si cet amendement venait à être rejeté, il y aurait bien une révolution, madame la ministre, mais elle n'aurait rien de positif ! En effet, ce serait la première fois que, durant une session parlementaire courte, un gouvernement institue un bouclier fiscal au bénéfice des privilégiés et, dans le même temps, ne consacre pas un centime à des dépenses d'avenir. Il s'agirait, en tout cas, d'un très mauvais signe envers « le pouvoir de la matière grise » que M. Fillon appelle de ses voeux mais auquel, à peine arrivé au pouvoir, il tourne le dos !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Madame la ministre, contrairement à ce que vous pouvez penser, je n'exagère en rien. Si j'affirme qu'à ce rythme nous n'aurons ni le flacon ni l'ivresse, c'est parce que, même si nous nous contentons d'un texte édulcoré sur la gouvernance, celui-ci reste déséquilibré.
La question est non pas d'être pour ou contre l'autonomie ? nous y sommes tous favorables ?, mais de définir quel type d'autonomie nous voulons, dans quel cadre et pour quoi faire.
Naturellement, nous souhaitons responsabiliser davantage les présidents d'université, mais c'est à condition qu'il y ait des contreparties : nous pouvons leur offrir un certain nombre de pouvoirs, mais des contre-pouvoirs doivent être prévus.
Par exemple, si l'on souhaite accorder aux présidents d'université un droit de veto sur toutes les affectations dans leur établissement, il est nécessaire, nous semble-t-il, qu'un système de contrôle des affectations soit mis en place. Il ne s'agirait que d'un avis, mais cette procédure présenterait l'avantage de rendre publiques les affectations et, ainsi, d'éviter toute décision discrétionnaire.
Trois contreparties, au moins, doivent accompagner la plus grande responsabilisation des présidents d'université : plus de démocratie interne, un renforcement de l'évaluation interne ? il faut que le président rende des comptes sur l'exécution du contrat d'établissement ? et un renforcement du contrôle a posteriori exercé par l'État.
Mais il existe un autre déséquilibre dangereux. Si, en matière de recrutement, notre système peut avoir besoin de plus de souplesse, cela concerne surtout les « hautes pointures », c'est-à-dire les chercheurs étrangers reconnus, soit un nombre de personnes limité. Aussi est-il primordial, dans ce texte, de ne pas faire l'amalgame entre les recrutements temporaires « hors normes » ou « de luxe », oserai-je dire, c'est-à-dire ceux qui sont réalisés selon des procédures spécifiques, et les recrutements définitifs.
Or le recrutement de contractuels visé à l'article 16 du présent projet de loi risque d'entraîner un déséquilibre entre les corps et un nivellement par le bas des recrutements. De plus, comme le relève la conférence permanente du Conseil national des universités, ces procédures de recrutement « portent atteinte au principe de recrutement par concours, de la collégialité et au principe constitutionnel d'indépendance des professeurs d'université ». Mes chers collègues, nous reviendrons longuement sur cette question, qui est essentielle pour nous.
Je laisse à mes collègues le soin de développer les autres enjeux que recèle ce texte.
Madame la ministre, ce texte aurait dû être non pas votre premier chantier, mais bien le dernier. Il aurait dû constituer l'aboutissement des réflexions sur les dispositifs à mettre en place pour lutter contre l'échec en premier cycle et pour la démocratisation, pour favoriser l'orientation et le suivi des étudiants.
Cela aurait eu du sens.
En effet, la première urgence d'une politique volontariste de l'enseignement supérieur, c'est la lutte contre l'échec scolaire, véritable gâchis humain et économique ! Nous aurons l'occasion d'y revenir, madame la ministre, car nous vous proposerons un amendement sur ce sujet afin d'ouvrir la discussion sur l'un des enjeux que votre texte élude.
Madame la ministre, l'ennemi de l'enseignement supérieur et de la recherche, c'est la précarité. Hélas ! votre texte et, derrière lui, votre gouvernement semblent l'ignorer.
Pour conclure, je réaffirme que nous sommes favorables à une réforme de l'université et que nous voulons participer de façon constructive à l'amélioration de l'enseignement supérieur et de la recherche. Aussi, loin de rejeter l'autonomie des universités que prévoit ce projet de loi, nous, sénateurs socialistes, déterminerons le sens de notre vote en fonction de la volonté de dialogue dont témoignera le Gouvernement.
Nous entendons obtenir des garanties concernant des points majeurs, comme la prise en compte de la réalité et de la diversité des coûts supportés par chaque université et, surtout, les dispositions ayant trait aux statuts des personnels, c'est-à-dire l'article 16. Cet article, je l'ai déjà dit, nous pose un réel problème : les procédures de recrutement qui y sont envisagées conduiront les universités à affronter des pressions politiques et économiques encourageant localisme, cooptation et mandarinat. Cela n'est pas pensable, cet article doit donc être corrigé.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà un peu plus d'un an nous votions la loi de programme pour la recherche et nous regrettions que l'université soit la grande absente de cette réforme. C'est pourquoi, aujourd'hui, nous sommes satisfaits de voir arriver ce débat sur la réforme et l'autonomie des universités, réforme tant de fois différée au cours des deux dernières décennies.
Avant d'entrer dans le coeur du sujet, je formulerai quelques observations sur les conditions d'examen du texte. Nous ne contestons nullement la rapidité avec laquelle la concertation a été menée, puisque le Gouvernement a su reporter la présentation du texte en conseil des ministres. Ce délai a permis de tenir compte des remarques de la communauté universitaire et, ainsi, d'améliorer substantiellement le projet de loi.
Toutefois, nous trouvons les conditions d'examen du texte dommageables pour la qualité du travail parlementaire. En effet, la version définitive du projet de loi ne nous ayant été transmise que jeudi dernier, une partie de nos auditions ont porté sur une version provisoire du texte. En outre, nous n'avons eu connaissance du rapport de la commission qu'hier matin. Autant dire que nous n'avons pas pu analyser avec tout le soin que nous aurions souhaité le travail de notre collègue rapporteur. Cela a une incidence sur notre capacité à déposer des amendements.
La revalorisation du Parlement, thème repris ces dernières semaines par le Président de la République et par le Premier ministre, passe aussi par des conditions correctes d'examen des textes qui sont présentés aux parlementaires. Si nous avons le temps d'étudier attentivement les dispositions, la qualité de notre travail n'en sera que meilleure, madame la ministre !
S'agissant de l'université, quel est le constat aujourd'hui ? Seuls 37 % d'une classe d'âge accèdent à la licence, alors que la moyenne de l'OCDE est de 53 %. Chaque année, 90 000 jeunes quittent l'université sans avoir obtenu de diplômes. Les débouchés professionnels ne sont pas à la hauteur. Enfin, pour trop d'étudiants, le chômage reste la seule issue.
Tout le monde s'accorde sur le diagnostic. La France a maltraité son université depuis des années : les moyens qui lui sont alloués sont notoirement insuffisants ; nos doctorants les plus brillants et nos meilleurs chercheurs quittent notre pays pour trouver des conditions de travail et des rémunérations à la hauteur de leurs talents et de leurs compétences ; le niveau de notre recherche baisse dans les classements internationaux ; nos universités manquent de visibilité internationale du fait de leur émiettement ; la formation de nos élites est assurée par les grandes écoles, lesquelles se consacrent insuffisamment à la recherche.
Or un pays qui se préoccupe de son avenir doit se soucier de ses jeunes, en particulier de leur formation.
Nous consacrons peu d'argent à la formation de nos étudiants, nettement moins que les pays avec lesquels la comparaison est pertinente. Par ailleurs, dans l'économie de la connaissance qui vient de s'ouvrir, la compétition économique mondiale se joue précisément sur le terrain de la formation, de la qualité de l'enseignement supérieur et du dynamisme de la recherche.
C'est pourquoi une réforme est indispensable pour permettre aux universités françaises d'affronter les défis de demain.
Si le projet de loi vise ? je reprends vos propres termes, madame la ministre ? à « permettre à toutes les universités d'affirmer leur excellence scientifique et [à] offrir aux étudiants les conditions d'une réussite sociale et personnelle fondée sur le travail et le mérite », je note ? vous l'avez vous-même affirmé ? que la réforme que vous nous présentez aujourd'hui concerne principalement la gouvernance et l'autonomie des modes de gestion de l'université.
Certes, ce n'est pas la grande réforme de l'université que souhaitaient certains : on l'aura remarqué, certains sujets ne sont pas traités dans ce texte. Le projet de loi contient cependant diverses mesures qui sont les prémices des réformes sur lesquelles vous vous êtes engagée. L'autonomie n'est bien qu'un outil, qu'un moyen : elle forme le socle, une première étape dans la rénovation globale de notre système d'enseignement supérieur et de la recherche.
Comme chacun sait, et comme le souligne dans son rapport notre collègue Jean-Léonce Dupont, cette réforme ne sera profitable qu'à la condition que d'autres réformes de l'université soient engagées rapidement ? lutte contre l'échec en premier cycle, revalorisation des carrières enseignantes, conditions de vie des étudiants, pour n'en citer que quelques-unes ? et que les moyens financiers soient au rendez-vous. J'y reviendrai.
L'autonomie des universités est une condition première de l'efficacité et de la réussite. Nous saluons donc les améliorations réelles que comporte le projet de loi en matière de gouvernance. En resserrant le conseil d'administration et en lui donnant une fonction plus stratégique, d'une part, en accordant au président d'université une autorité renforcée et en lui confiant un rôle plus actif dans le management de ses équipes, d'autre part, le texte donne les moyens d'un véritable pilotage des universités.
Il est, en effet, nécessaire de simplifier, de clarifier et de rendre plus efficaces les procédures de décision dans l'université. En ayant su écouter les présidents d'université et les représentants des étudiants, madame la ministre, vous avez levé les inquiétudes sur « l'autonomie à la carte », qui aurait inévitablement conduit à des universités à plusieurs vitesses. Nous espérons que le délai de cinq ans qui a été fixé permettra à l'ensemble des universités de se doter de responsabilités et de compétences élargies en matière budgétaire comme en matière de gestion des ressources humaines.
Enfin, il nous semble plus raisonnable que le transfert et la gestion des bâtiments universitaires restent optionnels et soient accordés aux universités sur leur demande, étant donné l'état inégal de ce patrimoine et la charge financière importante qu'il représente.
Sur plusieurs points toutefois, il nous semble que le projet de loi peut encore être amélioré, sans qu'en soit pour autant dénaturé l'esprit. Ainsi, si nous approuvons globalement la composition du conseil d'administration et les nouvelles missions qui lui sont confiées afin d'en faire un lieu de décision stratégique, deux questions méritent d'être posées. La première porte sur le mode de scrutin pour l'élection des représentants des enseignants-chercheurs au conseil d'administration, qui ne nous semble pas à même d'assurer une représentation pluraliste des secteurs de formation et des courants d'opinion. La seconde a trait au statut des personnalités extérieures et à leur rôle dans l'élection du président.
L'autonomie doit également se traduire par une décentralisation interne, afin que les décisions se prennent au plus près des acteurs, au sein des unités de formation et de recherche. Il convient aussi, à notre avis, de garantir une qualification académique suffisante au président de l'université puisque, en plus de détenir les pouvoirs de gestion, il exerce le pouvoir académique. C'est pourquoi, comme le demandent les représentants des enseignants-chercheurs, nous souhaitons préciser que le président de l'université est nécessairement un enseignant-chercheur.
En outre, en ce qui concerne les procédures de recrutement des enseignants-chercheurs, il nous semble utile de rassurer ces derniers en apportant plusieurs modifications au texte, afin de garantir la qualification scientifique du personnel enseignant recruté de façon dérogatoire. Nous proposerons ainsi d'exclure de cette nouvelle procédure le cas des agrégations de l'enseignement supérieur, de revoir la composition du comité de sélection nouvellement créé et de limiter le droit de veto accordé au président de l'université en matière d'affectation du personnel enseignant.
Enfin, s'agissant des facultés de médecine, nous souhaitons qu'une solution équilibrée soit trouvée qui tienne compte de leur spécificité, notamment en matière d'affectation des emplois d'hospitalo-universitaires.
L'orientation et l'insertion professionnelles, qui constituent un autre sujet essentiel à nos yeux, sont enfin reconnues comme l'une des missions du service public de l'enseignement supérieur. Nous savons que deux tiers des étudiants de première année auraient préféré être inscrits dans une autre filière et que 50 % des étudiants estiment ne pas avoir été suffisamment informés avant de choisir leur formation. D'ailleurs, près de 60 % des étudiants ne terminent pas les études qu'ils ont commencées.
En premier cycle, le taux d'échec est de 50 %. Ce chiffre, par sa globalité, cache une réalité plus complexe. Les étudiants titulaires d'un baccalauréat général réussissent leur premier cycle à l'université, puisque plus de 80 % d'entre eux passent le cap et accèdent au deuxième cycle.
Ce sont essentiellement ceux qui, après avoir obtenu un baccalauréat professionnel ou technologique, s'aventurent à l'université qui rencontrent des difficultés. C'est pour eux que l'orientation est la plus défaillante : ces bacheliers vont à l'université par défaut, sans connaître les disciplines dans lesquelles ils s'inscrivent, sans en connaître les débouchés et, surtout, sans y être préparés. Alors qu'ils se destinaient à des études courtes, ils choisissent ? en fait, ils n'ont pas le choix ! ? d'aller à l'université, seule filière non sélective de l'enseignement supérieur, puisque les IUT et les STS sont devenus des filières sélectives au même titre que les classes préparatoires.
C'est la raison pour laquelle je crois nécessaire la mise en place d'un système d'orientation active pour les étudiants qui connaissent aujourd'hui une sélection par l'échec. La volonté de renforcer considérablement la politique et les instruments d'orientation professionnelle se traduit par l'instauration d'une procédure de préinscription des étudiants pour l'accès à l'université. Elle leur permettra de bénéficier du dispositif d'information et d'orientation dudit établissement. Il est en effet indispensable d'informer les étudiants des débouchés professionnels, du type d'études, du nombre de postes, auxquels les conduisent les filières qu'ils choisissent.
Néanmoins, madame la ministre, je souhaiterais que vous nous expliquiez en quoi consiste cette procédure et en quoi elle permet de mieux orienter les étudiants, afin de rassurer ceux qui pourraient y voir une sélection déguisée. Cette politique d'orientation active proposée dès le lycée devra être un élément central du futur texte sur la lutte contre l'échec dans le premier cycle universitaire, qui est une urgence.
Le semestre d'orientation existe déjà à l'université : il vise à permettre à des étudiants de « bifurquer » quand ils se rendent compte qu'ils se sont trompés de filière ou de voie professionnelle. Il faut aller plus loin. Pourquoi ne pas envisager la terminale comme une classe préparatoire à l'enseignement supérieur, une sorte de propédeutique, c'est-à-dire une année de passage vers l'autonomie dans les études et la découverte du travail personnel ? Pourquoi ne pas s'inspirer du modèle américain où les étudiants suivent un enseignement généraliste au cours des deux premières années avant de se diriger vers les domaines pour lesquels ils démontrent une aptitude particulière ? Ce sont là quelques pistes de réflexion.
Il faut aussi considérer l'accompagnement des étudiants en première année, qui est la plus difficile. L'université manque de tuteurs, d'aides-bibliothécaires, de répétiteurs, de moniteurs, d'accompagnateurs ; tous ces services pourraient être assurés par des étudiants plus âgés. Ces soutiens rendraient également plus accueillante l'université et amélioreraient la qualité de vie sur les campus. Je note avec satisfaction que l'article 18 du projet de loi va dans ce sens en prévoyant le recrutement d'étudiants par le président précisément pour assurer ces services.
Je terminerai par le plus important, les moyens financiers. Le Président de la République s'est engagé sur une augmentation des moyens pour l'enseignement supérieur de cinq milliards d'euros sur cinq ans. C'est un engagement déjà important, même s'il ne représente pas une augmentation de 50 %, puisque le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche est de vingt milliards d'euros.
L'effort de rattrapage que nous avons à accomplir est énorme.
Vous nous l'avez rappelé, madame la ministre, notre pays investit moins que ses concurrents dans l'enseignement supérieur : il dépense moins pour un étudiant que pour un lycéen, et presque moitié moins pour un élève de classe préparatoire. Ces chiffres placent la France au quinzième rang sur vingt-trois au sein de l'OCDE.
Ce sous-investissement chronique dans l'enseignement supérieur conduit à la misère des universités françaises ? bâtiments dégradés, locaux fermés, installations sportives vétustes, services administratifs indigents, bibliothèques insuffisantes ? et aux résultats que révèlent les classements internationaux, si critiquables soient-ils.
Nous pensons qu'il serait intéressant de mettre en oeuvre un pacte d'investissement pour l'enseignement supérieur sur dix ans engageant l'ensemble des partenaires responsables, afin de porter l'investissement, par étudiant, au niveau de la moyenne des pays les plus performants de l'OCDE, ce qui signifie un objectif de doublement en dix ans. Cela sera nécessaire eu égard à la stratégie de Lisbonne, qui a notamment retenu l'objectif suivant : l'accès de 50 % d'une classe d'âge au niveau de la licence en 2010, alors que, je le disais en commençant, nous en sommes seulement aujourd'hui à 37 %.
Engager les universités sur la voie de l'autonomie, c'est aussi leur donner la possibilité d'accroître leurs ressources propres, ce qui est indispensable. À cet égard, les dispositions relatives aux fondations que vous proposez vont dans le bon sens, madame la ministre. Je tiens à ajouter que la réflexion sur les frais d'inscription des étudiants ne doit pas être taboue mais doit être engagée en complément d'une véritable refonte du système des bourses et des aides sociales étudiantes. On sait bien aujourd'hui que la gratuité pour tous est, en réalité, le plus souvent un cadeau fait aux riches. Nombre d'études le montrent.
Cet investissement massif sera en tout cas nécessaire si nous voulons entreprendre la revalorisation des carrières enseignantes et des jeunes chercheurs. Le projet de loi fait un premier pas dans cette direction en prévoyant un système de primes et des dispositifs d'intéressement. Ces dispositifs doivent permettre de conserver les chercheurs les plus brillants et d'attirer les enseignants-chercheurs étrangers dans nos universités françaises.
Par ailleurs, il est important de réfléchir à la répartition des obligations de service des enseignants-chercheurs entre les activités d'enseignement, de recherche et les tâches notamment administratives pour permettre aux jeunes docteurs de se consacrer pleinement à leurs activités de recherche.
Aux termes du projet de loi, le conseil d'administration pourra mieux répartir ces obligations. Mais ce ne sera pas suffisant : il faut réfléchir plus globalement à la place de la recherche et de l'enseignement supérieur dans notre société. Les doctorants, les enseignants-chercheurs, les chercheurs des grands organismes sont mal rémunérés en comparaison de leurs collègues américains ou européens. Un récent article a montré les difficultés auxquelles sont confrontées les universités françaises pour attirer vers elles et pour s'attacher les meilleurs d'entre eux, faute de rémunérations suffisantes.
Il s'agit donc de rendre plus attractives les carrières universitaires en améliorant les conditions de travail et en repensant les carrières enseignantes.
Il s'agit aussi de faire en sorte de valoriser les activités de recherche en France, par exemple, en reconnaissant que l'université et les grades les plus élevés qu'elle délivre sont aussi des voies de formation des élites dirigeantes de notre pays.
Dans les autres pays occidentaux, l'université et la recherche sont considérées comme la voie normale de sélection et de formation des futurs responsables de la nation.
Autant dire, madame la ministre, que nous sommes impatients de travailler avec vous dès l'automne prochain pour élaborer les textes de loi qui concrétiseront l'ensemble des chantiers que vous avez ouverts.
Nous serons aussi, comme nous l'avons dit, très attentifs à la traduction des engagements budgétaires du Président de la République dès la discussion du projet de loi de finances pour 2008. On ne saurait trop le répéter : sans cet engagement financier massif, la réforme de la gouvernance et de l'autonomie des universités ne servirait pas à grand-chose.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je veux, au terme de mon intervention, remercier les membres de la commission des affaires culturelles, son président et son rapporteur, notre collègue Jean-Léonce Dupont, de la qualité de leur travail sur ce projet de loi. C'est une prouesse quand on songe aux délais qui leur ont été impartis !
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF ainsi que sur certaines travées de l'UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le candidat Nicolas Sarkozy avait promis de considérer comme prioritaire le développement d'universités puissantes et autonomes.
