C'est la raison pour laquelle je crois nécessaire la mise en place d'un système d'orientation active pour les étudiants qui connaissent aujourd'hui une sélection par l'échec. La volonté de renforcer considérablement la politique et les instruments d'orientation professionnelle se traduit par l'instauration d'une procédure de préinscription des étudiants pour l'accès à l'université. Elle leur permettra de bénéficier du dispositif d'information et d'orientation dudit établissement. Il est en effet indispensable d'informer les étudiants des débouchés professionnels, du type d'études, du nombre de postes, auxquels les conduisent les filières qu'ils choisissent.
Néanmoins, madame la ministre, je souhaiterais que vous nous expliquiez en quoi consiste cette procédure et en quoi elle permet de mieux orienter les étudiants, afin de rassurer ceux qui pourraient y voir une sélection déguisée. Cette politique d'orientation active proposée dès le lycée devra être un élément central du futur texte sur la lutte contre l'échec dans le premier cycle universitaire, qui est une urgence.
Le semestre d'orientation existe déjà à l'université : il vise à permettre à des étudiants de « bifurquer » quand ils se rendent compte qu'ils se sont trompés de filière ou de voie professionnelle. Il faut aller plus loin. Pourquoi ne pas envisager la terminale comme une classe préparatoire à l'enseignement supérieur, une sorte de propédeutique, c'est-à-dire une année de passage vers l'autonomie dans les études et la découverte du travail personnel ? Pourquoi ne pas s'inspirer du modèle américain où les étudiants suivent un enseignement généraliste au cours des deux premières années avant de se diriger vers les domaines pour lesquels ils démontrent une aptitude particulière ? Ce sont là quelques pistes de réflexion.
Il faut aussi considérer l'accompagnement des étudiants en première année, qui est la plus difficile. L'université manque de tuteurs, d'aides-bibliothécaires, de répétiteurs, de moniteurs, d'accompagnateurs ; tous ces services pourraient être assurés par des étudiants plus âgés. Ces soutiens rendraient également plus accueillante l'université et amélioreraient la qualité de vie sur les campus. Je note avec satisfaction que l'article 18 du projet de loi va dans ce sens en prévoyant le recrutement d'étudiants par le président précisément pour assurer ces services.
Je terminerai par le plus important, les moyens financiers. Le Président de la République s'est engagé sur une augmentation des moyens pour l'enseignement supérieur de cinq milliards d'euros sur cinq ans. C'est un engagement déjà important, même s'il ne représente pas une augmentation de 50 %, puisque le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche est de vingt milliards d'euros.
L'effort de rattrapage que nous avons à accomplir est énorme.
Vous nous l'avez rappelé, madame la ministre, notre pays investit moins que ses concurrents dans l'enseignement supérieur : il dépense moins pour un étudiant que pour un lycéen, et presque moitié moins pour un élève de classe préparatoire. Ces chiffres placent la France au quinzième rang sur vingt-trois au sein de l'OCDE.
Ce sous-investissement chronique dans l'enseignement supérieur conduit à la misère des universités françaises ? bâtiments dégradés, locaux fermés, installations sportives vétustes, services administratifs indigents, bibliothèques insuffisantes ? et aux résultats que révèlent les classements internationaux, si critiquables soient-ils.
Nous pensons qu'il serait intéressant de mettre en oeuvre un pacte d'investissement pour l'enseignement supérieur sur dix ans engageant l'ensemble des partenaires responsables, afin de porter l'investissement, par étudiant, au niveau de la moyenne des pays les plus performants de l'OCDE, ce qui signifie un objectif de doublement en dix ans. Cela sera nécessaire eu égard à la stratégie de Lisbonne, qui a notamment retenu l'objectif suivant : l'accès de 50 % d'une classe d'âge au niveau de la licence en 2010, alors que, je le disais en commençant, nous en sommes seulement aujourd'hui à 37 %.
Engager les universités sur la voie de l'autonomie, c'est aussi leur donner la possibilité d'accroître leurs ressources propres, ce qui est indispensable. À cet égard, les dispositions relatives aux fondations que vous proposez vont dans le bon sens, madame la ministre. Je tiens à ajouter que la réflexion sur les frais d'inscription des étudiants ne doit pas être taboue mais doit être engagée en complément d'une véritable refonte du système des bourses et des aides sociales étudiantes. On sait bien aujourd'hui que la gratuité pour tous est, en réalité, le plus souvent un cadeau fait aux riches. Nombre d'études le montrent.
Cet investissement massif sera en tout cas nécessaire si nous voulons entreprendre la revalorisation des carrières enseignantes et des jeunes chercheurs. Le projet de loi fait un premier pas dans cette direction en prévoyant un système de primes et des dispositifs d'intéressement. Ces dispositifs doivent permettre de conserver les chercheurs les plus brillants et d'attirer les enseignants-chercheurs étrangers dans nos universités françaises.
Par ailleurs, il est important de réfléchir à la répartition des obligations de service des enseignants-chercheurs entre les activités d'enseignement, de recherche et les tâches notamment administratives pour permettre aux jeunes docteurs de se consacrer pleinement à leurs activités de recherche.
Aux termes du projet de loi, le conseil d'administration pourra mieux répartir ces obligations. Mais ce ne sera pas suffisant : il faut réfléchir plus globalement à la place de la recherche et de l'enseignement supérieur dans notre société. Les doctorants, les enseignants-chercheurs, les chercheurs des grands organismes sont mal rémunérés en comparaison de leurs collègues américains ou européens. Un récent article a montré les difficultés auxquelles sont confrontées les universités françaises pour attirer vers elles et pour s'attacher les meilleurs d'entre eux, faute de rémunérations suffisantes.
Il s'agit donc de rendre plus attractives les carrières universitaires en améliorant les conditions de travail et en repensant les carrières enseignantes.
Il s'agit aussi de faire en sorte de valoriser les activités de recherche en France, par exemple, en reconnaissant que l'université et les grades les plus élevés qu'elle délivre sont aussi des voies de formation des élites dirigeantes de notre pays.
Dans les autres pays occidentaux, l'université et la recherche sont considérées comme la voie normale de sélection et de formation des futurs responsables de la nation.
Autant dire, madame la ministre, que nous sommes impatients de travailler avec vous dès l'automne prochain pour élaborer les textes de loi qui concrétiseront l'ensemble des chantiers que vous avez ouverts.
Nous serons aussi, comme nous l'avons dit, très attentifs à la traduction des engagements budgétaires du Président de la République dès la discussion du projet de loi de finances pour 2008. On ne saurait trop le répéter : sans cet engagement financier massif, la réforme de la gouvernance et de l'autonomie des universités ne servirait pas à grand-chose.