Le Sénat a toujours défendu les libertés publiques. L'état d'urgence a fourni un cadre juridique déterminé sous le contrôle du juge ; mais nous venons de donner beaucoup de pouvoirs aux autorités judiciaire et administrative.
Concernant les services de renseignement, la commission d'enquête de l'Assemblée nationale vient de déposer ses conclusions. Sur le fond, elle demande peu de changements législatifs. Tout en demandant la levée de l'état d'urgence, insistons sur l'application de la loi qui donne de vrais pouvoirs à l'autorité administrative. L'état d'urgence a été très utile, il ne l'est plus. Le supprimer n'est pas désarmer l'État, ni la justice.
Le double meurtre des Yvelines nous a tous bouleversés ; mais nous aurons toujours des cas similaires. Lorsque j'étais garde des Sceaux, c'était ma hantise. On ne peut rien faire contre un condamné qui a purgé sa peine et payé sa dette à la société. Le risque de récidive est toujours là. Ne jetons pas pour autant la justice au panier... Un État démocratique ne peut pas avoir les mêmes moyens répressifs qu'un État policier. C'est la grandeur de la démocratie. J'entends l'incompréhension des gens, que j'ai pu constater lorsque j'étais aux responsabilités, mais nous ne pouvons tout de même pas créer des camps de détention.
En revanche, il convient de mieux former les services pénitentiaires d'insertion et de probation (Spip). Ils ne bénéficient d'une formation spécifique depuis huit ans : auparavant, la fonction était assurée par des assistantes sociales. Le suivi des condamnés s'impose, à travers de rendez-vous réguliers notamment. C'est cette partie de la justice qu'il convient de renforcer.
Je suis très favorable à la présence de jurés dans les tribunaux correctionnels. Contrairement aux idées reçues, ils sont généralement moins sévères que les magistrats professionnels, car plus susceptibles de trouver des circonstances atténuantes aux condamnés. Une telle mesure aiderait nos concitoyens à supporter la justice - au sens footballistique ! Car la justice est rendue au nom du peuple français, mais elle ne voit pas le peuple, et le peuple ne la voit pas. Je n'ignore pas mon isolement sur cette question, mais mieux vaut avoir raison seul que tort avec les autres !