Le Gouvernement tient l'engagement du nouveau Président de la République en nous présentant, dès le début de la session extraordinaire, un projet de loi qui veut donner enfin aux universités l'autonomie seule susceptible de leur permettre de jouer un rôle central dans la formation et l'effort de recherche. C'est la première étape d'une réforme ambitieuse de l'enseignement supérieur que nous attendions depuis longtemps.
Il s'agit donc de réformer nos universités. L'ensemble du monde universitaire ressent profondément la nécessité du changement, car l'organisation globale de notre enseignement supérieur a très peu évolué depuis vingt ans, alors que nos universités ont dû faire face à la massification de l'enseignement et que la mondialisation nous impose aujourd'hui de relever de nouveaux défis.
La France peut se féliciter d'avoir permis une réelle démocratisation de l'enseignement, tant secondaire que supérieur, mais trop de jeunes quittent aujourd'hui l'université dans une situation d'échec, sans diplôme, et trop nombreux sont les diplômés qui ont du mal à trouver un travail stable.
Oui, il est urgent, très urgent de mettre un terme à ce gâchis financier et surtout humain.
De plus, le sentiment prévaut que la France, dans ce domaine, n'est plus tout à fait dans la course. L'université française a perdu une partie de son rayonnement.
On peut discuter de la justesse du classement de Shanghai, souvent cité, mais quelles que soient les critiques que l'on peut adresser à la méthodologie retenue pour opérer ce classement, ce dernier révèle bien nos faiblesses et doit nous servir d'alarme. C'est non seulement l'avenir de notre système éducatif qui se joue, mais aussi le potentiel d'innovation de notre pays, sa compétitivité, ses emplois, son rang dans le monde.
Si nous voulons redonner à l'université française son prestige, il est nécessaire de lever au plus vite les points de blocage et de remettre en question la tradition centralisatrice française. Nos établissements se trouvent dans un carcan qui les empêche d'évoluer. Une partie de ce qui est essentiel pour leur vie leur échappe. Grâce au projet de loi qui nous est soumis, ils vont pouvoir accéder à l'autonomie, une autonomie qui sera surtout le moyen d'engager d'autres réformes.
Il est regrettable que notre pays ait pris du retard sur cette question, les précédentes tentatives législatives n'ayant pas abouti. Certains ont voulu voir dans l'autonomie la concurrence entre universités et un risque de développement inégalitaire. Pourtant, partout dans le monde, le succès des systèmes publics d'enseignement supérieur repose sur des universités autonomes. Faut-il craindre le jeu de la concurrence au point de demeurer dans un système archaïque, faussement égalitaire, mais parfaitement bureaucratique ? Je pense, par exemple, à nos longues procédures de recrutement des personnels, déconnectées des besoins réels. Dans un monde de compétition, il faut de la mobilité, une adaptation constante, que les systèmes centralisés ne permettent pas.
Lorsque l'on vise l'efficacité, il faut faire confiance à l'esprit de responsabilité. J'observe que cette vérité semble enfin largement reconnue. Il faut s'en réjouir. Madame la ministre, votre projet de loi initial tendait à proposer aux universités d'opter pour un régime d'autonomie, d'oser l'autonomie. Vos interlocuteurs syndicaux, qui furent aussi nos interlocuteurs lors des auditions auxquelles a procédé la commission des affaires culturelles, ont exigé l'autonomie pour tous, et vous la leur accordez. Je m'en réjouis, bien évidemment. Quelle belle évolution !
Pour que nos universités accèdent à l'autonomie, se pose, tout d'abord, la question de la gouvernance, car le développement des responsabilités suppose que ces dernières puissent être correctement exercées.
Actuellement, la gouvernance de nos universités est pour le moins atypique, si on la compare à celle de leurs homologues étrangers ou aux grandes écoles françaises.
Tout d'abord, le conseil d'administration, en comprenant de trente à soixante membres selon l'établissement, ne peut être une véritable instance de décision ; il aborde de nombreux sujets, d'une importance variable, ce qui le ralentit et dissuade rapidement les personnalités qualifiées d'y participer.
Le président de l'université, quant à lui, est désigné par une assemblée qui rassemble les trois conseils : conseil d'administration, conseil scientifique, conseil de la vie universitaire, soit entre soixante-dix et cent quarante membres ! Par conséquent ? vous l'avez rappelé ?, il faut parfois attendre plusieurs mois et jusqu'à une vingtaine de tours de scrutin pour connaître le nom du président.
Le mandat de ce dernier n'est pas renouvelable, ce qui réduit l'implication qu'il peut avoir dans les projets de l'établissement et empêche le suivi d'une ligne directrice. Il dispose de pouvoirs limités, qui ne lui permettent pas de jouer totalement son rôle exécutif ; il en résulte une prise de décision lente et un manque de cohérence de la politique de l'université.
Certes, le système est perçu comme démocratique, mais il manque d'efficacité et n'est pas concurrentiel. L'université, qui a pourtant pour elle sa masse et la qualité de sa recherche, voit souvent sa position minorée, du fait même de son absence de réelle stratégie. Il n'est pas rare que, lors d'une discussion avec une collectivité territoriale, le directeur d'une petite école d'ingénieurs pèse, de fait, plus lourd que le président d'université. La réactivité de la gouvernance des écoles est un avantage concurrentiel indéniable, et ce qui est vrai au plan national est encore plus éclatant au plan international.
Le projet de loi fait du conseil d'administration un organe stratège, resserre sa composition, tout en respectant les grands équilibres qui assurent la participation des enseignants-chercheurs, des étudiants et du personnel. Cette instance sera plus ouverte sur le monde extérieur, en particulier sur les entreprises, employeurs des futurs diplômés, et sur la région, qui était la grande absente du conseil d'administration. Je m'associe d'ailleurs au souhait de la commission des affaires culturelles de prévoir un représentant supplémentaire des collectivités territoriales, tant l'implication des acteurs locaux est décisive.
De ce point de vue, permettez-moi de formuler une mise en garde contre une composition qui ignorerait, peut-être, la représentation des antennes au niveau des collectivités territoriales. La France, qui a su développer les sites universitaires de proximité, s'est en effet ainsi dotée d'un atout supplémentaire. C'est également un atout pour la démocratisation. Il faudra veiller à ce que l'évolution proposée ne se traduise pas pour les villes moyennes par une difficulté à faire reconnaître la place de leur enseignement supérieur dans le dispositif français.
En outre, les comités techniques paritaires devraient constituer le lieu privilégié d'un vrai dialogue social.
Le président, élu par le conseil d'administration, sera porteur d'un projet pour l'université et aura un rôle d'animateur d'équipe, avec davantage de légitimité et d'autorité. Une tendance internationale forte consiste à recruter comme président une personnalité ayant fait la preuve d'un grand talent de manager, sans exigence de nationalité ni d'appartenance au corps des enseignants-chercheurs. Je me réjouis que nous soyons aujourd'hui dans une logique de résultats. Une gouvernance solide inspirera confiance à toutes les parties prenantes, qu'il s'agisse des étudiants, des pouvoirs publics centraux et locaux ou des entreprises.
Exclamations sur certaines travées du groupe socialiste.
Dans notre pays, certaines formations universitaires ont déjà tenté de s'émanciper des règles de gouvernance. Ainsi, les IUT, les écoles d'ingénieurs attachées à une université ou les instituts spécialisés ont réussi à obtenir certaines dérogations en matière de gouvernance. Relevons, par exemple, des droits d'inscription plus élevés, des instances dirigeantes quasi autonomes ou encore une sélection à l'entrée, comme celle qui est pratiquée à l'université de technologie de Compiègne ou à l'université Paris IX-Dauphine. Si le projet de loi ne saute le pas ni de la sélection, ni du droit d'inscription, il permet néanmoins des avancées importantes en donnant de nouvelles responsabilités aux universités, et tout d'abord en matière financière, avec l'établissement d'un budget global.
Ensuite, en matière de gestion des ressources humaines, les universités pourront recruter l'ensemble de leurs personnels, y compris le personnel administratif et les enseignants, avec la responsabilité de le faire au rythme de leurs besoins. Je me réjouis de cette avancée, car la gestion des personnels et le choix des candidats étaient soumis à une grande rigidité.
Enfin, les universités acquerront des responsabilités en matière de gestion de leur patrimoine, notamment immobilier. Concernant ce dernier point, je souhaite attirer votre attention sur l'état médiocre de nos établissements, qui sont même quelquefois hors normes de sécurité, et je souhaiterais entendre vos propositions, madame la ministre, puisque les conditions de travail à l'université seront l'un de vos prochains chantiers.
En obtenant la gestion de leur parc immobilier, nos universités vont gagner en souplesse, mais elles devront également réaliser un travail considérable, ce qui implique des risques financiers importants. Il faudra être particulièrement attentif aux difficultés des plus petites universités.
Je souhaite maintenant évoquer les ressources dont vont disposer nos universités.
L'enseignement supérieur et la recherche doivent être une priorité budgétaire de l'État. Les membres de mon groupe ont noté avec satisfaction l'engagement pris par le Président de la République d'augmenter le budget qui leur sera consacré de manière très importante, c'est-à-dire de 50 % sur cinq ans, soit cinq milliards d'euros.
Mais il serait illusoire de prétendre que le financement public peut permettre à lui seul de régler le problème du sous-financement des universités françaises.
Il est indispensable de diversifier les sources de financement pour augmenter significativement les moyens alloués à l'enseignement et de stimuler les financements privés sous toutes leurs formes. Par exemple, les universités françaises ne proposent pas, ou trop peu, de formations ou de cours payants en ligne, de locations de salles, de chaires d'entreprise.
Les donations sont particulièrement réduites par rapport à celles que l'on peut observer, notamment, aux États-Unis. Je me réjouis donc que ce projet de loi vise à développer le mécénat d'entreprise et à permettre aux universités de créer des fondations qui bénéficieront de conditions fiscales favorables.
J'évoquerai maintenant un autre point sur lequel j'aimerais vous entendre vous exprimer publiquement, madame la ministre.
À juste titre, vous avez déploré le recul de l'attractivité des universités françaises. Certes, nous accueillons encore de nombreux étudiants étrangers. Et il est normal que les étrangers boursiers du gouvernement français soient accueillis dans nos universités aux mêmes conditions que les étudiants français.
Mais l'enseignement supérieur, dans un monde globalisé, est devenu un marché concurrentiel. Des étudiants étrangers, auxquels nous ne sommes redevables en rien, pourraient trouver intérêt à venir étudier à leurs frais chez nous, si nous savons dispenser des enseignements reconnus internationalement et, aussi, les accueillir dans de bonnes conditions matérielles.
Dans certains pays ? je pense en particulier à l'Australie ?, l'accueil à titre onéreux d'étudiants étrangers est devenu un élément important de la balance commerciale. Sans aller jusque-là, nous devons avoir la volonté d'attirer et de former. Notre résolution d'améliorer notre rang dans le classement de Shanghai trouve là aussi sa raison d'être. Mais il est temps de le vouloir très fortement, car il s'agit d'un élément essentiel du rayonnement futur de la France, qui doit se convertir, pour nos universités aussi, en ardente obligation.
Comme vous l'avez souligné, madame la ministre, l'autonomie des universités est nécessaire mais pas suffisante. En lançant la concertation sur la réforme de l'enseignement supérieur, vous aviez résumé ainsi le problème : « L'autonomie, d'accord ! Mais pour quoi faire ? »
Le texte que nous allons adopter permettra de réformer en profondeur le système universitaire, autour des cinq chantiers que vous avez décrits. C'est avec confiance que nous vous apporterons notre soutien.
Nous serons particulièrement attentifs aux solutions qui pourront être envisagées pour remédier à l'échec constaté dans le premier cycle universitaire : en 2004, seulement 47 % des étudiants de première année sont passés en deuxième année, alors que 28 % redoublaient et que 24 % sortaient du système universitaire. Au total, seuls 59 % des étudiants français entreprenant des études universitaires les achèvent avec un diplôme, ce qui représente onze points de moins que la moyenne des pays de l'OCDE.
Il sera donc essentiel, comme vous l'avez expliqué, madame la ministre, de revoir totalement la question de l'orientation et de l'information. Pour corriger très en amont les mauvaises orientations, il est indispensable d'améliorer l'information des lycéens et des étudiants, de mieux définir les parcours de formation et d'insertion professionnelle et d'amplifier les échanges entre les acteurs du second degré et des universités.
Lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, j'avais d'ailleurs proposé au Sénat d'adopter un amendement au rapport annexé, qui visait à prévoir que « les universités et les établissements d'enseignement supérieur font connaître les acquis préalables qu'ils estiment nécessaires à la réussite des étudiants dans les filières dont ils ont la charge. Ces informations sont portées à la connaissance des lycéens. »
Hélas, le rapport annexé a été supprimé pour des raisons de procédure par le Conseil constitutionnel, et le problème demeure. Il nous faut maintenant le régler, dans l'intérêt des étudiants et de la nation.
Madame la ministre, votre projet de loi est nécessaire. Il marque le début de la reconstruction de notre enseignement supérieur. Le groupe de l'UMP, soyez-en sûre, vous accompagnera avec détermination dans cet indispensable effort.
Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord féliciter M. le rapporteur, ainsi que l'ensemble de la commission des affaires culturelles et les orateurs qui se sont succédé à cette tribune. Je pense en particulier à M. Legendre, qui a précisément mis l'accent sur l'urgence et la nécessité d'un tel texte.
La réforme des universités, c'était l'Arlésienne ! Pour l'essentiel, la situation actuelle remonte aux turbulences de 1968, avec la loi Faure, dont les principales dispositions se sont retrouvées dans la loi Savary.
Avec le texte élaboré par François d'Aubert, et repris, sur mon initiative, par la commission des affaires culturelles du Sénat, puis par Claude Allègre, nous avons essayé d'ouvrir une nouvelle voie.
Par ailleurs, l'an dernier, à l'occasion de l'examen du projet de loi de programme pour la recherche, un certain nombre de points ont été évoqués. Nous avions, en particulier, présenté un amendement visant à expérimenter une gouvernance nouvelle des universités. Malheureusement, le ministre de l'époque a écarté cette possibilité d'expérimentation, au motif que le texte n'était pas consacré aux universités. Nous aurions pu démontrer que cette voie est particulièrement intéressante dans les universités ayant mis en place un pôle de recherche et d'enseignement supérieur, dispositif comparable aux formules adoptées par nos partenaires étrangers.
Bien que la compétition internationale se soit accrue, notre système éducatif reste attractif, car il possède une éthique, des valeurs, des compétences et suscite des dévouements que beaucoup nous envient. Cependant, il n'a ni souplesse, ni lisibilité, ni capacité de libérer les énergies et de faciliter l'émergence d'équipes. Il faut avoir, comme moi, participé à des conseils de perfectionnement dans des écoles et à des conseils d'université pour savoir que ces structures n'ont rien à voir entre elles ! C'est le jour et la nuit !
D'un côté, il y a un véritable pilotage, de réelles capacités d'action ; de l'autre, au contraire, on ne fait que bavarder pendant des journées entières. Ce n'est donc pas la peine de chercher à y intégrer des personnalités extérieures, car, bientôt dégoûtées, elles cessent progressivement de participer à des discussions sans fin où elles ne se sentent pas à leur place parce qu'il n'y est jamais question de stratégie.
Or voici enfin un texte consacré aux stratégies ! Il est d'autant plus nécessaire que, si différents phénomènes tels que l'émergence de la Chine, de l'Inde, du Brésil, de l'Afrique du Sud, la puissance financière des pays du Golfe, la menace pour l'économie mondiale du déficit structurel du commerce extérieur américain, renforcent un certain nombre d'inquiétudes, ils font également naître des opportunités, en particulier pour notre enseignement supérieur et pour l'attractivité de la France et de l'Europe.
L'évolution vers un monde multiculturel et multipolaire, la naissance de nouvelles priorités, notamment en matière de développement durable, de coopération européenne renforcée et de coopération euro-méditerranéenne, voilà des opportunités phénoménales dont le Gouvernement a compris l'importance et qu'il nous faut saisir. C'est dire si libérer les énergies est urgent et indispensable !
Certains, à juste titre, se sont plaints que le Parlement n'ait pas disposé de beaucoup de temps pour examiner ce texte. Mais faut-il attendre une autre rentrée universitaire ? Ce n'est pas pensable, d'autant moins que le présent projet de loi sur la gouvernance des universités n'est qu'un premier pas, qui sera suivi d'autres.
Il fallait bien commencer, et tous ceux qui s'intéressent à l'université et qui sont en contact avec l'institution sont d'accord pour reconnaître qu'il fallait commencer par là. C'est ainsi que ce projet de loi se fait l'écho d'une demande formulée de longue date par la conférence des présidents d'université, laquelle a été auditionnée à différentes reprises par la commission des affaires culturelles. Quant à l'Académie des sciences, voici en quels termes elle a formulé son avis s'agissant des universités : « Il faut leur assurer une gouvernance rénovée qui donne une place importante aux enseignants-chercheurs de haut niveau, et aux personnalités extérieures dont le nombre devrait être significativement relevé, pour leur permettre de mener une stratégie à long terme, tout en laissant une place suffisante aux représentants des étudiants et des diverses catégories de personnels qui devraient être élus au scrutin uninominal. À cet égard, il est essentiel que le président de l'université soit élu par l'ensemble des membres du conseil d'administration. »
Ainsi, à juste titre, me semble-t-il, l'Académie des sciences récuse le mode d'élection du conseil d'administration prévu par le projet de loi en évoquant un scrutin uninominal. Le scrutin de liste est, à mon sens, inadapté pour le collège des professeurs, maîtres de conférences et assimilés. Je crains qu'il ne conduise un certain nombre d'universités à devenir prisonnières d'une minorité très active.
Tout le monde comprendra que je vise ici les personnes qui, par dogmatisme, n'aiment ni l'excellence scientifique ni l'innovation. Certaines, en effet, sont réfractaires à l'idée même d'excellence, qui leur paraît antidémocratique, car insuffisamment égalitariste, et réfractaires à la notion d'innovation, qui leur semble, et ils n'ont pas tort, liée à l'utilisation par le monde économique et la société des résultats des recherches fondamentale et appliquée.
Toutefois, si une telle dérive est à craindre, elle n'est pas l'objet du présent projet de loi. Elle pourrait cependant en être une conséquence perverse, si le scrutin de liste donnait la majorité à ces dogmatiques.
Un tel effet pervers se retournerait d'ailleurs contre les usagers, c'est-à-dire contre les étudiants. Les universités concernées, faute d'accéder à l'excellence et d'attirer les meilleurs esprits, ne pourraient que devenir moins attractives aux yeux des étudiants. Seuls seraient pénalisés ceux dont les familles ne peuvent se permettre de supporter les frais que représente un changement d'université. Il s'agirait donc d'une dérive antidémocratique. Au nom de la démocratie véritable, je regrette cette disposition.
J'évoquerai maintenant les opportunités qu'il nous faut saisir et la nécessaire attractivité de l'université.
Il faut que notre système universitaire s'apprête à jouer de nouveau un rôle majeur au niveau international. Il est en effet nécessaire de développer l'attractivité de la culture française dans le monde.
Je voyage beaucoup pour mener diverses études sur le développement durable et favoriser la création d'un espace européen de l'innovation, sujet sur lequel j'ai d'ailleurs été chargé par la Commission européenne de préparer un mémorandum. Quel est le constat ? Partout, aux Indes, au Danemark, en Catalogne, en Bavière, à Berlin, à Shanghai, à Londres, à Milan, partout, donc, grandit l'intérêt pour ce qui se passe en France.
C'est que, effectivement, il se passe quelque chose dans notre pays, grâce aux pôles de compétitivité, grâce aux technopoles françaises, grâce aux nouvelles structures telles que les PRES, les RTRA, les instituts Carnot. Bref, un ferment d'innovation traverse toutes nos régions, suscitant dans le monde entier un intérêt croissant pour notre enseignement supérieur, d'autant que l'image des États-Unis s'est quelque peu ternie.
Je pense en particulier aux difficultés liées à l'obtention d'un visa. Mais il faut compter aussi avec une volonté de multiculturalisme.
Aussi bien pouvons-nous disposer aujourd'hui des compétences de haut niveau, scientifiques, techniques, économiques ou médicales, en ce qui concerne tant les enseignants en année sabbatique que les étudiants en master ou en doctorat, qui nous permettront de renforcer notre attractivité, à condition toutefois de faire des efforts en ce sens.
