Madame la ministre, contrairement à ce que vous pouvez penser, je n'exagère en rien. Si j'affirme qu'à ce rythme nous n'aurons ni le flacon ni l'ivresse, c'est parce que, même si nous nous contentons d'un texte édulcoré sur la gouvernance, celui-ci reste déséquilibré.
La question est non pas d'être pour ou contre l'autonomie ? nous y sommes tous favorables ?, mais de définir quel type d'autonomie nous voulons, dans quel cadre et pour quoi faire.
Naturellement, nous souhaitons responsabiliser davantage les présidents d'université, mais c'est à condition qu'il y ait des contreparties : nous pouvons leur offrir un certain nombre de pouvoirs, mais des contre-pouvoirs doivent être prévus.
Par exemple, si l'on souhaite accorder aux présidents d'université un droit de veto sur toutes les affectations dans leur établissement, il est nécessaire, nous semble-t-il, qu'un système de contrôle des affectations soit mis en place. Il ne s'agirait que d'un avis, mais cette procédure présenterait l'avantage de rendre publiques les affectations et, ainsi, d'éviter toute décision discrétionnaire.
Trois contreparties, au moins, doivent accompagner la plus grande responsabilisation des présidents d'université : plus de démocratie interne, un renforcement de l'évaluation interne ? il faut que le président rende des comptes sur l'exécution du contrat d'établissement ? et un renforcement du contrôle a posteriori exercé par l'État.
Mais il existe un autre déséquilibre dangereux. Si, en matière de recrutement, notre système peut avoir besoin de plus de souplesse, cela concerne surtout les « hautes pointures », c'est-à-dire les chercheurs étrangers reconnus, soit un nombre de personnes limité. Aussi est-il primordial, dans ce texte, de ne pas faire l'amalgame entre les recrutements temporaires « hors normes » ou « de luxe », oserai-je dire, c'est-à-dire ceux qui sont réalisés selon des procédures spécifiques, et les recrutements définitifs.
Or le recrutement de contractuels visé à l'article 16 du présent projet de loi risque d'entraîner un déséquilibre entre les corps et un nivellement par le bas des recrutements. De plus, comme le relève la conférence permanente du Conseil national des universités, ces procédures de recrutement « portent atteinte au principe de recrutement par concours, de la collégialité et au principe constitutionnel d'indépendance des professeurs d'université ». Mes chers collègues, nous reviendrons longuement sur cette question, qui est essentielle pour nous.
Je laisse à mes collègues le soin de développer les autres enjeux que recèle ce texte.
Madame la ministre, ce texte aurait dû être non pas votre premier chantier, mais bien le dernier. Il aurait dû constituer l'aboutissement des réflexions sur les dispositifs à mettre en place pour lutter contre l'échec en premier cycle et pour la démocratisation, pour favoriser l'orientation et le suivi des étudiants.
Cela aurait eu du sens.
En effet, la première urgence d'une politique volontariste de l'enseignement supérieur, c'est la lutte contre l'échec scolaire, véritable gâchis humain et économique ! Nous aurons l'occasion d'y revenir, madame la ministre, car nous vous proposerons un amendement sur ce sujet afin d'ouvrir la discussion sur l'un des enjeux que votre texte élude.
Madame la ministre, l'ennemi de l'enseignement supérieur et de la recherche, c'est la précarité. Hélas ! votre texte et, derrière lui, votre gouvernement semblent l'ignorer.
Pour conclure, je réaffirme que nous sommes favorables à une réforme de l'université et que nous voulons participer de façon constructive à l'amélioration de l'enseignement supérieur et de la recherche. Aussi, loin de rejeter l'autonomie des universités que prévoit ce projet de loi, nous, sénateurs socialistes, déterminerons le sens de notre vote en fonction de la volonté de dialogue dont témoignera le Gouvernement.
Nous entendons obtenir des garanties concernant des points majeurs, comme la prise en compte de la réalité et de la diversité des coûts supportés par chaque université et, surtout, les dispositions ayant trait aux statuts des personnels, c'est-à-dire l'article 16. Cet article, je l'ai déjà dit, nous pose un réel problème : les procédures de recrutement qui y sont envisagées conduiront les universités à affronter des pressions politiques et économiques encourageant localisme, cooptation et mandarinat. Cela n'est pas pensable, cet article doit donc être corrigé.