S'agissant de l'Europe du Sud, nous avons de grands projets conjoints avec nos amis grecs, italiens et espagnols. Ces derniers nous permettront de mettre en place une politique de rayonnement autour de ce qui fut la capitale intellectuelle du monde, à savoir la Méditerranée.
J'en viens au problème des infrastructures qui sont nécessaires pour le rayonnement de nos universités.
Aux États-Unis, les grandes universités ont des Guest Houses ou des Faculty Clubs. En France, pour le moment, de telles structures d'accueil sont rares ; une est en construction à Sophia Antipolis, sans doute parce que nous avons là-bas fait la preuve que les efforts étaient payants en termes d'attractivité internationale, dans la mesure où nous attirons sur place des milliers de cerveaux de tous les pays du monde.
Pour être en mesure d'offrir à tous le gîte et le couvert ? Primum vivere, deinde philosophari ?, il faut des lieux d'accueil spécifiques. De tels clubs ? résidences spécialisées, avec des salles de séminaires et de restauration collective ? sont nécessaires auprès de chaque système universitaire et de recherche publique et privée.
Dans le cadre des projets État-régions, avec l'appui de la Caisse des dépôts et consignations et, le cas échéant, de fondations, cette question, certes bien terre à terre, du gîte et du couvert, est en réalité inhérente à une stratégie offensive nouvelle de l'enseignement supérieur français dans le cadre d'une mondialisation maîtrisée.
En outre, madame le ministre, vous ouvrez un certain nombre de chantiers, notamment sur la vie étudiante. Bravo ! C'est sur cette évocation que je terminerai, en précisant que la majorité du groupe du RDSE votera ce projet de loi.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en premier lieu, on peut s'interroger sur le caractère prioritaire de ce projet de loi.
Avant d'aborder les questions de l'organisation et de la gouvernance de l'université, il aurait été bon que le Parlement puisse débattre des finalités et des enjeux de l'enseignement supérieur dans sa totalité. Ces questions essentielles, qui dépassent très largement le seul cadre de l'université, méritaient d'être au centre des réflexions. Autrement dit, il aurait été sage de définir le fond avant la forme, même si la forme, je vous le concède, madame la ministre, c'est le fond qui remonte à la surface !
Sourires
Par ailleurs, le premier problème de l'enseignement supérieur est non pas son mode d'organisation, mais bien le taux élevé d'échec à l'université. La première « brique » législative de la vaste réforme de l'université annoncée par le Gouvernement aurait dû être consacrée aux réponses susceptibles d'améliorer significativement les chances de succès de chaque étudiant, sans oublier, naturellement, l'ampleur et la diversité des problèmes auxquels est confrontée l'université : taux d'échec élevé des étudiants en premier cycle, difficultés d'insertion professionnelle pour de nombreux jeunes diplômés de l'enseignement supérieur, baisse significative des effectifs dans les disciplines scientifiques, insuffisance du nombre d'inscrits en master de recherche ? particulièrement préoccupante pour l'avenir de notre pays ?, manque de visibilité au niveau international, et je ne parle pas de la vétusté de ses locaux et de l'indigence de ses moyens.
Tout cela appelait des mesures d'urgence.
Pour répondre à la crise du système de l'enseignement supérieur et de la recherche, il fallait une réforme ambitieuse, susceptible d'impulser un nouvel élan au service public des universités. Le Gouvernement s'était d'ailleurs engagé à faire de cet enjeu « la réforme la plus importante de la législature ». Mais nous sommes encore bien loin du compte, même si ce projet de loi comporte quelques dispositions intéressantes.
Toutefois, ce texte n'est pas anodin. Il s'inscrit pleinement dans une perspective de refonte de l'enseignement supérieur et de la recherche s'appuyant sur une vision étroitement utilitariste que dessinait déjà le Pacte pour la recherche.
Cela dit, l'autonomie peut contribuer à l'émergence d'une université du XXIe siècle. Encore faut-il que cette autonomie ne contredise pas la gestion collégiale et démocratique de l'université. De même l'autonomie des établissements ne doit-elle pas exister dans un cadre national où chaque université est soumise aux mêmes règles et dispose des moyens nécessaires lui permettant de mener ses missions à bien. Si le terme « autonomie » fait consensus, pour les universités comme pour les organismes, le contenu que chacun y met est très variable...
Renonçant à élaborer, avec l'ensemble de la communauté universitaire, un projet global intégrant toutes les composantes tant de l'enseignement supérieur ? universités, grandes écoles, IUT, STS ? que de la recherche ? universités et organismes de recherche ?, le Gouvernement a choisi de soumettre au Parlement plusieurs textes thématiques, qui ont été qualifiés tout à l'heure de « chantiers ».
Le premier, qui est consacré à la gouvernance et aux nouvelles compétences de l'université, et qui a été rebaptisé à la dernière minute « projet de loi relatif aux libertés des universités », a, de toute évidence, été rédigé à la hâte, sans donner du temps au temps. Et que dire de l'urgence déclarée pour ce texte... On est loin de la volonté affichée de revaloriser le rôle du Parlement !
La détermination de la conférence des présidents d'université, des étudiants et des personnels de l'université aura permis d'amender significativement un texte qui, dans sa première mouture, était désastreux en même temps qu'il était révélateur.
L'autonomie optionnelle aurait indéniablement renforcé les disparités dans un système d'universités qui est déjà à plusieurs vitesses. Le paysage universitaire aurait été alors constitué de quelques rares pôles d'excellence, richement dotés, existant aux côtés de nombreux établissements de second rang contraints, au quotidien, à gérer la pénurie.
Si l'émergence d'un système extrêmement concurrentiel demeure toujours possible, l'intervention de la communauté universitaire aura permis de placer quelques garde-fous pour prévenir d'éventuelles dérives vers une telle organisation de l'enseignement supérieur. Elle aura permis d'en préserver le cadre national et le caractère indivisible. Le monde universitaire aura réaffirmé avec force que, pour reprendre les termes de la conférence des présidents d'université, « toutes les universités ont vocation à atteindre l'excellence ».
Cela étant, on ne répétera jamais assez que l'un des enjeux de toute réforme de l'université, c'est la réussite des étudiants. Je regrette que cette question, par ces temps de « révolution conservatrice », n'ait pas été traitée de manière prioritaire.
Combattre l'échec à l'université suppose de mener une politique éducative ambitieuse non seulement dans l'enseignement supérieur, mais aussi dans le premier et le second degré. L'université constitue en effet l'ultime maillon d'une chaîne qui commence dès la maternelle. Assurer l'égalité des chances de chaque jeune, lui permettre d'accéder à l'enseignement supérieur et créer des conditions pour qu'il obtienne un diplôme nécessite d'engager un effort considérable pour l'éducation nationale, à tous les niveaux.
Ces derniers jours, le Président de la République a déclaré : « La grande priorité, c'est le défi de la connaissance, c'est l'éducation ». Mais, dans les faits, c'est la logique comptable qui prévaut et non l'analyse des besoins et des missions. C'est ainsi que, à la rentrée 2008, 17 000 postes supplémentaires seront supprimés. L'État s'engage un peu plus encore sur une voie dangereuse pour l'avenir. Les « économies » réalisées aujourd'hui, la nation risque de les payer cher demain.
Il y a trop de comptables supérieurs, arrogants et glacés, qui nous disent que « tout cela coûte cher ». Mais ils oublient que c'est l'absence de ce « tout cela », c'est-à-dire de la formation, de la culture, de l'art, de la recherche, qui coûte cher !
Je reviens au texte. Celui-ci prévoit une systématisation du contrat pluriannuel d'établissement. Toutefois, aucune disposition ne garantit que l'État demeurera le principal financeur de l'université. À l'inverse, de nouvelles mesures visent à encourager le mécénat d'entreprise. Les universités sont donc fortement incitées à recourir à l'aide du secteur privé. Sur ce point, le Président de la République a été très clair ; en janvier dernier, il indiquait que la réforme vise à « associer directement l'entreprise à la gouvernance et au financement des universités ».
Si l'ouverture au secteur privé est en soi acceptable, et je dirais même souhaitable, elle ne peut s'accompagner d'un désengagement de l'État et surtout venir au secours des fins de mois difficiles d'un État jouant les nécessiteux. Toute remise en cause du financement public engendrerait une concurrence exacerbée entre établissements. En outre, l'université, devenue dépendante de l'aide financière des entreprises, courrait le risque de voir celles-ci exercer un droit de regard sur le contenu des formations et sur l'orientation des étudiants.
Un désengagement de l'État se traduirait également par l'assèchement progressif de la recherche dans un certain nombre de disciplines, en particulier dans les sciences humaines et sociales, qui apparaissent comme les moins rentables d'un point de vue économique. En effet, toutes les disciplines ne sont pas à égalité lorsqu'il s'agit d'attirer des investissements privés...
L'indépendance de l'université, l'enseignement par et pour la recherche, dans toutes les disciplines, à chaque cycle, dépendent bien du soutien de l'État. Pour être ambitieuse et répondre aux problèmes des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, l'autonomie doit s'accompagner d'un effort financier sans précédent de l'État leur permettant d'assurer leur mission première de production et de diffusion du savoir scientifique. Et cet investissement massif dans notre enseignement supérieur devrait se concrétiser dès cette année. La mise en place d'un collectif budgétaire est indispensable, de même qu'une véritable loi de programmation pluriannuelle des moyens de l'université.
Autre disposition du projet de loi qui suscite les plus vives critiques de la communauté universitaire : le recrutement des enseignants-chercheurs, en un mot la création par le futur conseil d'administration de comités de sélection.
Selon la conférence permanente du Conseil national des universités, la mise en place d'un tel système « porterait atteinte au principe du recrutement par concours, de la collégialité et au principe constitutionnel d'indépendance des professeurs d'université ». On peut en effet s'interroger sur la légitimité du recrutement opéré par des comités créés par des conseils d'administration qui ne compteraient pas des spécialistes de chaque discipline. Seule une structure reconnue dans chaque discipline est en mesure d'opérer le recrutement des futurs enseignants-chercheurs sur la base d'une évaluation objective de leurs qualités universitaires.
Nous ne pouvons certes nous satisfaire de la procédure actuelle, qui connaît de nombreux dysfonctionnements. La majorité des enseignants-chercheurs souhaite réformer un système marqué par l'endogamie excessive des commissions de spécialistes qui engendre parfois des comportements clientélistes.
Ne serait-il pas judicieux de créer des commissions spécialisées à un niveau interrégional ? De telles commissions, composées en grande partie d'enseignants-chercheurs de la même discipline que le postulant, présenteraient le double avantage d'atténuer le « localisme » tout en restant proches du terrain.
Autre question de fond soulevée par ce texte : l'avenir du statut de l'enseignant-chercheur qui, à l'heure actuelle, demeure un agent de la fonction publique d'État. La « liberté » accordée au président de recruter des agents contractuels pour des emplois d'enseignement et de recherche ouvre la porte à la remise en cause progressive de ce statut, d'autant que ces contractuels pourront être embauchés en CDD, mais aussi en CDI... Dans un contexte de non-remplacement des fonctionnaires qui partent en retraite, cette possibilité de recruter des agents contractuels laisse craindre, à court terme, une réduction de la dotation des universités en personnels.
Il ne s'agit pas là d'une question d'ordre corporatiste. Leur statut garantit aux enseignants-chercheurs leur indépendance intellectuelle et scientifique. Face à la tentation permanente de vouloir dissocier recherche et enseignement supérieur, il est indispensable de maintenir la double qualité de ces personnels. Ceux-ci sont à l'origine de la production de nouvelles connaissances et ont vocation à diffuser le fruit de leurs travaux.
Par ailleurs, la stabilité offerte par le statut de fonctionnaire de l'enseignant-chercheur contribue à rendre ce métier attractif. La disparition progressive de ce statut risque d'entraîner les plus brillants à se détourner de la recherche universitaire, déjà peu gratifiante du point de vue du revenu.
Outre ces nouvelles prérogatives, les présidents d'université disposeront de pouvoirs étendus dans le cadre de la rénovation de la gouvernance. Si certaines dispositions sont recevables pour conforter l'autorité des présidents, d'autres contredisent ouvertement les principes de collégialité et de fonctionnement démocratique de l'université. Ainsi en est-il, par exemple, de cette espèce de droit de veto conféré aux présidents en matière d'affectation des personnels. L'autonomie ne saurait en aucun cas s'accommoder d'un renoncement à la démocratie universitaire.
Je vous rappelle, madame la ministre, mes chers collègues, que c'est le droit de veto et la fuite stoppée à Varennes qui ont conduit Louis XVI à sa perte !
Sourires
De même, l'université ne peut se définir contre ses étudiants et ses personnels. Il est ainsi souhaitable que le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire voient leur rôle propositionnel maintenu. Il est indispensable que le conseil d'administration soit représentatif de toute la communauté universitaire et que le président demeure élu par les trois conseils, ce qui lui confère une plus grande légitimité.
Je terminerai par une remarque sur la carte universitaire, totalement absente du projet de loi.
Dans le cadre d'une grande réforme, il aurait été pertinent de créer les conditions d'une réflexion sur l'éclatement du paysage universitaire. Nombre d'établissements n'ont pas la masse critique leur permettant d'échanger, dans les meilleures conditions, avec les universités étrangères. N'était-ce pas là l'occasion de penser à une réorganisation sous forme de pôles régionaux ? indépendamment des PRES et des pôles de compétitivité ?, qui favoriserait l'émergence d'universités couvrant tous les champs disciplinaires ?
Une telle concentration aboutissant à une rationalisation, notamment de la carte des formations, ne constituerait-elle pas une amélioration dès lors qu'elle n'engendre pas de difficultés d'accès pour les étudiants ? Cela renforcerait la visibilité du système d'enseignement supérieur et de recherche, tout en mettant fin aux rivalités qui s'expriment entre les établissements coexistant sur un même territoire.
Madame le ministre, je reconnais que la communauté universitaire demeure divisée sur cette question.
Une chose est sûre, elle doit être consultée préalablement à toute réforme dans ce domaine.
Nous sommes donc bien d'accord.
Madame la ministre, nous estimons qu'il est grand temps de rendre à l'enseignement généraliste, scientifique et humaniste dispensé par l'université toute sa place dans notre pays. La richesse et la diversité de la formation initiale, en lien permanent avec la recherche, constituent en effet des atouts majeurs face aux défis que suscite un environnement économique en permanente transformation. Il nous faut des jeunes dotés d'une culture large et pluridisciplinaire. L'autonomie de l'université mise en oeuvre dans un cadre national est plus que souhaitable. Elle doit se fonder sur un mode de gestion collégial et démocratique, dans un réel esprit de service public qui a toujours fait sa grandeur.
La responsabilité publique nationale doit être pleine et entière. C'est dans cet esprit constructif que le groupe CRC a déposé des amendements. Madame la ministre, vous le savez bien, il ne suffit plus de chanter, tels les choeurs du fameux opéra, « Marchons, marchons ! », tout en restant sur place !
Sourires
Sur la question des moyens, les déclarations d'intention ne manquent pas. Avec la promesse d'un milliard d'euros par an à partir de 2008, on est loin du compte, tant les moyens humains et financiers font défaut. En écoutant les déclarations enflammées de mes collègues, l'excellent rapport de notre collègue M. Jean-Léonce Dupont, dont je ne partage pas les conclusions, ou encore M. le président de la commission d es affaires culturelles, je pense à Jean Cocteau, qui disait : « En amour, ce ne sont pas les déclarations qui comptent, ce sont les manifestations. »
M. Ivan Renar. Vous l'aurez compris, madame la ministre, le groupe communiste républicain et citoyen est extrêmement réservé sur le projet de loi qui nous est présenté.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - M. Jean-Luc Mélenchon applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc devant « la réforme la plus importante de la législature », selon les propres termes du Premier ministre. À sa lecture, madame la ministre, et avec tout le respect que j'ai pour votre connaissance du dossier, personne ne peut le croire sans tordre la vérité et abîmer un peu sa bonne foi.
D'ailleurs, la méthode est un aveu, un verdict même. Avez-vous déjà vu dans l'histoire de notre démocratie une grande loi, une grande réforme, qui est discutée, amendée et votée par notre chambre seulement huit jours après l'adoption du texte par le conseil des ministres ?
Voilà pour les grandes phrases sur la « revalorisation du travail du Parlement » et sur « l'ouverture aux idées et aux propositions de l'opposition ». Espérons seulement que la gouvernance des universités ne prendra pas pour exemple la gouvernance du pays que vous inaugurez ainsi.
Pourtant, oui, la grande réforme de notre enseignement supérieur est nécessaire, tant le rôle de celui-ci pour la grandeur de notre pays et sa place dans le monde est majeur, tant l'idée qu'on se fait de l'intelligence, du progrès humain et de la culture en général y est présente, concentrée au maximum.
Il n'est qu'à constater le malaise profond dans nos universités pour savoir que le moment est venu de cette grande réforme, de cette grande ambition commune. Oui, tout le monde était prêt à aborder ce chantier sans oeillères. Alors, pourquoi un petit projet de loi sur la seule gouvernance, sans même définir ensemble au service de quelle ambition, de quels objectifs et avec quels moyens matériels et humains ?
Au-delà de classements internationaux aux méthodes contestables, le malaise est bien là. Les enseignants-chercheurs vivent de plus en plus mal le fait de devoir assumer de lourdes charges administratives et de travailler dans des salles de cours et des laboratoires dont l'état est digne de pays en voie de développement.
Les personnels administratifs et techniques vivent de plus en plus mal le fait de devoir administrer la pénurie des moyens.
Les étudiants vivent de plus en plus mal la précarisation de leurs conditions de vie et le risque de l'échec ? 90 000 jeunes sortent ainsi tous les ans de l'enseignement supérieur sans diplôme.
Les présidents d'université vivent de plus en plus mal le fait d'être cantonnés dans un rôle d'animateur d'instance sans autre véritable pouvoir que celui de protester auprès du ministère face à l'insuffisance récurrente des budgets.
La communauté universitaire dans son ensemble vit de plus en plus mal la stigmatisation de l'université qui, d'héritière de la Sorbonne qu'elle était, ne serait plus désormais qu'un monstre bureaucratique accueillant des bacheliers « trop médiocres » pour intégrer les filières sélectives des grandes écoles, stigmatisation sans cesse alimentée par les idéologues « déclinistes » de votre majorité.
Rappelons tout de même que les universités françaises ont réussi à gérer le décuplement de leurs effectifs en quarante ans.
Rappelons aussi qu'elles ont mis en place avec rapidité le système licence-master-doctorat, dit « LMD », première étape d'un véritable espace universitaire européen.
Mais il faut reconnaître que l'organisation des universités issue de la loi Faure de 1968 et de la loi Savary de 1984 doit être réformée, assouplie, « débureaucratisée ». II est ainsi aberrant de constater que les créations de postes d'enseignants-chercheurs sont exclusivement effectuées en fonction du nombre d'inscriptions dans chaque filière.
Dans ce contexte général, la première urgence, le premier geste gageant une volonté sincère, aurait dû être de soumettre au Parlement dès l'été un collectif budgétaire au bénéfice notamment des universités. Sans cela ? pardonnez-nous de le craindre ?, donner l'autonomie aux établissements peut apparaître comme une façon de transférer la responsabilité de la gestion de la pénurie des moyens sur la seule communauté universitaire.
Car il faut bien parler de pénurie : la dépense moyenne de l'État par étudiant se montait à 6 800 euros en France en 2005 contre 9 000 euros en moyenne dans les autres pays de l'OCDE.
D'ailleurs, madame la ministre, à la suite de l'annonce par votre collègue Xavier Darcos de la suppression de 17 000 postes dans l'éducation nationale au budget de l'an prochain, pouvez-vous dire solennellement devant la représentation nationale que la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite dans les années à venir ne s'appliquera pas à l'enseignement supérieur et à la recherche ?
Plus généralement, comme Ségolène Royal l'affirmait dans son Pacte présidentiel
Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP
...l'enjeu est d'assurer à notre université les moyens de l'excellence et, sur cette base seulement, de chercher à savoir comment les universités pourraient mieux fonctionner en interne, notamment avec plus d'autonomie. C'est pourquoi il aurait fallu dès maintenant travailler à un projet de loi de programmation pluriannuelle visant à donner à l'université les moyens de cette excellence.
Telle est d'ailleurs la principale revendication qui ressort de résolutions qui vous ont été adressées ces derniers jours, madame la ministre, par nombre de conseils d'administration d'université.
Ce projet de loi de programmation aurait été construit autour de cinq priorités : premièrement, l'augmentation de 10 % par an pendant cinq ans du budget de l'enseignement supérieur et de la recherche, l'objectif étant que la dépense publique en sa faveur atteigne 3 % du produit intérieur brut ; deuxièmement, la lutte contre l'échec en premier cycle et la précarité des conditions de vie de beaucoup d'étudiants ; troisièmement, la valorisation des jeunes chercheurs, notamment en apportant des garanties de carrière aux doctorants ; quatrièmement, l'amélioration de la gouvernance par l'octroi de responsabilités supplémentaires aux établissements en contrepartie d'un approfondissement de la démocratie ; cinquièmement, enfin, l'évaluation régulière des établissements d'enseignement supérieur, de leur gestion et de leurs résultats, par l'État.
Par ailleurs, nous tenons à réaffirmer que la réponse à l'échec dans les premiers cycles universitaires ne réside pas dans plus de sélection, mais passe par mieux d'orientation aux moments décisifs du parcours de chaque étudiant - entrée dans l'enseignement supérieur, obtention de la licence.
Dans cette perspective, il est temps de mettre fin au maquis existant des structures et des processus d'orientation et d'instaurer un service public national de l'orientation.
Quant à la réponse au manque de moyens des établissements français par rapport aux grands campus étrangers, elle ne consiste pas en l'accroissement systématique de la part des financements privés dans le budget des universités, mais en une gestion optimisée de moyens publics plus importants.
Il ne faut pas s'interdire non plus d'abattre certains murs qui séparent aujourd'hui le monde des universités, vivant de bouts de ficelle, de celui des grandes écoles, incontestablement privilégiées.
Dans ce contexte, les syndicats des personnels et les organisations étudiantes ont pleinement raison de rappeler qu'ils n'étaient pas demandeurs d'un projet de loi sur la seule gouvernance.
Mais parlons-en. Oui, il faut plus d'autonomie ; elle est nécessaire. Avec l'autonomie, nous voyons, nous, socialistes, une possibilité plus grande d'agir, d'innover, d'être réactifs. Nous voyons la responsabilité ; nous voyons, outre le renforcement de l'exécutif, l'approfondissement de la démocratie délibérative ; nous voyons la confiance de la nation dans sa communauté universitaire. Mais nous savons que la droite y a toujours mis la concurrence entre universités, la sélection, la privatisation rampante.
Derrière l'affichage d'un certain pragmatisme s'est toujours cachée beaucoup d'idéologie.
Et il n'est pas anodin que le projet de loi ait été rebaptisé et fasse désormais référence aux « libertés des universités », comme en 1984, quand, pour parler de l'enseignement privé, la droite disait « liberté de l'école ».
Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.
Idéologie, quand tu nous tiens !
La dernière fois que la droite a voulu réformer l'université, là encore au nom de l'autonomie, avec le projet Devaquet de juillet 1986, il s'agissait de permettre aux universités de fixer librement leurs droits d'inscription, de sélectionner les étudiants et d'adapter leur offre d'enseignements et de diplômes exclusivement en fonction des besoins du marché du travail, en cassant leur valeur nationale. Toutes ces libertés étaient synonymes de compétition entre composantes du service public, et toutes ces libertés allaient soulever la jeunesse et la communauté universitaire dans son entier, y compris les présidents, contre le projet de loi.
Il y a encore quelques semaines, les orientations affichées pendant la campagne du candidat Sarkozy pour l'enseignement supérieur et la recherche étaient, nettement et de manière parfaitement assumée, d'inspiration anglo-saxonne et libérale.
Il y a quelques jours encore, l'avant-projet de loi, qui était encore « relatif à l'organisation de la nouvelle université », contenait aussi des mesures s'inscrivant tout à fait dans le corpus idéologique mi-libéral, mi-bonapartiste du chef de l'État : autonomie à la carte des établissements, sélection à l'entrée en master des étudiants, concentration du pouvoir aux mains des présidents.
Mais puisque, pour le moment, vous avez reculé sur ce point, notre pragmatisme à nous, bien réel celui-ci, nous conduit à être ouverts au besoin de réforme de la gouvernance des universités et à apprécier les avancées que ce texte technique peut apporter au fonctionnement de ces établissements, mais aussi à corriger, par nos amendements et nos propositions, tout ce qu'il comporte comme reculs dans la démocratie universitaire et la gestion des personnels.
Enfin, l'économie du texte est restée celle du projet initial quant à la présidentialisation abusive du pouvoir, notamment s'agissant des procédures de recrutement des enseignants-chercheurs.
Madame la ministre, vous le savez, les nouvelles compétences dont vous souhaitez doter les présidents d'université dans le domaine de la gestion des recrutements et des affectations d'enseignants-chercheurs inquiètent ces derniers, qui verraient dans l'adoption de ces dispositions législatives une atteinte évidente à leur indépendance, pourtant constitutionnellement garantie, et à leur statut.
L'accueil que vous réserverez à certains de nos amendements nous permettra de mesurer votre volonté d'ouverture sur ce texte, ouverture à laquelle nous tenons.
Donc, alors que débute la discussion de ce texte, nous sommes ouverts et vigilants.
Notre vote dépendra des garanties et des corrections que notre délibération aura permis d'apporter.
En tout état de cause, la gauche surveillera avec une particulière attention la politique universitaire du Gouvernement dans les mois et les années qui viennent. L'enjeu, pour la nation entière, est trop important pour laisser s'installer l'idée que ces défis seraient relevés grâce à une gestion strictement managériale de l'université. La connaissance n'est pas une marchandise, l'université n'est pas une entreprise.
Mais, madame la ministre, je laisse répondre Jean-Jacques Rousseau à l'intitulé de votre projet de loi : « La liberté n'est pas celle des marchands ».
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.- Exclamations sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi relatif aux libertés des universités qui nous est soumis est une vraie réforme, sans doute la plus importante depuis la loi Savary de 1984, en ce qui concerne l'organisation, le fonctionnement et le financement des universités.
Ces modifications sont bienvenues dans la mesure où elles peuvent permettre de renforcer l'autonomie des universités et de libérer tant les énergies que le dynamisme qui ne demande qu'à s'y développer.
La réforme qui nous est proposée n'aborde cependant pas tous les sujets qui interpellent aujourd'hui la communauté universitaire.
En particulier se pose la question de l'échec de masse. En effet, une grande partie des étudiants sont touchés, qui s'inscrivent à l'université mais ne franchissent pas le barrage des deux premières années, ...
...abandonnant ainsi leurs études supérieures sans diplôme et sans laisser la moindre trace de leur passage. C'est un problème crucial qu'il faudra bien, un jour, aborder de face. En effet, cette sélection de fait est la forme la plus hypocrite de toutes les sélections.
Le projet de loi ne traite pas des droits d'inscription. Certes, ils sont très bas en France, mais il faut souligner qu'ils ne constituent pas l'unique source de financement des universités dans les pays modernes. Bien évidemment, leur augmentation ne serait pas populaire ; de surcroît, elle ne serait pas utile en l'absence d'un système de bourses digne de ce nom ; enfin, elle conduirait à renforcer la sélection par l'argent.
Le projet de loi ne traite pas non plus de la sélection à l'entrée du master. Si les étudiants n'en veulent pas, il faut néanmoins être franc et reconnaître qu'une telle sélection existe déjà dans les faits par le biais du système de notation et d'équivalence.
C'est donc sur la gouvernance, l'organisation et le financement des universités que se concentre le texte, qui change radicalement les règles en vigueur, caractérisées jusqu'à ce jour par l'absence d'autonomie, la pénurie de moyens et une approche purement bureaucratique des problèmes.
Sur tous ces sujets, le projet de loi pose un regard neuf, centré sur les concepts d'autonomie et de gestion managériale, déclinés dans tous les chapitres abordés.
Le texte donne une impression générale de modernité et de responsabilité qu'il faut saluer après des décennies de prudence synonyme d'immobilisme et de déclin.
On ne peut que se féliciter des nouvelles compétences transférées aux universités, qu'il s'agisse des finances, de la gestion des ressources humaines ou du patrimoine.
La possibilité pour les universités de se rapprocher enfin des entreprises de façon naturelle et de se doter de fondations susceptibles d'attirer le mécénat constitue un tournant historique dont il faut se réjouir.
De même, la volonté de doter les universités d'un système de décision efficace, en réduisant de moitié l'effectif de leur organe délibérant et en plaçant à leur tête un exécutif doté de véritables pouvoirs, donnera à ces établissements une gouvernance qui leur permettra d'exercer effectivement leurs nouvelles compétences.
Bref, le texte qui nous est soumis pourrait être aux universités ce que les lois de décentralisation de 1982 et 1983 ont été aux collectivités territoriales : l'occasion de rattraper un retard considérable sur les autres États européens et de libérer des énergies créatrices longtemps bridées.
Notre satisfaction serait totale, si le projet de loi ne manquait d'équilibre sur un point central : la place des universitaires au sein de l'université.
Dans une bonne gouvernance, tout est question d'équilibre : après 1968, le souci louable de faire participer toutes les composantes de l'université à son fonctionnement et à ses choix échoua du fait du refus initial des étudiants de profiter de leur nouveau pouvoir mais aussi du fait d'un système de décision proche du régime d'assemblée, où un pouvoir délibérant pléthorique empêche l'exécutif d'exercer ses compétences.
Il ne faudrait pas que, dans un juste souci de correction, le balancier parte trop loin dans l'autre sens, et que les pouvoirs nombreux des futurs présidents ne soient pas équilibrés par les instances représentatives de la communauté universitaire. Or cet équilibre entre pouvoir de décision et pouvoir de contrôle interne est une liberté universitaire fondamentale, dont le Conseil constitutionnel a rappelé l'importance dans sa décision du 20 janvier 1984 et qui est constitutive, depuis l'origine, du concept même d'université.
Volontiers, mon cher collègue : cet équilibre est constitutif, depuis l'origine, du concept même d'université.
Concentrons-nous, si vous le permettez, sur trois questions qui, parmi les enseignants et les enseignants-chercheurs, ne font pas l'unanimité : leur représentation au sein du conseil d'administration, l'absence d'identification des grands secteurs de discipline scientifique dans la structure de l'université, enfin, les procédures de recrutement et d'affectation du personnel enseignant.
S'agissant de la représentation au sein du conseil d'administration, un conseil d'administration à la composition resserrée est une nécessité reconnue par tous. Mais sa composition doit rester équilibrée et surtout réellement représentative. Nul ne conteste, par exemple, l'utilité des personnalités extérieures, bien au contraire ! Mais il est aussi nécessaire que le corps enseignant trouve une représentation qui corresponde à une exigence essentielle et qui est la marque de l'autonomie universitaire depuis l'origine : une représentation spécifique des professeurs, principaux acteurs de l'université.
Or le conseil d'administration prévu, s'il est trop restreint, ne peut être réellement représentatif. La première version du projet de loi prévoyait un conseil d'administration réduit à vingt membres. La version actuelle prévoit « de vingt à trente membres », dont huit à quatorze représentants des enseignants-chercheurs, dont la moitié de professeurs des universités et personnels assimilés. Cette mesure constitue un progrès, mais il reste insuffisant.
La deuxième difficulté concerne la place des grands secteurs scientifiques au sein de l'université, c'est-à-dire au sein des UFR, des instituts, des écoles, notamment.
La représentation des grandes disciplines disparaît dans le projet de loi, alors que c'est une obligation imposée par la loi en vigueur. Le projet de loi prévoit la création des UFR, des instituts et des écoles par seule délibération du conseil d'administration, ce qui pourrait aboutir, à terme, à leur disparition programmée. Or l'État doit garantir, nonobstant l'autonomie renforcée, un équilibre national des grandes disciplines sur le territoire, sous peine de voir disparaître ici ou là des formations ou des instituts de recherche, sacrifiés à une politique locale d'université.
Durant ses années d'études universitaires, l'étudiant ne connaît que la discipline et ses instances : il étudie l'économie, le droit, la médecine, les sciences, pour exercer ensuite une activité professionnelle. Son appartenance à une université est certes importante, mais elle est contingente et concerne son encadrement administratif et sa vie quotidienne. S'il cherche à s'inscrire dans telle ou telle université, c'est parce que, dans la discipline qu'il a choisie, les enseignants sont réputés et reconnus par leurs pairs. Par conséquent, la faculté ? l'UFR aujourd'hui ? compte donc davantage dans la réputation des études et des recherches que l'université en tant que telle.
Il faut d'ailleurs constater que, dans toutes les grandes universités, la structure des facultés, représentative des grands secteurs scientifiques, demeure une réalité et que ce sont ces structures qui ont continué à représenter l'université auprès des acteurs économiques.
On devrait donc retrouver au sein du conseil d'administration la participation de droit des directeurs d'unités de formation et de recherche, d'instituts et d'écoles, ce qui permettrait de répondre au double objectif de représentation des enseignants-chercheurs et des disciplines scientifiques présentes dans l'établissement. On lèverait ainsi l'obstacle potentiel de l'inconstitutionnalité du texte de loi en maintenant « une représentation propre et authentique » des professeurs et des disciplines scientifiques, pour citer les termes mêmes du Conseil constitutionnel dans sa décision de 1984.
Faute d'une telle représentation, une solution alternative consisterait à permettre un regroupement cohérent d'UFR ou d'instituts sur un plan régional et scientifique, par un arbitrage de l'État, au niveau ministériel ou rectoral, ainsi que la constitution de grands établissements spécifiques, notamment en médecine et en droit.
La troisième difficulté concerne les procédures de recrutement et d'affectation du personnel enseignant.
Le renforcement de l'autonomie des universités semble aller de pair avec une plus grande autonomie des recrutements et de la gestion des personnels. Cette logique pourrait être approuvée si le milieu universitaire n'était pas fortement endogène. Le projet de loi y répond à par la possibilité de recruter des personnels contractuels. Mais l'important est de s'assurer de la qualité des personnels recrutés et affectés dans l'université. Or, en l'état, le projet de loi ne permet pas d'en être sûr.
Il convient d'abord de vérifier que les meilleurs professeurs et maîtres de conférences seront recrutés dans les disciplines concernées. Il faut également lutter contre la tendance naturelle au recrutement des candidats « locaux », connus mais pas nécessairement reconnus comme les meilleurs.
De ce point de vue, il est nécessaire, selon nous, de découpler autonomie des universités et modes de recrutement. Le recrutement doit correspondre à deux exigences fondamentales : la qualité et l'égalité.
Les concours nationaux comme l'agrégation répondent, dans la République, à ces deux critères et ont montré leur efficacité, en permettant de conserver la qualité reconnue en droit, en économie, en médecine et en pharmacie. Ce sont eux qui, depuis toujours, apportent un sang neuf et un renouvellement aux facultés tout en pérennisant l'excellence scientifique de l'élite universitaire. Il faut donc maintenir ces concours et, surtout, la liberté d'affectation à la sortie du concours.
Le droit de veto des présidents d'université sur ces affectations fera perdre toute utilité au concours dont se détourneront les meilleurs. Il est même vraisemblablement inconstitutionnel dans la mesure où, dans l'état actuel du texte, le président pourrait, sans être professeur des universités, disposer du pouvoir d'intervenir dans le recrutement d'universitaires au mépris de leur indépendance constitutionnellement garantie.
De même, la création d'un « comité de sélection » regroupant les différentes disciplines sous l'autorité du président d'université comporte le risque de disparition de certaines disciplines scientifiques, dans le jeu purement local des rapports de force. Et l'on ne voit pas comment une appréciation scientifique raisonnable serait portée dans un comité de sélection transdisciplinaire. Dans les modes de recrutement, le seul moyen sérieux d'apprécier la qualité d'un candidat est de le mettre en présence de ses pairs scientifiques et d'assurer une égalité de traitement au niveau national comme au niveau local.
Madame la ministre, il est donc indispensable de rééquilibrer le projet de loi sur ces différents points, faute de quoi la contestation pourrait rassembler des composantes universitaires disparates sur trois critiques : l'absence de représentativité des enseignants-chercheurs dans les conseils, la disparition de la visibilité des disciplines scientifiques et la perte de crédibilité des procédures de recrutement. Il ne faudrait pas que, du fait de ces quelques problèmes, le projet de loi cristallise une opposition alors qu'il a vocation à être favorablement accueilli.
Mes chers collègues, la réforme des universités ne peut plus attendre. Elle doit permettre la modernisation résolue d'un système d'enseignement et de recherche qui s'est trop souvent coupé du monde extérieur, notamment économique, et a laissé le champ libre aux grandes écoles et, surtout, à la concurrence étrangère. Mais cette modernisation ne doit pas faire table rase des libertés universitaires qui sont constitutives, depuis l'origine, de l'enseignement supérieur. Ces libertés sont d'ailleurs de rang constitutionnel, ainsi que l'a rappelé à plusieurs reprises le Conseil constitutionnel dans des décisions qui n'ont pas hésité à corriger le dispositif de la loi en lui imposant les garanties constitutionnelles destinées à préserver l'indépendance et la liberté de l'enseignement et de la recherche.
Laissons donc les universités fixer librement, dans le nouveau cadre qui leur est proposé, leur mode de fonctionnement et de gouvernance dans le respect de leur histoire, de leur enracinement local et de leur degré de pluridisciplinarité. Confions plus que jamais à l'État le soin de veiller à l'excellence du recrutement des enseignants-chercheurs et à l'efficacité de la formation démocratique des étudiants.
M. Hugues Portelli. Ces deux objectifs d'importance nationale seront plus faciles à atteindre grâce à cette nouvelle loi, pour peu qu'elle intègre les modifications qui vous sont suggérées.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE ? M. Daniel Raoul applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd'hui revêt l'urgence d'une grande cause nationale. En effet, comment ne pas être collectivement consternés devant la dégradation de l'université française ? Les chiffres, accablants, sont connus : 37 % d'une classe d'âge accèdent à la licence, quand la moyenne de l'OCDE est de 53 %, celle des États-Unis de 66 % et celle des pays scandinaves de 70 %. Rappelons qu'au sommet de Lisbonne, en 2000, la France s'était engagée à porter ce chiffre à 50 % en dix ans.
Autre constat : le taux d'échec est de 50 % en premier cycle. Un gâchis humain et financier insupportable !
Enfin, la dépense annuelle de l'État est de 10 170 euros pour un lycéen, de 13 100 euros pour un étudiant en classe préparatoire et de 6 700 euros seulement pour un étudiant à l'université. Comment avons-nous pu abandonner ainsi une partie de notre jeunesse et compromettre à ce point l'avenir de la France ? Disant cela, je n'incrimine aucun gouvernement en particulier, car il s'agit d'une longue dérive. Et je n'aurai garde d'oublier l'effort considérable des enseignants et des personnels administratifs et techniques...
...qui, jour après jour, ont permis à l'université d'assumer sa mission en dépit de l'afflux massif d'étudiants et de la pénurie de moyens.
Ce bilan sommaire indique que la tâche sera longue et que le texte que nous examinons aujourd'hui n'épuise pas, loin s'en faut, le sujet. Il traite essentiellement de la gouvernance, c'est-à-dire du bon fonctionnement et de la gestion des établissements au sein de l'ensemble universitaire. Il laisse délibérément de côté la question budgétaire ? j'y reviendrai ?, les conditions de la vie étudiante, la réforme plus globale des premiers cycles, entre autres. Pourquoi pas ? Il faut bien commencer par un chantier, mais cela suppose, madame la ministre, que vous nous indiquiez clairement au cours de ce débat le calendrier du Gouvernement pour la poursuite de cette oeuvre de longue haleine : reconstruire l'université française.
Vous avez intitulé ce texte « projet de loi relatif aux libertés des universités ». Cette formule un peu racoleuse, vous en conviendrez, met l'accent sur votre volonté de renforcer l'autonomie des établissements.
Une plus grande autonomie de chaque université dans le choix de ses moyens et dans sa libre administration, c'est-à-dire l'allégement de la tutelle trop souvent tatillonne de l'éducation nationale, tel est donc l'objectif. Mais l'autonomie de chaque établissement doit se conjuguer avec les caractéristiques d'un service public national, démocratique et libre d'accès pour tout jeune Français qui a obtenu le baccalauréat ou son équivalent. Bref, pour nous, autonomie ne signifie pas sélection à l'entrée du premier cycle universitaire ni dérégulation des droits annuels d'inscription, encore moins disparition du caractère national des diplômes. Et votre projet de loi donne à ce sujet les garanties nécessaires.
Le renforcement de l'autonomie suppose aussi une meilleure gouvernance. L'architecture actuelle, qui date de 1968 et a été revue en 1984, est trop complexe et aboutit souvent à une forme de paralysie, sans pour autant intégrer suffisamment les différentes UFR dans un projet stratégique d'ensemble.
Votre texte repose essentiellement sur la création d'un véritable exécutif autour du pôle « présidence-conseil d'administration ». C'est une bonne chose. Attention toutefois à ne pas déséquilibrer les rapports entre les différentes structures qui composent cet ensemble ni à restreindre inconsidérément la place accordée aux étudiants dans ce circuit de décision. De ce point de vue, je proposerai, avec mes collègues du RDSE, divers amendements qui permettront, s'ils sont adoptés, de laisser une certaine autonomie de fonctionnement au conseil scientifique et au conseil des études et de la vie étudiante tout en associant les étudiants à la présidence. Ces institutions ont fait la preuve de leur pertinence.
De même, je propose qu'au moins un étudiant figure obligatoirement au sein du bureau entourant le président pour ce qui concerne la gestion quotidienne. C'est évident, me dira-t-on ! Il me paraît néanmoins préférable que nous introduisions ce point dans la loi.
Le droit de veto conféré au président sur les nominations est une mesure énergique, qu'il faudra donc manier avec prudence...
En outre, s'agissant des nominations aux emplois hospitalo-universitaires dans les facultés ou les départements de médecine et d'odontologie, il faut tenir compte de la spécificité du secteur, qui doit combiner sa double vocation de formation des étudiants et de lien étroit avec le centre hospitalier universitaire. Il importe en effet d'éviter que ces postes ne soient détournés au profit d'autres disciplines dans le cadre de décisions mal fondées d'un président d'université. Lors de la discussion des articles, je défendrai à ce sujet un amendement cosigné avec Pierre Laffitte et certains membres de mon groupe.
Enfin, à l'article 15, je proposerai la création d'un bureau université-emploi destiné à faire entrer dans la pratique l'objectif d'orientation et d'insertion professionnelle que l'article 1er va ajouter aux tâches dévolues à l'université. Certes, de tels organismes existent déjà, mais il serait bon que le texte en fasse obligation, afin de montrer que la finalité professionnelle s'impose à tous les établissements et qu'elle n'est nullement incompatible, bien au contraire, avec l'exigence de culture générale, caractéristique de notre tradition universitaire.
Telles sont quelques-unes de mes réflexions sur votre texte, madame la ministre. Elles sont brèves, non pas que j'aie épuisé le sujet, mais parce que le temps qui m'est imparti est écoulé, hélas !
Comme vous le constatez, j'aborde la discussion dans un état d'esprit positif.
L'acceptation ou le rejet par le Sénat d'un certain nombre de mes amendements visant à préciser ou à compléter votre projet de loi détermineront mon vote.
Un autre élément sera également décisif à mes yeux : madame la ministre, il importe que le Gouvernement s'engage devant le Sénat à proposer dès la rentrée un collectif budgétaire qui amorce le budget exceptionnel de 5 milliards d'euros alloué aux universités et promis par le Président de la République.
C'est cette décision qui donnera sa pleine crédibilité à la politique que vous nous demandez de soutenir pour la rénovation de notre système universitaire.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'avenir de l'université dans toute la République m'intéresse bien évidemment, mais j'évoquerai ici la situation singulière de l'université à la Réunion.
La Réunion, région française d'outre-mer intégrée à l'Union européenne et membre actif de la Commission de l'océan Indien, s'attache à nouer des liens sans cesse renforcés avec les Mascareignes et ses voisins malgaches, indiens, sud-africains et mozambicains, ainsi qu'avec d'autres pays riverains de l'océan Indien, tels le Vietnam et l'Australie, et, plus loin encore, avec la Chine, d'où sont issus bon nombre de Réunionnais.
Du fait de sa position géographique et de son histoire, la Réunion et son université disposent d'atouts originaux qui doivent permettre à l'île de jouer pleinement son rôle de frontière interactive de l'Union européenne.
L'université et ses enseignements sont très inégalement répartis. Au nord du département, le chef-lieu, Saint-Denis, concentre l'essentiel des enseignements et des structures. Dans le sud de l'île, principal bassin de population de la Réunion, seuls quelques enseignements sont dispensés dans les villes de Saint-Pierre et Le Tampon. Une telle situation pénalise bien évidemment le sud du département, d'autant que les difficultés de communication sont telles que le trajet pour aller de Saint-Pierre à Saint-Denis dure deux heures, voire trois.
En vingt ans, le nombre d'étudiants est passé de 2 000 à 12 000. Les jeunes originaires du Sud doivent se loger à Saint-Denis dans des conditions si onéreuses que beaucoup parmi les moins favorisés abandonnent leurs études dès la première année. Cependant, les résultats remarquables obtenus au baccalauréat indiquent que la barre des 20 000 étudiants sera bientôt atteinte.
La réussite en licence et l'amélioration des conditions de vie étudiante ? deux des cinq piliers du projet de loi ? dépendent donc d'une délocalisation effective et équitable des enseignements entre le nord et le sud de la Réunion.
Il s'agit non pas de dupliquer dans le Sud les installations universitaires du Nord et leurs enseignements, mais bien plutôt d'établir des filières liées au développement économique du Sud afin de réunir les conditions les plus favorables à leur essor.
Dans le Nord comme dans le Sud, il est urgent de construire des milliers de logements étudiants, sans lesquels la poursuite d'études supérieures se révèle impossible pour les jeunes moins favorisés, qui, du reste, ne sont pas les moins méritants ou les moins talentueux.
Madame la ministre, malgré son dynamisme économique et un taux de croissance supérieur à celui de la métropole, la Réunion connaît d'importants retards structurels privant d'emploi 30 % des actifs. En matière de taux d'encadrement administratif, la Réunion se classe au dernier rang des départements.
C'est assez dire que, outre ses missions classiques, l'université doit contribuer au développement durable, seul capable de créer les emplois pérennes dont la Réunion a besoin dans la fonction publique, notamment en ce qui concerne les services à la personne.
Madame la ministre, si des filières permettant la mise en valeur des atouts de la Réunion sont nécessaires, il faut aussi conjurer les dangers spécifiques à ces régions, dangers qui risquent de toucher également la métropole.
Ces dangers s'appellent « maladies émergentes ou résurgentes ». L'épidémie de Chikungunya qui a sévi en 2005-2006 en est l'une des illustrations. À la demande de nos parlementaires, le précédent gouvernement, en partenariat avec le conseil régional et le conseil général, a mis en place un Centre de recherche et de veille sur les maladies émergentes dans l'océan Indien. Une telle création représente une avancée considérable pour notre île, ainsi que pour tout l'océan Indien. En outre, ce centre préfigure ce que pourra être le Centre hospitalier régional puis le futur Centre hospitalier régional universitaire, le CHRU.
En permettant d'ouvrir des débouchés et de créer de nouveaux emplois pour nos jeunes chercheurs, ces structures permettront également à la Réunion de jouer pleinement son rôle dans l'océan Indien et de concrétiser la volonté commune des États de la zone et de la Réunion de nouer des accords de codéveloppement.
La Réunion se situe dans un océan où la quasi-totalité des pays riverains sont anglophones. Trois d'entre eux sont appelés à jouer un rôle croissant : en 2025, l'Inde, dont la population sera bientôt de 1, 3 milliard d'habitants, s'affirmera comme une superpuissance de l'océan Indien ; l'Afrique du Sud, forte de 49 millions d'âmes aujourd'hui, frôlera les 100 millions d'habitants et deviendra une grande puissance régionale ; enfin, toute proche des rivages réunionnais, Madagascar, qui comptait 4 millions d'individus en 1947, dépassera la barre des 35 millions d'habitants.
J'ajoute que Madagascar, l'un des pays les plus pauvres du monde, dispose de potentialités impressionnantes. Pour les mettre en valeur, il a un besoin urgent de partenariats. Contrairement à la France, et alors qu'ils n'ont aucun lien historique avec la Grande Île, la Chine et le Canada répondent déjà à cette demande. Il est de notre devoir d'apporter notre concours au développement de Madagascar et à la formation corrélée de nos jeunesses respectives, grâce notamment à l'université. Si nous tardons, d'autres le feront.
Madame la ministre, la Réunion ne peut attendre. Elle est confrontée au défi d'un accroissement de 28 % de sa population
Mme la ministre acquiesce.
De surcroît, elle doit faire face aux changements climatiques. Des recherches sont entreprises, car l'eau, l'agriculture, l'aménagement du territoire, les modes de déplacement, le logement doivent être étudiés différemment. La région s'est également résolument lancée dans la recherche en matière d'énergies renouvelables, avec l'objectif d'atteindre l'autosuffisance en 2025.
Dans tous ces domaines, l'université est un partenaire incontournable. Toutes les recherches et innovations peuvent très rapidement déboucher sur des créations d'emplois.
Enfin, madame la ministre, la situation que nous vivons à la Réunion n'est réductible à aucune autre. Nous ne quémandons rien. Nous demandons qu'elle soit prise en compte sans réserve, afin que nos jeunes et leurs camarades des îles voisines disposent des moyens indispensables, qui leur permettront de partir à la conquête de territoires scientifiques inconnus.
La République et l'Union européenne ont aussi besoin de cette université-là pour jouer pleinement dans cette région le rôle important que seule notre présence leur offre l'opportunité de tenir.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UMP .
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour mieux assurer leurs missions, les universités françaises ont besoin d'une ambitieuse réforme. L'idée fait l'objet d'un consensus et suscite même de l'impatience.
Ici et là, des talents, des réussites montrent bien tout le potentiel présent, malgré un contexte assez destructeur.
En effet, en France, l'université est privée d'une partie significative d'excellents étudiants, happés par les grandes écoles.
En France, les filières dédiées aux bacheliers des sections techniques ou professionnelles sont bouchées, obligeant ces derniers à refluer vers des formations universitaires ne correspondant ni à leurs acquis ni à leurs envies.
En France, contrairement aux communes, aux départements et aux régions, l'État a négligé son patrimoine : vétusté, fissures, amiante, évitement de la part des commissions de sécurité et gouffres énergétiques sont monnaie courante. C'est la gestion de la pénurie qui tue l'université.
Nous attendons de l'université publique qu'elle transmette, produise et diffuse les savoirs, qu'elle offre la possibilité à chacun de construire sa propre autonomie, dont le choix des perspectives professionnelles, et qu'elle soit le lieu d'émergence d'applications ou d'interprétations nouvelles.
Pour qu'elle fonctionne ainsi, il faut revoir l'autonomie des étudiants, car la « galère » financière de certains bat en brèche la démocratisation. Pourquoi ne pas prévoir un statut, un revenu de base, puis des bourses variables selon la situation sociale ?
II faut également revoir les ressources de l'université, à commencer par le calcul des financements récurrents, fondés sur des normes par mètre carré devenues obsolètes et quasiment inférieures de moitié aux besoins. Il convient en outre de se pencher sur la taxe d'apprentissage.
Enfin, il faut se donner des outils permettant de conduire le développement et de faire vivre un vrai projet d'établissement, dans lequel le lien fécond entre recherche et enseignement doit être garanti.
Madame la ministre, vous annoncez cinq chantiers, parmi lesquels les conditions de la vie étudiante et la situation des enseignants-chercheurs. Le Président de la République annonce des moyens.
C'est précisément de ces deux points dont nous aurions voulu débattre, car ils sont prioritaires à nos yeux et relèvent plus de l'urgence que la gouvernance.
En effet, mine de rien, même sans faire allusion à l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, l'AERES, à l'Agence nationale de la recherche, l'ANR, aux pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES, le texte a des implications sur la recherche, s'agissant notamment des dispositions concernant les modes de recrutement, ou encore sur le service public et la nécessaire égalité des chances, puisque les fondations risquent d'engendrer, faute de péréquation, des distorsions dans le domaine de l'aménagement du territoire.
Or il n'est question dans le texte que de gouvernance et de compétences.
L'autonomie, comme la décentralisation, est une perspective à la fois enthousiasmante et risquée. Elle doit être évaluée avec les mêmes critères que ceux qui définissent une bonne décentralisation.
L'adéquation doit s'en trouver améliorée, ce qui n'est possible que si la démocratie est au rendez-vous.
Or vous diminuez la légitimité du président, lequel est désormais moins bien élu. Vous privez le conseil d'administration de vraies propositions du Conseil des études et de la vie universitaire, le CEVU, et du Conseil scientifique.
Vous confiez au président l'attribution des primes et le recrutement de contractuels ? y compris des titulaires de contrats à durée indéterminée ! ? sans prévoir de cadrage, notamment quant au pourcentage des ressources humaines, ni de dispositif de transparence, sans partenaires débattant du mode d'attribution ... et même sans moyens spécifiques.
Les moyens sont globalisés, direz-vous... Oui ! Mais gardons-nous de reproduire l'exemple de l'hôpital, où nous savons à quoi cela a conduit : c'est la suppression de postes qui a permis de dégager les moyens de la revalorisation de certains !
La seconde condition d'une bonne autonomie, c'est que l'État soit garant : garant des moyens pour faire, garant de l'égalité des chances, garant de la laïcité, garant des diplômes.
Les moyens pour faire, ce sont aussi des ressources humaines administratives, ou d'ingénierie quand il est question de bâtiment.
L'égalité des chances peut exister dans l'autonomie, mais pas dans la concurrence débridée. Il faut des cadrages : la parole de l'État dans les contrats pluriannuels devra refléter son souci d'aménagement du territoire. La survie et le développement de disciplines non valorisables par des brevets, ou même dérangeantes, mais ô combien nécessaires ? épidémiologie, toxicologie, systématique ?, sont aussi du devoir de l'État.
L'ouverture aux personnalités extérieures, que la commission aggrave potentiellement en invitant celles-ci dans le corps électoral, et le financement par des fondations peuvent être facteurs autant de dynamisme que d'inégalités, voire d'atteintes à la laïcité des contenus.
L'entrisme des créationnistes aux États-Unis et leur financement significatif ont ainsi conduit les responsables de plusieurs universités à céder à leur demande et à interdire l'enseignement de Darwin, et même de la paléontologie.
Nous n'en sommes pas là ;...
... mais, plus près de nous, au Collège de France, Mme Bettencourt finance une chaire sur l'innovation technologique, et bien évidemment pas sur les poètes du Moyen Âge ! Comment faire en sorte que le souci d'un conseil d'administration de garder ces précieux financements ne le conduise à s'autocensurer sur l'étude du risque des nanomatériaux dans les crèmes de beauté, par exemple ? Là aussi, nous attendons l'État.
Telles sont nos interrogations, madame la ministre. Nous serons attentifs à vos réponses, malgré les délais et les rythmes contraires au bon travail du Parlement que nous impose le Gouvernement.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. ? M. Gérard Delfau applaudit également.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Mes premiers mots, madame la ministre, seront pour vous féliciter d'avoir pris en charge un texte attendu autant que redouté, un texte nécessaire autant que combattu. Les débats, et les semaines qui suivront, nous montreront quels remous provoqueront les mesures courageuses que vous nous proposez.
J'ai pris connaissance du texte ; j'ai étudié les rapports des commissions ; j'ai entendu M. Valade, président de la commission des affaires culturelles, qui connaît par coeur l'ensemble du dispositif.
Sourires
À condition, mes chers collègues, d'être modifié par les amendements de la commission, le projet de loi va à mon avis dans le bon sens.
Bien entendu, certains l'ont souligné, ce texte ne constitue qu'une première étape, et il faut voir quelle sera la suite. Mais comme cette première étape est attendue depuis vingt-cinq ans, ...
Je ne ferai pas l'analyse critique du système universitaire actuel, car tous nous connaissons les chiffres. Les excellents rapports des deux commissions me permettront d'éviter de descendre dans l'extrême détail. Néanmoins, je souhaiterais obtenir quelques éléments de réponse sur trois points.
Le premier point concerne la spécificité française. Le mécanisme européen LMD ? licence, master, doctorat ? est en train de s'imposer et constitue un élément essentiel de la compétitivité de nos universités dans la conjoncture mondiale. Pourrons-nous, dans ce cadre, maintenir les quatre branches de notre système universitaire, à savoir, tout d'abord, les sections de technicien supérieur, ou STS, les instituts universitaires de technologie, ou IUT, et les classes préparatoires, puis l'université proprement dite, ensuite, les grandes écoles et, enfin, les grands organismes de recherche ?
Compte tenu de l'effectif de ces quatre branches, il sera difficile de maintenir un tel système, et ce malgré les passerelles et les synergies qui peuvent exister, en particulier les pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES, inventés par la commission des affaires culturelles du Sénat. En outre, les STS et les IUT reposent sur un cursus en deux ans, alors que le monde entier s'oriente vers un système de licence en trois ans. Comment ferons-nous pour maintenir la spécificité française ? Ne faudra-t-il pas, après avoir étudié la gouvernance des universités ? c'est le premier pas ?, aller vers des réformes un peu plus importantes et essayer de rebâtir une licence en trois ans ? Le but serait d'éviter ce choc formidable des premières années qui ne débouchent pas sur de bons résultats et de nous glisser dans un mécanisme européen, et même mondial ? je pense aux universités chinoises ou américaines... ?, qui réponde aux nécessités actuelles.
Le deuxième point que je souhaite aborder concerne la formation et l'orientation dans les lycées. Au lieu de critiquer l'absence de sélection dans l'université ? elle est à mon avis une conséquence plus qu'une cause ?, ne faudrait-il pas s'intéresser davantage aux mécanismes d'information et d'orientation ?
Moi qui ai longuement administré une ville comptant quatre lycées, j'ai été frappé de constater que les élèves des classes de seconde, première et terminale ne savent rien sur les carrières qui offrent des postes et sur celles qui sont fermées, ignorent quels mécanismes de formation permettent d'aller vers les carrières prometteuses et n'ont aucune idée de la manière dont il faut travailler et concevoir l'apprentissage des langues étrangères, le développement de l'informatique ou le recours aux sciences les plus modernes pour aborder ces carrières.
Plus que la sélection, qui serait trop stricte dans les STS et les IUT et insuffisante dans l'université, le vrai problème est l'amélioration de la formation des professeurs de lycée : ceux-ci devraient être en mesure de mieux orienter l'ensemble de leurs élèves. C'est ainsi, me semble-t-il, que l'on évitera un certain nombre d'essais touristiques expérimentaux dans des formations qui n'offrent aucune perspective de carrière ? je ne songe à rien de précis, même si l'on en trouve très près de chez moi ?, et que l'on évitera aussi bien des échecs.
Il est donc essentiel, madame la ministre, d'envisager les questions de l'information et de l'orientation, qui sont beaucoup plus importantes que les problèmes de la sélection.
Enfin, le troisième point que je souhaite aborder concerne le nombre d'universités. J'ai constaté, en lisant les rapports et des comptes rendus de tables rondes, qu'un certain nombre de bons esprits se posaient la question de savoir si, avec quatre-vingt-cinq universités, le dispositif français n'était pas trop important et s'il ne fallait pas essayer de le concentrer pour améliorer la structure, les orientations et les filières universitaires. Je ne le pense pas.
Il me semble que manque à votre projet de loi, madame ? mais ce sera peut-être l'objet de la deuxième étape ?, un élément qui apporterait souplesse et compétitivité : la possibilité de créer de nouvelles universités.
Face à de grands « mammouths », comme dirait M. Allègre, face à des structures dans lesquelles les conflits internes entre le droit, la médecine, la sociologie ou la psychologie... empêchent tout développement et bloquent tout progrès, la création d'universités nouvelles par des personnes dynamiques voulant informer, former, créer des filières importantes, reprendre des contrats d'apprentissage, faire le pont avec les centres de formation d'apprentis et les autres éléments de formation, voire quelques grandes écoles, permettrait d'améliorer le paysage et de donner plus de vie au texte que vous nous proposez.
Tels sont, madame la ministre, les trois points sur lesquels je m'interroge.
Très bien ! sur les travées de l'UMP.
Le projet de loi marque un premier pas, et j'y souscris volontiers. La gouvernance me paraît constituer un élément très important. J'approuve le principe du budget global, à la condition qu'au bout de quelques années il ne soit pas découpé en rondelles, comme nous l'avons vu dans les hôpitaux, et que des administrations trop nombreuses se croyant trop efficaces n'imposent pas de consacrer x % à tel sujet, y % à tel autre, z % à tel autre, ...
... car, alors, il n'y a plus de budget global du tout !
Il vous faudra donc, madame la ministre, être d'une vigilance absolue à l'égard de vos fonctionnaires pour éviter que la notion de globalité du budget, élément important de la nouvelle gouvernance, ne soit perdue de vue, et que le budget ne soit saucissonné et ne se transforme en quelques années en un mécanisme d'où la globalité aura disparu. Nos universités doivent pouvoir embaucher des chercheurs internationaux de bon niveau et les payer sans que le contrôleur financier vienne objecter que leur rémunération est trop élevée par rapport à celle d'un ingénieur des Ponts et Chaussées ou d'un professeur de collège.
M. Jean-Pierre Fourcade. Je plaide en faveur de tels mécanismes, et le projet de loi me paraît les permettre. J'espère donc, madame la ministre, que vous répondrez positivement à ma demande ; je voterai alors bien volontiers ce texte.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le débat sur le projet de loi relatif aux libertés des universités intervient l'année où nous célébrons le vingt-cinquième anniversaire de l'université des Antilles et de la Guyane. Ce sera donc pour moi l'occasion de rappeler à votre attention la situation très particulière et inquiétante de l'enseignement supérieur aux Antilles et en Guyane.
Le projet de loi dont nous discutons, que les universitaires appelaient de leurs voeux depuis de nombreuses années, s'inscrit dans la continuité de la loi Faure de 1968 et de la loi Savary de 1984, qui ont posé le principe de l'autonomie des universités. Pourtant, faute de dispositions adéquates, la réalité de ce principe est restée lettre morte, ou presque, et ce jusqu'à aujourd'hui.
Or, la dégradation du système universitaire français n'est plus à prouver. Les chiffres des dépenses par étudiant, des bourses, des crédits d'équipement ou de recherche parlent d'eux-mêmes ? cela a déjà été évoqué. Les conditions de travail, trop souvent déplorables, ne font que les confirmer.
Par ailleurs, nous devons désormais faire face à une concurrence internationale croissante, en particulier britannique et allemande. Le classement des universités mondiales nous est bien trop souvent défavorable.
Il est donc largement temps d'agir, de réformer l'organisation et le fonctionnement de nos établissements d'enseignement supérieur. En effet, c'est bien l'absence d'autonomie qui, jusqu'à aujourd'hui, les entrave en les privant de leur capacité d'initiative, de leur vitalité. Nous devons libérer ces énergies et donner à nos universités les moyens de devenir plus réactives, plus modernes.
Plus d'autonomie et de responsabilité, voilà ce dont les universités ont besoin pour être poussées à l'excellence et pour que la concurrence avec les universités étrangères soit moins biaisée.
Mais, comme vient de le souligner notre excellent collègue Jean-Pierre Fourcade, nos universités ont aussi besoin que les étudiants soient correctement orientés, motivés et sélectionnés. Cela passe notamment par l'une des mesures phares de votre projet de loi, madame le ministre : la transformation radicale de la gouvernance des universités.
Ainsi, les présidents d'université seront investis de nouveaux pouvoirs, beaucoup plus larges, et devront être porteurs d'un « projet d'établissement ». Cela renforcera leur légitimité et leur autorité au sein d'un conseil d'administration remodelé et resserré.
Cette gouvernance forte et crédible apparaît comme la condition sine qua non d'une réelle autonomie des universités.
C'est pourtant là que le bât blesse, madame le ministre, et que je me dois de vous rappeler certaines caractéristiques propres à l'enseignement supérieur en Guyane. En effet, si la réforme s'avère extrêmement pertinente dans un contexte régional, elle paraît sur plusieurs points difficilement applicable aux Antilles et en Guyane.
Tout d'abord, le conseil d'administration de l'université des Antilles et de la Guyane est actuellement composé de soixante membres, à raison de vingt membres pour chacun des pôles : Guadeloupe, Guyane, Martinique. Cette parité entre les trois pôles est l'une des clefs de l'unité de l'établissement.
Le contexte social, économique et même scientifique de la Guyane est cependant très différent de celui des Antilles. Il paraît dès lors très improbable que l'université puisse répondre efficacement aux enjeux de la Guyane alors que la représentation de celle-ci au conseil d'administration diminuerait. C'est pourquoi, madame le ministre, je présenterai à l'article 6 du projet de loi un amendement tendant à porter à quarante-cinq le nombre maximal des membres des conseils d'administration.
L'article 6 pose par ailleurs le problème des huit personnalités extérieures siégeant au conseil d'administration. Cela ne peut s'adapter à la particularité territoriale de l'université des Antilles et de la Guyane.
Actuellement, son conseil d'administration comprend quatorze personnalités extérieures, dont six sièges attribués aux trois conseils généraux et aux trois conseils régionaux.
Le texte, en prévoyant parmi les huit personnalités extérieures la présence d'un seul représentant du conseil régional, est particulièrement inadapté à la situation de l'université des Antilles et de la Guyane. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement tendant à porter le nombre maximal de personnalités extérieures membres du conseil d'administration à quatorze.
Le nouveau mode d'élection envisagé pour les présidents d'université ne me semble pas aller dans le sens du renforcement de la légitimité et de la crédibilité des présidents. Il conduirait en effet à la désignation du président par un maximum de vingt-deux élus, dont quatorze seraient des représentants des enseignants-chercheurs. Ces derniers auraient donc automatiquement une majorité absolue. Or, un président d'université est d'autant plus fort que son élection est l'expression d'une large représentation de la communauté et des partenaires de l'université.
J'ai donc souhaité m'associer à l'amendement déposé par notre collègue Pierre Laffitte, qui a vu, comme moi, à quel point il était indispensable d'inclure les personnalités extérieures dans le corps électoral, ce qui induit par ailleurs une modification du mode de désignation de ces personnalités, modification que nous proposerons dans un autre amendement.
Par ailleurs, une ambiguïté doit être levée au sujet des présidents d'université.
Le dernier alinéa de l'article 6 du projet de loi prévoit que les présidents d'université ont voix prépondérante en cas de partage des voix. Cette formulation sous-entend que le président a voix délibérative au conseil, alors même qu'il n'en est pas membre au sens de l'article L. 712-3 du code de l'éducation.
Et, dès lors qu'il deviendrait membre du conseil d'administration après son élection, il pourrait rompre le principe de parité, rappelé dans ce même article, entre les professeurs des universités et les autres enseignants. Madame le ministre, pouvez-vous me donner votre sentiment sur ce point ?
Le texte introduit un élément essentiel en créant une vice-présidence au sein du Conseil des études et de la vie universitaire qui sera spécialement chargée des questions de la vie étudiante.
Cependant, la rédaction du projet de loi ne fait pas apparaître clairement la qualité d'étudiant de ce vice-président, qualité qui est pourtant fondamentale. J'ai donc déposé un amendement tendant à rendre cette qualité plus explicite.
L'une des motivations principales de cette réforme, je l'ai déjà dit, est le renforcement de la gouvernance de l'université. À cet effet, il est curieux que le texte donne au président de l'université un droit de veto sur les affectations, alors que cette prérogative est laissée aux directeurs d'instituts ou écoles relevant de l'article L. 713-9 du code de l'éducation.
Je présenterai donc un amendement visant à modifier l'article L. 713-9 du code de l'éducation et à supprimer le droit de veto des directeurs d'instituts et écoles sur les affectations.
S'agissant enfin du comité de sélection, la nécessité qu'il soit composé de 50 % de membres extérieurs à l'établissement peut constituer pour l'université des Antilles et de la Guyane une source d'accroissement important des dépenses, dans la mesure où les membres extérieurs viennent le plus souvent de la métropole.
Sans vouloir nuire au caractère national du recrutement, j'ai néanmoins déposé un amendement prévoyant que l'université des Antilles et de la Guyane pourra constituer des comités de sélection comportant moins de 50 % de membres extérieurs, mais au moins deux enseignants-chercheurs d'un autre établissement.
Madame le ministre, je tiens à rappeler ici à quel point la Guyane mérite, du fait de sa situation géostratégique si particulière, un traitement adapté.
La Guyane française présente des caractéristiques démographiques, économiques et sociales telles qu'elle mérite des actions complémentaires afin de faire de ce territoire un centre d'excellence dans son environnement régional.
La structure universitaire en Guyane est dispersée et, par conséquent, bien peu lisible. Elle est composée de diverses entités : quatre établissements plus ou moins autonomes, des délocalisations de services communs ainsi que l'UFR de médecine administrés depuis les Antilles ; une représentation du président de l'université et de son administration sur le pôle Guyane a pour mission de coordonner l'ensemble.
Que voulons-nous faire de l'université des Antilles et de la Guyane ?
La création d'un établissement autonome doté d'une personnalité morale unique apparaît comme une nécessité évidente et urgente. J'appelle de mes voeux la création rapide de cette université de Guyane autonome avec une gouvernance forte.
L'enseignement supérieur en Guyane gagnerait considérablement et incontestablement en efficacité et en compétitivité si toutes ces structures fusionnaient enfin.
Cette revendication est tout à fait légitime et pertinente ; elle émane tant du corps enseignant, du personnel universitaire et des étudiants de Guyane que de l'ensemble des Guyanais et de leurs élus.
Madame le ministre, telles sont les raisons pour lesquelles j'ai déposé des amendements, qui permettront à moyen terme, grâce aux aménagements qu'ils prévoient, de préparer la collectivité guyanaise à aller vers une université de plein exercice. C'est avec confiance que je soutiendrai votre projet de loi.
Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.
Madame la ministre, nous avons examiné votre texte avec beaucoup d'attention et d'intérêt, et je limiterai mon propos à trois points.
Le premier concerne l'autonomie nécessaire. Cette dernière doit aller de pair avec une conception juste de l'aménagement du territoire. Comme l'a dit Mme Blandin, nous avons le même problème avec la décentralisation : si des collectivités concurrentes n'ont pas les mêmes moyens ou des moyens comparables, cela peut engendrer de grandes disparités. Et si l'autonomie consistait à établir une concurrence entre des universités de taille différente et, surtout, disposant de moyens très dissemblables, on aboutirait à de grandes injustices sur notre territoire.
Dans le département des Hauts-de-Seine, à côté de l'université de Nanterre, le conseil général a eu l'idée de favoriser la création de l'université dite « Léonard de Vinci ».
La comparaison des moyens affectés par étudiant, d'une part, dans cette université qui a été voulue par une collectivité locale de notre République et, d'autre part, dans l'université de Nanterre, située à quelques centaines de mètres, fait apparaître un véritable scandale.
Madame la ministre, quels moyens avez-vous prévu de donner aux universités pour que ce mouvement nécessaire vers une plus grande autonomie ne se fasse pas au détriment de la justice et du juste aménagement du territoire ?
J'en viens au deuxième point de mon intervention : je trouve dommageable ? mais c'est un sujet extrêmement difficile ? que vous n'ayez pas saisi l'occasion de ce projet de loi pour poser le problème de la nécessaire articulation de nos grandes écoles, voire de nos classes préparatoires aux grandes écoles, avec les universités.
La France est l'un des rares pays où les grandes écoles constituent un réseau souvent indépendant, juxtaposé à l'université, même s'il y a de nombreux liens entre les laboratoires, les chercheurs et les enseignants. Il faudra nécessairement, tout en prenant en compte nos spécificités et nos traditions, trouver une cohérence, dans chaque territoire concerné, entre le réseau des grandes écoles, voire des classes préparatoires, et l'université elle-même. Madame la ministre, j'aimerais connaître vos intentions à cet égard.
Enfin, le troisième point que je voudrais aborder concerne l'article 16, qui a trait aux pouvoirs des présidents d'université. Il est important que ces derniers aient les moyens d'exercer pleinement leur mission. Mais il ne faudrait pas que cela dérive sur ce que j'appellerai une « hyper-présidentialisation », même si un tel phénomène est quelque peu à la mode dans d'autres sphères... Il est nécessaire que les responsabilités des présidents soient clairement établies, mais il y a certaines limites qui, à notre sens, ne doivent pas être franchies : je pense à la nomination des personnels, en particulier des personnels enseignants et donc des enseignants-chercheurs.
Aux termes de l'article 16, des comités de sélection seront mis en place dans chaque université. Ces comités seront-ils créés pour chaque nomination ?
Si l'on constitue un comité de sélection pour chaque poste à pourvoir, l'on risque fort de se retrouver avec des comités ad hoc, avec toutes les dérives imaginables : clientélisme, « localismes », ...
Il me paraîtrait beaucoup plus sage de créer un comité de sélection par discipline ? ce serait en somme la nouvelle mouture de la commission de spécialistes ?, et non pour chaque poste à pourvoir, cette dernière solution, nécessitant la constitution d'un nombre très important de comités, étant source d'une grande complexité.
Par ailleurs, il est important que ce comité soit clairement représentatif de la discipline concernée. Le projet de loi prévoit que 50 % de ses membres sont choisis dans la discipline concernée. Ne serait-il pas opportun que le pourcentage soit un peu plus élevé, même si je pense qu'il est judicieux de prévoir que la moitié des personnes choisies sont extérieures à l'université, car cela nous prémunit contre les risques d'un trop grand « localisme » dans le recrutement des enseignants ?
Toutefois, madame la ministre, ce qui nous préoccupe surtout, c'est que le président puisse nommer de sa propre autorité un enseignant-chercheur contre l'avis dudit comité. En effet, aux termes de l'article 16, il n'est pas prévu de faire statuer une instance nationale du type Conseil national des universités, comme c'est le cas le plus fréquent pour la nomination des enseignants des universités.
Dès lors, dans le projet de loi tel qu'il est rédigé ? mais peut-être avons-nous mal compris ?, un président pourrait nommer quelqu'un de sa seule autorité, sans l'avis d'une instance nationale. Si tel n'est pas le cas, il convient de le préciser dans l'article 16.
Ce recrutement pourrait avoir lieu contre l'avis du comité de sélection, à supposer qu'il ne soit pas un comité ad hoc. J'en conclus, madame la ministre ? peut-être ai-je tort, mais je pense avoir bien lu ?, que le président pourrait décider d'une telle nomination sans suivre l'avis d'aucune instance à caractère scientifique.
Cette situation est inacceptable. Dans les universités étrangères, cela ne se passe pas ainsi, et, pour être recruté, il faut donner des gages scientifiques, notamment à ses pairs, c'est-à-dire à des enseignants, des chercheurs de la discipline concernée. Il nous semble donc extrêmement important de revoir la rédaction de l'article 16, afin d'éviter des dérives et de rester fidèles à cet esprit en vertu duquel l'université est dirigée principalement par des enseignants-chercheurs, désignés eu égard à leurs compétences, leurs travaux et leurs recherches.
Madame la ministre, la position qui sera prise par le Gouvernement au cours de la discussion quant aux amendements déposés sur cet article 16 aussi bien par le groupe socialiste que par la commission déterminera notre vote final sur ce projet de loi. Il est donc très important de clarifier les choses.
Je conclurai en disant que, pour nous, ces dispositions sont importantes car, même si vous nous dites que la question du recrutement est marginale, il s'agit de faire face à des situations d'urgence et de ne pas prendre dix-huit mois pour recruter un professeur. Dans ce cas, améliorons les procédures, changeons les dispositifs pour que le recrutement soit plus rapide.
Toutefois, il est essentiel que l'université repose sur la prise en compte de l'universalité des savoirs et du mouvement de la science, et que les personnels enseignants au sein de nos universités soient d'abord recrutés pour des raisons scientifiques et pédagogiques.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. ? MM. Gérard Delfau et Pierre Laffitte applaudissent également.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souscris pleinement à l'analyse et aux propos de notre excellent collègue Jacques Legendre, concernant le projet de loi relatif aux libertés des universités.
Dans la discussion générale, notre collègue Hugues Portelli a posé des questions fort pertinentes sur les relations entre les UFR, les unités de formation et de recherche, encore appelées « facultés », et les universités.
En 2006, j'ai mené une mission sur l'évolution des missions des centres hospitaliers et universitaires. Je limiterai donc mon propos aux relations spécifiques qui unissent le monde de la santé et l'université.
Tout le monde connaît l'historique de la question.
Avant 1958, il y avait deux entités distinctes et antagonistes : l'hôpital et l'université. En 1958, une volonté politique forte a consacré le rapprochement de la biologie et de la médecine clinique, qui existait déjà aux Etats-Unis, sous l'impulsion d'une nouvelle génération de médecins chercheurs.
L'ordonnance du 30 décembre 1958, texte remarquable de concision, a fondé l'union de l'hôpital et de l'université, donnant naissance aux centres hospitaliers et universitaires, les CHU.
La réforme Debré a institué un corps de professeurs des universités-praticiens hospitaliers à plein temps, les PU-PH.
Cette rencontre de la médecine hospitalière et de l'université a produit, il faut bien le dire, des résultats remarquables. L'excellence des CHU a été reconnue dans les années qui ont suivi. Pourtant, les liens avec l'université n'ont jamais été tout à fait satisfaisants.
Les relations entre les doyens et les présidents d'université sont très variables, et ce en raison de la confusion de leurs rôles respectifs.
L'article L. 713-3 du code de l'éducation précise que les directeurs des UFR, les « doyens », ont la responsabilité de la formation des étudiants. Mais, en 1984, l'article 32 de la loi Savary leur a donné un pouvoir dérogatoire pour signer les conventions hospitalo-universitaires, qui demeurent toutefois soumises à l'approbation du président de l'université.
Les présidents d'université signent les contrats avec l'État, définissent la stratégie et ont la maîtrise des locaux et des personnels. Les doyens ? et tel est l'objet des sollicitations qui nous ont été adressées ? conservent, avec l'hôpital, le directeur général et le président de la commission médicale d'établissement, la CME, le choix des postes de PU-PH à pourvoir.
L'article 12 du projet de loi qui nous est présenté vise à aménager les régimes dérogatoires dont bénéficient les composantes de santé des universités, notamment pour ce qui concerne les conventions hospitalo-universitaires et les affectations de postes.
Vous le savez tous, mes chers collègues, les modifications envisagées inquiètent vivement ? c'est un euphémisme ! ? les directeurs d'UFR, les directeurs généraux des centres hospitaliers et les présidents de CME des centres hospitaliers et universitaires.
Il faut effectivement reconnaître qu'il serait inconcevable, en raison des répercussions sur la santé publique d'une telle décision, que le choix des postes hospitalo-universitaires à pourvoir puisse être détourné au profit d'autres disciplines universitaires.
Par ailleurs, les postes universitaires ? il convient de le souligner ? doivent assurer la permanence des disciplines médicales dans leurs missions de formation et de recherche et ne pas répondre uniquement aux seuls besoins hospitaliers, ce qui n'est pas toujours le cas aujourd'hui. En effet, dans certaines spécialités médicales, on compte trop d'universitaires, tandis que, dans d'autres, on en manque cruellement. À terme, ces spécialités pourraient disparaître, car, sans formation, on ne peut plus assurer les soins.
Les amendements proposés par le rapporteur Jean-Léonce Dupont et adoptés par la commission des affaires culturelles tendent à instaurer un équilibre satisfaisant entre la légitime spécificité des CHU et les responsabilités des doyens, des directeurs généraux, des présidents de CME et des présidents d'université.
En effet, la commission a adopté un amendement visant à préciser que les conventions hospitalo-universitaires « respectent les orientations stratégiques de l'université définies dans le contrat pluriannuel d'établissement, notamment dans le domaine de la recherche bio-médicale ».
Par ailleurs, s'agissant des emplois hospitalo-universitaires, il est indiqué qu'ils « sont affectés dans le respect des dispositions de l'article L. 952-21 ».
Ainsi, les effectifs des emplois hospitalo-universitaires « sont fixés, pour chaque centre et pour chaque catégorie, par décision commune des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé ».
L'adoption de l'article 12 du projet de loi devrait dissiper les inquiétudes qui se sont exprimées.
Je terminerai mon intervention en abordant les relations entre la recherche universitaire et le monde de la santé.
De ce point de vue, le déficit est notable. Le dernier classement de Shanghai, celui de 2007, qui distingue maintenant cinq grands domaines, est peu brillant pour ce qui concerne les sciences médicales et pharmaceutiques.
La recherche fondamentale et les projets de recherche en santé requièrent des échanges accrus et une concentration de moyens. Cela ne peut se faire que dans le cadre universitaire. La nécessité de disposer de grands plateaux scientifiques et techniques s'impose. Et, surtout, l'interdisciplinarité est une exigence. En témoigne le fait que dix des quatorze derniers lauréats du prix Nobel de physiologie et de médecine ne sont pas médecins.
On peut se féliciter du développement, dans notre pays, de la recherche clinique dans le cadre des centres hospitaliers et universitaires. Si l'on tient compte du caractère interrégional des recherches, qui peut représenter une difficulté pour les différentes universités concernées, on observe que de grands progrès ont été réalisés ces dernières années.
Les pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES, créés par la loi de programme pour la recherche, qui associent pour la première fois les CHU à d'autres structures scientifiques et universitaires, sont un espoir pour l'avenir de la science médicale.
Il en résulte que la médecine, quelle que soit sa spécificité, a elle aussi besoin de réformes. Son excellence dépend d'un meilleur ancrage dans l'université.
On peut convenir avec les auteurs d'une récente tribune que « les facultés de médecine ne gagneront rien à devenir des écoles professionnelles ; elles ne gagneront rien à s'isoler sous forme d'universités de santé alors que partout ailleurs les universités se regroupent en pôles de recherche et d'enseignement supérieur polydisciplinaires ».
« Au contraire, elles gagneront tout à rester au contact des autres disciplines et ne doivent pas avoir peur de l'émulation, voire de la concurrence, qui peut naître de cette proximité. »
Madame la ministre, je suis intimement persuadé que ce texte relatif aux libertés des universités peut contribuer à favoriser un nouvel essor de la médecine française, et donc de la santé publique dans notre pays. Cette réforme se situe dans le prolongement de celle qui avait été lancée, en 1958, par Robert Debré. Je voterai donc ce texte et son article 12, après adoption des modifications proposées par la commission des affaires culturelles.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne vous cacherai pas ma satisfaction, en tant qu'universitaire, de voir la Haute Assemblée saisie des questions universitaires, à propos desquelles le Premier ministre a parlé de « réforme fondamentale ».
Mes collègues viennent de rappeler l'enjeu que représente l'avenir de nos universités, et mes réflexions rejoignent bon nombre de celles qui ont été évoquées ici. Toutefois, à mes yeux, il est essentiel d'avoir une vision prospective de ce que doit être l'enseignement supérieur, de ses finalités et de l'équilibre difficile, mais indispensable, qui doit exister entre formation, recherche et professionnalisation. Cette réflexion aurait mérité une loi d'orientation.
Comme mes collègues, je regrette vivement que ce projet de loi ne traite que les questions de gouvernance. Certes, il s'agit d'un sujet central, je vous l'accorde, madame la ministre, mais il n'a de sens que si nous l'abordons de front, en trouvant des solutions aux principales difficultés que rencontrent nos universités, à savoir notamment le manque de moyens, la réussite des étudiants de premier cycle et leur insertion professionnelle. L'organisation de la recherche, grande absente du texte qui nous est ici proposé, madame la ministre, ...
... aurait pourtant pu contribuer à assurer une meilleure efficacité et à améliorer la visibilité, et donc l'attractivité de notre pays sur le plan économique.
J'avais déjà eu l'occasion de dire à François Goulard, alors ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, que l'université était absente de son pacte pour la recherche.
Pour respecter le parallélisme des formes, vous avez quant à vous, madame la ministre, oublié la recherche dans le texte qui nous est soumis.
Dans le cadre d'une économie de l'intelligence, prônée lors du sommet de Lisbonne par le président Chirac, l'enseignement supérieur et la recherche constituent notre arme de pointe dans la compétitivité internationale.
Nous sommes tous convaincus dans cette enceinte, j'en suis persuadé, que notre pays doit se doter d'une architecture ambitieuse, fruit d'une étroite collaboration entre tous les partenaires. Voilà l'un des enjeux essentiels du texte dont nous débattons et qui aurait dû se traduire par une véritable loi d'orientation et de programmation.
Eu égard à la priorité affichée par le nouveau Président de la République, Nicolas Sarkozy, nous avions tous compris qu'il allait en être ainsi. En lieu et place, nous devons toutefois nous contenter de ce texte sur la gouvernance, alors même que les moyens budgétaires ne sont pas prévus pour cette année et qu'ils seront peut-être de 1 milliard d'euros en 2008.
Et pourtant, il s'agit bien là d'intelligence, de création, de transmission des connaissances et de valorisation de la recherche. L'université est un acteur prépondérant dans une économie mondialisée. Elle doit pouvoir s'adapter, se rénover et, par-dessus tout, elle doit avoir les moyens de fonctionner de manière moderne.
Un euro investi dans une université du troisième millénaire ? j'emploie volontairement le mot « investi » plutôt que « dépensé » ? sera démultiplié à très court terme.
Nos étudiants doivent recevoir une formation suffisamment générale pour avoir les moyens d'évoluer dans leur carrière, en fonction des évolutions économiques et technologiques, et suffisamment professionnalisante pour être immédiatement efficace.
Par ailleurs, notre recherche doit être suffisamment fondamentale pour satisfaire l'impérieux besoin de connaissance, et suffisamment appliquée pour accompagner notre économie, son développement et la croissance.
L'université est au croisement de ces deux paradigmes, les enjeux sont primordiaux, et nous devons nous demander si ce texte contribue à y répondre. Toutefois, madame la ministre, force est de constater que quelques zones d'ombres subsistent, s'agissant notamment des PMU, les petites et moyennes universités, comme celle du Maine-et-Loire.
Quels moyens envisagez-vous d'accorder aux petites et moyennes universités, qui connaissent déjà un encadrement moindre que les grandes universités, afin d'éviter que ne se crée un système universitaire à deux vitesses ? L'autonomie à laquelle nous sommes tous attachés ici ne doit pas se traduire par l'abandon.
Enfin, quel sera l'avenir des pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES, qui ont été introduits par le pacte pour la recherche ? J'ai d'ailleurs envie de traduire PRES par « pôle régional d'enseignement supérieur » et de laisser au mot « recherche » une autre signification, car l'enseignement supérieur intègre à mon avis forcément la recherche. Accoler les mots « recherche » et « enseignement supérieur » me paraît donc redondant.
Les PRES, instaurés depuis peu, constituent avant tout un outil de mutualisation tant pour les universités que pour les autres établissements d'enseignement supérieur. Cette mutualisation revêt tout son sens lorsqu'elle concerne les moyens et les activités. La logique de sites géographiquement proches permet de renforcer la visibilité et l'efficacité tant de l'enseignement que de la recherche.
Dotés d'une taille critique suffisante, les pôles de recherche et d'enseignement supérieur doivent permettre une plus grande attractivité des établissements concernés ainsi que des territoires sur lesquels ils sont implantés. Mais n'aurait-il pas été intéressant d'utiliser une pédagogie directive pour définir leur périmètre et éviter ainsi que ne se constituent des baronnies ?
La nouvelle gouvernance des universités est indispensable. Elle est un outil de travail en commun qui, dans un contexte de forte compétition internationale, constitue la pierre angulaire de notre politique d'enseignement supérieur et de recherche.
Toutefois, comme l'a rappelé Jean-Pierre Sueur, il ne faut pas tomber dans l'« hyper-présidentialisation » dans laquelle risque pourtant de nous entraîner la rédaction actuelle de l'article 16 du projet de loi.
Nous sommes dans une attitude constructive, voire positive, à condition que le texte soit modifié, s'agissant en particulier du recrutement dérogatoire.
Madame la ministre, permettez-moi, par déformation professionnelle, de noter votre projet.
Pour le côté positif, je relève la prise de conscience de l'enjeu pour l'économie française, l'idée des fondations, à condition qu'elles soient contrôlées, des conseils d'administration resserrés, conseils qui sont aujourd'hui sclérosés et frappés d'inertie.
Pour le côté négatif, je déplore, avec nombre de mes collègues, un calendrier restreint, un décalage d'un an au moins entre l'autonomie et l'affectation réelle des crédits supplémentaires, sans oublier le fameux article 16.
Au total, dans l'état actuel de votre copie, mon appréciation sera : « Peut mieux faire ». Je suis d'ailleurs persuadé que vous le pouvez !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. ? M. Gérard Delfau applaudit également.
M. Adrien Gouteyron remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la réforme de l'université était l'une des nombreuses arlésiennes de notre système sociopolitique. Nous ne pouvons donc que nous réjouir de voir enfin apparaître un texte engageant cette réforme. Cette dernière est nécessaire au vu de l'état de l'université française dont l'un des plus grands scandales est le nombre considérable d'échecs dès la première année. Mais cette situation est suffisamment connue ? vous l'avez d'ailleurs évoquée, madame la ministre ? pour que je ne m'y attarde pas.
Les dispositions du présent projet de loi vont dans le bon sens, mais elles ne sont qu'un premier pas vers la modernisation de l'université, les prémices de réformes futures plus ambitieuses encore.
Le principe d'autonomie est incontestable, et je me réjouis que des discussions aient permis sa généralisation, car il faut mettre tout le monde en face de ses responsabilités.
Le conseil d'administration aura une nouvelle configuration, encore trop pléthorique à mon sens. J'espère qu'elle lui permettra de sortir du rôle de comité Théodule qu'il avait trop souvent jusqu'alors. Il est à souhaiter que de son sein émergeront de véritables managers ; je ne suis néanmoins pas certain que le mode de fonctionnement présent et passé de l'université le permette toujours. Le risque de désigner la personnalité susceptible de faire le moins de vagues et la plus adepte du consensus mou est loin d'être écarté, et les manoeuvres d'évitement d'un certain nombre de présidents lors de la dernière crise du CPE ne sont pas faites pour nous rassurer.
Si le président est mauvais, la limitation des mandats est la bienvenue ; s'il est bon, se priver de ses compétences est alors regrettable. Huit années de présidence semblent néanmoins constituer un compromis acceptable et un progrès par rapport au passé.
Le projet de loi comporte des dispositions relatives au patrimoine immobilier. Lorsque celui-ci appartient à l'État, le transfert ne soulève guère de difficultés. Mais quelles mesures sont-elles prévues pour préserver les intérêts des collectivités locales, qui ont largement contribué à la création et à l'amélioration de ce patrimoine depuis vingt ans et qui en sont parfois propriétaires ?
Le projet de loi prévoit aussi la possibilité de moduler les obligations de service des personnels enseignants et de recherche, ce qui me semble en soi une bonne chose. Pour les personnels contractuels, cela ne devrait pas être trop difficile à mettre en oeuvre. En revanche, s'agissant des fonctionnaires titulaires, qu'envisagez-vous pour que ces modulations soient compatibles avec le statut général de la fonction publique et avec les statuts particuliers de chaque corps d'enseignants ?
Votre projet de loi est d'une grande timidité sur deux questions majeures liées entre elles : l'entrée à l'université et les droits d'inscription. Il s'agit de deux tabous qui restent non traités. Il en résulte que la réforme est pour l'instant au milieu du gué, si je puis m'exprimer ainsi.
Mme la ministre fait un signe de dénégation.
Notre système d'enseignement supérieur repose sur une profonde hypocrisie. Il comprend des secteurs où règne une sélection très exigeante et d'autres où c'est le laisser-aller le plus complet. Tout le monde accepte la sélection féroce des classes préparatoires et des grandes écoles, dont le poids reste trop modeste pour peser sur le plan international. Il faudra donc, à mon sens, qu'elles se rapprochent davantage des universités. Par ailleurs, on peut se demander si la forme de sélection qu'elles pratiquent est toujours bien adaptée. Ce n'est pas certain !
La sélection est aussi de droit dans les IUT, dans les STS, pour les études médicales et paramédicales, sans compter un certain nombre de formations extrêmement spécialisées et de plus en plus nombreuses.
En revanche, dès qu'il s'agit du tout-venant de nos universités, c'est le refus intégral, contraire à l'intérêt des étudiants et au bon fonctionnement universitaire.
Le premier projet de loi prévoyait une sélection à l'entrée en master, ce qui constituait un progrès. Mais le flot des corporatismes et des conservatismes a emporté cette intention. Pourtant, la sélection à l'entrée en quatrième année est bien tardive pour être vraiment efficace.
Le problème à résoudre se situe à l'entrée en première année. Une sélection à ce stade paraît particulièrement nécessaire si l'on observe ce qu'est devenu le baccalauréat. Je ne sais s'il faut être aussi sévère que Paul Valéry, lequel considérait que « le baccalauréat est le certificat que donne l'État et qui atteste à tous que le jeune Untel ne sait absolument rien faire », mais il est quasi certain que le « bac pour tous » est de plus en plus un « bac pour rien ». §Cela laisse la porte ouverte non pas aux plus aptes ou aux plus courageux, mais à ceux qui connaissent les arcanes du système ou à ceux qui ont des relations. Facteur aggravant, le laxisme de la notation gagne désormais l'université ? c'est non pas moi, mais un président d'université qui le dit ?, certains étant plus préoccupés du maintien de filières dépassées que de l'avenir des étudiants.
Aussi, appelons-la comme on veut, mais l'orientation ou la sélection à l'entrée de l'université est indispensable. Sinon, on continuera de voir des titulaires d'un bac professionnel s'y fourvoyer, d'autres s'engager dans des études de psychologie, de sociologie, d'éducation physique, d'histoire de l'art ou d'histoire, qui ne mènent à rien sinon à des diplômes dévalués !
Des milliers d'autres étudiants continueront d'échouer dès la première année de droit, alors que des filières offrant des débouchés manquent cruellement de candidats. Et ce sont les enfants des classes populaires qui continueront de faire les frais d'une sélection par l'échec sur laquelle tout le monde, ou presque, ferme les yeux.
Nous devons adapter les filières aux besoins de la société et aux capacités des étudiants afin de rendre l'université plus attractive et plus performante.
Et que doit-on penser des filières qui, à l'issue du master, n'offrent pour débouché qu'un nombre très réduit de places en doctorat ? Ceux qui ne sont pas admis sont éjectés sans autre forme de procès.
À l'entrée dans les universités et aux problèmes que cela pose se rattache la question des moyens financiers, et donc des droits d'inscription et de leur montant. Certes, la dépense par étudiant est insuffisante comparée aux grandes écoles ou aux pays étrangers. Si l'on rapproche ces données du nombre de diplômés, la statistique s'améliore un peu, et l'on progresse encore si l'on tient compte des « faux étudiants » ? ils représenteraient de 10 % à 20 % des étudiants rien qu'à la Sorbonne ! Toutefois, même sur cette base, on ne peut considérer que l'université dispose de moyens suffisants. À cet égard, les engagements qui sont pris amélioreront la situation.
Nous préférons, en toute hypocrisie, la gratuité qui, pourtant, consiste à faire payer par le peuple les études des enfants de la bourgeoisie tout en privant l'université de moyens indispensables. Le résultat est le caractère antidémocratique et inégalitaire qui conduit à exclure de l'université les enfants des milieux modestes, notamment ceux du monde ouvrier.
Il est vrai que l'université n'est pas la seule responsable de cette situation. Il convient de s'interroger sur le fonctionnement de l'orientation dans l'enseignement secondaire.
Une éventuelle majoration des droits d'inscription suppose bien entendu la mise en place d'un véritable système de bourses et de prêts dignes de ce nom. Par ailleurs, les prêts et les bourses devront être attribués sur des critères sociaux et universitaires, ce qui implique que les filières débouchent réellement sur un emploi.
Pour l'heure, la coalition des intérêts, des corporatismes et des conservatismes a triomphé. Toutefois, nous ne pourrons pas indéfiniment écarter ces deux sujets. Le conservatisme de ceux qui prétendent représenter les étudiants est extraordinaire, car ils donnent l'impression d'être plus préoccupés de sécurité et de retraite que de l'aventure de la vie. S'ils ont vingt ans à l'état civil, ils en ont apparemment beaucoup plus dans leur tête. Avec de tels positionnements, l'égalitarisme a encore de beaux jours devant lui, au détriment de l'équité.
Mes chers collègues, je vous remercie de m'avoir écouté.
Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Madame la ministre, permettez-moi d'attirer votre attention sur un point.
Les constats dressés par MM. les rapporteurs et par plusieurs intervenants sont certes assez durs à entendre. Toutefois, si nous sommes trop critiques à l'égard de nos universités ? plusieurs présidents d'université m'ont alerté sur ce sujet ?, nous risquons de créer un état d'esprit de défaitisme et une situation d'échec avant même d'avoir entraîné tout le monde dans le mouvement que nous espérons voir naître à la suite de votre projet de loi.
En effet, au cours des dernières années, nombre d'universités, malgré des conditions de fonctionnement difficiles, ont obtenu des résultats assez remarquables.
Il ne s'agit pas de gommer le constat, madame la ministre. Néanmoins, le ministère pourrait réaliser avec les universités un travail collectif en vue, d'une part, de valoriser le savoir-faire et les nombreuses innovations dans de multiples domaines ? cela donnerait le moral aux « troupes » ? et, d'autre part, de fonder les perspectives sur un capital qui est loin d'être négligeable. Comptez-vous agir ainsi, madame la ministre ?
Dans cette affaire, je pense aussi au rayonnement international de la France. Les universités proposent une offre de formation et de coopération qui est considérable. L'attractivité des universités françaises est réelle. Permettez-moi de prendre l'exemple de l'université de Tours, dont vous connaissez l'excellent président.
Cette université est très impliquée dans les programmes de coopération internationale, et ce dans des champs nouveaux. Ainsi les universités d'Orléans, d'Angers, de Nantes et de Tours ont-elles créé l'Institut international fleuves et patrimoine, placé sous l'égide du Centre du patrimoine de l'UNESCO. Cet institut, qui allie formation initiale et continue, recherche et expertise, s'intéresse à des fleuves tels que le Niger, le Mékong ou le Sénégal.
L'action des universités dans ce domaine est vraiment trop peu connue. D'ailleurs, la coopération internationale figure bien parmi les missions du service public de l'enseignement supérieur, définies à l'article 1er du présent projet de loi.
Comme beaucoup de mes collègues, au nombre desquels M. Jacques Pelletier, je suis très concerné par la coopération. Il faut absolument faire valoir le travail de nos universités. D'autres orateurs l'ont dit avant moi, notamment MM. Assouline et Laffitte, il faut prendre garde à ne pas scier la branche sur laquelle on est assis.
Madame la ministre, la question des moyens va se poser avec de plus en plus d'acuité. Une fois ce texte adopté, vous serez soumise à une pression considérable, qui se manifeste d'ailleurs déjà.
J'ai moi-même été sollicité par certains des universitaires sur le sujet, toujours mis en avant, du lien entre les deux premières années de faculté et les lycées : comment créer des ponts pour résoudre ce problème récurrent de l'orientation ? M. Fourcade vous a questionnée sur ce point. Je suis certain qu'il faut répondre d'urgence à cette interrogation.
Les universitaires estiment avoir surtout besoin d'un volume d'heures pour accompagner les étudiants.
D'après ce que l'on m'a dit, les étudiants de la génération actuelle, quand ils ne sont pas en cours, sont dans la rue ou au bistrot ! Peut-être, à notre époque, étions-nous plus studieux ?
Sourires.
Nous ne l'étions peut-être pas plus, mais nous étions moins nombreux, et les choses s'en trouvaient facilitées. Et nous avons tous, bien évidemment, fait d'excellentes études.
Les enseignants sont d'avis qu'il faut retenir les élèves entre les murs de l'université, en leur offrant des lieux d'études et la possibilité de suivre des travaux pratiques. Pour cela, il faut les encadrer. Ils suggèrent que des professeurs des lycées viennent les aider. Selon eux, ce n'est pas tant le nombre de postes que le volume d'heures qui compte : comme vous le savez peut-être, madame la ministre, ils ont estimé qu'il leur faudrait 140 millions d'euros. Ce n'est pas rien !
Vous annoncez que 5 milliards d'euros vont être alloués aux universités ; en fait, il convient non pas de leur octroyer 1 milliard d'euros de temps en temps, mais de débloquer très vite des fonds pour régler d'urgence les problèmes, notamment celui-là. D'autres se posent, notamment celui de la revalorisation des carrières, sur lesquels je n'insiste pas, car vous connaissez mieux que moi les urgences.
Vous ne pouvez pas trop attendre pour indiquer, par un signe extrêmement fort, que vous entendez répondre à cette question de la revalorisation de l'image des universités, à laquelle je suis particulièrement attaché.
Pour remédier à l'échec des étudiants, une solution immédiate s'offre à vous, à condition que vous trouviez 140 millions d'euros ! Cela dit, ce n'est pas à moi de dire quelle somme est nécessaire.
Vous ne pouvez pas vous dispenser de répondre à cette interrogation.
Tous ceux qui soutiennent ce projet de loi ? ils sont nombreux, finalement ? attendent un geste de votre part.
Il n'a pas été annoncé officiellement qu'il n'y aurait pas de collectif budgétaire, mais ce serait une bonne chose qu'il y en ait un. Vous justifiez votre hâte à présenter cette réforme par le fait qu'une nouvelle année universitaire ne saurait s'ouvrir en l'état. Vous êtes pour ainsi dire obligée de faire le geste attendu avant la rentrée, en proposant un collectif permettant de débloquer les 5 milliards d'euros promis : sur toutes les travées, des voix s'élèveront alors pour affirmer que vous êtes une bonne ministre de l'enseignement supérieur !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l'UC -UDF et de l'UMP.
Voilà vingt-cinq ans qu'est évoquée la nécessité de donner plus d'autonomie, une meilleure gouvernance et de nouvelles missions à nos universités. Au nom du Gouvernement, vous nous proposez enfin la réforme attendue, madame la ministre, et, comme beaucoup de mes collègues, j'applaudis cette initiative.
On entend, ici ou là, des commentateurs professionnels dénoncer la précipitation qui a présidé à la présentation au Parlement de ce projet de loi durant cette session extraordinaire, mais vous avez rappelé que le calendrier serré n'a pas empêché une concertation dense et approfondie. La preuve en est l'évolution du texte entre sa première mouture et celle qui nous est soumise aujourd'hui, à laquelle le Sénat ne manquera pas d'apporter encore des perfectionnements.
Permettez-moi, madame la ministre, de saluer l'impressionnante maîtrise de ce difficile sujet dont vous faites preuve, maîtrise qui ne manquera pas de désarmer les détracteurs de cette réforme.
Je félicite nos collègues rapporteurs et je remercie le président de la commission des affaires culturelles d'avoir invité tous les sénateurs aux principales auditions.
Il était grand temps ? nombre de mes prédécesseurs à cette tribune l'ont souligné ? de réformer la gouvernance des universités.
J'ai siégé pendant plusieurs années au sein du conseil d'administration d'une université en qualité de représentant d'une collectivité locale ; avec un autre élu local siégeant dans cette instance, nous avions coutume de dire que nous y avions sans doute gagné notre paradis ! Si, en effet, j'ai eu l'occasion de siéger dans des conseils d'administration d'écoles maternelles et primaires, de collèges, de lycées, le pire a bien été de siéger au sein du conseil d'administration de cette université, et j'ai bien souvent plaint et admiré son président pour sa patience, sa courtoisie et le calme qu'il savait garder.
Réduire le nombre des membres du conseil d'administration des universités est donc une mesure de salut public. Certains la déplorent, mais il n'y a pas lieu que chaque membre représente une seule discipline, une seule catégorie.
Adhérer à un projet pour son université, défendre et soutenir pour cela l'action exécutive d'un président font de l'administrateur un représentant de la communauté universitaire tout entière, de la même façon qu'un conseiller municipal représente l'ensemble des administrés de sa commune. C'est de la démocratie et non du corporatisme.
Toutes les mesures qui tendent à faire du président du conseil de l'université un vrai « patron », un « manager » sont bonnes. Le président devra définir la stratégie à long terme de l'université, la faire adopter et la conduire, veiller à une gestion dynamique des ressources humaines et pouvoir influer fortement sur le recrutement, en particulier celui des enseignants-chercheurs, dont il devra vérifier le haut niveau de compétences, qu'ils soient français ou étrangers. Il devra éviter ? on en a parlé ? le « localisme » dont souffrent certaines de nos universités, notamment en province.
Des mesures incitatives, sur ce sujet, devraient d'ailleurs être mises en place pour éviter, par exemple, une attractivité plus grande des universités parisiennes par rapport à certaines universités de province et l'abondance de « professeurs TGV », qui, sitôt leur cours donné en province, rentrent à Paris.
Quant à l'épouvantail de la sélection, notamment à l'entrée, il semble bien qu'il n'ait pas lieu d'être brandi. Il nous est dit que, cette année, 83 % des lycéens ayant passé le bac l'ont réussi. Cependant, une observation attentive de la situation de l'ensemble de la classe d'âge correspondante révèle que seulement un peu plus de 63 % des jeunes gens et jeunes filles sont bacheliers.
Beaucoup de ces nouveaux bacheliers se tournent vers des formations courtes mais qualifiantes : STS, IUT, et ce le plus souvent avec un baccalauréat de filière classique, alors que les titulaires d'un baccalauréat professionnel butent à l'entrée de l'université, où beaucoup d'entre eux se trouvent très vite en difficulté.
D'autres s'orientent vers des classes préparatoires aux grandes écoles mais, le plus souvent, après s'y être préparés : ce choix a été opéré après mûre réflexion et répond à une réelle volonté.
Un grand nombre de bacheliers n'ont pas d'idées précises au lendemain de leur succès à cet examen.
Ces jours-ci, j'ai interrogé, dans ma propre commune, de jeunes bacheliers : beaucoup d'entre eux hésitaient, par manque d'informations ou par insouciance, et n'avaient pas encore choisi précisément la voie dans laquelle ils allaient s'engager. Droit ? Histoire de l'art ?
Il faudrait donc que l'orientation soit mieux encadrée, commence dès le lycée ? en classe de seconde ? et soit réalisée en partenariat entre les universités et les lycées. Pour une meilleure information dans les lycées, il faudrait qu'il soit systématiquement fait appel, comme cela se fait heureusement déjà dans certains établissements, à des représentants de divers métiers et branches professionnelles.
Le projet de loi qui nous est soumis et qui confère aux universités une large autonomie devrait enfin permettre de reconfigurer les ensembles immobiliers d'enseignement, de culture, de recherche, de loisirs et de résidence en faisant de nos campus universitaires des lieux où il fait bon vivre, des lieux où les jeunes ont envie de vivre et d'étudier. Hélas ! les édifices sont trop souvent délabrés, sales, maculés de graffitis, et l'insécurité y règne. Ce sont là des conditions bien peu propices à l'étude et peu attrayantes.
Il faudra trouver, madame la ministre, des moyens pour aider les universités et accompagner la dévolution à leur profit de leur patrimoine immobilier.
Il conviendra également d'accentuer les efforts pour que de véritables partenariats se développent entre laboratoires de recherche publics et privés et les universités, comme cela se pratique à l'étranger et déjà, heureusement, dans quelques-unes des universités françaises.
J'ai eu l'occasion, voilà quelques mois, de visiter l'université Behang, à Pékin. À l'intérieur du campus, d'ailleurs paysagé, propre et vraiment superbe, des sociétés privées ont été invitées ? et pourtant, c'est la Chine ! ? à construire des laboratoires de recherche où collaborent des enseignants-chercheurs de l'université et des étudiants.
Avec les membres de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, j'ai visité également, voilà un an, un laboratoire privé de recherche pharmaceutique édifié et exploité en collaboration avec l'université de Toulouse.
L'autonomie devrait favoriser de tels développements.
À tort ou à raison ? mais c'est un fait ?, le classement de Shanghai devient une échelle internationale de classement des universités.
Nous ne pouvons certes pas prétendre, compte tenu de la dimension de l'Hexagone, avoir nos quatre-vingt-cinq universités dans les cent premières du classement.
Ne pourrions-nous pas, toutefois, utiliser systématiquement la possibilité offerte par la loi de programme pour la recherche de l'an dernier de créer des PRES, des pôles de recherche et d'enseignement supérieur, associant universités, grandes écoles, laboratoires de recherche, et leur donner un nom, un identifiant propice à la communication ? Peut-être ces « grands noms » pourraient-ils alors être bien, voire très bien placés dans le classement Shanghai.
L'autonomie est la voie ouverte à un grand progrès pour nos universités.
Il faudrait également permettre aux établissements d'enseignement supérieur et aux nombreuses grandes écoles bénéficiant déjà d'une gouvernance forte et ayant fait la preuve du bon usage qu'ils en font de n'être pas tenus à l'écart des dispositions en matière d'autonomie qu'ils appellent de leurs voeux de longue date et qui pourront contribuer à améliorer leurs performances. Ce serait là un pas de plus vers la mise en cohérence de nos grandes écoles et de nos universités. Quelques-uns de mes collègues et moi-même avons d'ailleurs déposé des amendements en ce sens.
Ce projet de loi est historique. Il fait entrer dans le XXIe siècle nos universités dotées de nouveaux et bons atouts. Les universités les plus réputées du monde sont en effet des universités autonomes.
Je voterai donc bien entendu ce texte, amélioré par la contribution du Sénat, lequel est remarquablement piloté par M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, sous la houlette de son brillant président, professeur d'université, et par M. le rapporteur pour avis.
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous vous attendez sûrement à ce que le peu de temps dont je dispose me conduise à tenir des propos quelque peu rugueux.
Cela ne vous ressemble pas, monsieur le sénateur !
Après tout, la rugosité n'est pas toujours l'ennemie de la pédagogie, surtout quand il s'agit d'exposer des arguments auxquels je tiens.
Madame la ministre, vous avez souvent évoqué le contexte à propos du développement de l'université française. Vous avez raison : l'université ne s'appartient pas ; elle appartient au pays, lequel est en droit de lui demander de se mettre en ligne avec ses objectifs de développement humain, culturel et scientifique.
Pour autant, plutôt que d'étudier ce contexte sous le seul angle de la compétition, mieux vaudrait en comprendre le contenu. Or, chaque année, sur les 1 400 milliards de dollars consacrés aux dépenses d'éducation, 21 milliards sont appropriés par des firmes privées.
Il s'agit bien d'un secteur d'accumulation, comme bien d'autres, notamment la santé. La production du savoir n'échappe pas à l'appétit de la concurrence et du marché. Tel est bien l'objectif de nombreux acteurs financiers sur la scène internationale. À mon sens, il faut y résister. Vous pensez qu'il faut s'y résigner : je ne suis pas d'accord !
Selon moi, ce texte ne porte pas sur l'autonomie des universités, dont le parti socialiste est d'ailleurs partisan. En réalité, l'autonomie n'est qu'un prétexte. C'est bien la « liberté » des universités qui est en jeu ? vous avez d'ailleurs mis ce terme en exergue dans le titre même du projet de loi ?, c'est-à-dire l'instauration du marché.
De même, la gouvernance, qui pose effectivement de vrais problèmes, est un alibi. L'accueil dans le premier cycle, l'articulation de l'enseignement avec la recherche, la lisibilité des filières de formation ne sont que quelques-unes des nombreuses questions qui restent en suspens. Or comment se fait-il que, pour aborder des problèmes aussi complexes, vous commenciez par la gouvernance ? Il y a là un véritable vice de forme !
Il faut commencer par traiter les objectifs et identifier les moyens, non seulement sur le plan financier mais également sur le plan de la réorganisation des filières, eu égard, notamment, à la professionnalisation, et seulement, ensuite, s'intéresser à la gouvernance. C'est ce vice de forme qui me fait dresser l'oreille et me fait dire à quel point je ne peux être d'accord avec vous.
Madame la ministre, à quelle extrémité n'en êtes-vous pas rendue pour justifier la mise en place de la liberté de recrutement et de rémunération des enseignants ? Voilà, en effet, le coeur du sujet, qui ne manquera pas de déboucher sur un mercato des enseignants...
...et sur une inégalité croissante entre les universités, entre celles qui pourront recruter les professeurs renommés et celles qui ne le pourront pas, faute de ressources financières suffisantes. Cette inégalité de moyens résultera de la capacité des établissements d'avoir accès, ou non, à des fonds passant dans leurs fondations et à la gestion de leur patrimoine immobilier.
Au final, quelle aberration ! Avec ce système, vous allez contre l'effort fait par les Français, génération après génération, pour disséminer l'implantation universitaire sur tout le territoire et féconder partout les capacités productives du pays par le savoir. Vous avez choisi une logique inverse, en favorisant la concentration sur quelques pôles uniquement, lesquels capteront tous les moyens.
Protestations sur les travées de l'UMP.
Mais comment vous y prenez-vous, mes chers collègues, pour faire accepter cette réalité, sans autre forme de procès ? Ici même, nombre de voix, ô combien éminentes, se sont élevées pour affirmer que l'université française ne vaut rien et que ses résultats sont « à la traîne de tout le monde » !
Comment pouvez-vous accepter le classement de Shanghai, alors que celui-ci n'intègre aucune des valeurs de service public et d'accueil auxquelles nous croyons tous ici, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégions ?
Mes chers collègues, savez-vous que ce classement n'intègre ni le CNRS, ni l'INRA, ni même l'ENSIA, l'école nationale supérieure des industries agricoles et alimentaires ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Sachez que l'index des publications scientifiques sur lequel s'appuie le classement des universités, dans lequel la France est si mal placée, est géré par une entreprise privée nord-américaine ! C'est moi qui vous l'apprends, et vous pourrez le vérifier !
Sourires
Dans ces conditions, comment expliquez-vous qu'étant à ce point en bas de l'échelle la France figure parmi les trois premiers pays au monde pour le nombre de scientifiques pour 100 000 habitants, et ce devant le Japon, l'Allemagne et les États-Unis ? Comment expliquez-vous de telles performances, sinon par la qualité de ce système que tant viennent décrier à cette tribune ?
Le perfectionner ? Oui ! Le détruire ? Non !
Mes chers collègues, nous n'avons rien à faire du marché ni de la concurrence dans l'éducation et dans l'enseignement supérieur !
Puisque vous affirmez que notre patrie est « à la remorque » pour ce qui concerne l'accueil des étudiants étrangers, comment expliquez-vous que 35 % des personnels du CNRS soient des professeurs étrangers ? Et que la participation des étudiants étrangers croisse dans les universités françaises tandis qu'elle stagne dans les universités américaines et anglaises ?
Souvenez-vous de tout cela avant de montrer du doigt la qualité du système universitaire français, car votre manière d'agir ne fait que transformer le Journal officiel de la République française en un recueil d'argumentaires critiques contre nos performances !
M. Jean-Luc Mélenchon. Madame la ministre, mes chers collègues, voilà donc présentées, en peu de temps, les raisons de mon désaccord. Personnellement, je crois au service public et à la logique qui a été la nôtre de dissémination du savoir et de développement du maillage universitaire dans notre pays. Comprenez-le, l'université française souffre non pas d'un manque de liberté, mais d'un manque d'égalité.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Madame le ministre, je n'aurai ni la fougue ni le talent de mon ami Jean-Luc Mélenchon pour défendre l'université comme il l'a fait.
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est grâce à notre université que l'on construit des Rafale !
Sourires
Si je n'interviendrai pas sur le fond de ce projet de loi, je tiens néanmoins à vous exposer un certain nombre d'éléments complémentaires, certes plus modestes, mais qui me paraissent tout de même dignes d'intérêt.
Ainsi faut-il, à mon sens, prendre conscience que la formation de nos jeunes par l'éducation nationale et les universités ne correspond pas aux résultats que nous serions en droit d'attendre.
En effet, en dehors des excellents résultats, dont il faut se réjouir, qu'obtiennent les élèves les plus doués, force est de constater que les moins doués subissent un nombre d'échecs trop important, et ce en raison d'une double erreur.
Première erreur, chaque année, 50 000 jeunes de seize ans arrêtent leurs études au sortir du collège, à l'issue de la classe de troisième, sans aucun horizon professionnel. Sous prétexte que l'obligation scolaire se termine à cet âge, ils ne sont plus redevables de rien.
Seconde erreur, chaque année, 140 000 jeunes échouent au baccalauréat ou arrêtent leurs études universitaires au bout d'un ou deux ans, par manque de motivation et de résultat. En sortant du système scolaire ou universitaire sans aucun espoir professionnel, ils se retrouvent dans une dangereuse inactivité.
Face à ce constat d'échec, que pouvons-nous faire ?
En réalité, il aurait fallu se préoccuper de ces jeunes bien avant, dès la classe de quatrième. Pour certains, en effet, la formation scolaire ne convient pas, et il faudrait les orienter immédiatement vers l'apprentissage d'un métier. De même, un certain nombre d'étudiants, après une année d'université, se sentent fourvoyés parce qu'ils n'ont pas choisi une formation leur plaisant.
Madame le ministre, vous le soulignez vous-même dans l'exposé des motifs de ce projet de loi, « l'échec endémique dès les premières années de licence est un fléau que nous devons affronter sans délai. » Certes, mais comment ?
À mon avis, mieux vaut orienter et mieux accompagner les étudiants pour leur permettre de trouver leur voie. Vous évoquez à juste titre une politique d'« orientation active », mais vos propositions ne sont pas suffisamment précises.
Plus grave encore est la situation des étudiants qui, ayant étudié à l'université et obtenu des diplômes, ne trouvent aucun débouché professionnel, à la suite, là encore, d'une mauvaise orientation.
Pour tous ces cas d'échecs, la raison dominante est la même : mauvaise orientation des études, d'un côté, mauvaise adaptation des enseignements à la capacité réelle des élèves et à leur motivation, de l'autre.
En définitive, personne n'a demandé à ces jeunes ce qui pouvait les intéresser et personne ne leur a proposé une formation adaptée à leurs besoins.
Madame le ministre, le moins que l'on puisse dire, c'est que l'ensemble des étudiants sont livrés à eux-mêmes, dans le plus grand des hasards, à l'image de ces automobilistes qui ont emprunté une voie sans savoir où elle va les mener.
Or, à l'instar du GPS utilisé par certains automobilistes pour se faire guider, pourquoi ne mettriez-vous pas à la disposition de chaque étudiant un logiciel spécifique, une sorte de « GPS d'orientation professionnelle », afin que ses études aboutissent à une activité professionnelle en rapport non seulement avec ses capacités et sa motivation, mais aussi avec les possibilités d'embauche ? Cela permettrait d'éviter l'hécatombe actuelle, dont la gravité est sans limite, surtout au regard des sommes très importantes dépensées pour l'éducation nationale et les universités.
Voilà donc une première proposition que je vous soumets.
Permettez-moi de vous en présenter une autre, qui m'a été indiquée par l'un de mes amis, lequel préside une importante université de la région parisienne. Il souhaite en effet que les présidents d'université soient élus à la fois par les représentants des enseignants-chercheurs et des étudiants, mais également par les personnalités extérieures à l'établissement membres du conseil.
Ne l'oublions pas, l'objet même de la formation des jeunes et des étudiants est de permettre à ces derniers, au bout de leurs études, de trouver un emploi et d'entrer dans la vie active.
Cela nécessite d'assurer au minimum un rapprochement entre les entreprises et les universités et, au mieux, une véritable coopération. Entreprises et universités devraient travailler main dans la main, au lieu de s'ignorer et de s'opposer.
Au fond, que ce soit dans les classes primaires et secondaires ou à l'université, qu'apprennent les jeunes de la vie économique dans les entreprises ? Que savent-ils des salariés, des clients, des actionnaires, des règles de la concurrence et des métiers qu'ils pourraient un jour assumer ?
À cet égard, d'excellentes mesures pourraient être prises. Nombre de chefs d'entreprise sont en effet capables sinon d'enseigner, du moins de faire des conférences dans les écoles et les universités pour décrire la vie réelle des entreprises, faire état de leurs expériences et servir ainsi d'exemples.
Nous oublions trop souvent que la finalité de la vie étudiante est non pas d'accumuler les diplômes, mais bien de participer un jour à la vie économique dans des entreprises qui créent des emplois et assurent la croissance, plutôt que dans les administrations, lesquelles consomment le budget de l'État et ne créent aucune richesse.
Voilà, madame le ministre, mes chers collègues, quelques idées simples que je me suis permis de vous soumettre. À mes yeux, le « GPS d'orientation professionnelle », l'élection des présidents d'université par l'ensemble du conseil et le rapprochement entre l'université et les entreprises représenteraient des avancées importantes.
Je voterai bien évidemment ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux.
Monsieur le président, je souhaiterais que nous puissions reprendre la séance à vingt-deux heures. En effet, la commission des affaires culturelles doit se réunir à vingt heures pour commencer l'examen des amendements déposés sur ce texte. Nous nous réunirons d'ailleurs à nouveau demain matin avant la séance, à partir de neuf heures, pour poursuivre cet examen.
Le Sénat va bien sûr accéder à cette demande, monsieur le président de la commission ; nous reprendrons donc nos travaux à vingt-deux heures.
Je rappelle que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Simon Sutour membre de la commission consultative des archives audiovisuelles de la justice.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Philippe Richert.